International | Mediapart

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  • En Palestine, la Nakba n’est pas « un souvenir du passé » mais une tragédie qui se répète

    https://www.mediapart.fr/journal/international/020124/en-palestine-la-nakba-n-est-pas-un-souvenir-du-passe-mais-une-tragedie-qui

    D’ordre militaire en ordre militaire, les autorités israéliennes ne cessent de pousser les habitants de Gaza vers le sud de l’enclave. En trois mois, ce sont près de deux millions de personnes qui ont subi des déplacements forcés successifs. Un écho, dans les mémoires, de l’épuration ethnique de 1948.

    https://jpst.it/3wRO-

  • De Salfit à Hébron, la terre des paysans palestiniens est devenue un enfer
    Rachida El Azzouzi | 29 décembre 2023 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/291223/de-salfit-hebron-la-terre-des-paysans-palestiniens-est-devenue-un-enfer

    Régions de Bethléem, Hébron, Salfit (Cisjordanie occupée).– « Si tu n’avais pas été là, avec ta carte de presse officielle, ils nous auraient tabassés ou tiré dessus. Ils n’ont pas osé attaquer deux paysans palestiniens devant une journaliste étrangère accréditée par leur gouvernement. »

    Raed Abu Youssef allume une cigarette pour évacuer la colère en fixant du regard le 4x4 blanc qui dévale les virages en trombe avant de disparaître de l’autre côté de la colline d’oliviers.

    À son bord, l’un des mustawtenin (colons) qui fait trembler le village de Farkha au centre de la Cisjordanie occupée : un gringalet de moins de 30 ans, en jogging et grosses chaussures, accompagné d’un réserviste en uniforme qui tient le volant et un fusil automatique.

    Ils ne sont repartis – en faisant crisser les pneus – qu’après nous avoir intimidés, photographiés avec leurs téléphones et mitraillés d’agressivité : « Qui êtes-vous ? Que faites-vous ? C’est la terre d’Israël ici. » Comprendre la « Judée-Samarie », le nom biblique que les colons israéliens donnent à la Cisjordanie.

    « Tous les jours, on subit ces malades qui le sont encore plus depuis le 7 octobre », fulmine Raed Abu Youssef en exhibant trois dents amochées par le poing d’un colon il y a un mois.
    (...)
    Raed Abu Youssef, 55 ans, cueillait sur ses terres du raisin pour faire du debs, la confiture épaisse qu’on sert en Palestine au petit-déjeuner, quand dix colons de l’âge de ses fils ont dévalé les pentes et se sont mis à l’insulter au haut-parleur depuis le bord de la route 35.

    Il a encaissé les noms d’oiseaux sans se retourner, convaincu que la troupe finirait par se lasser. Mais elle a continué de plus belle. Raed Abu Youssef s’est levé. Une question de dignité. Il est allé « à la rencontre de la haine ». Il a pris une droite dans la mâchoire. L’armée, qui a accentué son quadrillage oppressant depuis les massacres du Hamas, a débarqué, calmé les colons et promis au paysan palestinien de faciliter son dépôt de plainte.

    « Elle n’a rien fait du tout au final, raconte Raed Abu Youssef en démarrant son utilitaire. Elle a la même mission que les colons : nous empêcher de vivre. Ils veulent me pousser à bout, que j’abandonne ma parcelle proche de la colonie pour me déposséder. Au bout de trois ans, si tu ne cultives plus ta terre, elle peut être saisie et déclarée propriété d’État par l’administration israélienne qui s’appuie sur une loi ottomane de 1858. » (...)
    « Comment le monde entier peut-il assister au génocide du peuple palestinien et laisser faire, comme si nos vies ne valaient rien, comme si nous n’étions pas des êtres humains ? », lâche Raed Abu Youssef. (...)

  • Bonne année from Bibi | Mediapart | 31.12.23

    https://www.mediapart.fr/journal/international/311223/ce-qu-induit-la-saisine-de-la-justice-internationale-l-encontre-d-israel

    Addendum du 31 décembre à 14h30

    En réaction à l’accusation de génocide portée devant la CIJ par l’Afrique du Sud, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a déclaré lors d’une réunion de son gouvernement, ce dimanche 31 décembre : « Nous continuerons notre guerre défensive, dont la justice et la moralité sont sans équivalent. » L’armée « fait tout pour éviter de blesser des civils, alors que le Hamas fait tout pour leur nuire et les utilise comme boucliers humains », a ajouté le premier ministre. Selon lui, les forces de l’État d’Israël agissent « de la manière la plus morale possible » dans la bande de Gaza.

