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  • Covid : un tsunami épidémique chinois qui aura des répercussions mondiales | Les Echos

    https://www.lesechos.fr/monde/chine/covid-un-tsunami-epidemique-chinois-qui-aura-des-repercussions-mondiales-18

    Des rues de Shanghai désertées par ses 23 millions d’habitants, des usines autour de Canton qui tournent au ralenti faute d’employés aptes à travailler, des tours de bureaux de Pékin désertés par des cols blancs restant à domicile… La flambée épidémique qui sévit en Chine paralyse l’activité de la deuxième puissance économique mondiale et met sous tension les chaînes de valeur mondiale.

    https://justpaste.it/ba96o

  • Liberté pour Salah Hamouri
    18 déc. 2022
    https://twitter.com/LiberezSalah/status/1604352802343378945

    @LiberezSalah
    🚨Salah Hamouri, le fils de Jérusalem, expulsé de sa terre natale par Israël.
    Communiqué ➡️ https://bit.ly/deportation-salah
    #LiberezSalah #JusticeForSalah

    Comité de soutien à Salah Hamouri
    Communiqué de Presse

    Salah Hamouri, le fils de Jérusalem, expulsé de sa terre natale par Israël.
    Le combat est loin d’être terminé !

    Après de longues années de persécutions, d’humiliations, d’emprisonnements arbitraires, de harcèlements psychologiques sadiques, d’accusations fausses et sans fondement visant à le salir, Salah Hamouri a résisté aux volontés israéliennes de le voir quitter de son propre chef Jérusalem, sa ville natale. Il y est resté malgré tout cet acharnement cruel pour continuer à défendre les droits humains et la liberté et les droits du peuple dont il est un des fils, le peuple palestinien. Cela fait près de 20 ans que cela dure. 20 ans... Et Salah a tenu bon provoquant notre respect, notre admiration et notre soutien.

    En passe de devenir un Etat raciste décomplexé, un Etat d’occupation illimitée et de totale épuration ethnique, Israël a considéré qu’il ne pourrait pas faire partir ni plier Salah Hamouri malgré cet arsenal de mesures odieuses. Les autorités israéliennes ont donc décidé de l’expulser. De ce point de vue Salah a tenu Israël en échec.

    Cette mesure d’expulsion est un fait exceptionnel et gravissime car, et les Israéliens le savent parfaitement, ils commettent en le décidant un « crime de guerre » ainsi que le souligne l’ONU et le précise le Statut de Rome. Que ce soit clair : ces dirigeants israéliens devront tôt ou tard rendre des comptes devant la justice internationale.

    Cette expulsion n’aurait pas pu avoir lieu si les autorités françaises, au premier chef le Président de la République, n’avaient pas fait preuve de lâche complaisance vis-à-vis de cet « Etat-voyou » qui multiplie les crimes de tous ordres en toute impunité. Et demain, avec le prochain gouvernement Netanyahu tout sera encore plus effroyable.

    Cette décision est aussi un dur mais net camouflet qu’Israël envoie à la France. C’est un échec total de notre diplomatie qui devra revoir son positionnement vis-à-vis de cet « Etat-voyou » . Les moyens de se faire respecter et de faire respecter le droit ne manquent pas. Car c’est clair : la souveraineté d’Israël s’arrête là où commencent ses engagements internationaux ici bafoués en toute impunité.

    Désormais la France se trouve au pied du mur de la remise en cause de sa politique dans cette région du monde. Ses responsabilités sont accablantes dans ce dénouement terrible que subit Salah Hamouri.

    Cette décision est aussi une déception pour toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés pour soutenir Salah Hamouri. Jamais un soutien pour notre compatriote franco-palestinien n’avait été aussi large, divers et solide. Le droit et son respect ont entrainé l’adhésion d’une foule d’hommes et de femmes solidaires en France, en Palestine et en Europe. La France devra aussi leur rendre des comptes tandis que les proches de Salah Hamouri tiennent à les remercier du fond du cœur.

    Nous les appelons à rester mobilisés. Car ce combat pour le droit et la liberté n’est pas terminé.

    Naturellement Salah Hamouri va devoir s’adapter à sa « nouvelle » vie. Evidemment il faudra un peu de temps. La famille va devoir se retrouver après ces 19 mois de séparation. Chacune et chacun saura respecter ce moment.

    Mais que les choses soient bien claires : Israël n’a pas fini d’entendre parler de Salah Hamouri ! Et nous serons à ses côtés pour poursuivre le combat pour la justice que nous apportons au peuple palestinien dont il est devenu, sans même le vouloir, un symbole fort.

    Israël ne peut espérer éteindre la flamme qui est en lui, qui est en nous. Israël doit le savoir : « Nous sommes malades d’un mal incurable qui s’appelle l’espoir ». Espoir mais aussi lutte pour la vie et l’existence du valeureux peuple palestinien qu’Israël veut rayer de l’histoire.

    Israël doit le savoir : le combat n’est pas terminé. Nous ne mettons pas et nous ne mettrons pas un genou à terre. La tête haute, certains de notre bon droit, nous disons à Israël : Salah Hamouri retournera avec sa femme et leurs enfants vivre à Jérusalem car sa vie, sa place, son combat qui est leur combat sont plus forts que cette mesure d’expulsion, aussi cruelle soit-elle.

    Nous en faisons le serment solennel en ce 18ème jour de ce mois de décembre noir.
    Paris,
    Dimanche 18 décembre 2022

    #Salah_Hamouri

    • Israël / Territoires palestiniens – La France condamne l’expulsion de Salah Hamouri (18 décembre 2022)
      https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/israel-territoires-palestiniens/actualites-et-evenements/2022/article/israel-territoires-palestiniens-la-france-condamne-l-expulsion-de-sa

      Nous condamnons aujourd’hui la décision des autorités israéliennes, contraire au droit, d’expulser M. Salah Hamouri vers la France.

      Depuis sa dernière arrestation, la France s’est pleinement mobilisée, y compris au plus haut niveau de l’Etat, pour faire en sorte que les droits de M. Salah Hamouri soient respectés, qu’il bénéficie de toutes les voies de recours et qu’il puisse mener une vie normale à Jérusalem, où il est né, réside et souhaite vivre.

      La France a également engagé de multiples démarches auprès des autorités israéliennes pour manifester de la manière la plus claire son opposition à cette expulsion d’un résident palestinien de Jérusalem-Est, territoire occupé au sens de la quatrième convention de Genève.

      Les services du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères à Paris, les consulats généraux de France à Jérusalem et à Tel Aviv, ainsi que l’ambassade de France en Israël ont déployé tous leurs efforts pour lui apporter toute l’assistance possible à travers de nombreuses visites consulaires. Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères est en relation continue avec la famille de M. Hamouri.

      #France_diplo

    • WAFA : “Israel expels Palestinian-French lawyer Salah Hammouri to France”
      18 décembre 2022 – – IMEMC News
      https://imemc.org/article/wafa-israel-expels-palestinian-french-lawyer-salah-hammouri-to-france

      JERUSALEM, Sunday, December 18, 2022 (WAFA) – Israeli occupation authorities have expelled French-Palestinian lawyer Salah Hammouri to France after he had been detained without charges or trial since March, said WAFA correspondent

      The Israeli occupation’s Interior Minister, Ayelet Shaked, announced the deportation in a brief statement.

      Hammouri is a human rights lawyer known for advocating for the rights of prisoners, including torture survivors.

      He works with the Addameer Prisoner Support and Human Rights Association — an internationally renowned human rights organization — and the UN Voluntary Fund for Victims of Torture grantee.

      |WAFA: France condemns Israel’s expulsion of Salah Hammouri|

      Hammouri spent more than nine years in Israeli occupation prisons as a result of over six arrests. The longest stretch he spent in Israeli detention was seven continuous years between 2005 and 2011, after he was forced to choose between being deported to France for 15 years or imprisoned for seven years.

      Israel unlawfully designated Addameer and other Palestinian civil society organizations as “terrorist organizations” and in October 2021.

      In October 2021, Israel issued a decision to revoke his Jerusalem residency status on charges of not showing ‘loyalty’ to Israel, which was based on ‘secret evidence.’ His French wife and two children currently reside in France because the occupation authorities have prevented them from returning to live in Jerusalem, thus depriving the family of living together in the father’s homeland.

    • L’expulsion de Salah Hamouri, une défaite de la diplomatie française
      René Backmann
      20 décembre 2022
      https://www.mediapart.fr/journal/international/201222/l-expulsion-de-salah-hamouri-une-defaite-de-la-diplomatie-francaise

      Désinvolture ? Indifférence ? Volonté de ne pas gêner un gouvernement ami ? Emmanuel Macron et le Quai d’Orsay ont été incapables de convaincre Israël, ou de le contraindre à respecter le droit international dans le dossier de l’avocat franco-palestinien. (...)

    • L’expulsion par Israël du Franco-Palestinien Salah Hamouri constitue un « crime de guerre » pour l’Onu
      Ouest-France avec AFP. Modifié le 19/12/2022
      https://www.ouest-france.fr/monde/israel/l-expulsion-par-israel-du-franco-palestinien-salah-hamouri-qualifie-de-

      Les Nations unies ont condamné, ce lundi 19 décembre 2022, l’expulsion vers la France par Israël de l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri. Il était détenu en prison depuis mars sans accusation formelle. Selon l’Onu, le procédé constitue un « crime de guerre ».

      L’Onu a condamné ce lundi 19 décembre 2022 l’expulsion par Israël de l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri, détenu depuis mars sans accusation formelle dans des prisons israéliennes, qualifiant le procédé de « crime de guerre ».

      « Le droit international humanitaire interdit l’expulsion de personnes protégées d’un territoire occupé et interdit explicitement de contraindre ces personnes à prêter serment d’allégeance à la puissance occupante », a commenté un porte-parole du Haut-Commissariat de l’Onu aux droits de l’homme, Jeremy Laurence.

      « Expulser une personne protégée d’un territoire occupé est une violation grave de la Quatrième Convention de Genève, constituant un crime de guerre », a-t-il ajouté dans une déclaration envoyée aux médias.
      L’Onu « condamne l’expulsion »

      Salah Hamouri a été expulsé dimanche vers la France. Âgé de 37 ans, il avait été condamné en mars à trois mois de détention administrative, une mesure controversée permettant à Israël d’incarcérer des suspects sans accusation formelle.

      Le Bureau des droits de l’homme de l’Onu « condamne l’expulsion » par Israël de Salah Hamouri vers la France, « et nous sommes profondément préoccupés par le message terrifiant que cela envoie à ceux qui œuvrent en faveur des droits humains dans le territoire palestinien occupé », a souligné Jeremy Laurence.

      Son expulsion, a-t-il déploré, « met en lumière la situation vulnérable des Palestiniens vivant à Jérusalem-Est, la puissance occupante leur ayant accordé un statut de résident révocable en vertu du droit israélien ». C’est également « le signe d’une nouvelle détérioration grave de la situation des défenseurs palestiniens des droits humains ».
      Soupçonné de liens avec une organisation terroriste

      Le Haut-Commissariat a appelé Israël à annuler l’ordre d’expulsion. Soupçonné par Israël de liens – ce qu’il nie – avec le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), une organisation jugée terroriste par l’État hébreu et l’Union européenne, Salah Hamouri avait appris fin novembre qu’il allait être expulsé en décembre vers la France.

      Mais son expulsion avait été reportée à la suite d’audiences devant la justice militaire, ses avocats remettant en cause son ordre d’expulsion et aussi la révocation de son statut de résident de Jérusalem-Est. Né dans cette partie de la Ville sainte, annexée et occupée par l’État hébreu, il ne dispose pas de la nationalité israélienne mais d’un permis de résidence, que les autorités israéliennes ont révoqué, ce qu’il conteste. Début décembre, les autorités israéliennes ont confirmé la révocation de son statut ouvrant ainsi la voie à son expulsion malgré une nouvelle audience prévue le 1er janvier.

      #ONU

  • La grande fébrilité du Parlement européen face aux soupçons de corruption du Qatar et du Maroc | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/141222/la-grande-febrilite-du-parlement-europeen-face-aux-soupcons-de-corruption-

    L’enquête éclaboussant le Parlement européen porte désormais sur des soupçons d’ingérence du Qatar mais aussi du Maroc. Au parlement de Strasbourg, où le malaise est vif au sein du groupe des sociaux-démocrates depuis lundi, les appels à la création d’une agence de contrôle des conflits d’intérêts se multiplient.

  • Après l’embargo sur le pétrole russe, l’Europe dans le brouillard
    https://www.mediapart.fr/journal/international/051222/apres-l-embargo-sur-le-petrole-russe-l-europe-dans-le-brouillard

    La réponse de Vladimir Poutine a été immédiate. Dès que l’idée d’un plafonnement du prix de vente de son pétrole a été évoquée par le gouvernement américain, il a fait savoir qu’il refuserait tout contrat aux pays qui tenteraient de lui imposer cette règle. Le Kremlin n’a pas varié de position depuis. « Nous n’accepterons pas ce plafonnement », a confirmé le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, le 3 décembre. Il a indiqué que le gouvernement russe annoncerait ses décisions très rapidement.

    Certains analystes se prennent à espérer, tout comme le gouvernement américain, que le plafonnement « modéré » du prix du pétrole russe incitera Vladimir Poutine à adopter une réponse elle aussi mesurée, relevant essentiellement de la symbolique.

    D’autres affichent une position beaucoup plus pessimiste. Pour eux, le président russe ne peut qu’adopter une réponse dure. D’abord parce que le principe même du plafonnement, selon lui, s’inscrit dans une ultime tentative des pays occidentaux de reprendre la main sur un marché mondial du pétrole qui leur a échappé depuis longtemps, en imposant leurs conditions. Ce qui est inacceptable pour Vladimir Poutine. L’ensemble des pays producteurs, qui redoutent qu’à un moment ou à un autre les États-Unis cherchent à leur imposer le même genre d’impératifs, partagent l’analyse.

    Ensuite, relèvent ces analystes, Vladimir Poutine, dans cette guerre d’Ukraine, dans ses réponses aux #sanctions occidentales, fait preuve d’un irrédentisme sans limite : le rationnel n’a plus cours. Depuis l’invasion de l’Ukraine, le président russe a sacrifié sans hésitation une grande partie de son industrie gazière. Pourquoi hésiterait-il à faire de même pour son industrie pétrolière.

    « Nous vendrons du #pétrole et des produits raffinés seulement aux pays qui travaillent avec nous selon les conditions de marché. Même si pour cela nous devons réduire notre production », a précisé Alexander Novak, vice-président du gouvernement russe, le 4 décembre.

    Anticipant le durcissement, Moscou a adopté depuis le printemps toute une série de dispositions pour échapper aux sanctions occidentales et consolider son commerce de pétrole. Afin de ne plus dépendre du dollar, monnaie de référence dans les échanges pétroliers, la Banque centrale de Russie a mis au point avec la Chine et l’Inde des transactions en monnaie locale et des instruments financiers de conversion entre eux.

    Le gouvernement russe, par l’intermédiaire d’un de ses bras publics, a créé une compagnie d’assurance et de réassurance publique pour les #transports_maritimes et ses cargaisons de pétrole et de gaz, dans le but de contourner le veto des grandes compagnies d’assurance maritime britanniques et européennes. Le gouvernement chinois a déjà informé qu’il reconnaissait cette nouvelle compagnie d’assurance.

    Mais c’est surtout du côté des transports maritimes que le gouvernement russe semble avoir déployé tous ses efforts. Depuis l’été, une étrange frénésie sévit dans ce secteur : les pétroliers, les supertankers changent de main et de pavillon à une vitesse impressionnante. Chinois, Russes et Indiens achètent des bateaux à tour de bras. Mais surtout, nombre de bateaux sont devenus la propriété de personnes et de compagnies totalement anonymes. Selon Bloomberg, quelque 10 % de la flotte mondiale des tankers appartiennent désormais à des propriétaires inconnus, renforçant encore l’opacité du secteur.

    Si personne n’est en mesure d’évaluer les conséquences immédiates de l’#embargo européen sur le marché du pétrole, beaucoup ont déjà inscrit un autre rendez-vous pétrolier important dans les semaines à venir : le 5 février, l’Europe doit étendre son embargo à tous les produits raffinés en provenance de la Russie.

    Or ceux-ci constituent des approvisionnements essentiels pour les pays européens et les États-Unis, et notamment le #diesel. 60 % du diesel consommé en Europe est fourni par la Russie. Et il n’y a guère de moyens de substitution, d’autant que le diesel commence à manquer partout. « Dans les mois qui viennent, pratiquement toutes les régions du monde courent le risque de faire face à une pénurie de diesel », avertit Bloomberg.

    Aux États-Unis, les stocks de diesel sont à leur plus bas niveau depuis 1982 : ils sont à peine de vingt-cinq jours. En Europe, la situation est d’autant plus tendue que de nombreux outils de raffinage ont fermé avec la pandémie et n’ont pas rouvert après. Les mouvements de grève dans les raffineries en France et aux Pays-Bas ont encore aggravé les tensions. « C’est la pire crise dans le diesel que j’ai connue », dit Dario Scaffardi, ancien dirigeant du raffineur italien Spara.

    Or le diesel est indispensable dans les transports et nombre d’industries. Vladimir Poutine, qui a déjà utilisé le gaz, va-t-il se priver d’utiliser cette arme, pour mettre un peu plus les économies européennes à genoux, au moment où les opinions publiques redoutent déjà de manquer de gaz et d’électricité pour passer cet hiver ? Il semble déjà déterminé à faire payer un prix exorbitant à l’Europe. Et celle-ci ne paraît pas s’être préparée à y faire face.

  • Le Maroc au mondial FIFA : espoir de l’Afrique, récup du Qatar | Mediapart | 09.12.22

    https://www.mediapart.fr/journal/international/091222/mondial-de-football-le-maroc-espoir-du-monde-arabe-et-de-l-afrique

    Les joueurs marocains célèbrent leur victoire en huitièmes de finale de la Coupe du monde en arborant le drapeau palestinien, le 6 décembre 2022. © Illustration Justine Vernier / Mediapart avec Glyn Kirk / AFP

    Alors que la surprenante sélection marocaine affronte samedi [et élimine 1:0] le Portugal en quart de finale de la Coupe du monde, c’est l’ensemble du continent africain qui se réjouit de voir son dernier représentant arriver à ce niveau-là de la compétition. Un exploit que les Qataris tentent également de s’approprier, pour en faire un succès arabe.

    • et sinon, sur Twitter, selon l’AFP :

      « Cher Rishi Sunak, hâte de ce match ce soir. Si les Bleus gagnent (ils gagneront !), vous nous souhaiterez bonne chance pour les demi-finales... ok ? », a d’abord écrit en anglais le président français sur le réseau social.

      « Je n’aurai pas à le faire, j’espère. Mais marché conclu. Hâte que vous souteniez les Three Lions au prochain round », a répondu peu après le Premier ministre britannique, en ajoutant un clin d’oeil.

  • Le président du Pérou est destitué, la vice-présidente désignée à sa place | Mediapart | 08.12.22

    https://www.mediapart.fr/journal/international/081222/le-president-du-perou-est-destitue-la-vice-presidente-designee-sa-place

    Un an et demi après son élection, Pedro Castillo a été arrêté par la police, accusé d’avoir voulu mener un coup d’État. Il est remplacé par la vice-présidente Dina Boluarte, première femme à ce poste depuis l’indépendance du Pérou il y a plus de 200 ans. 

    • trouvé libéré ici : https://justpaste.it/co501

      Lima (Pérou).– Le Pérou a vécu, mercredi 7 décembre, un nouvel épisode de son instabilité politique avec la destitution du président Pedro Castillo, accusé de vouloir mener un coup d’État, et son remplacement par la vice-présidente Dina Boluarte.

      Tout a commencé par un discours de Pedro Castillo. Faisant face à des enquêtes pour corruption, il espérait reprendre l’initiative en annonçant vouloir dissoudre le Congrès et décréter un « gouvernement d’exception ». 

      Castillo avait également indiqué qu’il convoquerait rapidement des élections pour former un nouveau Congrès avec la capacité d’élaborer une nouvelle Constitution dans un délai ne dépassant pas neuf mois. Il avait aussi annoncé mercredi l’instauration d’un couvre-feu entre 22 heures et 4 heures du matin.

      La manœuvre politique avait été vite dénoncée par l’ensemble du spectre politique et aussi à l’étranger, plusieurs médias évoquant un « coup d’État » et une dissolution rappelant « l’auto-coup d’État » effectué par l’ex-président Alberto Fujimori en avril 1992. Plusieurs politiciens avaient également annoncé leur démission en guise de protestation.

      Dans un communiqué conjoint, les forces armées et la police nationale du Pérou avaient elles aussi rapidement rejeté la dissolution du Congrès, soutenant qu’elle était contraire à l’ordre constitutionnel établi.

      « Je rejette la décision de Pedro Castillo de perpétrer la fracture de l’ordre constitutionnel avec la fermeture du Congrès. Il s’agit d’un coup d’État qui aggrave la crise politique et institutionnelle que la société péruvienne devra surmonter en respectant la loi », dénonçait sur Twitter Dina Boluarte, la vice-présidente.

      La situation s’est donc retournée en quelques heures contre Pedro Castillo, objet d’une procédure de destitution pour la troisième fois depuis son élection en juin 2021. Le Congrès a ainsi voté à 101 voix « pour » sur 130 parlementaires en faveur de la destitution du président pour « incapacité morale ». Il a été arrêté quelques instants plus tard par la police, selon plusieurs médias péruviens.

      Le pouvoir ayant été retiré des mains du chef de l’État, un an et demi après son élection, sa vice-présidente, Dina Boluarte, a été désignée comme nouvelle présidente mercredi après-midi. Première femme à la tête du Pérou depuis son indépendance en 1821, l’avocate de 60 ans a assuré dans son discours d’intronisation être consciente de « l’énorme responsabilité » que représente son poste.

      La femme politique, exclue en janvier dernier du parti Pérou Libre (Perú Libre) d’inspiration marxiste, et qui assumera en principe la présidence jusqu’en juillet 2026, a lancé un appel au « dialogue » entre toutes les forces politiques.

      Avec la chute de Pedro Castillo, Dina Boluarte devient ainsi la sixième présidente du pays andin depuis 2016. Durant sa présidence, Castillo, ancien maître d’école, a fait face à diverses accusations de corruption, qui impliquaient aussi des membres de sa famille et lui-même. Il y a quelques semaines, il a notamment été accusé d’être le leader d’une organisation criminelle pour s’enrichir par le bias de contrats publics et de vouloir empêcher des enquêtes.

