Libye : guerre civile ou scénario à l’égyptienne ? - France

/20140530-libye-guerre-civile-scenario-e

  • #Libye : guerre civile ou scénario à l’égyptienne ? - RFI
    http://www.rfi.fr/mfi/20140530-libye-guerre-civile-scenario-egyptienne-khalifa-haftar-benghazi-tripoli

    Peut-on qualifier de coup d’Etat cette irruption politico-militaire du général Haftar ?

    Pour l’instant, le général s’en défend. Il affirme vouloir combattre des milices comme « la brigade des Martyrs du 17 février » [1] et Ansar al-Charia, toutes deux considérées comme proches d’al-Qaïda. Il a reçu plusieurs soutiens de poids, notamment certaines unités d’élites de Benghazi, de Tobrouk, ainsi qu’une partie de l’état-major de l’armée régulière à Tripoli. D’autres brigades très puissantes de la région de Tripoli, comme celle de Zintane, approuvent son action. Tout se passe comme si le général escomptait rallier sous sa bannière suffisamment de groupes armés pour ne pas avoir à combattre les autres mais à les neutraliser. Il se défend de toute ambition politique mais d’une part, il agit en dehors de tout mandat officiel et d’autre part, son action sape l’autorité des institutions. Par ailleurs, en prenant position contre le Congrès général national, l’ex retraité de l’armée a fait irruption dans le champ politique sans que nul ne puisse prédire où s’arrêtera cette irruption. Le général veut-il se rendre incontournable dans la désignation des futures autorités politiques ? Se rêve-t-il en maréchal Sissi version libyenne ? Ce qui est certain, c’est que l’activisme du général Haftar entraîne de plus en plus de résistance. Le Congrès général national est désormais en mesure de compter sur la brigade de Misrata [2], qui est arrivée à Tripoli dans l’objectif avoué de protéger les parlementaires contre toute action de force. A Benghazi, Ansar al-Charia et la brigade des Martyrs du 17 février ont juré de combattre le Garibaldi de la Cyrénaïque et s’organisent en ce sens.

    Quelle est la position de la France et des Etats-Unis envers le général Haftar ?
    La position des grandes puissances est assez ambigüe. On sait que le général Haftar est proche des Américains puisque, dans les années 1990, il a été récupéré par la CIA dans le but de déstabiliser Kadhafi. Aujourd’hui, le département d’Etat, c’est-à-dire le ministère américain des Affaires étrangères, affirme ni ne soutenir ni n’approuver les actions d’Haftar, et dément lui apporter assistance. Mais l’ambassadrice américaine en Libye, Deborah Jones, a clairement affirmé la semaine dernière qu’elle ne voulait pas condamner un homme qui se bat, a-t-elle expliqué, contre ceux qui ont attaqué la représentation diplomatique américaine à Benghazi en 2012. Du coté français, on a vu Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, recevoir Mahmoud Jibril, l’ancien Premier ministre qui soutient ouvertement Haftar. En fait, Paris et Washington redoutent de voir la Libye devenir un sanctuaire des mouvements djihadistes, ce qui déstabiliserait tout le Sahel et représenterait une menace pour les régimes des pays environnants. On peut donc voir derrière cette complaisance affichée envers le général Haftar un encouragement qui ne dit pas son nom. Paris et Washington rêvent-il d’un scénario à l’Egyptienne pour la Libye ? Ce qui est certain c’est que la profusion et la puissance des groupes armés rendent extrêmement compliquée l’émergence d’un chef militaire en Libye. Plus dangereux, la polarisation actuelle entre les islamistes d’un côté et les laïcs de l’autres fait aussi craindre un embrasement généralisé.

    [1] http://www.bbc.com/news/world-middle-east-19744533

    The 17 February Martyrs Brigade is very well armed
    Based in the eastern city of Benghazi, this brigade is thought to be the biggest and best armed militia in eastern Libya. Islamist in outlook, it is funded by the Defence Ministry and is thought to consist of about 12 battalions equipped with light and heavy weapons.

    [2] http://www.bbc.com/news/world-middle-east-19744533

    Misrata Brigades
    In the immediate aftermath of Gaddafi’s toppling, more than 200 militias, or “revolutionary brigades”, were registered with the Misratan Union of Revolutionaries, comprising about 40,000 members. In addition, there are between six and nine “unregulated brigades”. All these brigades are thought to control a large number of tanks - some estimates put this as high as more than 800 - dozens of heavy artillery pieces, and at least 2,000 vehicles mounted with machine guns and anti-aircraft weapons.

    Although based in the central city of Misrata, many of the brigades are deployed elsewhere in the centre and west of Libya.