  • Bonne année from Moscou | Mediapart | 30.12.23

    https://www.mediapart.fr/journal/international/301223/quand-le-kremlin-fait-de-son-pire

    Dans une enquête publiée samedi 30 décembre, le Washington Post détaille, documents à l’appui, comment la France est gangrenée par la propagande de Moscou, relayée par l’extrême droite lepéniste.

    Il s’agit de réactiver l’égoïsme, teinté de lâcheté, à l’œuvre au moment des accords de Munich et de la guerre d’Espagne, lors de la course à l’abîme propre à la fin des années 1930 : croire se sauvegarder en refusant de se mêler à une cause jugée perdue ; laisser gagner le fauteur de guerre au nom de la préservation de la paix...

    Tétaniser à la fois la population russe et l’esprit public occidental, telle est la stratégie à laquelle se consacre sous nos yeux, avec l’énergie de la désespérance nihiliste, la Russie effrénée de Vladimir Poutine bien décidée à embarquer son monde sous de tels auspices en 2024.

    Après, c’est p’tet la CIA qui agite le gros ours Russe pour faire la même chose, version « démocratie libérale » ?

  • Au niveau européen, un pacte migratoire « dangereux » et « déconnecté de la réalité »

    Sara Prestianni, du réseau EuroMed Droits, et Tania Racho, chercheuse spécialiste du droit européen et de l’asile, alertent, dans un entretien à deux voix, sur les #risques de l’accord trouvé au niveau européen et qui sera voté au printemps prochain.

    Après trois années de discussions, un accord a été trouvé par les États membres sur le #pacte_européen_sur_la_migration_et_l’asile la semaine dernière. En France, cet événement n’a trouvé que peu d’écho, émoussé par la loi immigration votée au même moment et dont les effets sur les étrangers pourraient être dramatiques.

    Pourtant, le pacte migratoire européen comporte lui aussi son lot de mesures dangereuses pour les migrant·es, entre renforcement des contrôles aux frontières, tri express des demandeurs d’asile, expulsions facilitées des « indésirables » et sous-traitance de la gestion des frontières à des pays tiers. Sara Prestianni, responsable du plaidoyer au sein du réseau EuroMed Droits, estime que des violations de #droits_humains seront inévitables et invite à la création de voies légales qui permettraient de protéger les demandeurs d’asile.

    La chercheuse Tania Racho, spécialiste du droit européen et de l’asile et membre du réseau Désinfox-Migrations, répond qu’à aucun moment les institutions européennes « ne prennent en compte les personnes exilées », préférant répondre à des « objectifs de gestion des migrations ». Dans un entretien croisé, elles alertent sur les risques d’une approche purement « sécuritaire », qui renforcera la vulnérabilité des concernés et les mettra « à l’écart ».

    Mediapart : Le pacte migratoire avait été annoncé par la Commission européenne en septembre 2020. Il aura fait l’objet de longues tergiversations et de blocages. Était-ce si difficile de se mettre d’accord à 27 ?

    Tania Racho : Dans l’état d’esprit de l’Union européenne (UE), il fallait impérativement démontrer qu’il y a une gestion des migrations aux #frontières_extérieures pour rassurer les États membres. Mais il a été difficile d’aboutir à un accord. Au départ, il y avait des mesures pour des voies sécurisées d’accès à l’Union avec plus de titres économiques : ils ont disparu au bénéfice d’une crispation autour des personnes en situation irrégulière.

    Sara Prestianni : La complexité pour aboutir à un accord n’est pas due à la réalité des migrations mais à l’#instrumentalisation du dossier par beaucoup d’États. On l’a bien vu durant ces trois années de négociations autour du pacte : bien que les chiffres ne le justifiaient pas, le sujet a été fortement instrumentalisé. Le résultat, qui à nos yeux est très négatif, est le reflet de ces stratégies : cette réforme ne donne pas de réponse au phénomène en soi, mais répond aux luttes intestines des différents États.

    La répartition des demandeurs d’asile sur le sol européen a beaucoup clivé lors des débats. Pourquoi ?

