Féminisme et lutte contre la misère
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J’ai toujours souhaité dialoguer avec d’autres sur le placement des enfants des milieux très pauvres pour des raisons sociales et économiques en France comme une question féministe. Mais je ne trouvais pas les outils dans les milieux féministes et à l’université pour pouvoir penser le placement involontaire pour raisons sociales et économiques des enfants des milieux très pauvres comme une violence imposée à des femmes. Il m’a donc fallu faire une pause dans mon féminisme essentiellement formé à partir des expériences des femmes blanches de la classe moyenne en France, et il m’a fallu faire une pause dans ma méthode de recherche en sociologie, essentiellement basée sur les savoirs actuellement autorisés en France, le point de vue des groupes privilégiés. Cette pause était nécessaire pour apprendre et réapprendre des femmes qui vivent cette forme de violence et de contrôle sur leur vie. J’ai donc avec beaucoup d’intérêt participé à la production d’une synthèse1 à partir de monographies, produites par le mouvement ATD Quart Monde, sur cette question : qu’est-ce que le point de vue des femmes qui luttent au quotidien contre les violences de la misère, m’apprend sur l’articulation entre les inégalités de genre et les violences de l’extrême pauvreté ?
Il n’existe pas de groupe homogène de « femmes très pauvres ». Au contraire, la perspective d’ATD Quart Monde repose sur la conviction qu’il faut partir de la complexité et de la richesse de l’expérience personnelle qui constitue le quotidien des plus pauvres et la base d’une connaissance commune. Jusqu’à ce jour, les écrits du mouvement ATD Quart Monde développent des outils pour penser l’articulation entre le genre et l’extrême pauvreté, mais il faut constater que cette pensée n’influence pas les groupes féministes actuels, et il faut reconnaître que cette absence constitue une violence faite à la pensée des femmes des milieux les plus pauvres. Cette synthèse exprime ce que, en tant que féministe et universitaire, j’ai appris et compris de l’expérience et de la connaissance des femmes vivant l’extrême pauvreté.