Le racket de la dette

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    • Si tu lis ça, évidemment, l’idée que Saad Hariri et Riad Salamé soient capables de résoudre quoi que ce soit est sans doute la meilleure blague libanaise que je connaisse.

  • – Ce que nombre de Libanais refusent de discuter, mais que la punition de la Grèce démontre clairement : la dette peut devenir quasi instantanément la plus puissante arme contre la souveraineté d’un pays.
    – Dans notre monde orwellien, il est totalement logique que le politicien qui est l’artisan principal de la dette libanaise – Fouad Siniora – soit qualifié de « chef du camp souverainiste au Liban » par l’ensemble des médias occidentaux et par ses propres alliés.
    – Est-ce que le seul élément de résistance à l’influence politique des « créanciers » d’un pays aussi endetté que le Liban n’est pas, justement, la présence de sa résistance armée ?
    – Il ne semble donc pas fortuit que celui est a façonné la dette libanaise, et se prétend « souveraniste », est en même temps le chef du camp hostile à la Résistance armée du Hezbollah (de manière monomaniaque).

    Sur la dette libanaise, à nouveau, mon vieil article de 2007 : Le racket de la dette
    http://tokborni.blogspot.com/2007/01/les-racket-de-la-dette.html

    Oui je radote (ici en 2013) :
    http://seenthis.net/messages/120352

    • Sur la question de la dette publique et souveraineté, rappelons par exemple que la dette publique de la Syrie s’établissait autour de 30% du PIB avant la guerre. (Les mêmes « souverainistes » libanais s’étranglent désormais contre la dépendance de la Syrie à l’Iran…)

  • Les menaces à peine voilées des pétromonarchies contre le Liban
    http://www.al-monitor.com/pulse/politics/2013/03/lebanon-gulf-relations.html

    According to the same observers, those words meant that “these states had gone beyond feeling resentment, to tacitly warn of possible security-related consequences brought about by the incomplete compliance with the Baabda Declaration. There is a major question mark over the letter’s mention of the Lebanese people’s interests and safety; for everyone knows that there are close to 600,000 Lebanese who work in the Gulf states, and whose fate might be at risk if there were a breach in Lebanon’s neutrality in relation to its Arab milieu and more specifically to the Syrian crisis.”

    A source knowledgeable about the letter described it as “unprecedented,” further adding that it “was brought about by the Gulf states’ feeling of resentment toward Lebanon’s stance vis-à-vis the events taking place in a number of Arab countries. Some positions espoused by [Lebanese] politicians had very negative repercussions and jeopardized the livelihoods of peaceful Lebanese working abroad in a manner that reversed the previously held perception that they were a peaceful and open people who only harbored goodwill towards their brothers.”

    En réalité, ça fait des années que les ressortissants libanais (principalement chiites) subissent expulsions et vexations dans le Golfe, que les pétromonarchies organisent le boycott du tourisme au Liban.

    Accessoirement, cela pose la question de l’économie de la dette instaurée par Rafic Hariri, et le poids politique de la dépendance du Liban à ses créanciers.

    • as tu des informations sur la détention de la dette par les Arabes du Golfe et leurs banques ? Je me souviens d’un billet de ton blog sur l’économie politique de la dette au Liban où tu citais Charbel Nahas, mais c’était plutôt au profit des banques libanaises et donc de l’élite financière locale (notamment Hariri et sa clique).
      Nidal, 2007, Le racket de la dette, Loubnan ya Loubnan : 30 janvier 2007, < http://tokborni.blogspot.com/2007/01/les-racket-de-la-dette.html > (consultation le 9 août 2011)

    • Oui, je pensais aussi que ma tournure n’était pas claire, puisque la dette est largement détenue localement (et de plus en plus sur les marchés internationaux).

      En fait, la logique que je voulais suggérer est plus longue (d’où le fait que je l’ai coupée) : l’économie de la dette fait qu’il y a une très faible économie « réelle » au Liban, une classe moyenne très faible, dont les enfants s’expatrient. L’économie du Liban dépend donc lourdement de facteurs qui marquent sa dépendance :
      – système bancaire et ses limites (opacité, mais qui recule sous les pressions internationales), présence de fonds arabes (on me dit souvent que l’argent de la manne pétrolière a disparu dès les débuts de la guerre civile et n’est pas réellement revenue),
      – tourisme des arabes du Golfe, qui boycottent officieusement le Liban depuis la défaite du gouvernement Hariri,
      – argent des expatriés, et notamment une grande part de l’« élite » économique libanaise est constituée d’expatriés qui passent beaucoup de temps dans le Golfe ; il y a certes des expatriés dans le monde entier, mais ceux du Golfe restent une sorte d’élite locale (ils n’ont pas totalement émigré, ils font des allers-retours, leurs familles restent souvent au Liban…).

      C’est cette logique d’économie de la rente, d’absence d’industries fortes, largement des conséquences de l’économie de la dette (article que tu cites) qui rendent le pays dépend des dépôts bancaires, du tourisme arabe et des expatriés du Golfe. Les deux derniers éléments sont clairement menacés régulièrement depuis quelques années.

      Mais il reste une dépendance politique directe : ce sont les grands rounds internationaux destinés à « sauver le Liban » plombé par sa dette. Et là, la dépendance à la bonne volonté des pétromonarchies est absolument énorme. Autant un gouvernement Saniora/Hariri pouvait obtenir des dons et prêts avantageux des arabes soutenus par les Américains, autant un gouvernement Mikati/Hezbollah ne peut certainement pas espérer renégocier grand chose lors d’une grande conférence internationale.