      Par le passé, d’autres présidents ont fait face à un processus de destitution pour incapacité morale permanente : Pedro Pablo Kuczynski, élu en 2016, avait démissionné deux ans plus tard avant d’être soumis à un vote de destitution. Il avait été remplacé par Martín Vizcarra, qui avait lui aussi été destitué de son poste en 2020. 

      Manuel Merino avait ensuite assumé la présidence pendant seulement cinq jours, suivi par Francisco Sagasti, lequel avait présidé jusqu’à l’élection de Pedro Castillo.

  • Rentrer ou pas à #Futaba, près de #Fukushima : le dilemme des anciens habitants

    La dernière des 11 municipalités évacuées en 2011 à proximité de la centrale nucléaire de Fukushima accueille de nouveau des habitants sur 10 % de son territoire. La levée de l’#interdiction_de_résidence, présentée comme un pas vers la #reconstruction, ne déclenche pas l’enthousiasme.

    Lorsque Shinichi Kokubun, 72 ans, emménagera dans son logement HLM tout neuf, il pourra apercevoir au loin les ruines de son ancienne maison, qui fut détruite à 80 % par le tremblement de terre de mars 2011. Devant l’ampleur des travaux, il a préféré la laisser pour s’installer dans un trois pièces du projet immobilier flambant neuf actuellement en construction près de la gare de Futaba.

    « Mon ancien voisin, lui, est retourné chez lui. Moi, je vais devoir attendre octobre 2023 pour rentrer mais je peux bien patienter un an de plus », dit en souriant le septuagénaire. Plus de onze ans qu’ils attendent. En mars 2011, les 7 000 habitant·es de Futaba ont fui leur ville, dans la peur et la panique, chassé·es par la menace de la centrale nucléaire de #Fukushima_Daiichi, qui se trouve à trois kilomètres de là. Maisons, affaires, souvenirs, ils ont tout abandonné, contraints de recommencer leur vie ailleurs.

    Mais depuis le 31 août dernier, 10 % du territoire de Futaba a été déclaré habitable par les autorités. Une décision qui entre dans le projet de #revitalisation de la région mis en place après le #tremblement_de_terre. La commune, sur laquelle se trouve en partie la centrale nucléaire endommagée, était la dernière des 11 municipalités évacuées en 2011 à être encore frappée, sur 96 % de son territoire, d’une interdiction totale de résidence. 

    Depuis la réouverture partielle, une vingtaine de personnes se sont réinstallées. Le 1er octobre, le lotissement de #Shinichi_Kokubun, baptisé « Le village de la communauté », a ouvert une première tranche de 25 logements qui a accueilli ses résident·es. D’ici à un an, il comptera 86 habitations, auxquelles s’ajouteront trois bâtiments de vie commune et un service de consultations médicales.

    « Nous voulons passer la barre des 2 000 habitants à Futaba dans les cinq ans », explique Naoya Matsubara, fonctionnaire qui s’attelle au projet de reconstruction de la ville. Un pari qui est loin d’être gagné : selon une enquête réalisée cette année, moins de 11 % des 5 562 ancien·nes résident·es toujours en vie se disent prêt·es à revenir vivre à Futaba. Il faut dire qu’au-delà des logements, il n’y a rien. Pas de commerces, de supermarchés, de médecins ni d’écoles…

    En guise de restauration, une camionnette vient le midi, en semaine, pour proposer quelques plateaux-repas et snacks. La ville vit au rythme des engins de chantier. En plus d’être aux portes de la #zone_interdite, celles et ceux qui viendront vivre ici seront cerné·es d’immeubles et d’habitations toujours en cours de #décontamination et de démolition, qui ponctuent le paysage.

    Fin août, le gouverneur de Fukushima, Masao Uchibori, déclarait que « les étapes du chantier de décontamination à venir, ainsi que le traitement des maisons et des terres de ceux qui ne souhaitent pas rentrer, n’ont pas encore été définis ». 

    Le retour n’est-il pas prématuré ? « Au Japon, lorsqu’il s’agit de construire des bâtiments, ils sont très efficaces, explique Trishit Banerjee, étudiant à l’université du Tohoku, investi dans le tourisme dans la préfecture de Fukushima, en particulier Futaba. Mais l’aspect communautaire n’est pas suffisamment réfléchi. C’était la même chose en 1995, après Kōbe. » 

    Les beaux bâtiments donnent « l’impression que la reconstruction va vite. Mais lorsque l’on creuse, on se rend compte que les besoins des résidents n’ont pas été pris en compte ». À une heure d’ici, dans le quartier de #Nakoso, dans la ville d’#Iwaki, 237 personnes évacuées, parmi lesquelles 131 venaient de Futaba, vivent dans une HLM.

    Shinichi Kokubun y réside depuis quatre ans. Lors d’une réunion de consultation tenue en 2020, les personnes évacuées avaient émis de nombreuses inquiétudes à propos du « village de la communauté », par exemple son manque d’accessibilité.

    « Beaucoup d’anciens résidents sont âgés aujourd’hui. Les allées sont trop étroites dans le nouveau lotissement », se désole Shinichi Kokubun. Il bondit à la sirène de l’ambulance. « Les secours viennent souvent ici. Je vais vérifier si quelqu’un a besoin d’aide », dit en s’éclipsant quelques minutes celui qui prête volontiers main-forte à la communauté.

    L’abnégation de Shinichi Kokubun est désarmante : « Il ne me reste plus beaucoup d’années à vivre : autant me rendre utile. » Dans le nouveau lotissement, il espère simplement pouvoir aider. « Je n’ai pas besoin de grand-chose, confie-t-il. Je suis veuf, mes deux fils sont grands. Mes parents sont décédés. Je n’ai pas de petits-enfants. Je peux vivre n’importe où et je ne pense pas aux risques pour ma vie. » 

    Une population discriminée

    Né à Motomiya, un peu plus au nord de la préfecture, il s’installe à Futaba, à l’époque pour travailler dans la centrale. En 2011, il s’apprêtait à prendre sa retraite quand la catastrophe frappe. Ce jour-là, comme les 165 000 personnes évacuées de la préfecture de Fukushima, il ne l’oubliera jamais. Il était à Tokyo – « c’était la panique ». Il remue alors ciel et terre pour rentrer chez lui et retrouver sa famille.

    Une fois à Futaba, l’ordre d’évacuer tombe : les heures de bouchons sur les routes pour fuir la radioactivité, les nuits en centres d’évacuation. « C’était le chaos, la nuit on ne pouvait pas dormir. » De cette expérience tragique, il veut en tirer un enseignement pour l’avenir : « Je suis sûr que je peux aider à la prévention de catastrophes. »

    Le 11 mars 2011, le tremblement de terre du Tohoku fait près de 20 000 morts, dont 1 614 dans la préfecture de Fukushima, auxquels s’ajoutent 196 personnes disparues. Depuis, la préfecture a déclaré 2 333 décès supplémentaires parmi les personnes évacuées (chiffre de mars 2022), dus aux conséquences de la catastrophe.

    La femme de Shinichi Kokubun, décédée en 2015, en fait partie, confie-t-il sans s’étendre. Problèmes de santé mais aussi suicides sont élevés chez les évacué·es : comme les hibakusha, les survivants de la bombe atomique avant eux, ils ont souffert et souffrent toujours d’une #discrimination sévère.

    On ne veut pas d’eux en ville, on ne veut pas leur dire bonjour. Comme si l’exposition à la #radioactivité était honteuse, voire contagieuse. Dans le nouveau Futaba, « va-t-on devenir une attraction ? », s’inquiète Shinichi Kokubun, qui craint l’étiquette de village de la zone interdite. « À Tchernobyl, on ne peut pas approcher si près. Futaba va attirer du tourisme macabre, je le crains. » 

    Pour Katsuyoshi Kuma, 71 ans, rentrer à Futaba dans les conditions actuelles, c’est hors de question. « Ce n’est pas que l’on ne veut pas rentrer, c’est plutôt que l’on ne peut pas décemment le faire. » Pour cet enfant du pays, l’ensemble est pensé à l’envers : avant d’installer des gens, il faut d’abord réfléchir à leurs conditions de vie. « Comment va-t-on survivre ? Et ceux qui ne veulent pas d’une HLM, où vont-ils aller ? » 

    La maison de Katsuyoshi Kuma se trouve dans la partie de la ville où l’interdiction de résider n’a toujours pas été levée. Sa maison risque de rester inaccessible encore un certain temps, si ce n’est toujours. « La zone qui a été rouverte concentrait autrefois plus de 60 % de la population. Nous, nous vivions dans la montagne. » Futaba, c’était le quotidien d’une « petite ville de campagne ». « Il y avait pas mal d’agriculteurs. » 

    Les habitant·es qui travaillaient la terre « ne veulent plus revenir ». Désabusé, Katsuyoshi Kuma rêve néanmoins de « rentrer un jour pour cultiver des légumes et du riz sur [s]on lopin de terre ». En attendant, il ne retournera pas vivre à Futaba. « Si je ne peux pas retourner dans ma maison, cela ne m’intéresse pas. » 

    Il vit aussi à Nakoso, mais pas dans le quartier des personnes évacuées. Il préfère s’en éloigner un peu mais pas trop : comme autrefois, lorsque du haut de ses montagnes il continuait de garder un œil bienveillant sur sa communauté, sans trop s’y mêler.

    La zone devrait-elle rester condamnée ? La menace de la radioactivité est-elle pleinement levée ? Cette ville dont la centrale assurait autrefois l’emploi d’une grande partie des habitant·es parviendra-t-elle à recréer un bassin économiquement viable ?

    Dans la mairie, une centaine de fonctionnaires travaillent à relancer la machine. Ils comptent aussi sur de nouveaux arrivants, originaires d’autres régions du Japon, qui veulent participer à l’effort de reconstruction. Sur la question de la radioactivité, les autorités locales se veulent rassurantes.

    « Je comprends la peur, avoue Naoya Matsubara. Mais en 2011, les doses de radioactivité étaient très élevées, cela n’a plus rien à voir avec aujourd’hui. » Shinichi Kokubun et Katsuyoshi Kuma ont décidé de faire confiance. Malgré ce qu’ils ont vécu, ils ne sont pas contre le nucléaire. Pour eux, la décontamination est « un chantier qui fonctionne et il n’y a pas de raisons de croire que l’on nous ment ».

    Trishit est plus tourmenté. « C’est une peur que je garde dans un coin de ma tête… Mais que faire ? Abandonner ? Est-ce que l’on devrait empêcher les gens de rentrer chez eux si c’est leur vœu le plus cher ? » Il poursuit : « Il faut garder espoir. » 

    Ce redémarrage à zéro, l’étudiant, débordant d’optimisme, le perçoit aussi comme une « occasion de réfléchir à notre lieu de résidence, de repenser la ville selon les besoins des citoyens, de façon durable ». Si la communauté se reconstruit ainsi, « ce sera une expérience humaine incroyable ».

    Katsuyoshi Kuma boit son café glacé. Il se redresse et sans un mot, il tire sur son tee-shirt, découvrant sa gorge et une large cicatrice. « J’ai été opéré de la thyroïde il y a quatre ans. Tout de suite, j’ai pensé à la centrale. Y a-t-il un lien ? » À l’époque, il contacte Tepco. « Un employé, qui est resté anonyme, m’a dit d’aller au tribunal. » 

    Pourtant, Katsuyoshi Kuma ne fera rien. « C’est compliqué pour moi, ce type de procédure. Je me suis résigné. La cause, je ne la connaîtrai jamais... » Mais il affirme : « Je ne suis pas le seul. D’autres ont vécu la même chose que moi. On ne saura jamais vraiment à quelles doses nous avons été exposés lorsque nous avons évacué. C’est vrai que nous aussi nous sommes des #hibakusha. » Depuis le 11 mars 2011, « nos vies ont été bien sombres ».

    https://www.mediapart.fr/journal/international/041222/rentrer-ou-pas-futaba-pres-de-fukushima-le-dilemme-des-anciens-habitants#a

    #nucléaire #retour #catastrophe_nucléaire #IDPs #déplacés_internes #habitabilité

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    voir aussi ce fil de discussion, qui traite aussi des questions des retours :
    https://seenthis.net/messages/767195

  • Ces frontières qui tuent dans l’indifférence

    Alors que les enquêteurs pointent la non-assistance à personne en danger des sauveteurs français dans le naufrage de Calais, Mediapart fait le point sur ces frontières qui tuent dans l’indifférence.

    LeLe 24 novembre 2021, au moins 27 exilés sont morts noyés dans la Manche au large des côtes calaisiennes alors qu’ils tentaient de rejoindre l’Angleterre dans une embarcation pneumatique de fortune. La plupart des victimes étaient kurdes mais aussi afghanes.

    Un an plus tard et alors que les enquêteurs pointent la non-assistance à personne en danger des sauveteurs français dans le naufrage de Calais, Mediapart fait le point avec les journalistes Matthieu Aikins et Nejma Brahim sur ces frontières qui tuent dans l’indifférence.

    avec :

    #Matthieu_Aikins, journaliste canado-américain, est l’auteur du livre Les humbles ne craignent pas l’eau (Éd. du sous-sol, Seuil) dans lequel il raconte son voyage d’infiltré parmi les milliers d’exilés en 2016, au pic de l’une des plus grandes vagues de migration vers l’Europe. Il s’est glissé dans les pas et la peau de Habib, un faux réfugié fuyant l’enfer aux côtés d’Omar, un vrai réfugié, qui fut sur le terrain afghan son chauffeur et son interprète. 

    #Nejma_Brahim est journaliste à Mediapart, chargée des migrations.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/241122/ces-frontieres-qui-tuent-dans-l-indifference

    #asile #migrations #réfugiés #frontières

    via @olaf

    • Les Humbles ne craignent pas l’eau. Un voyage infiltré

      Omar, un jeune chauffeur et interprète afghan, décide de prendre la route de l’exil, laissant derrière lui son pays et son amour, Laila, sans savoir s’il pourra les retrouver un jour.
      Matthieu Aikins, grand reporter, correspondant depuis 2008 du New York Times en Afghanistan, est devenu peu à peu l’ami d’Omar, son traducteur et chauffeur. Lorsque ce dernier lui annonce sa décision de rejoindre l’Europe, le journaliste décide de le suivre. Il change d’identité, détruit son passeport et se lance à ses côtés dans une odyssée parmi des millions de réfugiés prêts à s’arracher à leurs vies et leurs familles dans l’espoir d’une existence meilleure.
      Nous sommes en 2016, au pic de la crise des réfugiés, et Matthieu Aikins raconte les dangers et les peurs, la traversée de pays en guerre, les passeurs, la solidarité comme la haine, la terrible situation du camp de Lesbos et de l’accueil en Europe.
      Dans la pure tradition du journalisme en immersion, de Florence Aubenas ou Ted Conover, loin d’un document racoleur, l’auteur par la profondeur de son regard, son empathie et son écriture, se détache du simple reportage et nous offre une réflexion à hauteur d’hommes et de femmes, sur la condition de réfugié, les frontières, et l’éthique même de sa démarche.
      Les humbles ne craignent pas l’eau est une histoire d’amitié et de courage inoubliable, un livre décisif qui explore avec précision et empathie l’un des grands défis de notre temps.

      “Je connaissais Omar depuis que j’avais commencé à travailler en Afghanistan et il avait toujours rêvé de vivre en Occident,
      mais ses aspirations s’étaient faites plus urgentes maintenant que son pays avait replongé dans la guerre civile et que les attentats à la bombe ensanglantaient sa ville. Les soldats américains commençaient à quitter le pays, j’essayais de partir moi aussi, essoré par sept années sur place, mais je ne pouvais pas abandonner Omar (…) Des milliers de personnes débarquaient chaque jour sur de petits bateaux. Un million de personnes allaient gagner l’Europe. Et Omar et moi en ferions partie.”

      https://www.seuil.com/ouvrage/les-humbles-ne-craignent-pas-l-eau-matthieu-aikins/9782364686496

      #Afghanistan #réfugiés_afghans #livre

  • Décolonisation en Ukraine (et autres) | Mediapart | 25.11.22

    https://www.mediapart.fr/journal/international/251122/ce-qui-se-passe-chez-nous-en-ukraine-releve-d-une-decolonisation

    Serhiy Jadan à Paris, 24 novembre 2022

    C’est votre droit d’aimer et de respecter la culture russe et certaines de ses manifestations les plus admirables, mais n’allez pas jusqu’à les plaquer sur moi ! Je vous le dis en toute honnêteté, sans russophobie ni sans renier mes liens passés, constitutifs même, avec cette culture russe : il ne faut pas chercher les traces de la dissidence russe dans la culture ukrainienne, mais plutôt l’héritage de la contestation d’un Havel en Tchécoslovaquie, ou des intellectuels autour de Lech Walesa en Pologne, du temps des démocraties populaires aux prises avec le glacis soviétique.

    Il vous faut comprendre que ce qui se passe chez nous, en Ukraine, relève d’une décolonisation. Ce n’est pas uniquement de la dissidence ou un désir de liberté. C’est le besoin d’être enfin sujets plutôt qu’assujettis. Et ce, à l’intérieur de nos frontières.

    Voilà ce qui nous sépare des Russes, qui ont toujours vécu dans les frontières de leur Empire. Même leur dissidence était impériale, puisqu’elle se situait à l’intérieur des contours de l’Empire.

    D’où la difficulté des Ukrainiens, comme des Géorgiens, des Moldaves, des Biélorusses, ou encore des citoyens des trois Républiques baltes, à communiquer avec les Russes. Nous étions des colonisés, jamais sur un pied d’égalité. Nous n’avons pas la même optique, la même sensation de nos frontières ou de nos identités. Et nous avons maintes fois constaté – nous le vivons aujourd’hui dans notre chair en Ukraine –, que les Russes ne sauraient concevoir notre existence propre.

  • Europe accuses US of profiting from war
    https://www.politico.eu/article/vladimir-putin-war-europe-ukraine-gas-inflation-reduction-act-ira-joe-biden

    Despite the energy disagreements, it wasn’t until Washington announced a $369 billion industrial subsidy scheme to support green industries under the Inflation Reduction Act that Brussels went into full-blown panic mode.

    “The Inflation Reduction Act has changed everything," one EU diplomat said. "Is Washington still our ally or not?”

    For Biden, the legislation is a historic climate achievement. “This is not a zero-sum game,” the U.S. official said. “The IRA will grow the pie for clean energy investments, not split it.”

    But the EU sees that differently. An official from France’s foreign affairs ministry said the diagnosis is clear: These are "discriminatory subsidies that will distort competition.” French Economy Minister Bruno Le Maire this week even accused the U.S. of going down China’s path of economic isolationism, urging Brussels to replicate such an approach. “Europe must not be the last of the Mohicans,” he said.

    • Dès début septembre, nombre de présidents de grands groupes européens ont commencé à tirer la sonnette d’alarme auprès des dirigeants de leurs pays et de la Commission européenne. Tous ont découvert les effets potentiellement dévastateurs contenus dans le programme de l’IRA. « Sous couvert de verdissement de l’industrie, les États-Unis se livrent à un véritable dumping pour rapatrier les industries et les savoir-faire sur le territoire américain. Et il ne s’agit pas seulement de secteurs ou de technologies stratégiques comme les semi-conducteurs. L’énergie, le solaire, l’hydrogène, l’automobile, l’acier, le zinc, les batteries, tous les secteurs se voient offrir des subventions massives, s’ils s’installent ou se réinstallent aux États-Unis », analyse ce responsable européen.

      [...] Ce qui est vrai pour les batteries l’est tout autant pour les semi-conducteurs, la fabrication d’éoliennes ou de panneaux solaires. Chacun soupèse la situation et se demande, dans ce contexte de totale incertitude, si cela vaut vraiment le coup d’investir en Europe.

      Les uns après les autres, les gouvernements s’alarment : l’Europe est menacée d’une désindustrialisation massive, qui risque de compromettre toute sa transition écologique et son avenir économique et social. Car derrière les grands groupes, ce sont tous les écosystèmes industriels qui sont en péril. Non seulement la chaîne de sous-traitants, de services, mais aussi toutes les chaînes de recherche, de valeur ajoutée travaillant en symbiose avec les grands groupes et qui sont appelées à former la nouvelle matrice de la réindustrialisation, après la grande période d’éclatement liée à la globalisation et aux délocalisations.

      Mais face à cette menace désormais identifiée, les Européens avancent comme à leur habitude en ordre dispersé. Comme souvent, les hauts fonctionnaires de la Commission européenne imaginent une réponse juridique et formelle. La présidente de la Commission a ainsi agité la menace d’aller porter le différend entre l’Europe et les États-Unis devant l’Organisation mondiale du commerce, estimant que l’Inflation Reduction Act contournait les règles du commerce international.

      Cette riposte est jugée totalement inadéquate par ses détracteurs. L’#OMC est une structure morte avec l’échec du cycle de Doha en 2008. Son incapacité à sortir de sa vision dogmatique et à répondre aux défis du changement climatique notamment a démontré son inutilité. Ses avis n’intéressent plus personne. « Et même si elle se saisissait du dossier, elle rendrait un avis dans cinq ans. D’ici là, les dommages seraient devenus irréversibles », estime un connaisseur du sujet.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/281122/entre-les-etats-unis-et-l-europe-l-ombre-d-une-guerre-commerciale
      #Inflation_reduction_act

    • L’Allemagne et la France tentent de rivaliser avec les subventions « vertes » américaines
      https://www.euractiv.fr/section/economie/news/lallemagne-et-la-france-tentent-de-rivaliser-avec-les-subventions-vertes-am

      À cette fin, la France et l’Allemagne ont pour objectif une modification des règles de l’UE en matière d’aides d’État, qui limitent actuellement la capacité des États membres du bloc à #subventionner les entreprises, dans le but de prévenir les distorsions sur le marché unique européen.

  • Pêche : une haute fonctionnaire passe aux lobbies
    À l’air libre | 15 novembre 2022 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/151122/peche-une-haute-fonctionnaire-passe-aux-lobbies

    LesLes lobbies de la pêche à Bruxelles peuvent, depuis quelques mois, compter sur l’embauche d’une fonctionnaire française qui connaît bien ces dossiers, puisqu’elle en était chargée au sein de l’administration. Un cas de pantouflage qui interroge sur la place des lobbies dans le processus de décision au niveau européen.

    Sur notre plateau pour en discuter, Caroline Roose, députée européenne Europe Écologie-Les Verts, ainsi que Claire Nouvian, présidente de l’ONG Bloom, et Clarence Bathia, juriste à Anticor, organisations qui ont dénoncé ce cas de pantouflage auprès du Parquet national financier.

