La foire aux fiefs, par François Cusset (Le Monde diplomatique)

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  • Alors que l’actualité française porte ces derniers jours sur la réforme des #régions ou #réforme_territoriale, lire…

    Démocratie : le « pouvoir régional », enjeu d’une nouvelle lutte des classes, par Robert Lafont (avril 1971)
    http://www.monde-diplomatique.fr/1971/04/LAFONT/30185

    On a beaucoup abusé de l’argument d’un Etat centralisé progressiste. Progressiste, il n’a pu l’être qu’en un sens de bourgeoisie historiquement libératrice. Le prolétariat n’ayant jamais été au pouvoir que par quelques alliances gouvernementales vite brisées (1936, 1945) n’a jamais pu utiliser l’efficacité de l’appareil d’Etat. Il l’a toujours subie. Quant à la paysannerie, anesthésiée politiquement par les « partis d’ordre », elle a servi sa propre destructuration par le capitalisme.

    Ces réflexions prennent une importance nouvelle aujourd’hui que commence à se répandre l’interprétation du malaise régional comme une situation de type colonial. On comprend de plus en plus que la classe capitaliste et l’Etat centralisé ont ensemble enfermé dans une sujétion économique profonde des portions entières du territoire, et spécialement les portions excentriques, celles mêmes qui présentent une originalité historique et ethnique.

    Dès lors le « pouvoir régional » apparaît comme le moyen d’une #décolonisation. On sait bien qu’il a été ainsi présenté à l’opinion depuis six ans. Autre pression d’histoire sur la régionalisation, qui en dénonce le caractère illusoire ou trompeur...

    Mais comment décoloniser ? Poser cette question, c’est révéler l’ambiguïté vraiment fondamentale d’un vocabulaire commun à tous les régionalistes de cette heure, que les combattants du parti centralisateur voudraient bien englober dans la même condamnation.

    cc @pguilli

    • La foire aux fiefs, par François Cusset (mai 2007)
      http://www.monde-diplomatique.fr/2007/05/CUSSET/14735

      En ce sens, la décentralisation a creusé une « fracture provinciale ». Car c’est bien là une conséquence, en partie involontaire, du train de mesures des deux septennats Mitterrand – les vingt-six lois et deux cent cinquante décrets de décentralisation passés entre 1981 et 1984 –, lequel constituait aussi son projet le plus sincèrement démocratique.

      La réforme avait pour objectif de « décoloniser la province », selon le mot fort de M. Michel Rocard. Elle fit surtout de chaque entité territoriale, qui somnolait jusqu’alors sous la tutelle lointaine des fonctionnaires d’Etat, un acteur économique à part entière, l’incitant à gérer ses ressources et à promouvoir sa valeur ajoutée. Comme une #entreprise.