• Petite bibliographie autour du rapport Laïcité /Colonialisme (élaborée par Alain Gresh)

    Le choc colonial et l’islam (de Pierre-Jean Luizard)

    " « La laïcité est l’arme des nouveaux croisés » proclame aujourd’hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l’importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd’hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l’islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d’universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l’épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d’entreprises de domination, quand ils n’ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l’Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la « question irakienne », la création du Pakistan sont autant d’exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations — et bien d’autres — que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l’expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie."

    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Le_choc_colonial_et_l_islam-9782707146960.html

    Les Lumières, l’esclavage, la colonisation
    (de Yves Benot)

    "L’itinéraire intellectuel et militant de l’historien Yves Benot (1920-2005) s’est ordonné autour de trois grands axes complémentaires et indissociables au sein de son œuvre immense : les processus de décolonisation de l’Afrique francophone, où il a vécu de nombreuses années ; les fondements intellectuels de l’anticolonialisme et de la lutte antiesclavagiste au siècle des Lumières, dont il fut un précurseur avisé en mettant à jour, notamment, l’apport de Diderot dans la grande œuvre de Raynal ; les processus d’abolition de l’esclavage dans la Révolution française, puis ceux de son tragique rétablissement par Napoléon. Réunissant des articles publiés par Yves Benot sur une quarantaine d’années, du début des années 1950 jusqu’à ses derniers jours, cet ouvrage rend compte de la continuité et de la richesse de cet engagement intellectuel. Se succèdent ainsi, selon un ordre thématique qui ne doit pas occulter l’unité de la démarche de l’auteur, l’Afrique des indépendances, Diderot, Raynal et les Lumières, la Révolution française et les luttes coloniales, les Indiens d’Amérique, cœur d’un projet d’ouvrage que la mort a interrompu. Un livre d’histoire original et passionnant, qui est aussi un hommage à cet historien et cet écrivain infatigable, toujours présent sur le terrain de la recherche, tout comme il le fut sur celui des luttes d’aujourd’hui pour l’égalité et contre toutes les formes d’oppression, dans nos sociétés comme dans celles des pays issus des décolonisations du dernier demi-siècle."

    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Les_Lumieres__l_esclavage__la_colonisation-9782707147028.

    1885 : le tournant colonial de la République (de Gilles Manceron)

    "Lors du débat public des années 2000 en France sur la question coloniale, on a souvent oublié que la République n’a jamais été vraiment unanime sur ce sujet. Ainsi, en 1885, quand certains républicains ont repris à leur compte l’idée monarchique de conquêtes coloniales, cela a donné lieu à des affrontements passionnés à la Chambre des députés, à l’issue desquels le projet colonial ne s’est imposé que de justesse.
    D’où l’intérêt majeur de relire aujourd’hui les formidables débats parlementaires de juillet et décembre 1885, lors du vote de crédits pour la poursuite de la conquête de Madagascar et de l’Indochine. L’historien Gilles Manceron en propose ici une sélection raisonnée, assortie d’une préface les remettant en perspective. Quand Jules Ferry défend l’idée d’une « colonisation républicaine » au nom du droit des « races supérieures vis-à-vis des races inférieures », Jules Maigne, un vieux républicain de 1848, lui réplique : « Vous osez dire cela dans le pays où ont été proclamés les droits de l’homme ! ». Et Georges Clemenceau : « Je ne comprends pas que nous n’ayons pas été unanimes ici à nous lever d’un seul bond pour protester violemment contre vos paroles ! »
    Le « parti colonial » a tout fait ensuite pour faire oublier ce débat fondamental de 1885. C’est sur cette occultation qu’a pu se développer pendant trois quarts de siècle une politique coloniale républicaine faisant fi des droits de l’homme - et dont l’héritage fait retour aujourd’hui ."

    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-1885___le_tournant_colonial_de_la_Republique-978270714937

    Mission civilisatrice (de Dino Costantini)

    "À la fin des années 1990, la question coloniale a surgi au cœur du débat public français. Elle a donné lieu à d’âpres oppositions, parfois définies comme une « guerre des mémoires », entretenant souvent l’image schizophrène de deux France, celle de l’universalisme républicain et celle de l’arbitraire colonial. C’est pour dépasser cet affrontement que Dino Costantini propose, dans ce livre, de revenir sur le lien ambigu qu’ont entretenu la théorie des droits de l’homme et le pouvoir colonial, en s’appuyant notamment sur l’analyse des écrits des savants et politiciens des années 1930. L’auteur montre ainsi comment la question coloniale a influencé en profondeur la construction de l’identité politique de la France de 1789 à la veille des décolonisations : le colonialisme français a régulièrement violé dans les colonies les principes démocratiques et humanistes dont il se faisait le chantre dans sa patrie et, grâce à l’idée de « mission civilisatrice », il a progressivement transformé ces principes en un instrument de justification de la domination.
    La persistance de cette rhétorique dans le débat public actuel rend précieuse la relecture de la critique postcoloniale proposée par Dino Costantini dans la dernière partie du livre, à travers l’étude des œuvres d’Aimé Césaire, d’Albert Memmi et de Frantz Fanon. Leur contestation de la réduction de l’humain à l’Européen constitue le point de départ incontournable pour la construction d’un universalisme qui sache finalement dépasser les équivoques culturalistes. Et qui permette enfin la décolonisation de l’imaginaire politique français et occidental."

    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Mission_civilisatrice-9782707153876.html

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