    #Mafiacronie #corruption

  • Aux Pays-Bas, un algorithme discriminatoire a ruiné des milliers de... | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/111122/aux-pays-bas-un-algorithme-discriminatoire-ruine-des-milliers-de-familles

    Cette histoire est absolument abominable.
    Quand l’algorithme décide, les familles plongent. Et personne au bout du fil pour reconstruire la réalité. Car la vraie et véritable réalité, c’est que l’algorithme vous a qualifié de « fraudeur » et donc c’est forcément la vraie vérité.
    Au secours, le monde est devenu fou.

    Rotterdam (Pays-Bas).– Chaque jour, Sabrina Sliep décroche son téléphone pour écouter les mêmes histoires de désespoir. Il y a ces familles expulsées de leur maison, toujours relogées chez des proches, ces mères qui cumulent deux boulots pour garder la tête hors de l’eau, ces parents qui se débattent avec des idées noires. Des parcours brisés un jour par une lettre des impôts et, qui sont depuis comme en pointillé. « Certains ont besoin de conseils pour leurs démarches, d’autres juste de pleurer et d’être écoutés », souffle l’infirmière d’une voix émue, dans un café de la périphérie de Rotterdam (Pays-Bas).

    Sabrina Sliep assure des permanences pour Lotgenotencontact, une ligne d’écoute ouverte en mars 2022 pour et par les victimes de la « Toeslagenaffaire », « l’affaire des allocations familiales ». Comme elles, la quadragénaire s’est vue réclamer par l’administration fiscale et douanière néerlandaise chargée du versement et du contrôle des prestations sociales, un trop-perçu colossal de l’ordre de 70 000 euros.

    Comme les autres, elle n’a eu droit à aucun recours, aucune explication. Alors qu’elle vivait seule avec ses deux enfants, elle a mis sa vie en suspens pour éponger une dette dont elle ignore toujours la cause. Depuis 2012, 25 000 à 35 000 familles auraient souffert de cette affaire, fruit d’une succession de faillites de l’État : présomption de culpabilité envers des ménages de bonne foi, confiance aveugle dans un algorithme xénophobe, intransigeance d’une administration sourde aux alertes et à la détresse…

    #Algorithme #Pays_Bas #Pauvreté #Folie_numérique

  • Que prévoit la #France pour les 230 migrants de l’#Ocean_Viking ?

    Les migrants arrivés vendredi à #Toulon font l’objet d’un suivi sanitaire, et de contrôles de sécurité, avant d’être entendus par l’#Ofpra dans le cadre d’une #procédure_d’asile à la frontière. Pendant tout ce temps, ils sont maintenus dans une « #zone_d'attente ». Des associations dénoncent ces conditions d’accueil.

    Si les 230 migrants sauvés par l’Ocean Viking ont bien débarqué en France, vendredi 11 novembre, dans le port de Toulon (http://www.infomigrants.net/fr/post/44677/locean-viking-et-ses-230-migrants-accostent-a-toulon-en-france), ils ne se trouvent « pas techniquement sur le sol français », comme l’a indiqué le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

    En effet, les autorités françaises ont choisi de les placer dans une « zone d’attente », définie jeudi soir dans la zone portuaire de Toulon et sur un #centre_de_vacances de la #presqu’île de #Giens à #Hyères, où les exilés sont hébergés pour l’occasion. Un « #centre_administratif » dont ils n’ont pas le droit de sortir.

    Le maintien des personnes dans ce lieu peut durer 26 jours au maximum d’après la loi française.

    « Un système d’#enfermement de #privation_de_liberté et non d’accueil »

    Un dispositif dénoncé par plusieurs associations, dont l’Anafé qui défend les étrangers aux frontières. Interrogée par InfoMigrants, sa directrice Laure Palun souligne que c’est « un système d’enfermement de privation de liberté et non d’accueil, qui pose question quant aux conséquences sur des personnes vulnérables ».

    Gérad Sadik, responsable national de l’asile à La Cimade, estime, quant à lui, que cette #zone_temporaire est « illégale » car ce dispositif est normalement réservé aux espaces situés sur une frontière, dans les aéroports par exemple.

    Une centaine de « #Zones_d'attente_pour_personnes_en_instance » (#ZAPI) existe actuellement en France. Plusieurs associations dont l’Anafé, la Cimade et la Croix-Rouge interviennent dans ces lieux où patientent les étrangers qui ne sont pas autorisés à entrer sur le territoire, pour leur porter une assistance juridique, sanitaire et sociale.

    Mais, concernant les migrants de l’Ocean Viking, la Cimade s’inquiète de ne pas avoir accès aux personnes retenues dans la zone d’attente. Gérard Sadik affirme que l’entrée leur a été refusée. Il alerte également sur le fait que les mineurs non accompagnés ne doivent pas être placés dans ces zones d’attente, or 42 jeunes dans ce cas se trouvaient à bord de l’Ocean Viking selon SOS Méditerranée.

    Dans cette zone d’attente, les migrants feront l’objet d’un suivi sanitaire, puis de contrôles de sécurité des services de renseignement, avant d’être entendus par l’Office français de protection des réfugiés (Ofpra), qui examine les demandes d’asile et décide ou non d’attribuer le statut de réfugié.

    Procédure d’asile à la frontière comme dans les #aéroports

    La France, qui veut décider « très rapidement » du sort des migrants de l’Ocean Viking, a choisi d’appliquer la procédure d’asile à la frontière.

    Habituellement une demande d’asile française est d’abord enregistrée en préfecture, déposée auprès de l’Ofpra sous forme de dossier puis s’ensuit une convocation à un entretien, et entre trois à six mois mois d’attente avant la réponse.

    Mais dans le cas des migrants de l’Ocean Viking, l’Etat a choisi d’appliquer une #procédure_exceptionnelle qui prévoit qu’un agent de la mission asile frontière de l’Ofpra mène un entretien avec ces personnes dans un délai de 48 heures ouvrées afin d’évaluer si la demande d’asile n’est pas « #manifestement_infondée ».

    Cela peut poser problème, car cette notion floue et présentée sous une forme alambiquée laisse un large champ aux autorités françaises pour refuser l’entrée d’une personne, soulèvent les associations d’aide aux migrants.

    « En théorie, l’examen du caractère manifestement infondé ou non d’une demande d’asile ne devrait consister à vérifier que de façon sommaire si les motifs invoqués par le demandeur correspondent à un besoin de protection », soulignait l’Anafé, interrogée par InfoMigrants début novembre sur cette même procédure très régulièrement appliquée sur l’île de La Réunion. « Il ne devrait s’agir que d’un examen superficiel, et non d’un examen au fond, de la demande d’asile, visant à écarter les personnes qui souhaiteraient venir en France pour un autre motif (tourisme, travail, étude, regroupement familial, etc.) en s’affranchissant de la procédure de délivrance des visas », précisait l’association.

    Difficile donc pour des migrants tout juste arrivés après plusieurs semaines d’errance en mer, et parfois la perte de leurs papiers d’identité lors des naufrages, de prouver le fondement de leur demande lors d’un entretien de quelques minutes. D’autres considérations rentrent aussi en ligne de compte lors de ce type d’entretiens, notamment la langue parlée, et la qualité de la traduction effectuée par l’interprète de l’Ofpra.

    Pour accélérer encore un peu plus la procédure, « l’Ofpra a prévu de mobiliser dès ce week-end seize agents pouvant réaliser jusqu’à 90 entretiens par jour », a insisté vendredi le directeur général des étrangers (DGEF) au ministère de l’Intérieur, Eric Jalon.

    Après avoir mené ces entretiens, l’Ofpra donne un avis au ministère de l’Intérieur qui autorise ou non les migrants interrogés à déposer leur demande d’asile. Dans la plupart des cas, les personnes soumises à ce type de procédure échouent avec un taux de refoulement de 60%, indique l’Anafé.

    « Doutes sur le fait que les autorités françaises puissent expulser rapidement »

    « Pour les personnes dont la demande d’asile serait manifestement infondée, qui présenteraient un risque sécuritaire, nous mettrons en œuvre (...) les procédures d’#éloignement pour qu’elles regagnent leur pays d’origine », a prévenu Eric Jalon. Le ministère de l’Intérieur affirme également que des contacts ont déjà été pris avec les pays d’origine de ces rescapés.

    D’après les informations dont dispose InfoMigrants, les rescapés de l’Ocean Viking sont majoritairement originaires du Bangladesh, d’Érythrée et de Syrie, mais aussi d’Égypte, du Pakistan et du Mali notamment.

    « Nous avons des doutes sur le fait que les autorités françaises puissent expulser rapidement », fait savoir Laure Palun, « car il faut que la personne soit détentrice d’un passeport et d’un laissez-passer consulaire ». Or ce document doit être délivré par le pays d’origine et cela prend du temps car certains pays tardent à l’octroyer.

    Deux-tiers des personnes ne resteront de toute façon pas en France, puisqu’elles seront relocalisées dans neuf pays, a précisé le ministère, citant l’#Allemagne qui doit en accueillir environ 80, le #Luxembourg, la #Bulgarie, la #Roumanie, la #Croatie, la #Lituanie, #Malte, le #Portugal et l’#Irlande.

    Si une personne se voit refuser l’entrée sur le territoire par le ministère de l’Intérieur, un recours juridique est possible. Il s’agit du recours contre le refus d’admission sur le territoire au titre de l’asile à déposer dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision de refus prise par le ministère de l’Intérieur, explique la Cimade.

    http://www.infomigrants.net/fr/post/44696/que-prevoit-la-france-pour-les-230-migrants-de-locean-viking
    #sauvetage #asile #migrations #réfugiés #Méditerranée #Italie #ports #ports_fermés #frontières #relocalisation #renvois #expulsions

    ping @isskein @karine4 @_kg_

    –—

    ajouté à la métaliste autour de la création de zones frontalières (au lieu de lignes de frontière) en vue de refoulements :
    https://seenthis.net/messages/795053

    • À peine débarqués, les rescapés de l’« Ocean Viking » sont privés de liberté

      C’est sous #escorte_militaire que le navire de #SOS_Méditerranée a pu s’amarrer à Toulon. Les migrants, dont des enfants, ont été transférés dans une « zone d’attente », soit un lieu de privation de liberté. Un député LFI, qui a pu y entrer, a vu « des humains au bord du gouffre ».

      Deux places, deux ambiances pour l’arrivée du bateau de SOS Méditerranée, vendredi, à Toulon. Sur le quai Cronstadt, en fin de matinée, une centaine de personnes se sont rassemblées pour affirmer un message de bienvenue aux 230 exilé·es secouru·es par l’Ocean Viking. Les slogans, cependant, n’ont pas pu être entendus des concerné·es, puisque le gouvernement a organisé leur réception au port militaire, loin des regards, y compris de ceux de la presse.

      Deux heures plus tard, quelques dizaines de soutiens d’Éric Zemmour ont tenu le pavé devant l’entrée de l’arsenal, tandis que leur chef déclamait un énième discours xénophobe devant un mur de caméras. Outre #Marion_Maréchal-Le Pen, il était accompagné d’anciens de #Génération_identitaire, dont l’Aixois #Jérémie_Piano, récemment condamné à huit mois de prison avec sursis pour des faits de violence au siège de SOS Méditerranée en 2018.

      Jeudi, Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, avait annoncé l’autorisation donnée à l’Ocean Viking de débarquer à Toulon, après trois semaines d’errance en mer dans l’attente d’un port sûr que lui ont refusé Malte et l’Italie. Le navire et ses 230 passagers et passagères, dont 13 enfants accompagnés et 44 mineur·es sans famille, s’est amarré à 8 h 50 ce vendredi. Son entrée en rade de Toulon s’est faite sous escorte de plusieurs bateaux militaires et d’un hélicoptère. Puis les personnes ont été acheminées dans un centre de vacances de la presqu’île de Giens, transformé en « zone d’attente » provisoire. Autrement dit : aux yeux de l’administration, les rescapé·es de l’Ocean Viking ne sont pas entré·es sur le territoire français.

      Des bus sont chargés de les conduire « sous #escorte_policière jusqu’au site d’hébergement situé sur la commune d’Hyères », a précisé le préfet du Var, Evence Richard à l’occasion d’une conférence de presse. Les personnes y seront privées de leur liberté, le temps de l’évaluation de leur situation, et sous la #garde_policière de quelque 200 agents.

      Des centaines de policiers

      Le représentant de l’État annonce d’importants moyens mis en place par ses services pour répondre à un triptyque : « #dignité_humanitaire ; #sécurité ; #rigueur et #fermeté ». 600 personnes en tout, forces de l’ordre comprises, vont se consacrer à cet « accueil » prévu pour un maximum de 26 jours. La prise en charge médicale est assurée par les services des pompiers et du Samu.

      D’un point de vue administratif, le ministère veut d’abord « évaluer les #risques_sécuritaires », via des entretiens menés par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), selon les mots d’Éric Jalon, directeur général des étrangers en France, présent au côté du préfet. La mise en avant de cet aspect est un gage donné par Gérald Darmanin à l’extrême droite.

      Ensuite, si les personnes demandent l’asile et rentrent dans les critères, elles pourront, pour un tiers seulement des adultes, rester en France ou bien être « relocalisées », selon le jargon administratif, dans au moins neuf autres pays européens : Allemagne, Luxembourg, Bulgarie, Roumanie, Croatie, Lituanie, Malte, Portugal et Irlande.

      Des agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), l’instance dépendant du ministère de l’intérieur chargée d’attribuer ou non le statut de réfugié, évalueront les situations « sous 48 heures », insistent les hauts fonctionnaires. Une procédure express réservée aux « zones d’attente », ces sites habituellement installés dans les aéroports, les ports ou à des postes-frontières, régulièrement dénoncés par des associations comme des lieux où les droits de certains étrangers et étrangères sont bafoués.

      Si les personnes ne demandent pas l’asile, si l’Ofpra rejette leur demande ou si elles sont considérées comme présentant un risque pour la sécurité, le ministère de l’intérieur s’efforcera de les renvoyer dans leur pays d’origine. « Des contacts ont d’ores et déjà été pris avec les pays vers lesquels les personnes ont vocation à retourner », affirme Éric Jalon.

      Les 44 mineur·es non accompagné·es déclaré·es par SOS Méditerranée, pour leur part, verront leur situation évaluée par les services de l’Aide sociale à l’enfance du Var. Si celle-ci ne met pas en cause leur minorité, ils pourront quitter la zone d’attente et être sous la protection du département, comme la loi l’impose.

      Des parlementaires interdits d’accès au quai

      Venue à Toulon pour observer, Laure Palun, de l’Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers), organisation active pour défendre les droits des étrangers et étrangères en zones d’attente, critique la méthode. « Il n’y a pas assez d’agents de l’Ofpra formés aux demandes d’asile formulées à la frontière. Il risque d’y avoir plein d’erreurs, dit-elle. Et puis, pour des gens qui ont failli se noyer, qui sont restés autant de temps sur ce bateau, comment pourront-ils être opérationnels dès demain pour faire un récit de vie qui va être crédible aux yeux des autorités françaises ? »

      Sur le plan humain, « enfermer ces personnes, c’est rajouter une couche de #violence à ce qu’elles ont déjà vécu. La zone d’attente n’est pas un lieu qui permet d’aborder sereinement l’asile. Je ne suis pas certaine qu’il y aura une prise en charge psychologique », juge la responsable associative. Dans de nombreuses zones d’attente temporaire habituellement mises en place dans les départements d’outre-mer, l’association a observé que l’information sur la demande d’asile n’est pas toujours donnée aux individus. « C’est une obligation d’informer les étrangers de leurs droits », assure pour sa part Éric Jalon.

      Des rescapés harassés, pieds nus, sans pantalon

      L’opération du gouvernement interpelle aussi par le secret qu’elle s’évertue à organiser. En dehors des agents de l’État, personne n’a eu accès à l’arsenal vendredi, une zone militaire, donc confidentielle. Le député de Marseille Sébastien Delogu (La France insoumise – LFI) s’est vu refuser l’accès à l’Ocean Viking, alors que la loi autorise n’importe quel parlementaire à visiter une zone d’attente à l’improviste, et que celle créée dans le village vacances englobe « l’emprise de la base navale de Toulon », d’après l’arrêté publié vendredi par le préfet.

      Le gouvernement prétend faire primer, semble-t-il, le secret défense. « Moi je ne viens pas pour faire du théâtre comme l’extrême droite, je veux exercer mon droit de parlementaire, s’agace le député insoumis. J’ai aussi été élu pour ça. Sinon, qui a un droit de regard ? » Son collègue Hendrik Davi (LFI) a également été repoussé.

      Plus tard, Sébastien Delogu a pu, tout de même, se rendre au village vacances et « constater toute la souffrance et la détresse physique et mentale dans laquelle se trouvent les rescapés ». « Ces jeunes hommes et femmes sont épuisés, parfois pieds nus ou sans pantalon, harassés par ce périple durant lequel ils ont tout quitté et risqué leur vie. Je n’ai vu que des humains au bord du gouffre, a-t-il précisé, à la sortie, dans un communiqué. Nous ne céderons pas un centimètre d’espace politique aux fascistes qui instrumentalisent ces drames pour propager la haine et la xénophobie. »

      Entre soulagement et amertume, les responsables de SOS Méditerranée ont quant à eux fustigé vendredi des blocus de plus en plus longs imposés à leur navire, au détriment de la sécurité physique et psychologique des naufragé·es recueilli·es à bord. Comme elle le fait depuis sept ans, l’ONG a appelé à la (re)constitution d’une flotte européenne pour faire du sauvetage en Méditerranée centrale et à la mise en place d’un processus de solidarité entre États européens pour la répartition des personnes secourues, qui respecte le droit maritime (soit un débarquement dans le port sûr le plus proche).

      Les finances de l’association étant en baisse à cause de l’explosion des coûts due à l’inflation et à la diminution des dons reçus, elle a relancé un appel aux soutiens. « Dans l’état actuel de nos finances, on ne peut continuer encore que quelques mois, précise sa directrice Sophie Beau. Depuis le premier jour, SOS Méditerranée est essentiellement soutenu par la société civile. » Si quelques collectivités complètent le budget par des subventions, l’État français, lui, ne verse évidemment pas un centime.

      « C’est essentiel qu’on retourne en mer, déclare Xavier Lauth, directeur des opérations de SOS Méditerranée. Parce qu’il y a eu déjà au mois 1 300 morts depuis le début de l’année [en Méditerranée centrale, face à la Libye – ndlr]. » Le décompte de l’Organisation internationale pour les migrations (liée à l’ONU) a précisément dénombré 1 912 personnes disparues en Méditerranée depuis le début de l’année, que les embarcations aient visé l’Italie, la Grèce ou encore l’Espagne. Et depuis 2014, plus de 25 000.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/111122/peine-debarques-les-rescapes-de-l-ocean-viking-sont-prives-de-liberte

    • Le jour où la France n’a pas (vraiment) accueilli l’Océan Viking…

      Après trois semaines à errer, sans qu’on lui assigne de port où débarquer les 234 rescapés secourus en mer, l’Océan Viking, de Sos-Méditerranée, a enfin accosté à Toulon. Entre soulagement et indignation, les associations dénoncent l’instrumentalisation politique de cette crise et les défaillances des États membres de l’Union Européenne.

      « Le sauvetage que nous avons débuté le 22 octobre n’est toujours pas terminé », c’est en substance ce qu’explique Louise Guillaumat, directrice adjointe des opérations de SOS-Méditerranée, lors de la conférence de presse tenue, le vendredi 11 novembre à midi. À cette heure, plus de la moitié des rescapés tirés des eaux par l’ONG, trois semaines auparavant, sont toujours à bord de l’Océan Viking, qui a accosté le matin même, sur le quai de l’artillerie de la base navale varoise.

      Au soleil levant, sur le quai Cronstadt, au pied du « cul-vers-ville », une statue évoquant le génie de la navigation, les caméras de télévision se sont frayé une place parmi les pêcheurs matinaux. Il est 7 h 00, le bateau de Sos-méditerranée est à moins de six miles marins des côtes toulonnaises. Il accoste deux heures plus tard. Pourtant, les 231 exilés à son bord ne sont pas accueillis par la France.
      44 enfants isolés

      « Les passagers ont été placés en zone d’attente. Ils n’ont pas été autorisés à entrer sur le territoire national. » explique Éric Jalon, préfet, et directeur général des étrangers en France (DGEF). Le port militaire et le centre où vont être hébergés les exilés ont été, par décret, définis, la veille, comme « zone d’attente provisoire » gérée par la Police des airs et des frontières (PAF). « Des évaluations de leur état de santé sont faites dès leur descente du navire », promet le préfet.

      Après quoi, ils sont conduits en bus dans un centre de vacances, mis à disposition par la Caisse centrale d’activités sociales (CCAS) des agents des industries électriques et gazières en France, en solidarité avec les personnes réfugiées. Une fois là-bas, ces dernières, parmi lesquelles 44 mineurs isolés, doivent pouvoir formuler une demande d’asile en procédure accélérée.

      « Des agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ont été détachés sur place pour y mener des entretiens », poursuit le DGEF. Ceux pour qui la demande d’asile sera jugée « irrecevable et manifestement infondée » feront l’objet de reconduites dans leur pays d’origine. Ce n’est qu’après cette procédure, pouvant durer jusqu’à 26 jours, que les autres pourront alors prétendre à demander l’asile en France ou dans un des neuf pays de l’union européenne s’étant déclaré prêt à en accueillir une partie.
      Une façon de détourner le règlement de Dublin

      « Ce n’est pas ce que prévoit le droit dans l’état », pointe Laure Palun, la directrice de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), présente au rassemblement organisé sur le port, en milieu de matinée, par les associations, syndicats et partis solidaires des exilés. « Les demandeurs d’asile doivent normalement être accueillis sur le territoire d’un État avant leur relocalisation. » explique-t-elle.