    Sara Prestianni : D’abord, parce qu’il y a la fameuse réforme du #règlement_Dublin [qui impose aux exilés de demander l’asile dans le pays par lequel ils sont entrés dans l’UE - ndlr]. Ursula von der Leyen [présidente de la Commission – ndlr] avait promis de « #dépasser_Dublin ». Il est aujourd’hui renforcé. Ensuite, il y a la question de la #solidarité. La #redistribution va finalement se faire à la carte, alors que le Parlement avait tenté de revenir là-dessus. On laisse le choix du paiement, du support des murs et des barbelés aux frontières internes, et du financement de la dimension externe. On est bien loin du concept même de solidarité.

    Tania Racho : L’idée de Dublin est à mettre à la poubelle. Pour les Ukrainiens, ce règlement n’a pas été appliqué et la répartition s’est faite naturellement. La logique de Dublin, c’est qu’une personne qui trouve refuge dans un État membre ne peut pas circuler dans l’UE (sans autorisation en tout cas). Et si elle n’obtient pas l’asile, elle n’est pas censée pouvoir le demander ailleurs. Mais dans les faits, quelqu’un qui voit sa demande d’asile rejetée dans un pays peut déposer une demande en France, et même obtenir une protection, parce que les considérations ne sont pas les mêmes selon les pays. On s’interroge donc sur l’utilité de faire subir des transferts, d’enfermer les gens et de les priver de leurs droits, de faire peser le coût de ces transferts sur les États… Financièrement, ce n’est pas intéressant pour les États, et ça n’a pas de sens pour les demandeurs d’asile.

    D’ailleurs, faut-il les répartir ou leur laisser le libre #choix dans leur installation ?

    Tania Racho : Cela n’a jamais été évoqué sous cet angle. Cela a du sens de pouvoir les laisser choisir, parce que quand il y a un pays de destination, des attaches, une communauté, l’#intégration se fait mieux. Du point de vue des États, c’est avant tout une question d’#efficacité. Mais là encore on ne la voit pas. La Cour européenne des droits de l’homme a constaté, de manière régulière, que l’Italie ou la Grèce étaient des États défaillants concernant les demandeurs d’asile, et c’est vers ces pays qu’on persiste à vouloir renvoyer les personnes dublinées.

    Sara Prestianni : Le règlement de Dublin ne fonctionne pas, il est très coûteux et produit une #errance continue. On a à nouveau un #échec total sur ce sujet, puisqu’on reproduit Dublin avec la responsabilité des pays de première entrée, qui dans certaines situations va se prolonger à vingt mois. Même les #liens_familiaux (un frère, une sœur), qui devaient permettre d’échapper à ce règlement, sont finalement tombés dans les négociations.

    En quoi consiste le pacte pour lequel un accord a été trouvé la semaine dernière ?

    Sara Prestianni : Il comporte plusieurs documents législatifs, c’est donc une #réforme importante. On peut évoquer l’approche renforcée des #hotspots aux #frontières, qui a pourtant déjà démontré toutes ses limites, l’#enfermement à ciel ouvert, l’ouverture de #centres_de_détention, la #procédure_d’asile_accélérée, le concept de #pays-tiers_sûr que nous rejetons (la Tunisie étant l’exemple cruel des conséquences que cela peut avoir), la solidarité à la carte ou encore la directive sur l’« instrumentalisation » des migrants et le concept de #force_majeure en cas d’« #arrivées_massives », qui permet de déroger au respect des droits. L’ensemble de cette logique, qui vise à l’utilisation massive de la #détention, à l’#expulsion et au #tri des êtres humains, va engendrer des violations de droits, l’#exclusion et la #mise_à_l’écart des personnes.

    Tania Racho : On met en place des #centres_de_tri des gens aux frontières. C’est d’une #violence sans nom, et cette violence est passée sous silence. La justification du tri se fait par ailleurs sur la nationalité, en fonction du taux de protection moyen de l’UE, ce qui est absurde car le taux moyen de protection varie d’un pays à l’autre sur ce critère. Cela porte aussi une idée fausse selon laquelle seule la nationalité prévaudrait pour obtenir l’asile, alors qu’il y a un paquet de motifs, comme l’orientation sexuelle, le mariage forcé ou les mutilations génitales féminines. Difficile de livrer son récit sur de tels aspects après un parcours migratoire long de plusieurs mois dans le cadre d’une #procédure_accélérée.

    Comment peut-on opérer un #tri_aux_frontières tout en garantissant le respect des droits des personnes, du droit international et de la Convention de Genève relative aux réfugiés ?

