Salaire contre le travail ménager (Silvia Federici)

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  • Salaire contre le travail ménager (Silvia Federici)
    https://paris-luttes.info/salaire-contre-le-travail-menager

    Où que nous allions, nous pouvons constater que les emplois féminins ne sont en général que des extensions de nos travaux ménagers. Non seulement nous devenons toutes des serveuses, des institutrices, des secrétaires, des infirmières — toutes les 
fonctions pour lesquelles nous avons été formées au foyer ! - mais
 encore nous nous retrouvons dans la même situation que celle qui bloque notre lutte dans la maison : l’isolement, le fait que la vie d’autres personnes dépende de nous, l’impossibilité de voir quand commence et quand finit notre travail, où il s’arrête et où commence notre désir. Est-ce que porter le café au patron et le consoler de ses problèmes matrimoniaux est un travail de secrétaire ou une faveur personnelle ?

  • Le salaire contre le travail ménager (Silvia Federici) - Paris-luttes.info
    http://paris-luttes.info/salaire-contre-le-travail-menager

    Le texte de Federici revient sur les causes et les stratégies du mouvement féministe international autour de la perspective du #salaire contre le travail ménager dans les années 70.

    Le texte de Silvia Federici (auteure de « Caliban et la sorcière », à paraître en juin 2014 chez Entremonde et Senonevero) « Wages against Housework » paraît en 1975 et en 1977 dans sa traduction française dans un ouvrage collectif « Le foyer de l’insurrection, Textes pour le salaire sur le travail ménager » édité par le collectif féministe l’Insoumise de Genève. Ce livre collectif rassemble uniquement des textes autour de la perspective du salaire contre le travail ménager à propos des luttes importantes sur cette perspective en Italie, en France, en Angleterre, aux USA, et au Canada.

    Il n’y a que peu de traces et encore moins de discussions présentement sur l’histoire de ce mouvement, qui s’appuyait notamment sur le livre de Mariarosa Dalla Costa et Selma James « Pouvoir des femmes et subversion sociale » (livre épuisé dans sa traduction française dont on peut lire un extrait dans les archives de la revue Camarades sur archives autonomie) [1].

    (…) Comme Federici le montrera ensuite avec son livre « Caliban et la sorcière », le capitalisme n’exploite pas seulement la force de travail quand elle est à l’usine ou sur tout lieu de « travail » mais aussi tout une part de travail non payé, non reconnu, principalement assuré par les femmes dans les tâches ménagères et la reproduction.

    Les mots de la conclusion du « foyer de l’insurrection » sont suffisamment clairs :

    Contrairement à une partie du mouvement féministe, nous n’avons pas peur de ces propositions gouvernementales, catholiques, sociales-démocrates et réformistes. nous n’avons pas peur d’être « renvoyées à nos casseroles » : les avions-nous jamais quittées ? et qui faisait le ménage avant la crise ? Ce ne sont pas les quelques miettes que l’État nous allouerait qui vont nous empêcher de lutter. Au contraire, quand on goûte à ce gateau-là, on y prend goût et on en veut toujours plus !
    S’opposer à tout le système sur la ligne du « droit au travail », c’est sans avenir
    . Cette ligne découle du mépris de soi-même, mépris qui nous a été soigneusement inculqué dès l’enfance. L’image de la ménagère aliénée, obsessionnelle, dont l’horizon est « limité à ses casseroles », incapable de lutter, c’est la seule image que la gauche ait jamais propagée, l’opposant à l’image-modèle de la femme travailleuse.
    Les comportements de la masse des femmes, souvent interprétés par la gauche bien-pensante comme « l’aliénation », sont des comportements de révolte et de refus. Ce sont aussi des comportements heureux et positifs d’appropriation, tels que vols individuels ou collectifs dans les magasins. Parfois, ces comportements sont destructeurs, faute de pouvoir être autre chose, comme la grève du travail ménager qui, pratiquée dans l’isolement, conduit des milliers de #femmes à l’asile psychiatrique, en prison, au suicide et à l’infanticide. Nier ce #refus massif de la part des femmes, c’est les renvoyer à leur isolement, à leur désespoir. Continuer de propager l’image de la « femme travailleuse » opposée à celle de la « ménagère », c’est continuer de propager une des plus graves erreurs du mouvement ouvrier : celle de ne pas avoir impliqué toute la famille dans la lutte.
    Renoncer à prendre un rôle dirigeant dans le mouvement révolutionnaire, en tant que femmes, c’est accepter la défaite, la mort et la soumission comme destin collectif des femmes.
    Nous osons réclamer autre chose que du travail et revendiquer que toutes ces heures de travail gratis que nous faisons au ménager soient rétribuées, et avec effet rétroactif. C’est par le travail des femmes que le monde tient debout. Nous n’avons pas à « prendre conscience de notre oppression », mais de notre #pouvoir. Osons l’utiliser pour attaquer le #capital.
    Laissons les planificateurs planifier. Laissons le capital régler ses problèmes de capital, ses problèmes entre les différentes caisses, la publique et les privées. Mais l’argent qui se trouve dans les caisses de l’État, des patrons et des banques, il est à nous. Donnons-nous les moyens de les vider ! Déjà des milliers de femmes se prennent des choses individuellement - dans les grands magasins par exemple - ou collectivement - c’est toutes les petites luttes que nous faisons dans une crèche, contre une hausse de loyer, pour un centre femmes, etc...
    La revendication du salaire pour le travail ménager pourrait être un moyen pour concentrer notre révolte, un moyen pour s’organiser, pour sortir de notre isolement, pour donner une dimension collective, sociale, internationale à notre lutte.

    Genève, 1977.