      Le choix fait par la France est une façon de détourner le règlement de Dublin qui prévoit qu’une demande d’asile ne puisse être étudiée que par le pays de première entrée du candidat. Et ce n’est pas la seule entorse à la loi que revêt le dispositif « exceptionnel » mise en place par Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. « Ce matin, on nous a refusé l’entrée dans la zone d’attente alors que nous sommes une des associations agréées pour y accéder en tant qu’observateur », dénonce ainsi la responsable associative. La loi prévoit, d’ailleurs, dans le même cadre un libre accès aux parlementaires. Le député LFI de la 7e circonscription de Marseille, Sébastien Delogu, s’est porté volontaire ce matin. Mais « le cabinet de Sébastien Lecornu, ministre des armées, nous interdit l’accès au port », confia-t-il, en début d’après-midi, au téléphone depuis le bureau du préfet maritime. Même les membres de Sos-Méditerranée n’ont pas pu venir à la rencontre de leur équipage bloqué en mer depuis 21 jours.
      L’indignité monte d’un cran

      « La France a su accueillir dignement les réfugiés venus d’Ukraine », rappelle Olivier Masini, secrétaire général de l’UD CGT du Var, alors que plusieurs centaines de militants entament une marche solidaire en direction du théâtre de la liberté où les représentants de SOS-Méditerranée tiennent leur conférence de presse. « Nous sommes ici pour affirmer les valeurs humanistes de notre syndicat et pour demander que les réfugiés débarqués aujourd’hui puissent bénéficier d’un traitement similaire. »

      C’est avec les traits tendus par la colère et la fatigue que les quatre dirigeants de l’Ong de sauvetage en mer accueillent leur auditoire. « Les États Européens négligent depuis sept ans la situation » , lance Sophie Beau, Co-fondatrice de SOS-Méditerranée. « Il est temps que soit mis en place un véritable mécanisme opérationnel et pérenne de répartition des exilés secourus en Méditerranée centrale. L’instrumentalisation politique de cette crise est indigne des démocraties européennes. »

      L’#indignité est d’ailleurs montée d’un cran en début d’après-midi, lorsque devant l’arsenal, les représentants du parti d’extrême-droite, Reconquête, sont venus s’exprimer devant une poignée de groupies haineux. Pas de quoi décourager, cependant, les sauveteurs de Sos-Méditerranée. «  Je préfère rester optimiste, reprend Sophie Beau. Les citoyens européens sont porteurs de solidarité. Nous repartirons rapidement en mer pour continuer notre mission de sauvetage. Et dans le contexte économique actuel, nous avons plus que jamais besoin du soutien de la société civile… Répondez à ce SOS. »

      https://www.humanite.fr/societe/ocean-viking/le-jour-ou-la-france-n-pas-vraiment-accueilli-l-ocean-viking-770755#xtor=RS

      #migrerrance

    • « Ocean-Viking », un désastre européen

      Editorial du « Monde » . Les trois semaines d’errance du navire humanitaire, qui a fini par accoster à Toulon sur fond de crise diplomatique entre la France et l’Italie, rappellent l’impuissance européenne à mettre en œuvre les droits humains.

      L’Union européenne (UE) n’avait pas besoin de cela. Déjà aux prises avec une guerre à ses portes, une crise énergétique, la montée de l’inflation et les tensions que ce contexte exacerbe entre ses membres, voilà que la terrible errance depuis trois semaines d’un navire humanitaire, l’Ocean-Viking, chargé de migrants secourus en Méditerranée, remet en lumière son incapacité à organiser la solidarité en son sein. Cela sur la principale question qui nourrit l’extrême droite dans chaque pays – l’immigration – et, partant, menace l’avenir de l’Union elle-même.

      Si la France a, finalement, sauvé l’honneur en acceptant que l’Ocean-Viking accoste à Toulon, vendredi 11 novembre, après le refus italien, l’impuissance européenne à mettre en œuvre les droits humains qui la fondent historiquement – en l’occurrence la sauvegarde de 234 vies, dont celles de 57 enfants – est extrêmement préoccupante.

      Que la France et l’Italie, que rapprochent mille liens historiques, géographiques et humains, en viennent à s’apostropher par ministres de l’intérieur interposés donne la mesure de la déstabilisation d’un équilibre déjà fragile, consécutif à l’arrivée à Rome de Giorgia Meloni, la présidente du conseil italien issue de l’extrême droite.

      Sept ans après la crise migratoire de 2015, au cours de laquelle l’UE avait manqué de solidarité à l’égard de l’Italie, y nourrissant la xénophobie, les ingrédients du malaise sont toujours là. Même si les migrants de l’Ocean-Viking doivent être répartis dans l’UE, le fragile système de partage des demandeurs d’asile dans une douzaine d’Etats européens, obtenu par la France en juin, qui n’a jusqu’à présent connu qu’une application homéopathique, a déjà volé en éclats avec l’Italie.

      Volte-face

      Pour l’exécutif français, enclin à présenter l’Union européenne comme un facteur de protection, le scénario de l’Ocean-Viking est également désastreux. S’il a pris en définitive la bonne décision, il semble s’être fait forcer la main par le gouvernement italien. Alors qu’Emmanuel Macron avait refusé en 2018 l’accostage de l’Aquarius, un autre bateau humanitaire, pour ne pas « faire basculer le pays vers les extrêmes », sa volte-face intervient alors que le Rassemblement national, avec ses 89 députés, a renforcé son emprise sur la vie politique.

      Si le dénouement de Toulon devrait logiquement être salué à gauche, il risque de compromettre le ralliement déjà incertain de la droite au projet de loi sur l’immigration, construit sur un équilibre entre régularisation de travailleurs étrangers et fermeté sur les mesures d’éloignement.

      Le poids des images et des symboles – le navire chargé de malheureux, le débarquement sous escorte militaire – ne saurait cependant faire perdre la véritable mesure de l’événement : l’arrivée de quelques dizaines de demandeurs d’asile est bien loin de déstabiliser un pays comme la France. Une centaine de milliers de réfugiés ukrainiens y sont d’ailleurs accueillis à bras ouverts. Comme eux, les migrants venus d’autres continents ont droit à un examen sérieux de leur demande d’asile.

      Les difficultés d’intégration, les malaises et les craintes que suscite l’immigration dans l’opinion sont évidents et doivent être sérieusement écoutés et pris en compte. Mais, alors que l’extrême droite fait des migrants le bouc émissaire de tous les dysfonctionnements de la société et tient la mise au ban des étrangers pour la panacée, il faut rappeler que des hommes, des femmes et des enfants sont là, derrière les statistiques et les joutes politiques.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/12/ocean-viking-un-desastre-europeen_6149574_3232.html

    • Pour le plein respect des droits et de la dignité des passager.e.s de l’Ocean Viking, pour une véritable politique d’accueil européenne [Communiqué de presse inter-associatif]

      L’accueil de l’Ocean Viking à Toulon en France a été un soulagement face au drame terrible et indigne que vivaient ses passager.e.s depuis plusieurs semaines, balloté.e.s sur les flots en attente d’une décision sur leur possibilité de débarquement.

      Maintenant se pose la question des conditions de l’accueil des passager.e.s.

      Nous demandons la mise en place des dispositions suivantes :

      – Pas de privation de liberté en zone d’attente, qui ne ferait qu’accroitre les souffrances et traumatismes vécus en mer et sur le parcours d’exil ; de nos expériences sur le terrain, le respect des droits des personnes et de leur dignité n’est pas compatible avec l’enfermement de ces dernières, quel que soit le contexte de leur arrivée, et a fortiori après un périple tel que l’on vécut les rescapés de l’Océan Viking.
      En outre, il est inadmissible que le gouvernement ait fait le choix de « fabriquer » une zone d’attente temporaire dans une base militaire, rendant impossible l’accès des associations habilitées et des élu.e.s de la République, sous prétexte de secret défense, ne permettant pas à des personnes en situation de particulière vulnérabilité d’avoir accès à l’assistance minimale que la loi leur reconnaît.

      – Mobilisation d’un centre d’accueil ouvert, permettant de mettre en place l’accompagnement sanitaire, social, et également psychologique nécessaire.

      – Protection immédiate, mise à l’abri et hébergement des passager.e.s, dépôt de demandes d’asile pour toutes les personnes le souhaitant, et examen approfondi de toutes les situations des personnes afin de garantir le respect de l’exercice effectif de leurs droits.

      Plus globalement, pour éviter demain d’autres drames avec d’autres bateaux :

      – Nous rappelons le nécessaire respect du droit international de la mer, en particulier l’obligation de porter secours aux passagers d’un bateau en difficulté, le débarquement des personnes dans un lieu sûr dans les meilleurs délais ainsi que le principe de non-refoulement vers des pays où les personnes encourent un risque d’être soumises à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants.

      – La solidarité en Europe ne fonctionne pas. Le « mécanisme de solidarité » proposé dans le cadre du pacte européen « migrations et asile » est non seulement non respecté par les pays mais très en-deçà d’une véritable politique d’accueil respectueuse de la dignité des personnes et de leurs droits fondamentaux. L’Italie est à la pointe des égoïsmes nationaux mais globalement les pays européens dans leur ensemble ne sont pas à la hauteur.

      – C’est donc un changement de modèle politique qui est indispensable : passer de politiques européennes fondées sur la fermeture et le repli vis-à-vis des migrant.e.s considéré.e.s comme indésirables pour prôner un autre système :

      > permettre un accès inconditionnel au territoire européen pour les personnes bloquées à ses frontières extérieures afin d’examiner avec attention et impartialité leurs situations et assurer le respect effectif des droits de tou∙te∙s
      > permettre l’accueil des réfugié.e.s non pas sur la base de quotas imposés aux pays, mais sur la base des choix des personnes concernées (selon leurs attaches familiales, leurs compétences linguistiques ou leurs projets personnels), dans le cadre d’une politique de l’asile harmonisée, fondée sur la solidarité entre Etats et le respect inconditionnel des droits fondamentaux.

      http://www.anafe.org/spip.php?article655

    • Zone d’attente de Toulon : violations des droits des personnes sauvées par l’Ocean Viking [Communiqué de presse]

      Depuis 5 jours, l’Anafé se mobilise pour venir en soutien aux personnes enfermées en zone d’attente de Toulon après le débarquement de l’Ocean Viking, le vendredi 11 novembre. Ses constats sont alarmants. Les personnes sauvées par l’Ocean Viking sont victimes de violations de leurs droits fondamentaux dans ce lieu d’enfermement qui n’a rien d’un village de vacances : violations du droit d’asile, personnes portant des bracelets avec numéro, absence d’interprétariat, absence de suivi psychologique effectif, pas de téléphones disponibles et pas de visites de proches, pas d’accès à un avocat ou à une association de défense des droits.

      Violation du droit d’asile
      Toutes les personnes enfermées dans la zone d’attente de Toulon ont demandé l’asile. L’Anafé dénonce le choix des autorités de priver de liberté ces personnes en demande de protection internationale alors que ces mêmes autorités n’ont pas nié l’état psychologique dégradé dans lequel elles se trouvent après un long parcours au cours duquel elles ont failli se noyer et après avoir été débarquées d’un bateau de sauvetage sur lequel elles avaient passé 21 jours. Or, la procédure d’asile à la frontière est une procédure d’asile « au rabais », réalisée dans l’urgence mais aussi dans un lieu d’enfermement, quelques heures seulement après le débarquement.
      Les autorités auraient pu, à l’instar de ce qui a été mis en œuvre l’année dernière à l’arrivée de personnes ressortissantes d’Afghanistan ou lors de l’arrivée de ressortissants d’Ukraine depuis le début d’année, prévoir des mesures d’hébergement et un accès à la procédure de demande d’asile sur le territoire, après un temps de repos et de prise en charge médicale sur le plan physique et psychologique.

      Les conditions d’entretien Ofpra
      Les entretiens Ofpra doivent veiller au respect de la confidentialité des échanges et de la dignité des personnes, tout en prenant en compte leur vulnérabilité. L’Ofpra aurait pu refuser de réaliser les entretiens de personnes à peine débarquées au regard de leur vulnérabilité. Cela n’a pas été le cas. Au contraire, elles ont dû expliquer leurs craintes de persécutions sitôt enfermées en zone d’attente. Surtout, des entretiens se sont déroulés dans des tentes, dont certaines laissant une visibilité depuis l’extérieur et sans respect de la confidentialité des échanges, les conversations étaient audibles depuis l’extérieur. Les autres ont été faits dans des locaux où avaient été réalisés des entretiens avec les services de police, ajoutant à la confusion des interlocuteurs et des rôles. Rien, hormis le petit badge porté par les officiers de protection, ne pouvait les distinguer des policiers en civil ou des associations présents dans le camp.

      L’absence d’interprétariat
      Les personnes ainsi enfermées n’ont pas eu accès à des interprètes. Seulement deux interprètes en arabe étaient présentes lors d’une visite organisée par des sénateurs et un député. Leur rôle : traduire les entretiens avec la police aux frontières. Hormis ces deux interprètes, l’ensemble des entretiens sont effectués via un interprétariat téléphonique assuré par un prestataire, y compris pour les entretiens Ofpra. L’Anafé a pu observer les difficultés de la police aux frontières pour contacter un interprète, faisant parfois appel à une personne maintenue en zone d’attente.
      Dès lors, les personnes ne sont pas en mesure de comprendre la procédure de maintien en zone d’attente, leurs droits, la procédure spécifique d’asile à la frontière et ses tenants et aboutissants.

      Des numéros aux poignets
      Les personnes maintenues sont identifiées par des bracelets de couleur au poignet portant un numéro. Les autorités n’ont donc pas hésité à les numéroter sans aucun respect pour leur individualité et leur identité.

      L’absence de suivi psychologique effectif
      L’Anafé a pu constater dans la zone d’attente que si la CUMP83 (cellules d’urgence médico-psychologique) était présente, les conditions d’enfermement ne permettent pas aux infirmiers d’échanger avec les personnes maintenues, les services d’interprétariat téléphonique toujours assurés par le même prestataire étant saturés. De plus, la CUMP83 ne bénéficie pas d’un local adapté pour s’entretenir de manière confidentielle avec les personnes mais d’une tente située dans le « village Croix-Rouge » au milieu de la zone d’attente. Cette disposition ne permet donc pas aux personnes maintenues de bénéficier d’un soutien psychologique confidentiel et adapté au traumatisme qu’elles ont subi lors de leur parcours migratoire et des trois semaines passées en mer.
      De plus, si un médecin, une sage-femme et une infirmière étaient présents le samedi 13 novembre 2022, nous avons pu constater le lendemain qu’aucun médecin n’était présent sur le site. Il nous a été indiqué qu’en cas de nécessité, il serait fait appel à SOS Médecin.

      Impossibilité d’avoir des contacts avec l’extérieur, contrairement à la législation régissant les zones d’attente
      Les numéros utiles ne sont pas affichés. Le wifi installé par la Croix-Rouge ne fonctionne pas correctement. Si huit téléphones portables sont disponibles toute la journée, les conversations sont limitées à 5 minutes et jusqu’à 18h environ. Il n’est pas possible d’être appelé sur ces numéros et ils ne servent que dans le cadre du rétablissement des liens familiaux. Hormis ces téléphones, aucune cabine téléphonique n’est prévue sur le site de la zone d’attente. Il n’est donc pas possible pour les personnes maintenues de s’entretenir de manière confidentielle, notamment avec un avocat, une association ou leurs proches. Il est impossible pour les personnes maintenues de se faire appeler de l’extérieur.
      Aucune visite de proche n’est possible en raison de l’absence de de mise en place d’un système de visite ou d’un local dédié.

      L’impossible accès aux avocats et aux associations
      L’Anafé a pu constater que les personnes maintenues n’avaient aucune connaissance de leur droit à contacter un avocat et qu’aucun numéro de téléphone ne leur avait été communiqué, là encore, contrairement à la législation applicable. Après la visite de la Bâtonnière de l’Ordre des avocats de Toulon et des élus, les avocats se sont vu attribuer deux chambres faisant office de bureau qui ne sont équipées ni d’ordinateur, ni de fax, ni d’internet pour transmettre les recours.
      L’Anafé n’a pas de local pour s’entretenir de manière confidentielle avec les personnes maintenues, notamment en faisant appel à un service d’interprétariat. D’après les informations fournies par la protection civile, il n’y avait pas de local disponible.
      Il est donc impossible pour les avocats et pour les associations de défense des droits d’exercer leur mission dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges et un accompagnement digne des personnes.

      Toutes ces violations constituent des manquements graves aux droits des personnes enfermées dans la zone d’attente de Toulon. Ces atteintes inacceptables sont le résultat du choix fait par les autorités d’enfermer ces personnes au lieu de les accueillir. Comme à chaque fois que des gens sont enfermés en zone d’attente, leurs droits ne sont pas respectés. C’est ce que l’Anafé dénonce depuis la création des zones d’attente. Il est temps de mettre fin à ce régime d’enfermement.

      http://www.anafe.org/spip.php?article656

    • Comment l’affaire de l’Ocean Viking révèle l’ambiguïté des « zones d’attente »

      Vendredi 11 novembre, les 234 migrantes et migrants secourus par le navire Ocean Viking ont pu rejoindre la base navale de Toulon, après trois semaines d’errance en mer. Ultime épisode du drame de la migration qui se joue en Méditerranée et dont le déroulement puis le dénouement peuvent donner lieu à plusieurs clés de lecture. Au niveau de la politique et de l’intégration européennes, le bras de fer entre Paris et Rome, rejouant le duel ayant opposé en 2018 Emmanuel Macron avec l’alors Président du Conseil des ministres italien et actuel Vice-Président Matteo Salvini, a souligné les obstacles à l’affirmation de la solidarité européenne sur la question. Au niveau de la politique interne, ensuite, l’on a vu combien la situation de l’Ocean Viking a accusé les clivages entre « humanistes » et partisans de la fermeté.

      Rappelons d’ailleurs que les propos ayant valu l’exclusion pour deux semaines du député du Rassemblement national Grégoire de Fournas ont précisément été tenus à l’occasion de l’allocution d’un député de la France insoumise dénonçant le sort réservé aux passagers du navire humanitaire.

      Le dernier épisode en date dans l’épopée de l’Ocean Viking est également et entre autres justiciable d’une analyse juridique.
      Les limites du droit international de la mer

      Pendant son errance, les difficultés à trouver un lieu de débarquement ont de nouveau souligné les limites d’un droit de la mer peinant à imposer à un État clairement défini d’ouvrir ses ports pour accueillir les rescapés. La décision de laisser les passagers de l’Ocean Viking débarquer à Toulon est également significative. Elle signe certes leur prise en charge temporaire par la France, mais n’emporte pas, du moins dans un premier temps, leur admission sur le territoire français (au sens juridique). Ce dont le ministre de l’Intérieur ne s’est d’ailleurs fait faute de souligner).

      Cette situation permet alors de mettre en exergue l’une des singularités de la conception juridique du territoire, notamment en ce qui concerne la situation des étrangers. Les zones d’attente en sont une claire illustration.
      Les « zones d’attente »

      Les aéroports ont été les premiers espaces où sont apparues ces zones considérées comme ne relevant pas juridiquement du territoire de l’État les accueillant. Le film Le Terminal, dans lequel Tom Hanks campait un iranien ayant vécu plusieurs années à Roissy – où il s’est d’ailleurs éteint ce samedi 12 novembre –, avait en 2004 porté à la connaissance du grand public cette situation.

      En France, les « zones internationales », initialement nimbées d’un flou quant à leur fondement juridique et au sein desquelles les autorités prétendaient par conséquent n’y être pas assujetties au respect des règles protectrices des droits humains, ont cédé la place aux « zones d’attente » à la faveur de la loi du 6 juillet 1992).

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      À une situation d’exclusion – du moins, alléguée par les autorités – du droit, s’est alors substitué un régime d’exception : les personnes y étant maintenues n’étaient toujours pas considérées comme ayant pénétré juridiquement le territoire français.

      N’étant plus – prétendument – placées « hors du droit » comme l’étaient les zones internationales, les zones d’attente n’en restaient pas moins « hors sol ». L’une des conséquences en est que les demandes d’asile qui y sont le cas échéant déposées relèvent alors de l’« asile à la frontière ». Elles sont par conséquent soumises à un régime, notamment procédural, beaucoup moins favorable aux demandeurs (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile CESEDA, Titre V, article L.350-1 à L.352-9).
      La « fiction juridique »

      La « fiction juridique » que constituent les zones d’attente s’étend désormais entre autres aux gares ferroviaires ouvertes au trafic international, aux ports ou à proximité du lieu de débarquement (CESEDA, article L.341-1). Ces « enclaves » au sein du territoire, autour d’une centaine actuellement, peuvent par ailleurs inclure, y compris « à proximité de la gare, du port ou de l’aéroport ou à proximité du lieu de débarquement, un ou plusieurs lieux d’hébergement assurant aux étrangers concernés des prestations de type hôtelier » (CESEDA, article L.341-6).

      Tel est le cas de la zone d’attente créée par le préfet du Var par le biais d’un arrêté, à la suite de l’accueil de l’Ocean Viking.

      « pour la période du 11 novembre au 6 décembre 2022 inclus, une zone d’attente temporaire d’attente sur l’emprise de la base navale de Toulon et sur celle du Village Vacances CCAS EDF 1654, avenue des Arbanais 83400 Hyères (Giens) ».

      Accueillis dans ce Village Vacances dont les « prestations de type hôtelier » ne semblent aucunement correspondre à la caricature opportunément dépeinte par certains, les rescapés demeurent, juridiquement, aux frontières de la France.
      Aux portes du territoire français

      Ils ne se situent pas pour autant, de ce fait, dans une zone de non-droit : placés sous le contrôle des autorités françaises, ils doivent se voir garantir par elles le respect de leurs droits humains. Aux portes du territoire français, les migrantes et migrants secourus par l’Ocean Viking n’en relèvent pas moins de la « juridiction » française comme le rappelle la Cour européenne des droits de l’Homme. La France est ainsi tenue d’observer ses obligations, notamment au regard des conditions de leur maintien contraint au sein de la zone.

      Une partie des rescapés recouvreront leur liberté en étant admis à entrer juridiquement sur le territoire de la France. Tel est le cas des mineurs non accompagnés, dont il est annoncé qu’ils seront pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance.

      Tel est également le cas de ceux qui auront été autorisés à déposer une demande d’asile sur le territoire français et se seront vus, à cette fin, délivrer un visa de régularisation de huit jours. Parmi eux, la plupart (175) devraient être acheminés vers des États européens qui se seraient engagés à les accueillir, vraisemblablement afin que soient examinées leurs demandes de protection internationale. Expression d’une solidarité européenne a minima dont il faudra cependant voir cependant les suites.

      À lire aussi : Podcast : « Quand la science se met au service de l’humanitaire », le Comité international de la Croix-Rouge

      Pour tous les autres enfin, ceux à qui un refus d’entrer sur le territoire français aura été notifié et qui ne seront pris en charge par aucun autre État, le ministre de l’Intérieur précise qu’ils seront contraints de quitter la zone d’attente vers une destination qui demeure cependant encore pour le moins incertaine. Ceux-là auront alors été accueillis (très) temporairement par la France mais seront considérés comme n’ayant jamais pénétré sur le territoire français.

      https://theconversation.com/comment-laffaire-de-locean-viking-revele-lambigu-te-des-zones-datte

    • « Migrants » de l’« Ocean Viking », « réfugiés » d’Ukraine : quelle différence ?

