Comme à la télé. | Juste après dresseuse d’ours

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  • Comme à la télé (Juste après dresseuse d’ours)
    http://www.jaddo.fr/2011/07/24/comme-a-la-tele

    C’est là que j’avais vu la fille qui bouffait des fourchettes et qui en était à sa 32e opération, c’est là que j’avais eu mon premier corps étranger rectal. Un gamin de 16 ans, qui était arrivé aux urgences avec ses parents et sa brosse à dents coincée dans les fesses, qui m’avait dit en regardant le sol « Vous en voyez souvent des crétins comme moi ? ». « Tous les jours », j’avais menti. J’imaginais ces longues, longues minutes de solitude entre le moment où il s’était dit « C’est coincé » et le moment où il s’était résigné à se dire « Faut que j’en parle aux parents ». Le radiologue avait tiré plusieurs clichés, comme toujours, et les internes et les externes se les étaient partagés en rigolant, et j’avais même pas réclamé le mien, même si bien sûr j’avais ricané comme les autres.
    C’est là qu’on regardait les radios en faisant la blague « Mmmm c’est cassé » . C’est là que j’ai demandé à un patient énucléé s’il permettait que je jette un œil. C’est là qu’il y avait la salle de repos avec les inscriptions sur les murs, les canapés défoncés et l’odeur de clope froide qui s’échappait jusque dans le couloir des patients. C’est là qu’il n’y avait pas de chambre pour l’externe de garde, et où j’avais passé quelques bouts de nuit dans le box gynéco, sur le lit avec les étriers. C’est là qu’on bossait en pyjama de bloc comme dans les séries télé, et qu’on se changeait dans les toilettes parce qu’on n’avait nulle part ailleurs où se changer. C’était le paradis de Ginette.