• Ces journalistes au garde-à-vous devant Tsahal - Libération
    http://www.liberation.fr/monde/2014/07/31/ces-journalistes-au-garde-a-vous-devant-tsahal_1073693

    « Je suis patriote et je suis également journaliste et il n’y a pas d’antagonisme », proclame en tout cas Carmela Menashé, une ancienne secrétaire dont la voix enrouée de grosse fumeuse berce depuis vingt-six ans les auditeurs les plus militaristes de Kol Israël (la radio publique). « Mes informations ? Je les reçois du porte-parole de Tsahal et je les diffuse parce que je les crois. Si ce n’était pas le cas, je ne le ferais pas. Je suis une professionnelle, quand même ! » Souvent surnommée « Miss Tsahal », cette journaliste née en Irak est une célébrité à Tel-Aviv. Durant les périodes de calme relatif, il lui arrive régulièrement d’asticoter l’armée à propos de dysfonctionnements ponctuels ou parce que tel ou tel officier a pris une décision dérisoire. Mais ça s’arrête là. Jamais elle et ses collègues n’oseront une critique de fond. Surtout pas en temps de guerre.

    Prenons par exemple le bombardement, le 30 juillet, du camp de réfugiés de Jabalia : Tsahal a touché une école de l’Unrwa (l’organisation des Nations unies en charge des réfugiés palestiniens) où 3 300 civils s’étaient réfugiés. Quelques heures plus tard, c’est un souk de Chajaya (banlieue est de la ville de Gaza) qui a écopé d’une salve d’obus d’artillerie au moment où des centaines de civils effectuaient des achats à l’occasion de la fête musulmane de l’Aïd-el-Fitr marquant la fin du ramadan.

    Dans des pays qui se veulent démocratiques, ces deux bavures auraient sans doute poussé les spécialistes de la chose militaire à enquêter pour démêler le pourquoi du comment. Mais pas en Israël. Carmela et ses copains ont décidé d’attendre gentiment le résultat de l’enquête diligentée… par l’état-major. D’ici là, motus. Et puisqu’il faut bien meubler l’antenne, ils proposent d’émouvants reportages sur les bons soldats des unités opérationnelles. Ça ne mange pas de pain et ça contribue à alimenter l’image mythique de cette armée qu’ils aiment tant.