      Comme elle l’a fait après l’invasion russe, la France doit mener une véritable politique d’accueil pour les passagers de l’« Ocean Viking » : permettre l’accès inconditionnel au territoire sans présupposé lié à leur origine ni distinction entre « migrants » et « réfugiés ».

      Après trois semaines d’errance en Méditerranée, la France a accepté « à titre exceptionnel » de laisser débarquer le 11 novembre, à Toulon, les 234 rescapés du navire humanitaire Ocean Viking. Tout en précisant, par la voix du ministre de l’Intérieur, que ces « migrants ne pourront pas sortir du centre administratif de Toulon » où ils seront placés et qu’« ils ne sont donc pas légalement sur le territoire national » : à cette fin, une zone d’attente a été créée en urgence où les personnes, qui ont toutes déposé une demande d’asile, sont donc enfermées sous surveillance policière.

      Pour la suite, il est prévu que la France ne gardera sur son sol, s’ils remplissent les conditions de l’asile, qu’environ un tiers des passagers du bateau. Les autres seront autoritairement relocalisés dans neuf pays de l’Union européenne. Voilà donc « l’accueil » réservé à des femmes, des enfants et des hommes qui, après avoir fui la guerre, la misère, l’oppression, et pour beaucoup subi les sévices et la violence du parcours migratoire, ont enduré une longue attente en mer aux conséquences notoirement néfastes sur la santé mentale et physique. L’accueil réservé par la France à ceux qu’elle désigne comme « migrants ».
      Pas de répartition entre les Etats européens

      Rappelons-nous : il y a moins d’un an, au mois de février, lorsque plusieurs millions d’Ukrainiens fuyant l’invasion russe se sont précipités aux frontières des pays européens, la France a su mettre en place en quelques jours un dispositif à la hauteur de cette situation imprévue. Pas question de compter : au ministère de l’Intérieur, on expliquait que « dès lors que des besoins seront exprimés, la France y répondra », tandis que le ministre lui-même annonçait que « nous pouvons aujourd’hui accueillir jusqu’à 100 000 personnes réfugiées sur le territoire national ». Pas question non plus de répartition entre les Etats européens : « Ce sont des personnes libres, elles vont là où elles veulent », affirmait la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur. Et pour celles qui choisiraient de rester en France, un statut provisoire de protection immédiate était prévu, donnant droit au travail, à un logement et à un accompagnement social. On n’a pas manqué de se féliciter de l’élan formidable de solidarité et d’humanité dont la France avait fait preuve à l’égard des réfugiés, à l’instar de ses voisins européens.

      Une solidarité et une humanité qui semblent aujourd’hui oubliées. Parce qu’ils sont d’emblée qualifiés de « migrants », les passagers de l’Ocean Viking, sans qu’on ne connaisse rien de leurs situations individuelles, sont traités comme des suspects, qu’on enferme, qu’on trie et qu’on s’apprête, pour ceux qui ne seront pas expulsés, à « relocaliser » ailleurs, au gré d’accords entre gouvernements, sans considération de leurs aspirations et de leurs besoins.

      On entend déjà les arguments qui justifieraient cette différence de traitement : les « réfugiés » ukrainiens sont les victimes d’un conflit bien identifié, dans le contexte d’une partie de bras de fer qui oppose l’Europe occidentale aux tentations hégémoniques du voisin russe. Des « migrants » de l’Ocean Viking,on prétend ne pas savoir grand-chose ; mais on sait au moins qu’ils et elles viennent de pays que fuient, depuis des années, d’innombrables cohortes d’exilés victimes des désordres du monde – guerres, corruption, spoliations, famines, désertification et autres dérèglements environnementaux – dont les Européens feignent d’ignorer les conséquences sur les mouvements migratoires mondiaux, pour décréter que ce ne sont pas de « vrais » réfugiés.
      Une hospitalité à deux vitesses

      Mais cette hospitalité à deux vitesses est aussi la marque du racisme sous-jacent qui imprègne la politique migratoire de la France, comme celle de l’Union européenne. Exprimée sans retenue par un élu d’extrême droite sur les bancs de l’Assemblée à propos de l’Ocean Viking (« qu’il(s) retourne(nt) en Afrique ! »), elle s’est manifestée dès les premiers jours de l’exode ukrainien, quand un tri des exilés s’est opéré, sur la base de la nationalité ou de la couleur de peau, à la frontière polonaise, au point que la haut-commissaire aux droits de l’homme de l’Onu s’était dite « alarmée par les informations crédibles et vérifiées faisant état de discrimination, de violence et de xénophobie à l’encontre de ressortissants de pays tiers qui tentent de fuir le conflit en Ukraine ». Le traitement réservé depuis des années en France aux exilés privés d’abri et de nourriture, harcelés et pourchassés par la police, dans le Calaisis comme en région parisienne, à la frontière italienne ou dans le Pays basque est la traduction quotidienne de cette politique xénophobe et raciste.

      Au-delà d’une indispensable réorganisation du secours en mer afin que les passagers d’un navire en détresse puissent être débarqués sans délai dans un lieu sûr, comme le prescrit le droit international, l’épisode de l’Ocean Viking nous rappelle, une fois de plus, la nécessité d’une véritable politique d’accueil, dont l’exemple ukrainien montre qu’elle est possible. Elle doit être fondée sur l’accès inconditionnel au territoire de toutes celles et ceux qui demandent protection aux frontières de la France et de l’Europe, sans présupposé lié à leur origine ni distinction arbitraire entre « migrants » et « réfugiés », la mise à l’écart de tout dispositif coercitif au profit d’un examen attentif et de la prise en charge de leurs besoins, et le respect du choix par les personnes de leur terre d’asile, à l’exclusion de toute répartition imposée.

      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/migrants-de-locean-viking-refugies-dukraine-quelle-difference-20221115_WG

    • « Ocean Viking » : les fourberies de Darmanin

      Le ministre de l’intérieur a annoncé, mardi 15 novembre, que 44 des 234 rescapés de l’« Ocean Viking » seront expulsés dans leur pays d’origine, tandis que la majorité des autres seront relocalisés dans des pays de l’Union européenne. La #fable de la générosité française s’est rapidement fracassée sur l’obsession de Gérald Darmanin de ne pas donner de prises au RN, en acceptant de secourir, mais pas d’accueillir.

      « Expulsés », « relocalisés » : ces termes affreux pour désigner des personnes résument à eux seuls le vrai visage de l’« accueil » que la France réserve aux rescapés de l’Ocean Viking, bien loin d’une certaine idée que l’on pourrait se faire de l’hospitalité due à des hommes, des femmes et des enfants ayant risqué de se noyer en mer pour fuir leur pays. On avait bien compris depuis ses premières interventions que Gérald Darmanin avait agi contraint et forcé. Que les autorités françaises, par la voix blanche du ministre de l’intérieur, avaient fini, à contrecœur, par autoriser les passagers à débarquer à Toulon, dans le Var, vendredi 11 novembre, uniquement parce qu’elles estimaient ne pouvoir faire autrement : à la suite du refus de la nouvelle présidente post-fasciste du conseil italien, Giorgia Meloni, de voir le bateau affrété par SOS Méditerranée accoster sur les rives italiennes, les exilés étaient à bout de forces, et risquaient de mourir.

      Après avoir failli dans le sauvetage de 27 exilés dans la Manche en 2021 (les secours français ayant attendu leur entrée dans les eaux anglaises sans envoyer de moyen de sauvetage, selon les récentes révélations du Monde), la France cette fois-ci ne les laisserait pas périr en mer. Mais elle s’en tiendrait là, sans accueil digne de son nom, ni élan de solidarité. Et ce qui a été vécu par Paris comme un affront ne resterait pas sans conséquences. Tels étaient les messages passés après la décision à reculons d’accepter le débarquement.

      Le courroux français s’est logiquement abattu sur la dirigeante italienne, qui, contrevenant au droit international, a bloqué l’accès de ses côtes au navire humanitaire. Mais il y a fort à parier que la discorde diplomatique finisse par se dissiper. Et qu’en définitive les exilés eux-mêmes soient les principales victimes des mesures de rétorsion françaises.

      Mardi 15 novembre, lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le ministre de l’intérieur a ainsi annoncé, telle une victoire, qu’au moins 44 des 234 rescapés seraient renvoyés dans leur pays d’origine. « Dès que leur état de santé » le permettra, bien sûr, et alors même que l’étude des dossiers est toujours en cours, selon son propre aveu devant les députés. « J’ai déjà pris […] contact dès [lundi] avec mes homologues étrangers pour que ces reconduites à la frontière puissent se faire dans les temps les plus courts possible », s’est-il réjoui, espérant que ces expulsions seront réalisées d’ici à la fermeture de la zone d’attente « dans une vingtaine de jours ». Sachant que le ministre avait d’emblée assuré que les deux tiers des rescapés acceptés sur le sol européen feraient l’objet d’une « relocalisation » vers onze autres pays de l’UE, le nombre de celles et ceux autorisés à demander l’asile en France sera réduit à la portion congrue.

      Gérald Darmanin, en vérité, avait commencé ses calculs d’apothicaire avant même le débarquement, en déclarant que la France suspendait immédiatement l’accueil pourtant prévu de longue date de 3 500 réfugiés se trouvant en Italie et qu’il renforcerait les contrôles à la frontière franco-italienne.

      Entre les « expulsés », les « relocalisés » et les « refusés », la générosité de la France s’est vite muée en démonstration de force à visée politique sur le dos de personnes qui, venues du Bangladesh, d’Érythrée, de Syrie, d’Égypte, du Pakistan, du Mali, du Soudan et de Guinée, ont enduré les dangers de l’exil dans l’espoir d’une vie meilleure. Personne, faut-il le rappeler, ne quitte ses proches, son pays, sa maison, son travail, ses habitudes, avec pour seul bagage quelques billets en poche, pour le plaisir de traverser la Méditerranée. Politiques, économiques, sociaux, climatiques, leurs motifs sont le plus souvent solides. Sauvés en mer par l’équipage de l’Ocean Viking, les 234 rescapés ont attendu trois semaines, dans des conditions indicibles, la possibilité de poser un pied sur la terre ferme. La Commission européenne avait rappelé la nécessité, la veille du feu vert français, de les laisser accoster, soulignant « l’obligation légale de sauver les vies humaines en mer, claire et sans équivoque, quelles que soient les circonstances ».
      « Secourir et reconduire »

      Guidé par sa volonté de répondre à l’extrême droite qui l’accuse de « complaisance », le ministre de l’intérieur a en réalité anticipé son attente, telle qu’exprimée par une élue RN du Var, Laure Lavalette, dans l’hémicycle mardi, l’appelant à « secourir et reconduire ».

      Le cadre répressif de cet accueil à la française a été posé au moment même où les rescapés sont arrivés en France. Leur débarquement s’est fait sous escorte militaire, à l’abri des regards des élus, des ONG et des journalistes, dans le port militaire de Toulon (lire ici et là). Ils ont aussitôt été placés dans une « zone d’attente » créée pour l’occasion, dans un ancien « village de vacances » de la presqu’île de Giens, c’est-à-dire dans un lieu d’enfermement. Ainsi l’« accueil » a commencé sous de sombres auspices.

      Placés sous la garde de deux cents policiers et gendarmes, les 234 rescapés ont été soumis, sans attendre d’être remis des épreuves physiques et psychologiques de la traversée, à un examen de leur situation administrative. Pratiquée dans l’urgence, la procédure, dans ce cadre « exceptionnel », est particulièrement expéditive : les agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), instance dépendant du ministère de l’intérieur, sont tenus de délivrer un avis « sous 48 heures » sur le « caractère manifestement fondé ou non de la demande d’asile », charge ensuite au ministère de l’intérieur de poursuivre – ou non – l’examen du dossier. Comment peut-on humainement demander à des personnes venant de passer trois semaines d’errance en mer, et qui ont pour la plupart subi des chocs de toute sorte, de retracer posément – et de manière convaincante, c’est-à-dire preuves à l’appui – les raisons qui leur permettraient d’obtenir une protection de la France ? L’urgence, l’arbitraire et le respect de la dignité des personnes font rarement bon ménage.

      Habilitée à intervenir en zone d’attente, l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, qui a pu se rendre sur place, estime dans un communiqué publié mardi que les rescapés de l’Ocean Viking sont « victimes de violation de leurs droits fondamentaux » dans cette zone d’attente. Ses constats sont « alarmants ». Elle regrette tout d’abord le manque de temps de repos à l’arrivée et une prise en charge médicale passablement insuffisante. Elle évoque ensuite de nombreuses violations du droit d’asile dans le déroulement des entretiens administrés par l’Ofpra, liées notamment au manque d’interprétariat, à l’absence de confidentialité des échanges et à l’absence d’accès à un avocat ou à une association de défense des droits.

      Mais discuter de la légalité des procédures n’est, à cette heure, pas la priorité du ministre de l’intérieur dont l’objectif est de montrer qu’il prend garde à ce que la France ne soit pas « submergée » par quelques dizaines d’exilés. Sa célérité à annoncer, le plus vite possible, et avant même la fin de la procédure, qu’une partie des rescapés seront expulsés, en est la preuve.

      Quand on se souvient de l’accueil réservé aux Afghans fuyant le régime des talibans ou aux Ukrainiens fuyant la guerre, on observe pourtant qu’il existe d’autres manières d’assurer que les droits des demandeurs d’asile soient respectés. Pour ne prendre que cet exemple, il y a un an, lorsque plusieurs millions d’Ukrainiens ont fui l’invasion russe, « la France a su mettre en place en quelques jours un dispositif à la hauteur de cette situation imprévue », souligne Claire Rodier, membre du Groupe d’information et de soutien des immigré·es (Gisti) et du réseau Migreurop, dans une tribune à Libération. Et de rappeler les déclarations du ministre de l’intérieur lui-même assurant alors que « nous pouvons aujourd’hui accueillir jusqu’à 100 000 personnes réfugiées sur le territoire national ».

      Précédent également notable, la France, en 2018, avait refusé d’accueillir l’Aquarius, soumis au même sort que l’Ocean Viking. À l’époque, Emmanuel Macron n’avait pas voulu céder et le navire avait fait route vers Valence, en Espagne, suscitant la honte d’une partie des soutiens du président de la République. L’accueil alors réservé aux exilés par les autorités et la société civile espagnole avait été d’une tout autre teneur. Le pays s’était largement mobilisé, dans un grand élan de solidarité, pour que les rescapés trouvent le repos et le réconfort nécessaires après les épreuves de l’exil.

      Il faut se souvenir enfin de l’émoi national légitimement suscité, il n’y a pas si longtemps, par les propos racistes du député RN Grégoire de Fournas, en réponse à une intervention de l’élu LFI Carlos Martens Bilongo concernant… l’Ocean Viking. « Qu’il(s) retourne(nt) en Afrique », avait-il déclaré (lire notre article), sans que l’on sache trop s’il s’adressait à l’élu noir ou aux exilés en perdition. Alors qu’il est désormais établi qu’au moins quarante-quatre d’entre eux seront renvoyés dans leur pays d’origine, vraisemblablement, pour certains, sur le continent africain, il sera intéressant de constater à quel niveau notre pays, et plus seulement nos gouvernants, placera son curseur d’indignation.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/161122/ocean-viking-les-fourberies-de-darmanin

    • Ocean Viking : 123 « #refus_d'entrée » en France et une grande confusion

      Une semaine après leur débarquement à Toulon, une soixantaine de migrants de l’Ocean Viking a été autorisée à demander l’asile. En parallèle de la procédure d’asile aux frontière, des décisions judiciaires ont conduit à la libération d’une centaine de rescapés retenus dans la « zone d’attente », désormais libres d’entrer sur le sol français. Une vingtaine de mineurs, ont quant à eux, pris la fuite vers d’autres pays.

      Sur les 234 rescapés du navire humanitaire Ocean Viking débarqués à Toulon il y a une semaine, 123 migrants se sont vu opposer un refus à leur demande d’asile, soit plus de la moitié, a indiqué vendredi 18 novembre le ministère de l’Intérieur. Ils font donc « l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire » français, soit plus de la moitié, a ajouté le ministère de l’Intérieur.

      Hormis les 44 passagers reconnus mineurs et placés dès les premiers jours sous la protection de l’Aide sociale à l’enfance, les 189 adultes restant avaient été retenus dans une « zone d’attente » fermée, qui n’est pas considérée comme appartenant au territoire français. Un espace créé dans le cadre de la procédure d’asile à la frontière, pour l’occasion, dans un centre de vacances de la presqu’île de Giens, à proximité de Toulon.

      Ils sont tous passés cette semaine entre les mains de la police et des agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), pour des contrôles de sécurité et de premiers entretiens effectués depuis cette « zone d’attente », afin d’évaluer si leur demande d’asile était fondée.

      Au terme de ces entretiens, l’Ofpra a émis « 66 avis favorables » a précisé Charles-Edouard Minet, sous-directeur du conseil juridique et du contentieux du ministère de l’Intérieur. Cette soixantaine de migrants a donc été autorisée à déposer des demandes d’asile, et autorisée à entrer sur le territoire français. Ils ont été conduits vers des centres d’hébergement du Var, dont des #Centres_d'accueil_et_d'évaluation_des_situations (#CAES).

      Parmi eux, certains seront « relocalisés » vers les onze pays européens (dont l’Allemagne, la Finlande ou le Portugal) qui s’étaient portés volontaires pour se répartir les efforts et les accueillir après leur débarquement en France.

      Des avis défavorables mais pas d’expulsions massives et immédiates

      Les « 123 avis défavorables », quant à eux, ne sont pas pour autant immédiatement expulsables. Le gouvernement français veut aller vite, le ministre de l’Intérieur Gerald Darmanina ayant affirmé dès le 15 novembre que ces personnes « seront reconduites [vers leur pays d’origine] dès que leur état de santé » le permettra. Mais les refoulements pourraient prendre un temps plus long, car ces procédures nécessitent que « la personne soit détentrice d’un passeport et d’un laissez-passer consulaire ». Or ce document doit être délivré par le pays d’origine et cela prend du temps car certains pays tardent à l’octroyer, avait expliqué l’Anafé, association de défense des étrangers aux frontières, à InfoMigrants il y a quelques jours.

      D’autre part, des décisions de justice sont venues chambouler le calendrier annoncé par l’Etat. La cour d’appel d’Aix-en-Provence a annoncé vendredi 18 novembre avoir validé la remise en liberté de la « quasi-totalité, voire la totalité » des 108 rescapés qui réclamaient de ne plus être enfermés dans la « zone d’attente ».

      En cause, des vices de procédure dans les dossiers montés dans l’urgence et de juges dépassés par la centaine de cas à traiter. Les juges des libertés et de la détention (JLD) qui doivent en France, se prononcer pour ou contre un maintien en « zone d’attente » après 4 jours d’enfermement, ont estimé dans une majorité de cas que les migrants devaient être libérés. Le parquet a fait appel de ces décisions, mais la cour d’appel a donné raison au JLD pour une non-prolongation du maintien dans la « zone d’attente » dans la plupart des cas.

      Certains des migrants libérés avaient reçu ces fameux avis défavorables de l’Ofpra, notifiés par le ministère de l’Intérieur. D’après l’Anafé, ils devraient néamoins pouvoir désormais « faire une demande d’asile une fois entrés sur le territoire ».

      Douze migrants en « zone d’attente »

      Après ces annonces de libération, le gouvernement a estimé dans l’après-midi, vendredi, que seuls douze migrants se trouvaient toujours dans ce centre fermé vendredi après-midi. A ce flou s’ajoutent « les personnes libérées mais revenues volontairement » sur le site « pour bénéficier » de l’hébergement, a reconnu, désabusé, le représentant du ministère.

      Ces complications judiciaires et administratives ont perturbé nombre des rescapés, parmi lesquels se trouvent des personnes fragiles, dont la santé nécessite des soins psychologiques après les 20 jours d’errance en mer sur l’Ocean Viking qui ont précédé cette arrivée chaotique en France. Et ce d’autant que les autorités et les associations présentes dans la « zone d’attente » ont été confrontés à une pénurie de traducteurs dès les premiers jours.

      A tel point que le préfet du Var, Evence Richard, a alerté le 16 novembre sur le manque d’interprètes, estimant qu’il s’agissait d’"un vrai handicap" pour s’occuper des migrants. « Dès lors, les personnes ne sont pas en mesure de comprendre la procédure de maintien en zone d’attente, leurs droits, la procédure spécifique d’asile à la frontière et ses tenants et aboutissants », avait aussi fait savoir l’Anafé dans un communiqué publié mardi.

      Des scènes de grande confusion

      En effet, la presse locale du Var et d’autres journaux français ont rapporté des scènes de grande confusion lors des audiences devant le tribunal de Toulon et la cour d’appel d’Aix-en-Provence, avec des « interprètes anglais pour des Pakistanais, une femme de ménage du commissariat de Toulon réquisitionnée comme interprète de langue arabe, des entretiens confidentiels tenus dans les couloirs », comme en atteste dans les colonnes du Monde, la bâtonnière du barreau varois, Sophie Caïs, présente le 15 novembre au tribunal.

      Dans une autre audience, décrite par un journaliste du quotidien français ce même jour, une mère Malienne « fond en larmes lorsque la juge lui demande ce qu’elle a à ajouter aux débats. Sa petite fille de 6 ans, qui, depuis le début de la matinée ne la quitte pas d’un pouce, ouvre de grands yeux ».

      Des mineurs en fugue

      En parallèle, parmi les 44 rescapés mineurs logés hors de la « zone d’attente », dans un hôtel où ils étaient pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance, 26 ont quitté les lieux de leur propre chef, a-t-on appris le 17 novembre dans un communiqué du Conseil départemental du Var.

      Les mineurs qui ont fugué « ont eu un comportement exemplaire, ils sont partis en nous remerciant », a insisté Christophe Paquette, directeur général adjoint en charge des solidarités au conseil départemental du Var. D’après lui, ces jeunes, dont une majorité d’Erythréens, « ont des objectifs précis dans des pays d’Europe du nord » tels que les Pays-Bas, le Luxembourg, la Suisse ou encore l’Allemagne, où ils souhaitent rejoindre de la famille ou des proches.

