C’est MON personnage, nom de nom… !

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  • C’est MON personnage, nom de nom… !
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    On a déjà vu des auteurs utiliser le prétexte d’un #roman pour « enterrer » symboliquement un amour révolu. Il s’agit alors toujours de personnages de papier, évoluant dans un univers fictif, le tout fantasmé par l’auteur et l’auteur seul. Tous les mots sont de l’auteur. C’est son langage, sa fiction, son #autofiction. Or l’insertion, au cœur de cette fiction, de lettres écrites par une personne réelle bouscule l’imagination. L’auteur ne se serait pas contenté de réinventer la réalité, ni de la reproduire, mais il aurait cherché à la modifier pour de vrai au-delà de l’univers du roman. Un acte limite dans la tentative désespérée de transformer la réalité en rêve. Et son arme, le roman, est pour lui une façon d’absorber la personne réelle dans la trame narrative, en la faisant participer, à son insu (et peut-être contre son gré) à celle-ci.

    Notre lectrice est terrassée lorsqu’elle lit ses propres #lettres : elle comprend avec horreur qu’elle a été littéralement ligotée dans ce récit. Qu’une partie de son identité lui a été dérobée, et a été fixée à l’intérieur du roman. Ses lettres authentiques intégrées dans la fiction de l’auteur font du livre son tombeau, dans lequel l’ancien amant cherche à l’enterrer … vivante !

    Ceci pourrait s’arrêter là. Sauf pour ce petit détail : la femme réelle-devenue-personnage est aussi écrivain. Supposons qu’elle décide de ne pas accepter passivement ce sort. Qu’elle réagisse. Qu’elle se serve de ce qu’elle connaît pour se défendre : #écrire.
    L’écrivain-devenue-personnage se change alors en personnage-devenant-écrivain.
    Et quelques temps plus tard, paraît un nouveau roman signé non pas par l’écrivaine, mais par le personnage du premier roman. Le personnage qui se réveille et qui prend la parole. Qui se libère, s’émancipe. Qui crée sa propre autofiction. Une autofiction fantastique. En se recréant à travers les mots, elle se réapproprie son identité volée. Et raconte son #histoire.

    Spéciale dédicace à Pirandello.