    • merci de ces précisions. Tout à fait OK bien sûr le poids des Arabes du Golfe dans le soutien financier au Liban dans la décennie 2000. Je l’avais illustré ici :


      un bail out aujourd’hui serait très difficile à organiser... même si la dette par rapport au PIB a tendance à diminuer (136% aux dernières nouvelles / 158% au maximum je pense).
      Je serai intéressé de savoir d’où ils tirent ce chiffre de 600.000 Libanais dans le Golfe. Pas absurde mais en même temps élevé (15% de 4 M de résidents supposés).

  • Le Figaro se sent un peu obligé d’évoquer la conférence conjointe donnée par le ministre des Télécommunications du Liban, Charbel Nahas, et le député du Hezbollah Hassan Fadlallah. Sibylle Rizk s’y colle, avec les approximations d’usage.
    http://www.lefigaro.fr/international/2010/11/24/01003-20101124ARTFIG00738-israel-accuse-d-infiltrer-le-reseau-libanais-de-t

    « Israël aurait infiltré le réseau de téléphonie mobile libanais au point d’être en mesure d’attribuer à des membres du Hezbollah des communications imaginaires. C’est en tout cas l’accusation qui a été formulée mardi par Hassan Fadlallah, un député du parti chiite qui préside la commission parlementaire des télécoms, ainsi que par Charbel Nahas, ministre des Télécommunications et représentant d’un parti allié du Hezbollah. Une plainte en ce sens a été adressée par le Liban à l’ONU. »

    D’abord, le réseau d’agents israéliens (des libanais espionnant pour d’Israël) est énorme, et est concentré dans les Télécoms, comme on le sait depuis plusieurs mois :

    "Parmi leurs arguments figure en bonne place le fait que le réseau téléphonique libanais serait « totalement » sous le contrôle d’Israël, comme l’affirmait en juillet le chef du Hezbollah. Hassan Nasrallah s’appuyait alors sur l’arrestation d’agents israéliens découverts à des postes clés du secteur des télé communications."

    Des batteries d’antennes :
    "Le dispositif israélien reposerait notamment sur une « batterie de 24 antennes allant jusqu’à 60-70 mètres de hauteur dont l’orientation est clairement destinée à capter les communications sur le territoire libanais ». Un élément qui a permis au Liban d’obtenir en octobre une résolution de l’Union internationale des télécommunications condamnant Israël pour le piratage de ses réseaux de téléphonie fixe et mobile, se félicite le ministre des Télécoms."

    Encore des antennes :
    « Ces emplacements semblent avoir été choisis à dessein au moment de la remise en état du réseau après la guerre de l’été 2006, explique Charbel Nahas au Figaro. Cet alignement permet à l’antenne israélienne d’envoyer des communications à l’antenne libanaise la plus éloignée comme si elles provenaient de l’autre antenne libanaise. »

    Et la maîtrise du réseau libanais :
    "À entendre le ministre, les spécialistes israéliens seraient enfin en mesure de créer des clones de cartes SIM dont les communications ne seraient pas discernables de la puce originale. « En résumé, il lui est possible d’inscrire sur les registres libanais des télécommunications des communications qui n’ont pas eu lieu. »"

    L’article du Figaro oublie quelques autres points.

    Ainsi Charbel Nahas souligne que les velléités de privatisation des télécoms au Liban se heurtent à d’autres considérations importantes :
    http://www.lorientlejour.com/category/Liban/article/679407/Nahas_et_Fadlallah_reaffirment_qu'Israel_a_infiltre_le_reseau_de_tele
    « Dans un pays qui fait face à une politique d’agression (de la part d’Israël), il n’est pas concevable d’envisager le secteur des télécoms sous l’angle purement commercial, a déclaré M. Nahas. Il s’agit d’un secteur qui revêt un aspect technique et sécuritaire et il faut le traiter en conséquence. »

    Le député du Hezbollah, lui, évoque le piratage spécifique de membres du parti :
    «  »À l’issue d’une longue et complexe enquête (...) il a été établi que trois membres de la résistance utilisaient des téléphones portables locaux qui leur ont été vendus" après avoir été piratés par un Libanais espionnant pour le compte d’Israël, a ajouté M. Fadlallah.
    Selon lui, le Hezbollah et les services de renseignements militaires ont découvert l’affaire après que la police se fut focalisée sur trois membres du parti chiite suspectés de travailler pour Israël. « Ces trois hommes ne sont en fait que des victimes du piratage israélien », a affirmé M. Fadlallah."

    (On peut se souvenir d’espionnage par puces GPS installées dans des véhicules par un concessionnaire de Beyrouth.)

    Quant au CV de Charbel Nahas, pour le Figaro, il se résume à :
    « Charbel Nahas, ministre des Télécommunications et représentant d’un parti allié du Hezbollah »
    C’est tout ? Quel parti ?

    Alors :
    – Charbel Nahas a été nommé à ce poste sur le contingent de ministres dévolus au Courant patriotique libre de Michel Aoun.
    – Il est un économiste reconnu de longue date, dénonçant depuis des années la construction de la dette libanaise. Je le citais longuement dans un billet de janvier 2007 :
    http://tokborni.blogspot.com/2007/01/les-racket-de-la-dette.html
    – Diplômé de l’École polytechnique de Paris
    – Diplômé des Ponts et Chaussées de Paris
    – Docteur en anthropologie sociale diplômé de l’EHESS.
    – Expert auprès de la Banque mondiale et des Nations Unies.

    J’en passe, et des meilleures. « Représentant d’un parti allié du Hezbollah », un tel raccourci ne peut être fortuit.

    #liban #hezbollah #télécommunications #espionnage #info_war