      Les services sociaux ont « essayé de les en dissuader », mais « notre mission est de les protéger et pas de les retenir », a ajouté M. Paquette.

      http://www.infomigrants.net/fr/post/44849/ocean-viking--123-refus-dentree-en-france-et-une-grande-confusion

    • Ocean Viking : le #Conseil_d’État rejette l’#appel demandant qu’il soit mis fin à la zone temporaire d’attente où certains passagers ont été maintenus

      Le juge des référés du Conseil d’État rejette aujourd’hui la demande de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) de mettre fin à la zone d’attente temporaire dans laquelle ont été placés certains passagers de l’Ocean Viking. L’association requérante, avec le soutien d’autres associations, contestait les conditions de création de la zone d’attente et estimait que les personnes qui y avaient été placées n’avaient pas accès à leurs droits. Le juge relève les circonstances exceptionnelles dans lesquelles l’accueil de ces personnes a dû être organisé. Il observe également que les demandes d’asile à la frontière ont pu être examinées, 66 personnes étant finalement autorisées à entrer sur le territoire pour déposer leur demande d’asile, et que les procédures judiciaires ont suivi leur cours, la prolongation du maintien de la détention n’ayant d’ailleurs pas été autorisée pour la très grande majorité des intéressés. Enfin, il constate qu’à la date de son intervention, les associations et les avocats peuvent accéder à la zone d’attente et y exercer leurs missions dans des conditions n’appelant pas, en l’état de l’instruction, que soient prises des mesures en urgence.

      Pour des raisons humanitaires, le navire « Ocean Viking » qui transportait 234 personnes provenant de différents pays, a été autorisé par les autorités françaises à accoster au port de la base militaire navale de Toulon. Le préfet a alors créé une zone d’attente temporaire incluant cette base militaire et un village vacances à Hyères, où ont été transférées, dès le 11 novembre dernier au soir, les 189 personnes placées en zone d’attente.

      L’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) a saisi en urgence le juge des référés du tribunal administratif de Toulon pour demander la suspension de l’exécution de l’arrêté préfectoral créant la zone d’attente temporaire, estimant que les personnes placées en zone d’attente se trouvaient illégalement privées de liberté et n’avaient pas un accès effectif à leurs droits. Après le rejet de son recours mercredi 16 novembre, l’association a saisi le juge des référé-liberté du Conseil d’État, qui peut, en appel, ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale en cas d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Ce dernier confirme aujourd’hui la décision du tribunal administratif et rejette l’appel de l’association.

      Le juge relève les circonstances exceptionnelles dans lesquelles l’accueil de ces personnes a dû être organisé (nombre important de personnes, nécessité d’une prise en charge médicale urgente, considérations d’ordre public), ce qui a conduit à la création par le préfet d’une zone d’attente temporaire sur le fondement des dispositions issues d’une loi du 16 juin 20111, en cas d’arrivée d’un groupe de personnes en dehors d’une « zone de passage frontalier ». Il observe également que les droits de ces étrangers n’ont pas, de ce seul fait, été entravés de façon grave et manifestement illégale. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a pu mener les entretiens légalement prévus, ce qui a conduit à ce que 66 personnes soient autorisées à entrer sur le territoire pour présenter une demande d’asile, et le juge des libertés et de la détention puis la cour d’appel d’Aix-en-Provence se sont prononcés sur la prolongation des mesures de détention, qui a d’ailleurs été refusée dans la grande majorité d’entre eux.

      S’agissant de l’exercice des droits au sein même de la zone, le juge des référés, qui se prononce en fonction de la situation de fait à la date à laquelle son ordonnance est rendue, note qu’à l’exception des quelques heures durant lesquelles les personnes étaient présentes sur la base militaire, l’association requérante a pu accéder au village vacances sans entrave. Si la persistance de difficultés a pu être signalée à l’audience, elles ne sont pas d’une gravité telle qu’elles rendraient nécessaires une intervention du juge des référés. Le ministère de l’intérieur a par ailleurs transmis à l’association, une liste actualisée des 16 personnes encore maintenues, afin de lui faciliter l’exercice de sa mission d’assistance, comme il s’y était engagé lors de l’audience au Conseil d’État qui a eu lieu hier.

      Les avocats ont également accès au village vacances. Là encore, des insuffisances ont pu être constatées dans les premiers jours de mise en place de la zone d’attente. Mais des mesures ont été progressivement mises en œuvre pour tenter d’y répondre, notamment la mise à disposition de deux locaux dédiés et un renforcement de l’accès aux réseaux téléphoniques et internet.

      A la date de l’ordonnance et en l’absence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, il n’y avait donc pas lieu pour le juge des référés de prononcer des mesures en urgence.

      1 Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

      https://www.conseil-etat.fr/actualites/ocean-viking-le-conseil-d-etat-rejette-l-appel-demandant-qu-il-soit-mis
      #justice

    • Le Conseil d’État valide l’accueil au rabais des rescapés de l’Ocean Viking

      Des associations contestaient la création de la zone d’attente dans laquelle ont été enfermés les exilés après leur débarquement dans le port militaire de Toulon. Bien qu’elle ait reconnu « des insuffisances », la plus haute juridiction administrative a donné raison au ministère de l’intérieur, invoquant des « circonstances exceptionnelles ».

      LeLe Conseil d’État a donné son blanc-seing à la manière dont le ministère de l’intérieur a géré l’arrivée en France des rescapés de l’Ocean Viking. Débarqués le 11 novembre à Toulon après vingt jours d’errance en mer, à la suite du refus de l’Italie de les faire accoster sur ses côtes, les migrants avaient immédiatement été placés dans une zone d’attente temporaire à Hyères (Var), sur la presqu’île de Giens. Gerald Darmanin avait en effet décidé de secourir, sans accueillir. 

      Ce lieu d’enfermement, créé spécialement pour y maintenir les exilés avant qu’ils ne soient autorisés à demander l’asile, est-il légal ? L’Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers) posait cette fois la question au Conseil d’État, après avoir été déboutée une première fois par le tribunal administratif de Toulon. 

      La plus haute juridiction administrative du pays a rejeté samedi 19 novembre la demande de l’association qui souhaitait la fermeture de la zone d’attente au motif que les droits des exilés n’étaient pas respectés. Le Conseil d’État reconnaît que « des insuffisances ont pu être constatées dans les premiers jours de mise en place de la zone d’attente ». Mais il invoque « les circonstances exceptionnelles dans lesquelles l’accueil de ces personnes a dû être organisé ». 

      L’audience s’est déroulée vendredi matin, sous les moulures et lustres recouverts d’or du Conseil d’État. Si 189 personnes étaient initialement maintenues dans la zone d’attente le 11 novembre, elles étaient de moins en moins nombreuses au fil de la journée, assurait d’entrée de jeu le représentant du ministère de l’intérieur, Charles-Édouard Minet. « Vous êtes en train de me dire qu’à la fin de la journée, il peut n’y avoir plus personne en zone d’attente », s’était étonnée la magistrate qui présidait l’audience. « Absolument, oui », confirmait Charles-Édouard Minet. Rires dans la salle.

      Symbole de la grande improvisation ministérielle, la situation évoluait d’heure en heure, à mesure que la justice mettait fin au maintien prolongé des exilés en zone d’attente. Au moment de l’audience, entre 12 et 16 personnes étaient encore enfermées. Deux heures plus tard, la cour d’appel d’Aix-en-Provence décidait de remettre en liberté la « quasi-totalité voire la totalité » des personnes retenues dans la zone d’attente d’Hyères. Moins de dix personnes y seraient encore retenues. 

      Devant le Conseil d’État, s’est tenue une passe d’armes entre les avocats défendant les droits des étrangers et le ministère de l’intérieur. Son représentant a assuré que l’accès aux droits des personnes retenues était garanti. Ce qu’a fermement contesté le camp adverse : « Il existe un vrai hiatus entre ce que dit l’administration et ce qu’ont constaté les associations : les avocats ne peuvent pas accéder comme il le devrait à la zone d’attente », a affirmé Cédric Uzan-Sarano, conseil du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI). 

      En creux, les représentants des associations dénoncent les choix très politiques de Gerald Darmanin. Plutôt que de soumettre les rescapés de l’Ocean Viking à la procédure classique de demande d’asile, la décision a été prise de les priver de leurs libertés dès leur débarquement sur le port militaire de Toulon. « Tous les dysfonctionnements constatés trouvent leur source dans l’idée de l’administration de créer cette zone d’urgence, exceptionnelle et dérogatoire », tance Patrice Spinosi, avocat de l’Anafé. 

      Les associations reprochent aux autorités le choix de « s’être placées toutes seules dans une situation d’urgence » en créant la zone d’attente temporaire. La procédure étant « exceptionnelle » et « mise en œuvre dans la précipitation », « il ne peut en découler que des atteintes aux droits des étrangers », ont attaqué leurs avocats.

      Dans sa décision, le Conseil d’État considère toutefois que la création de la zone d’attente est conforme à la loi. Il met en avant « le nombre important de personnes, la nécessité d’une prise en charge médicale urgente et des considérations d’ordre public ». L’autorité administrative note par ailleurs qu’au moment où elle statue, « à l’exception des quelques heures durant lesquelles les personnes étaient présentes sur la base militaire, [l’Anafé] a pu accéder au village vacances sans entrave ».

      À écouter les arguments de l’Anafé, les dysfonctionnements sont pourtant nombreux et persistants. À peine remis d’un périple éprouvant, les exilés ont dû sitôt expliquer les persécutions qu’ils ont fuies aux agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

      « Puisque les entretiens avec l’Ofpra sont devenus l’alpha et l’oméga des procédures d’asile, il est indispensable que les personnes soient préparées par des avocats », juge Gérard Sadik, représentant de La Cimade, une association qui vient en aide aux réfugiés. 
      Plus de la moitié des rescapés interdits d’entrée sur le territoire

      L’Anafé estime que les conditions sur la zone d’attente d’Hyères ne permettent pas aux associations et aux avocats d’accomplir leur mission d’accompagnement. Si les autorités ont mis à disposition deux locaux, ceux-ci « ne sont équipés ni d’ordinateur, ni de fax, ni d’Internet pour transmettre les recours », indique l’Anafé. Par ailleurs, ces pièces, très vite remplacées par des tentes, empêchent la confidentialité des échanges, pourtant imposée par la loi. 

      Laure Palun, directrice de l’Anafé, est la seule personne présente ce jour-là à l’audience à avoir visité la zone d’attente. « Quand on passait à côté des tentes, on pouvait entendre et voir tout ce qui se passait à l’intérieur, décrit-t-elle. Un moment, on a même vu un exilé quasiment couché sur une table pour comprendre ce que l’interprète lui disait au téléphone. »

      Le Conseil d’État a préféré relever les efforts réalisés par les autorités pour corriger les « insuffisances constatées dans les premiers jours » : « Des mesures ont été progressivement mises en œuvre [...], notamment la mise à disposition de deux locaux dédiés et un renforcement de l’accès aux réseaux téléphoniques et Internet. »

      Conséquence de cette procédure d’asile au rabais et des obstacles rencontrés par les exilés dans l’exercice de leurs droits ? Charles-Édouard Minet a annoncé que plus de la moitié des rescapés du navire de SOS Méditerranée, soit cent vingt-trois personnes, ont fait « l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire » français, à la suite de leur entretien individuel avec l’Ofpra. Pour l’heure, le ministère de l’intérieur n’a pas précisé s’ils allaient être expulsés. 

      D’un ton solennel, Patrice Spinosi avait résumé l’enjeu de l’audience : « La décision que vous allez rendre sera la première sur les zones d’attente exceptionnelles. Il existe un risque évident que cette situation se reproduise, [...] l’ordonnance que vous rendrez définira une grille de lecture sur ce que peut faire ou pas l’administration. » L’administration n’aura donc pas à modifier ses procédures.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/191122/le-conseil-d-etat-valide-l-accueil-au-rabais-des-rescapes-de-l-ocean-vikin

    • Ocean Viking : « On vient d’assister à un #fiasco »

      Laure Palun, directrice de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) énumère les multiples entraves aux droits des personnes recueillies par l’Ocean Viking et déplore que le choix de l’enfermement l’ait emporté sur celui de l’accueil.

      La France avait annoncé vouloir faire vite. Se prononcer « très rapidement » sur le sort des passager·ères de l’Ocean Viking tout juste débarqué·es sur la base navale de Toulon (Var), après que le gouvernement italien d’extrême droite avait refusé (en toute illégalité) que le navire accoste sur son territoire. Ces personnes étaient maintenues dans une zone d’attente temporaire créée dans un centre de vacances de la presqu’île de Giens.

      Un lieu de privation de liberté qui, juridiquement, n’est pas considéré comme étant sur le sol français. Dans les quarante-huit heures, avaient estimé les autorités, l’ensemble des rescapé·es auraient vu examiner la pertinence de leur demande d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Une procédure accélérée qui n’a pas vocation à attribuer une protection internationale, mais à examiner si la demande d’entrée sur le territoire au titre de l’asile est manifestement fondée ou pas.

      Rien, toutefois, ne s’est passé comme prévu puisque la quasi-totalité des rescapé·es, à l’heure où nous écrivons ces lignes, ont pu être libéré·es au terme de différentes décisions judiciaires (1). Pour Laure Palun, directrice de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étranger·ères (Anafé) – la principale association autorisée à intervenir en zone d’attente –, « on vient d’assister à un fiasco ». Tant pour l’administration que pour les demandeur·ses d’asile.

      En créant une zone d’attente temporaire, les autorités ont choisi d’accueillir les passager·ères de l’Ocean Viking sous le régime de la privation de liberté. Que dit la méthode ?

      Laure Palun : Que nous aurions pu faire le choix de l’accueil, plutôt que celui de l’enfermement ! La zone d’attente est un lieu privatif de liberté où la procédure d’asile « classique » ne s’applique pas. La procédure d’asile à la frontière permet de procéder à une sorte de tri en amont et de dire si, oui ou non, la personne peut entrer sur le territoire pour y demander la protection internationale. Mais l’expérience nous le montre : le tri, les opérations de filtrage et les procédures d’asile à la frontière, ça ne fonctionne pas si on veut être en conformité avec le respect des droits.

      La situation des personnes sauvées par l’Ocean Viking et enfermées dans la zone d’attente de Toulon nous a donné raison puisque la plupart d’entre elles ont été libérées et prises en charge pour entrer dans le dispositif national d’accueil (DNA). Soit parce qu’elles avaient été admises sur le territoire au titre de l’asile, soit parce qu’elles avaient fait l’objet d’une décision judiciaire allant dans le sens d’une libération.

      Lire aussi > Ocean Viking, un naufrage diplomatique

      On vient d’assister à un fiasco. Non seulement du côté des autorités – considérant l’échec de leur stratégie politique –, mais aussi pour les personnes maintenues, qui auraient pu se reposer et entrer dans le processus d’asile classique sur le territoire une semaine plus tôt si elles n’avaient pas été privées de liberté. Au lieu de ça, elles ont été fichées, fouillées et interrogées à de multiples reprises.

      Le point positif, c’est que les mineur·es non accompagné·es – qui ont bien été placé·es quelques heures en zone d’attente, contrairement à ce qu’a déclaré le ministère de l’Intérieur – ont été libéré·es le premier jour pour être pris·es en charge. Le Ceseda [code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile] prévoit en effet que les mineur·es non accompagné·es qui souhaitent demander l’asile ne peuvent être maintenu·es en zone d’attente « sauf exception ». Mais c’est généralement le cas.

      Le 16 novembre, devant l’Assemblée nationale, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait pourtant annoncé l’expulsion de 44 personnes d’ici à la fin de la période de maintien en zone d’attente.

      Une telle déclaration pose de vraies questions sur le non-respect de la convention de Genève, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et du droit national : il n’est pas possible de dire une chose pareille, alors même que les personnes sont en cours de procédure d’asile. Même si les demandes de ces personnes ont été rejetées, il existe des recours, et ça fait partie de la procédure !

      Le droit à un recours effectif est inscrit dans la Convention européenne des droits de l’homme et a même été consacré concernant la procédure d’asile à la frontière en 2007 (2). Mais Gérald Darmanin a aussi dit qu’il avait pris contact, la veille [le 15 novembre, NDLR], avec les autorités des pays d’origine.

      Non seulement les décisions de l’Ofpra n’avaient pas encore été notifiées aux demandeur·ses d’asile à ce moment-là – et quand bien même ça aurait été le cas, elles étaient encore susceptibles de recours –, mais il s’agit encore d’une atteinte grave et manifeste à la convention de Genève. Contacter les pays d’origine de personnes en cours de demande d’asile, a fortiori pour envisager leur expulsion, ajoute des risques de persécutions en cas de retour dans le pays.

      Dans un communiqué, vous avez dénoncé de « nombreuses violations des droits » au sein de la zone d’attente, notamment dans le cadre des procédures d’asile. Lesquelles ?

      À leur arrivée, les personnes ont été prises en charge d’un point de vue humanitaire. À ce sujet, l’Anafé n’a pas de commentaire à faire. En revanche, elles n’ont reçu quasiment aucune information sur la procédure, sur leurs droits, et elles ne comprenaient souvent pas ce qui se passait. En dehors de la procédure d’asile, il n’y avait pratiquement aucun interprétariat.

      Cela a représenté une immense difficulté sur le terrain, où les conditions n’étaient globalement pas réunies pour permettre l’exercice effectif des droits. Notamment le droit de contacter un·e avocat·e, une association de défense des droits, ou un·e médecin. Et ni les associations ni les avocat·es n’ont pu accéder à un local pour s’entretenir en toute confidentialité avec les demandeur·ses d’asile.

      Concernant les demandes d’asile, ça a été très compliqué. Déjà, à l’ordinaire, les procédures à la frontière se tiennent dans des délais très courts. Mais, ici, l’Ofpra a dû mener environ 80 entretiens par jour. Pour les officier·ères de protection, cela paraît très lourd. Et ça signifie aussi que les personnes ont dû passer à la chaîne, moins de 48 heures après leur débarquement, pour répondre à des questions portant sur les risques de persécution dans leurs pays.

      Les entretiens ont été organisés sans confidentialité, dans des bungalows ou des tentes au travers desquels on entendait ce qui se disait, avec des interprètes par téléphone – ce que nous dénonçons mais qui est classique en zone d’attente. Ces entretiens déterminants devraient être menés dans des conditions sereines et nécessitent de pouvoir se préparer. Cela n’a pas été le cas, et on le constate : 123 dossiers de demande d’entrée sur le territoire ont été rejetés.

      Le Conseil d’État a pourtant estimé que, malgré « les circonstances exceptionnelles dans lesquelles l’accueil de ces personnes a dû être organisé », les droits des personnes placées en zone d’attente n’avaient pas été « entravés de façon grave et manifestement illégale ».

      Nous avons déposé une requête devant le tribunal administratif de Toulon pour demander la suspension de l’arrêt de création de la zone d’attente, mais cela n’a pas abouti. L’Anafé a fait appel et porté l’affaire devant le Conseil d’État. Ce dernier n’a pas fait droit à notre demande, constatant que des améliorations avaient été apportées par l’administration avant la clôture de l’instruction, tout en reconnaissant que des manquements avaient été commis.

      Le Conseil d’État a néanmoins rappelé que les droits des personnes devaient être respectés, et notamment l’accès à un avocat, à une association de défense des droits et à la communication avec l’extérieur. Par exemple, ce n’est qu’après l’audience que l’administration a consenti à transmettre à l’Anafé le nom des personnes encore enfermées (16 au moment de l’audience) pour qu’elle puisse exercer sa mission de défense des droits.

      Il faut se rappeler que ce sont des hommes, des femmes et des enfants qui ont été enfermés après avoir vécu l’enfer.

      Ces entraves affectent notre liberté d’aider autrui à titre humanitaire découlant du principe de fraternité, consacré en 2018 par le Conseil constitutionnel, mais surtout les droits fondamentaux des personnes que l’Anafé accompagne.

      Il est à déplorer que les autorités ne respectent pas les droits des personnes qu’elle enferme et qu’il faille, à chaque fois, passer par la voie contentieuse pour que des petites améliorations, au cas par cas, soient apportées. Le respect des droits fondamentaux n’est pas une option, et l’Anafé continuera d’y veiller.

      Avec le projet de réforme européenne sur la migration et l’asile, qui prévoit notamment de systématiser la privation de liberté aux frontières européennes le temps de procéder aux opérations de « filtrage », faut-il s’attendre à ce que de telles situations se reproduisent et, en l’absence de condamnation du Conseil d’État, à des expulsions qui seraient, cette fois, effectives ?

      La situation vécue ces derniers jours démontre une nouvelle fois que la procédure d’asile à la frontière et la zone d’attente ne permettent pas de respecter les droits des personnes qui se présentent aux frontières européennes. C’est ce que l’Anafé dénonce depuis de nombreuses années et c’est ce qu’elle a mis en avant dans le cadre de sa campagne « Fermons les zones d’attente ».

      La perspective d’étendre cette pratique au niveau européen dans le cadre du pacte sur la migration et l’asile est un fiasco politique annoncé. Surtout, cela aura pour conséquence des violations des droits fondamentaux des personnes exilées. Au-delà du camouflet pour le gouvernement français, il faut se rappeler que ce sont des hommes, des femmes et des enfants qui ont été enfermés, et pour certains qui le sont encore, dans la zone d’attente de Toulon, après avoir vécu l’enfer – camps libyens, traversée de la Méditerranée…

      Le filtrage, le tri et l’enfermement ne peuvent pas être la réponse européenne à de telles situations de détresse, sauf à ajouter de la souffrance et de la violence pour ces personnes.

      En représailles de l’action de l’Italie, le gouvernement a annoncé le déploiement de 500 policiers et gendarmes supplémentaires à la frontière franco-italienne, où l’Anafé constate quotidiennement des atteintes aux droits. À quoi vous attendez-vous dans les prochains jours, sur le terrain ?

      Nous sommes évidemment très mobilisés. Actuellement, nous constatons toujours la même situation que celle que nous dénonçons depuis de nombreuses années. Conséquence de ces contrôles, les personnes prennent de plus en plus de risques et, pour certaines, mettent leur vie en péril… Preuve en est l’accident qui a eu lieu ce week-end à la frontière franco-italienne haute (3).

      Il me paraît surtout important de rappeler que ces effectifs sont mobilisés dans le cadre du rétablissement du contrôle aux frontières intérieures, mesure ininterrompue depuis sept ans par les autorités françaises. Or ces renouvellements [tous les six mois, NDLR] sont contraires au droit européen et au code frontières Schengen. Il est temps que ça s’arrête.

      (1) Soit parce qu’elles ont reçu une autorisation d’entrée sur le territoire au titre de l’asile, soit parce que les juges des libertés et de la détention (JLD) ont refusé la prolongation du maintien en zone d’attente, soit parce que les JLD se sont dessaisis par manque de temps pour traiter les dossiers dans le délai imparti, soit en cour d’appel.

      (2) À la suite d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme, la France a modifié sa législation (Gebremedhin contre France, req n° 25389/05, 26 avril 2007).

      (3) Un jeune Guinéen est tombé dans un ravin dans les environs de Montgenèvre (Hautes-Alpes), ce dimanche 20 novembre.

      https://www.politis.fr/articles/2022/11/ocean-viking-on-vient-dassister-a-un-fiasco-45077

    • « Ocean Viking », autopsie d’un « accueil » à la française

      La sagesse, comme la simple humanité, aurait dû conduire à offrir aux rescapés de l’Ocean Viking des conditions d’accueil propres à leur permettre de se reposer de leurs épreuves et d’envisager dans le calme leur avenir. Au contraire, outre qu’elle a prolongé les souffrances qu’ils avaient subies, la précipitation des autorités à mettre en place un dispositif exceptionnel de détention a été la source d’une multitude de dysfonctionnements, d’illégalités et de violations des droits : un résultat dont personne ne sort gagnant.
      Dix jours après le débarquement à Toulon des 234 rescapés de l’Ocean Viking – et malgré les annonces du ministre de l’Intérieur affirmant que tous ceux qui ne seraient pas admis à demander l’asile en France seraient expulsés et les deux tiers des autres « relocalisés » dans d’autres pays de l’Union européenne – 230 étaient présents et libres de circuler sur le territoire français, y compris ceux qui n’avaient pas été autorisés à y accéder. Ce bilan, qui constitue à l’évidence un camouflet pour le gouvernement, met en évidence une autre réalité : le sinistre système des « zones d’attente », consistant à enfermer toutes les personnes qui se présentent aux frontières en demandant protection à la France, est intrinsèquement porteur de violations des droits humains. Principale association pouvant accéder aux zones d’attente, l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) le rappelle depuis 2016 : « Il est illusoire de penser pouvoir [y] enfermer des personnes dans le respect de leurs droits et de leur dignité. » Ce qui s’est passé dans la zone d’attente créée à Toulon en est la démonstration implacable.

      Une gestion calamiteuse

      Pour évaluer a posteriori la gestion calamiteuse du débarquement de ces naufragés, il faut rembobiner le film : poussé dans ses ultimes retranchements mais y voyant aussi l’occasion de se poser en donneur de leçon à l’Italie, le gouvernement annonce le 10 novembre sa décision d’autoriser « à titre tout à fait exceptionnel » l’Ocean Viking à rejoindre un port français pour y débarquer les hommes, femmes et enfants qui, ayant échappé à l’enfer libyen, puis à une mort certaine, ont passé trois semaines d’errance à son bord. « Il fallait que nous prenions une décision. Et on l’a fait en toute humanité », a conclu le ministre de l’Intérieur.

      Preuve que les considérations humanitaires avancées n’ont rien à voir avec une décision prise à contrecœur, le ministre l’assortit aussitôt de la suspension « à effet immédiat » de la relocalisation promise en France de 3 500 exilés actuellement sur le sol italien : sous couvert de solidarité européenne, c’est bien le marchandage du non-accueil qui constitue l’unique boussole de cette politique du mistigri.

      Preuve, encore, que la situation de ces naufragé·e·s pèse de peu de poids dans « l’accueil » qui leur est réservé, une zone d’attente temporaire est créée, incluant la base navale de Toulon, où leur débarquement, le 11 novembre, est caché, militarisé, « sécurisé ». Alors même qu’ils ont tous expressément demandé l’asile, ils sont ensuite enfermés dans un « village vacances », à l’exception de 44 mineurs isolés, sous la garde de 300 policiers et gendarmes, le ministre prenant soin de préciser que, pour autant « ils ne sont pas légalement sur le territoire national ».

      La suspicion tenant lieu de compassion pour ces rescapés, débutent dès le 12 novembre, dans des conditions indignes et avec un interprétariat déficient, des auditions à la chaîne leur imposant de répéter inlassablement, aux policiers, puis aux agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), les récits des épreuves jalonnant leur parcours d’exil, récits sur la base desquels doivent être triés ceux dont la demande d’asile pourra d’emblée apparaître « manifestement infondée », les empêchant de fouler le sol de cette République qui prétendait, quelques heures auparavant, faire la preuve de son humanité.

      Seuls 66 de ces demandeurs d’asile échappent à ce couperet, si bien que les juges des libertés et de la détention du tribunal de Toulon sont alors chargés d’examiner la question du maintien dans la zone d’attente, au-delà du délai initial de quatre jours, de plus de 130 d’entre eux. La juridiction se révélant rapidement embolisée par cet afflux de dossiers, les juges se trouvent dans l’impossibilité de statuer dans les vingt-quatre heures de leur saisine comme l’impose la loi et ils n’ont d’autre solution que d’ordonner la mise en liberté de la plupart.

      En deux jours 124 dossiers examinés au pas de charge

      Le calvaire pourrait s’arrêter là pour ces exilé·e·s perdu·e·s dans les arcanes de procédures incompréhensibles, mais le procureur de la République de Toulon fait immédiatement appel de toutes les ordonnances de mise en liberté, sans doute soucieux que les annonces du ministre ne soient pas contredites par des libérations en masse. C’est alors la cour d’appel d’Aix-en-Provence – qui est soumise au train d’enfer imposé par la gestion de l’accueil à la française : entre le 16 et le 17 novembre 124 dossiers sont examinés au pas de charge pendant que les personnes concernées sont parquées dans un hall de la cour d’appel jusque tard dans la nuit. Mais les faits étant têtus et la loi sans ambiguïté, les juges d’appel confirment que leurs collègues de Toulon n’avaient pas d’autres choix que de prononcer les mises en liberté contestées. A l’issue de ce marathon, il ne reste, le 21 novembre, que quatre personnes en zone d’attente.

      « Tout ça pour ça » : ayant choisi la posture du gardien implacable des frontières qu’un instant de faiblesse humanitaire ne détourne pas de son cap, le gouvernement doit maintenant assumer d’avoir attenté à la dignité de ceux qu’il prétendait sauver et aggravé encore le sort qu’ils avaient subi. Il faudra bien qu’il tire les leçons de ce fiasco : la gestion policière et judiciaire de l’accueil qu’implique le placement en zone d’attente se révélant radicalement incompatible avec le respect des obligations internationales de la France, il n’y a pas d’autre solution – sauf à rejeter à la mer les prochains contingents d’hommes, de femmes et d’enfants en quête de protection – que de renoncer à toute forme d’enfermement à la frontière.

      Signataires : Avocats pour la défense des droits des étrangers (Adde) Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l’immigration et au séjour (Ardhis) La Cimade, groupe d’information et de soutien des immigré·e·s (Gisti) La Ligue des Droits de l’homme (LDH) Syndicat des avocats de France (SAF) Syndicat de la magistrature (SM).

      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/ocean-viking-autopsie-dun-accueil-a-la-francaise-20221127_B53JAB6K7BDGFKV

    • #Mineurs_non_accompagnés de l’« Ocean Viking » : « Un #hôtel, ça ne correspond pas aux besoins d’un gamin »

      Pour Violaine Husson, de la Cimade, la France, signataire de la convention des droits de l’enfant, contrevient à ses engagements en plaçant des mineurs dans des situations loin d’être adéquates.
      L’information a fuité par voie de presse jeudi : 26 des 44 mineurs arrivés en France à bord du bateau humanitaire Ocean Viking ont fugué de l’hôtel où ils étaient logés à Toulon. « Le département a vocation à mettre les mineurs en sécurité mais pas dans des geôles, on ne peut pas les maintenir de force dans un foyer. Ils peuvent fuguer et c’est ce que certains on fait. On ne peut pas les contraindre, il n’y a pas de mesures coercitives à leur égard », a assuré Jean-Louis Masson, le président du conseil départemental du Var. Parmi ces 26 mineurs se trouvaient une majorité d’Erythréens qui, selon Christophe Paquette, directeur général adjoint en charge des solidarités au conseil départemental du Var, « ne restent jamais » car « ils ont des objectifs précis dans des pays d’Europe du Nord » comme les Pays-Bas, le Luxembourg, la Suisse ou encore l’Allemagne, où ils souhaitent rejoindre de la famille ou des proches. Les associations et les ONG, elles, pointent du doigt les conditions d’accueil et de prise en charge de ces jeunes, souvent inadaptées. Violaine Husson, responsable nationale Genre et Protections à la Cimade, répond à nos questions.

      Quelles sont les conditions de vie des mineurs étrangers non accompagnés, comme ceux de l’Ocean Viking, pris en charge dans des hôtels en France ?

      Il faut d’abord préciser une chose : la loi Taquet de février 2022 interdit le placement des mineurs non accompagnés dans des établissements hôteliers. Cela dit, il y a une exception : dans leur phase de mise à l’abri, en attendant l’entretien d’évaluation de leur minorité, il y a une possibilité de les placer à l’hôtel jusqu’à deux mois. C’est le cas pour cette quarantaine d’enfants, ça l’est aussi pour des centaines d’autres chaque année.

      Un hôtel, ça ne correspond pas aux besoins d’un gamin. Ils sont placés dans des chambres à plusieurs – en fonction des établissements, ils peuvent se retrouver à une deux ou trois personnes dans une chambre, voire plus –, ils ne parlent pas la même langue, ils n’ont pas la même religion… Il n’y a rien qui les relie vraiment. Par ailleurs, il n’y a pas de suivi social, personne ne vient les voir dans la journée pour leur demander si ça va ou ce qu’ils font. Il n’y a pas de jeux prévus, ils sont indépendants. Ce sont aussi souvent des hôtels miteux, pas chers, avec des toilettes et des salles de bains communes. C’est un quotidien qui est loin de l’idée que l’on se fait des mesures de protection de l’enfance en France.

      Ça peut expliquer pourquoi certains décident de quitter ces établissements ?

      Oui, il y a des enfants qui partent parce que les conditions ne vont pas du tout, elles ne sont pas adéquates. Certains ont dû tomber des nues. Dans certains hôtels, il n’y a pas que des mineurs, parfois ils peuvent être placés avec d’autres publics, des majeurs notamment. Ça les rend particulièrement vulnérables : ils sont des enfants étrangers isolés qui viennent d’arriver d’une traversée éprouvante et des personnes peuvent leur mettre la main dessus.

      La question des mineurs non accompagnés est souvent débattue, certaines personnalités politiques estiment qu’ils coûtent énormément d’argent, qu’ils seraient des délinquants. Qu’en est-il réellement selon vous ?

      En effet, on a parlé des mineurs non accompagnés de manière très négative : il y a la délinquance mais aussi le fait qu’ils mentiraient et qu’ils frauderaient, qu’ils coûteraient beaucoup à l’Aide sociale à l’enfance… Certains politiques ont même affirmé que 80 000 mineurs non accompagnés arriveraient en France chaque année. La réalité est toute autre : il y en a eu un peu plus de 9 000 en 2021. On est quand même loin du fantasme véhiculé.

      La protection de l’enfance est problématique aujourd’hui, il y a un véritable manque de moyen et de compétences, y compris pour les enfants français. Mais c’est bien plus simple de dire que c’est la faute des étrangers, même si leur proportion dans la prise en charge est dérisoire. Il y a cette injonction des politiques politiciennes de dire : le problème de l’Aide sociale à l’enfance, c’est les étrangers. Selon eux, ils mentent, ils fraudent, ils fuguent, ils ne sont pas mineurs ou ne sont pas vraiment isolés. Alors que le système de protection ne fait pas la différence entre les enfants français et étrangers.

      La France, comme d’autres pays, a signé la convention internationale des droits de l’enfant. Les démarches doivent donc être faites en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant. On voit bien que quand on les place à l’hôtel ou qu’on les suspecte de mentir sur leur âge parce qu’ils sont étrangers, ce n’est pas le cas.

      https://www.liberation.fr/societe/mineurs-non-accompagnes-de-locean-viking-un-hotel-ca-ne-correspond-pas-au
      #MNA #enfants #enfance

  • Israël : vers une nouvelle théocratie au Proche-Orient ?
    René Backmann | 2 novembre 2022 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/021122/israel-vers-une-nouvelle-theocratie-au-proche-orient

    (...) Il est ainsi allé jusqu’à inviter dans sa coalition des personnages aussi encombrants que Itamar Ben Gvir, chef du parti d’extrême droite « Sionisme religieux », rabbin de choc et héritier de feu Meir Kahane, fondateur du mouvement raciste suprémaciste juif Kach (interdit en Israël depuis 1994). Partisan de l’expulsion de tous les Palestiniens, qu’ils soient des Territoires occupés ou d’Israël, Ben Gvir qui rêve de « mettre dehors tous ceux qui traitent nos soldats de criminels » ou qui « cherchent à nuire à l’État d’Israël » pourrait même obtenir, si Netanyahou redevient premier ministre, le portefeuille de ministre de l’intérieur ou de la sécurité.

    Quant au colon extrémiste Bezalel Smotrich, allié de Ben Gvir, il se déclare prêt à limoger le procureur général, à faire voter une loi donnant à la Knesset le pouvoir de casser les jugements de la Cour suprême, à persécuter les journalistes, la gauche, les Arabes, les homosexuels…

    Forts du glissement continu vers la droite de la société israélienne, assurés du soutien d’une armée au sein de laquelle le poids des religieux ne cesse de croître, au point que son prochain chef d’état-major sera probablement, en janvier, pour la première fois un juif orthodoxe, « Bibi » et son clan, après avoir écarté des centristes incapables de proposer un véritable changement et balayé ce qu’il restait d’une gauche exsangue, sans idées ni courage, vont-ils vraiment choisir la voie du régime « illibéral » vers lequel ils penchent ? Ou reprendre, avec les monarchies sunnites de la région, les marchandages géopolitiques mafieux amorcés sous Trump ?

    Une chose est sûre, sortis de l’histoire depuis trop longtemps, les Palestiniens seront, une fois encore les perdants. « Israël est à la veille d’une révolution religieuse, autoritaire, d’extrême droite dont le but est de détruire les infrastructures de la démocratie, estimait mercredi matin l’éditorial de Haaretz. C’est un jour noir dans l’histoire de ce pays. »

  • Israël : les secrets de l’opération militaire qui a utilisé des armes biologiques en 1948
    Selon deux historiens israéliens, la Haganah, ancêtre de l’armée israélienne, a utilisé des armes biologiques pendant la guerre d’indépendance, pour empoisonner les puits des villages palestiniens. Trois quarts de siècle plus tard, l’État continue de le dissimuler et n’a toujours pas signé la convention internationale qui l’interdit.

    René Backmann | 31 octobre 2022 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/311022/israel-les-secrets-de-l-operation-militaire-qui-utilise-des-armes-biologiq

    (...) L’article d’Abou Sitta révélait surtout le rôle central de David Ben Gourion et de plusieurs figures majeures de l’histoire d’Israël dans la création de l’unité « scientifique » de la Haganah chargée de concevoir ou de se procurer des armes biologiques. Et il le décrivait à la fois comme le stratège et le commandant en chef de la campagne d’empoisonnement des eaux. Celui qui désignait les cibles, choisissait les exécutants, donnait les ordres et recevait les comptes-rendus des opérations. Ce qui aurait dû provoquer au moins un débat en Israël. Cinquante-cinq ans après les faits, trente ans après la mort de l’intéressé.
    Aucune place au doute

    Mais l’auteur des recherches était palestinien, de surcroît membre du Conseil national, le « parlement » de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Et il militait activement pour le « droit au retour des réfugiés », clé à ses yeux d’une paix durable. Ce qui apparemment ne lui conférait pas une crédibilité suffisante pour que ses révélations soient prises au sérieux. Celles que vient de publier la revue historique universitaire britannique Middle Eastern Studies seront plus difficiles à ignorer.

    Les auteurs sont en effet deux des plus célèbres historiens israéliens : Benny Morris, 74 ans, pionnier du groupe des « nouveaux historiens », et Benjamin Kedar, 84 ans, membre de l’Académie des sciences et humanités, lauréat du prix Israël 2020. Les deux sont indiscutablement sionistes. Leur biographie, leurs recherches et leurs écrits les mettent à l’abri de l’accusation d’antisémitisme. Les documents qu’ils ont découverts et sur lesquels s’appuie leur long article, publié le 19 septembre, ne laissent plus aucune place au doute.

    Sous le nom de code « Jette ton pain » (JTP), tiré du livre 11 de l’Ecclésiaste (« Jette ton pain sur la surface des eaux, car avec le temps tu le retrouveras »), la Haganah s’est livrée en 1948, au cours de la guerre d’indépendance d’Israël, à une vaste opération secrète destinée à empoisonner l’eau de plusieurs villages palestiniens. L’opération était de beaucoup plus grande envergure que ce que croyaient savoir jusqu’à présent experts militaires et historiens. Et autour de Ben Gourion, elle impliquait des figures militaires et politiques majeures de l’histoire israélienne.

    « Nous avons découvert beaucoup d’informations nouvelles, reconstitué le déroulement de l’opération, d’étape en étape, trouvé qui l’autorisait, l’organisait et la contrôlait, et comment elle s’est déroulée dans plusieurs zones, racontent les auteurs. Grâce à la connaissance de son nom de code, “JTP”, qui nous avait été confié par l’historien Uri Milstein, nous avons pu éplucher des centaines de dossiers de l’armée et du ministère de la défense. Les censeurs du gouvernement, apparemment, ne connaissaient pas le nom de code et nous ont laissés travailler sans comprendre ce que nous cherchions dans les rapports d’opérations des unités sur le terrain. »

    Et de poursuivre : « En plus, nous avons découvert dans des archives privées une lettre capitale de Ben Gourion datée du 14 mai 1948, et avons interrogé deux personnages clés, l’ancien président Ephraïm Katzir, à l’époque microphysicien et responsable de l’unité scientifique de la Haganah, et l’archéologue Shmarya Guttman, ancien officier de renseignement de l’armée. Enfin, nous avons mis la main sur un mémoire de Rafi Kotzer, commandant d’une unité d’élite dont le nom revient souvent dans les rapports d’opérations. »

    Benny Morris et Benjamin Kedar concluent : « Mis côte à côte, ces documents révèlent que les opérations de Saint-Jean-d’Acre et de Gaza n’étaient que la partie émergée, visible, d’une campagne prolongée, conçue à l’origine pour empêcher les miliciens arabes de revenir dans leurs villages à partir desquels ils harcelaient les colonies juives et les axes de communication. Et conçue aussi pour gêner les armées arabes qui ont envahi la Palestine le 15 mai 1948. »

    Selon les deux historiens, la décision de lancer l’opération « JTP » a été prise dans la nuit du 31 mars, lors de la réunion d’urgence convoquée par Ben Gourion, chef du Yishouv (la communauté juive de Palestine) et de facto ministre de la défense. Aux responsables militaires de la Haganah, il a annoncé que les armées des pays arabes voisins – Égypte, Irak, Syrie, Jordanie – s’apprêtaient à passer à l’offensive et que pour les 650 000 Juifs du Yishouv, la situation s’annonçait très inquiétante, sinon désespérée.

    D’autant que plusieurs convois de la Haganah avaient été attaqués et détruits dans des embuscades entre Tel Aviv et Jérusalem. Il fallait donc trouver une stratégie pour préserver les conquêtes territoriales de la Haganah, c’est-à-dire pour empêcher les combattants palestiniens et leurs alliés arabes de revenir dans les villages qu’ils avaient dû abandonner.

    La méthode utilisée jusque-là pour rendre inhabitables les villages conquis – démolition des maisons au bulldozer et destruction des puits – avait montré ses limites. La solution était donc d’empoisonner les puits, les canalisations et les réservoirs d’eau des villages palestiniens assiégés ou occupés. À aucun moment, semble-t-il, ne s’est posée la question de savoir si cette stratégie violait le protocole de Genève de 1925 interdisant l’usage des armes bactériologiques. (...)

  • Brésil : 21% d’abstention au 1er tour

    PS : Lula est « talonné » par Bolso partout dans la presse fr ; 48% vs 43% ; on se demande s’ils sont pas plutôt heureux que le rouge risque de perdre au 2nd tour le 30 octobre :-)

    https://resultados.tse.jus.br/oficial/app/index.html#/eleicao;e=e544/totalizacao

    et 21% d’abstention - a priori bien passé sous silence dans les médias ; ceci dit, vu sur Mediapart ce matin :

    Près de 32 millions de Brésilien·nes (20,9 % de l’électorat) ne se sont pas rendu·es aux urnes, dans un pays où le vote est pourtant obligatoire, faisant grimper l’abstention à son plus haut niveau depuis 1998.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/031022/au-bresil-lula-en-tete-de-la-presidentielle-bolsonaro-resiste

    À l’image de leurs militant·es, aucun des deux candidats principaux ne semble parfaitement satisfait de son score. « La lutte continue jusqu’à la victoire finale. C’est juste une prolongation, nous allons remporter cette élection », a lancé l’ancien président, sans grand enthousiasme, après l’annonce des résultats. Si le climat dans le QG de campagne de Bolsonaro semblait plus conquérant, le président n’a pas semblé triomphant lors de son intervention.

    Il leur faut maintenant tenter de nouer de nouvelles alliances. Et les quelque huit millions de voix des deux principaux candidats défaits sont l’objet de toutes les convoitises. La centriste Simone Tebet, loin derrière mais en troisième position, a su tirer son épingle du jeu, quand le travailliste Ciro Gomes paraît avoir loupé sa campagne. Les deux duellistes vont aussi chercher à convaincre les presque 32 millions de Brésilien·nes (20,9 % de l’électorat) qui ne se sont pas rendu·es aux urnes.

    • et en même temps, y a les législatives en parallèle au Brésil ; et là, c’est Bolso qui gagne, pour l’instant :

      le parti de Jair Bolsonaro (PL) : 99 député·es. Le Parti des travailleurs (PT) et ses alliés devraient de leur côté rester en deçà, mais passent tout de même de 68 à 80 député·es.

  • #David_Van_Reybrouck sur la #désobéissance_fiscale :

    Je pense qu’il faut plutôt penser à une #désobéissance_civile, qui relève d’abord pour moi d’une désobéissance fiscale. Au milieu du XIXe siècle, #David_Thoreau refuse de payer l’impôt dans l’État du Massachusetts à cause de l’esclavagisme et de la guerre contre le Mexique. Il a été arrêté au bout de six ans.

    Regardons le budget de nos États, et calculons quel pourcentage des dépenses de l’État belge ou hollandais va vers le secteur fossile. Si c’est 18 %, on enlève 18 % de nos impôts et on le met au pot commun. Quand les lois ne sont pas justes, il est juste de leur #désobéir.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/011022/david-van-reybrouck-il-existe-une-forme-de-colonisation-de-l-avenir
    et aussi :
    https://seenthis.net/messages/974979

    #budget #Etat #changement_climatique #climat #résistance #impôts

  • #David_Van_Reybrouck : « Il existe une forme de #colonisation de l’avenir »

    Dix ans après l’épais « Congo, une histoire », l’historien flamand déploie une histoire de la #décolonisation de l’#Indonésie. Entretien sur la #mémoire_coloniale, la #révolution et l’#héritage du #non-alignement forgé lors de la #conférence_de_Bandung en 1955.

    « Ce qui rend la Revolusi indonésienne passionnante, c’est l’énorme impact qu’elle a eu sur le reste de l’humanité : non seulement sur la décolonisation d’autres pays, mais plus encore sur la coopération entre tous ces nouveaux États. »

    David Van Reybrouck, écrivain et essayiste, auteur notamment de Congo, une histoire (prix Médicis Essai 2012), de Contre les élections ou de Zinc est un touche-à-tout obsédé par la volonté d’élargir sans cesse le spectre et le registre des expériences, qu’il s’agisse de promouvoir des innovations démocratiques ou des manières d’écrire l’histoire.

    Pour rédiger Revolusi. L’Indonésie et la naissance du monde moderne, que viennent de publier les éditions Actes Sud dans une traduction d’Isabelle Rosselin et Philippe Noble, David Van Reybrouck a mené près de deux cents entretiens dans près d’une dizaine de langues, et fait un usage inédit de Tinder, s’en servant non comme d’une application de rencontres mais comme un moyen de contacter les grands-parents de celles et ceux qui voulaient bien « matcher » avec lui dans tel ou tel espace du gigantesque archipel indonésien.

    Le résultat de cinq années de travail fait plus de 600 pages et remonte une histoire mal connue, d’autant que les Pays-Bas ont longtemps mis un écran entre leur monde et la violence du passé colonial de leur pays, mis en œuvre non pas par la Couronne ou le gouvernement lui-même mais par la VOC, la Compagnie Unie des Indes orientales, parce que « l’aventure coloniale néerlandaise n’a pas commencé par la soif de terres nouvelles, mais par la recherche de saveurs ».

    Cela l’a mené à la rencontre d’un géant démographique méconnu, et à une mosaïque politique et linguistique inédite, puisqu’un terrien sur 27 est indonésien, et que 300 groupes ethniques différents y parlent 700 langues. Entretien sur la mémoire coloniale, la révolution et l’héritage du non-alignement forgé lors de la conférence de Bandung en 1955.

    Mediapart : Zinc racontait le destin des plus petites entités territoriales et démographiques du monde. À l’inverse, votre dernier ouvrage déroule une copieuse histoire de l’Indonésie, fondée sur de très nombreux entretiens oraux. Pourquoi l’Indonésie demeure-t-elle pour nous un « géant silencieux », pour reprendre vos termes ?

    David Van Reybrouck : L’Indonésie est devenue un pays invisible, alors qu’il y a encore une soixantaine d’années, elle dominait la scène internationale, surtout après la conférence de Bandung de 1955 [qui réunissait pour la première fois les représentants de 29 pays africains et asiatiques - ndlr], qu’on peut qualifier de « 14-Juillet » à l’échelle mondiale.

    Sukarno, son président, était alors reçu à Washington, au Vatican, en Chine. Comment un pays aussi central dans les années 1940-1950 a-t-il pu devenir aussi invisible, alors qu’il demeure la quatrième puissance au monde, par sa démographie, et qu’il est devenu un acteur économique essentiel en Asie du Sud-Est ?

    J’ai l’impression que plus son économie devient importante, plus sa diplomatie devient discrète. C’est une grande démocratie qui, pour sa taille, se porte bien si on la compare à l’Inde ou même aux États-Unis, même s’il y a des tensions, notamment entre l’État laïc et l’État musulman, comme en Turquie.

    L’importance de l’Indonésie au sortir de la guerre était aussi liée à la figure de Sukarno, atypique dans le paysage politique indonésien : flamboyant, charismatique, charmeur, vaniteux, insupportable, brillant. Il me fait penser à Mohamed Ali en raison de la vitesse à laquelle il débitait ses mots. Il pouvait enthousiasmer l’audience.

    Le président actuel, Joko Widodo, surnommé Jokowi, est compétent, mais il a la particularité d’être un petit commerçant n’appartenant ni à l’élite traditionnelle ni à celle qui s’est forgée pendant et après l’indépendance.

    Pourquoi avoir choisi de raconter l’émancipation de l’Indonésie, dix ans après votre somme sur le « Congo » ?

    Pour des raisons à la fois subjectives et objectives. C’est un pays immense dont on ne parle jamais, le premier pays à avoir proclamé son indépendance, deux jours après la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais cela demeure peu connu, même les Indonésiens ne s’en vantent pas.

    J’étais encore au Congo en train de faire mes recherches dans une petite ville proche de l’océan lorsque j’ai rencontré un bibliothécaire de l’époque coloniale qui n’avait plus que 300 livres en flamand. Parmi eux se trouvait Max Haavelar, le grand roman anticolonial hollandais du XIXe siècle – l’équivalent de Moby Dick ou de La Case de l’Oncle Tom –, écrit par Eduard Douwes Dekker, dit Multatuli, un pseudonyme emprunté au latin qui signifie « J’ai beaucoup supporté ». Le roman est écrit à partir de son expérience de fonctionnaire envoyé aux Indes néerlandaises, où il découvre l’exploitation coloniale dans la culture du café.

    À partir de ce point de départ, j’avais gardé en tête l’idée de m’intéresser à l’Indonésie, d’autant que le roi belge Léopold II s’est beaucoup inspiré de la colonisation hollandaise, notamment du principe d’utiliser l’aristocratie indigène pour mener une politique de domination indirecte. Max Havelaar dépeint d’ailleurs très bien la corruption de l’élite indigène qui exploite son propre peuple.

    Pourquoi insister sur l’idée de révolution plutôt que celle de « guerre d’indépendance » pour désigner ce qui s’est déroulé en Indonésie en 1945 ?

    Ce fut à la fois une révolution et une guerre d’indépendance. La proclamation d’indépendance, le 17 août 1945, n’a pas été jugée crédible par les Occidentaux, et les Britanniques ont cru pouvoir reprendre le contrôle du territoire et le redonner aux Hollandais. Mais cela a provoqué une colère immense de la jeunesse indonésienne, dont j’ai retrouvé des témoins qui racontent une expérience particulièrement humiliante et répressive de la colonisation britannique dans les années 1930.

    Lorsque les Japonais arrivent en Indonésie en 1942, ils commencent par donner à cette jeunesse une leçon de fierté. Ils politisent les jeunes générations à travers des slogans, des entraînements de gymnastique, des films, des affiches… À partir de 1943, cette politisation se militarise, et les jeunes apprennent à manier les armes, à faire d’une tige de bambou verte une arme blanche.

    Mais les nonagénaires que j’ai interviewés, qui avaient pu au départ accueillir les Japonais avec reconnaissance, virent ensuite leurs pères emmenés de force comme travailleurs, des millions de personnes mourir de la famine en 1944, leurs sœurs et leurs mères enlevées pour les troupes japonaises pour devenir « des femmes de réconfort ».

    La sympathie initiale pour les Japonais s’est retournée contre eux, et la guerre d’indépendance contre les colons a ainsi pris l’air d’une révolution comparable à la Révolution française, mais menée par des personnes beaucoup plus jeunes. La volonté de renverser le régime était présente d’emblée. Alors que Sukarno était encore en train de négocier avec les Japonais, ce sont les plus jeunes qui l’ont poussé à proclamer l’indépendance sans attendre, avec une certaine improvisation et un drapeau indonésien cousu par sa femme la veille…

    Très vite, on a établi les ébauches de ce nouvel État. Début septembre, les Britanniques arrivent. Les Hollandais sont toujours dans les camps d’internement du Japon, ou alors partis en Australie ou au Sri Lanka. Les Britanniques assurent préparer le retour, désarmer les Japonais. Un premier bateau arrive, puis un deuxième, avec quelques officiers hollandais à bord et des parachutistes pour aller dans les camps d’internement des Japonais.

    Comme souvent dans les révolutions, celle-ci a eu sa part de violence, avec des atrocités commises envers les Indo-Européens, les Chinois et les Hollandais détenus dans les camps par les Japonais, et un bilan total qu’on a longtemps estimé à 20 000 morts, mais que certains estiment aujourd’hui plutôt autour de 6 000.

    Vous avez rencontré des survivants des massacres commis par les Hollandais. Beaucoup vous ont dit : « Vous êtes le premier Blanc à venir nous interroger. » Est-ce que cela vous a questionné ?

    J’ai interviewé presque 200 personnes, la plupart avaient au-delà de 90 ans. J’ai passé un an sur le terrain, même si ça n’était pas d’un bloc. Pour mon livre Congo, j’avais onze cahiers d’entretiens. Là, j’en avais 28. Je me suis retrouvé avec une documentation extrêmement riche. Il fallait organiser tout cela avec des résumés des entretiens, des schémas pour les axes chronologiques, les protagonistes, les figurants…

    Personne n’a refusé de témoigner et j’étais assez étonné de ce qui s’est dévoilé. La plupart des témoins parlent plus facilement des moments où ils étaient victimes que bourreaux, mais j’ai retrouvé des Hollandais et des Indonésiens qui n’hésitaient pas à décrire en détail les tortures qu’ils avaient eux-mêmes commises.

    J’avais la crainte qu’on juge que ce n’était pas à un Blanc de raconter cette histoire, mais j’avais la facilité de pouvoir dire que j’étais belge. Beaucoup de mes témoins ne connaissaient pas la Belgique. La différence aussi est que le souvenir du passé colonial est peut-être moins vif en Indonésie qu’au Congo, qui demeure dans une situation économique pénible. Même si l’Indonésie est un pays pauvre, il se trouve dans une dynamique positive.

    Comment la mémoire du passé colonial est-elle organisée en Indonésie et aux Pays-Bas ?

    Je suis frappé par le talent de l’oubli de la mémoire coloniale indonésienne. Nous, nous sommes obsédés par le passé. C’est important de le travailler, d’avoir une introspection morale, mais il faut aussi le laisser cicatriser pour avancer. Le livre se termine avec l’idée que le rétroviseur n’est pas le seul champ de vision à explorer.

    Souvent les traumatismes sont trop grands, la souffrance est encore trop forte, mais il existe aussi un conditionnement culturel différent. Pour la jeune génération indonésienne, l’époque coloniale est révolue. On trouve des cafés à Djakarta décorés dans un style colonial. Il y a en quelque sorte une appropriation culturelle du passé colonial, qui se voit lors de la fête de l’Indépendance, où il existe un folklore inspiré de la Hollande mais où personne ne parle de ce pays.

    Un sondage de YouGov, commandé par les Britanniques, a récemment cherché à savoir quelle était la nation la plus fière de son passé colonial. Les Britanniques, qui ont encore des colonies, pensaient que ce serait eux. Et, à leur grande surprise et soulagement, ce sont les Hollandais qui remportent haut la main ce triste concours de mémoire coloniale ! Plus de 50 % des sondés hollandais sont fiers du passé colonial, et seulement 6 % expriment de la honte…

    Ces dernières années, il y a cependant eu une accélération aux Pays-Bas de la mise en mémoire du passé colonial avec des excuses du roi, du premier ministre, une exposition au Rijksmuseum d’Amsterdam…

    Mais cette histoire demeure largement ignorée. Ma compagne est hollandaise, mais s’étonnait chaque soir de ce que je lui racontais et qui ne lui avait pas été enseigné, comme l’existence d’un véritable « goulag » où étaient envoyés, dans les années 1920-1930, les indépendantistes et les communistes, ou le fait que la Hollande exigeait des milliards de florins pour reconnaître l’indépendance et payer le coût de la guerre qu’elle avait perdue…

    Le non-alignement, qu’on a vu ressurgir au moment de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a-t-il le même sens qu’en 1955 ? On voit comment il peut tendre à se confondre avec un refus de prendre la mesure de l’impérialisme russe. Vous semble-t-il malgré cela une position d’avenir ?

    Je trouve que nous assistons là à une perversion du mouvement du non-alignement. L’esprit de Bandung consiste à refuser l’impérialisme et constitue un mouvement moral fondé sur les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité. Si n’être pas aligné aujourd’hui, c’est ne pas s’exprimer sur la Russie, un Nehru, un Nasser ou un Mandela ont de quoi se retourner dans leur tombe. Le non-alignement est un idéalisme géopolitique, pas la somme de calculs économiques.

    Vous écrivez : « Même si nous parvenons un jour à apurer complètement le passif du colonialisme d’antan, nous n’aurons encore rien fait pour enrayer la colonisation dramatique à laquelle nous nous livrons aujourd’hui, celle de l’avenir. L’humanité confisque le siècle à venir avec la même rigueur impitoyable dont elle fit preuve aux temps anciens pour s’approprier des continents entiers. Le colonialisme est un fait non plus territorial, mais temporel. » Solder les comptes du colonialisme est-il une priorité si on veut faire face collectivement à un défi qui se situe à l’échelle planétaire ?

    Le passé est une plaie qu’on a très mal guérie, pas seulement dans le Sud. Elle continue à ternir ou à influencer les rapports entre Nord et Sud. Il faut s’occuper de cette plaie, d’autant plus qu’elle est toujours grande ouverte, comme le montre une carte des pays les plus vulnérables au changement climatique qui est superposable à celle des anciens pays colonisés. Ce qui se joue avec le changement climatique, ce n’est pas un ours polaire sur une banquise qui fond, c’est d’abord ce qui arrive aux peuples du Sud. Quand on parle de colonialisme, on pense en premier lieu au passé, mais il existe une forme de colonisation de l’avenir qui est menée par les mêmes pays qui ont été les acteurs du colonialisme du passé. Il est faux de dire que c’est l’humanité en général qui est responsable du changement climatique, les responsabilités ne sont pas égales.

    Pourquoi écrivez-vous alors que « le quatrième pays du monde n’aurait jamais vu le jour sans le soutien d’adolescents et de jeunes adultes – encore que j’ose espérer que les jeunes activistes de la “génération climat” recourent à des tactiques moins violentes ». Ne faut-il pas une « revolusi » pour le climat ?

    J’ai travaillé sur ce livre au moment où le mouvement de Greta Thunberg faisait parler de lui. Il y avait un regard condescendant sur ces adolescents, les considérant comme une forme politique non sérieuse. Regardez pourtant ce que la jeunesse a fait en Indonésie. Si le pays en est là, c’est grâce aux jeunes, même si j’espère que Greta Thunberg ne va pas se saisir de lances en bambou !

    Je participe à différentes conventions sur le climat qui se déroulent mieux qu’en France, où la transmission vers le politique a été mal faite. Je pense qu’il faut plutôt penser à une désobéissance civile, qui relève d’abord pour moi d’une désobéissance fiscale. Au milieu du XIXe siècle, David Thoreau refuse de payer l’impôt dans l’État du Massachusetts à cause de l’esclavagisme et de la guerre contre le Mexique. Il a été arrêté au bout de six ans.

    Regardons le budget de nos États, et calculons quel pourcentage des dépenses de l’État belge ou hollandais va vers le secteur fossile. Si c’est 18 %, on enlève 18 % de nos impôts et on le met au pot commun. Quand les lois ne sont pas justes, il est juste de leur désobéir.

    Dans la longue liste de vos remerciements, vous remerciez un tableau, « Composition en noir » de Nicolas de Staël, c’est étrange, non ?

    Je remercie deux peintures, celle que vous évoquez et une d’Affandi, un peintre indonésien. J’étais en train d’écrire, je cherchais encore le bon registre pour décrire les atrocités, sans esquiver les détails, mais sans perdre de vue l’ensemble. J’ai une passion pour la peinture et les arts plastiques, qui me vient de ma mère, elle-même peintre. Je me trouvais donc à Zurich, en pleine écriture de mon livre, et je vois cette toile qui m’a montré le chemin, fait de noirceur, d’humanisme, de précision et de lueur aussi. Celle d’Affandi aussi, parce qu’elle était faite de violence et de joie. Il aurait été considéré comme un peintre majeur s’il avait été américain ou français.

    La forme originale, très personnelle de cet ouvrage, comme celui sur le Congo, interpelle. Vous humanisez une histoire abstraite en ayant recours à la non-fiction littéraire. Pourquoi ? Pour la rendre plus accessible ?

    Le discours sur le Congo est trop souvent un monologue eurocentrique. Je voulais rédiger un dialogue en donnant la parole aux Congolais, mais aussi en écoutant des Belges. Dans ce livre sur l’Indonésie, je ne vais pas seulement du monologue vers le dialogue, mais je tends vers la polyphonie. Je suis parti aussi au Japon ou au Népal. Il était important de montrer la dimension internationale de cette histoire et de ne pas la réduire aux rapports verticaux et en silo entre les anciennes métropoles et les anciennes colonies, d’où le sous-titre de l’ouvrage : « et la naissance du monde moderne ».

    https://www.mediapart.fr/journal/international/011022/david-van-reybrouck-il-existe-une-forme-de-colonisation-de-l-avenir
    #Pays-Bas #violence #passé_colonial #livre #Sukarno #guerre_d'indépendance #politisation #fierté #Japon #torture #oubli #appropriation_culturelle #plaie #colonisation_de_l'avenir #désobéissance_civile #désobéissance_fiscale

    ping @cede

    • #Revolusi. L’Indonésie et la naissance du monde moderne

      Quelque dix ans après "Congo", David Van Reybrouck publie sa deuxième grande étude historique, consacrée cette fois à la saga de la décolonisation de l’Indonésie - premier pays colonisé à avoir proclamé son indépendance, le 17 août 1945. Il s’agit pour lui de comprendre l’histoire de l’émancipation des peuples non européens tout au long du siècle écoulé, et son incidence sur le monde contemporain.
      Fidèle à la méthode suivie dès son premier ouvrage, l’auteur se met lui-même en scène au cours de son enquête, alternant sans cesse, et avec bonheur, exposé de type scientifique et “reportage” à la première personne – ce qui rend la lecture de l’ouvrage à la fois aisée et passionnante.

      https://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature/revolusi

    • C’est un peu normal !

      Gouvernements et partis politiques de l’union européenne se moquent éperdument des besoins de base de leur population, Santé, Education, Energie (interdiction d’importer du gaz russe peu couteux), Démocratiques . . . .
      Pourquoi donc aller voter ?
      Pourquoi voter pour des pseudos démocrates ?

      L’Italie sort de son gouvernement mario draghi, et ce ne sont pas les menaces d’ursula von des leyen (élue par personne) envers les électeurs italiens qui ont calmé les choses.

      Les électeurs choisissent les extrêmes en espérant un changement.
      On remarquera que les extrêmes ne sont pas toujours à droite, exemple le PTB en Belgique, ouvertement marxiste.

      Ceci dit, en France, le PCF a ouvertement fait perdre la gauche aux élections présidentielles.

    • la représentation politique est pas une métonymie d’un fascisme qui est d’abord dans les têtes et les corps. n’en déplaise à pas mal de gens de gauche et de « gauchistes », dans les sociétés de contrôle, le fascisme politique peut être « post » (en gros, moins martial). et c’est d’ailleurs là que l’on peut faire la critique (et non dénoncer) l’abstention, l’abstentionniste, pas plus épargné que quiconque (et non pas allié objectif de l’extrême droite en raison de son refus oubli, dégoût, de voter)

      #fascisme

    • Extrême droite : les larmes (de crocodile) des élites libérales

      Les succès électoraux de l’extrême droite, comme en Suède ou en Italie, font souvent l’objet d’une couverture sensationnaliste et de dénonciations superficielles. Celles-ci passent à côté de la normalisation de l’agenda nativiste, dont la responsabilité est très largement partagée.

      https://www.mediapart.fr/journal/politique/280922/extreme-droite-les-larmes-de-crocodile-des-elites-liberales

    • Communiqué de VISA – Élections générales en Italie - VISA | Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascites
      https://visa-isa.org//article/communique-de-visa-elections-generales-en-italie

      Un nouveau séisme vient de secouer l’Italie et l’Europe : le fascisme revient au pouvoir !

      Les élections générales du 25 septembre 2022 ont vu la coalition d’extrême droite arrivée en tête. 25,99% pour Fratelli d’Italia de Georgia Meloni, 8,77% pour la Lega de Matteo Salvini et 8,11% pour Forza Italia de Silvio Berlusconi. La coalition obtient donc la majorité absolue à la Chambre des Députés, avec 237 sièges sur 400, ainsi qu’au Sénat de la République avec 115 sièges sur 200.

      100 ans après la marche sur Rome, un parti ouvertement post-fasciste prend donc les rênes du pouvoir italien ! En effet, Fratelli d’Italia revendique son héritage avec le parti fasciste et mussolinien MSI (1946 – 1995), dont Georgia Meloni est issue.

      Fratelli d’Italia adopte même dans son logo la reprise exacte de la flamme tricolore du MSI (représentant l’âme de Mussolini surplombant un socle, lui-même représentant la tombe de l’ancien dictateur fasciste). A noter que le Front National de Jean-Marie le Pen adoptera, à sa création en 1972, la réplique exacte du logo du MSI, aux couleurs françaises. A l’heure où Le FN/RN « fête » ses 50 ans d’existence, il est bon de rappeler que celui-ci est né dans le fascisme.

      C’est une nouvelle alerte majeure dont l’ensemble des syndicats européens doit prendre la mesure. L’extrême droite, en Italie comme ailleurs, est l’ennemie mortelle des travailleuses et travailleurs, et de leurs organisations.

      Après la Hongrie, la Pologne, la Suède, l’Italie, et au vu des résultats très importants des formations de droite-extrême ou d’extrême-droite dans d’autres pays, dont la France, le spectre du fascisme hante toute l’Europe. La riposte syndicale doit être à la hauteur !

      VISA exprime son soutien et sa solidarité aux camarades, aux travailleurs et travailleuses d’Italie et envers l’ensemble des personnes qui souffriront de la politique raciste, sexiste et homophobe du nouveau gouvernement. VISA se tiendra à leurs côtés dans le combat contre l’extrême droite.