    Tania Racho : Aucune idée. La Commission européenne parle d’arrivées mixtes et veut pouvoir distinguer réfugiés et migrants économiques. Les premiers pourraient être accueillis dignement, les seconds devraient être expulsés. Le rush dans le traitement des demandes n’aidera pas à clarifier la situation des personnes.

    Sara Prestianni : Ils veulent accélérer les procédures, quitte à les appliquer en détention, avec l’argument de dire « Plus jamais Moria » [un camp de migrants en Grèce incendié – ndlr]. Mais, ce qui est reproduit ici, c’est du pur Moria. En septembre, quand Lampedusa a connu 12 000 arrivées en quelques jours, ce pacte a été vendu comme la solution. Or tel qu’il est proposé aujourd’hui, il ne présente aucune garantie quant au respect du droit européen et de la Convention de Genève.

    Quels sont les dangers de l’#externalisation, qui consiste à sous-traiter la gestion des frontières ?

    Sara Prestianni : Alors que se négociait le pacte, on a observé une accélération des accords signés avec la #Tunisie, l’#Égypte ou le #Maroc. Il y a donc un lien très fort avec l’externalisation, même si le concept n’apparaît pas toujours dans le pacte. Là où il est très présent, c’est dans la notion de pays tiers sûr, qui facilite l’expulsion vers des pays où les migrants pourraient avoir des liens.

    On a tout de même l’impression que ceux qui ont façonné ce pacte ne sont pas très proches du terrain. Prenons l’exemple des Ivoiriens qui, à la suite des discours de haine en Tunisie, ont fui pour l’Europe. Les États membres seront en mesure de les y renvoyer car ils auront a priori un lien avec ce pays, alors même qu’ils risquent d’y subir des violences. L’Italie négocie avec l’#Albanie, le Royaume-Uni tente coûte que coûte de maintenir son accord avec le #Rwanda… Le risque, c’est que l’externalisation soit un jour intégrée à la procédure l’asile.

    Tania Racho : J’ai appris récemment que le pacte avait été rédigé par des communicants, pas par des juristes. Cela explique combien il est déconnecté de la réalité. Sur l’externalisation, le #non-refoulement est prévu par le traité sur le fonctionnement de l’UE, noir sur blanc. La Commission peut poursuivre l’Italie, qui refoule des personnes en mer ou signe ce type d’accord, mais elle ne le fait pas.

    Quel a été le rôle de l’Italie dans les discussions ?

    Sara Prestianni : L’Italie a joué un rôle central, menaçant de faire blocage pour l’accord, et en faisant passer d’autres dossiers importants à ses yeux. Cette question permet de souligner combien le pacte n’est pas une solution aux enjeux migratoires, mais le fruit d’un #rapport_de_force entre les États membres. L’#Italie a su instrumentaliser le pacte, en faisant du #chantage.

    Le pacte n’est pas dans son intérêt, ni dans celui des pays de premier accueil, qui vont devoir multiplier les enfermements et continuer à composer avec le règlement Dublin. Mais d’une certaine manière, elle l’a accepté avec la condition que la Commission et le Conseil la suivent, ou en tout cas gardent le silence, sur l’accord formulé avec la Tunisie, et plus récemment avec l’Albanie, alors même que ce dernier viole le droit européen.

    Tania Racho : Tout cela va aussi avoir un #coût – les centres de tri, leur construction, leur fonctionnement –, y compris pour l’Italie. Il y a dans ce pays une forme de #double_discours, où on veut d’un côté dérouter des bateaux avec une centaine de personnes à bord, et de l’autre délivrer près de 450 000 visas pour des travailleurs d’ici à 2025. Il y a une forme illogique à mettre autant d’énergie et d’argent à combattre autant les migrations irrégulières tout en distribuant des visas parce qu’il y a besoin de #travailleurs_étrangers.

    Le texte avait été présenté, au départ, comme une réponse à la « crise migratoire » de 2015 et devait permettre aux États membres d’être prêts en cas de situation similaire à l’avenir. Pensez-vous qu’il tient cet objectif ?

    Tania Racho : Pas du tout. Et puisqu’on parle des Syriens, rappelons que le nombre de personnes accueillies est ridicule (un million depuis 2011 à l’échelle de l’UE), surtout lorsqu’on le compare aux Ukrainiens (10 millions accueillis à ce jour). Il est assez étonnant que la comparaison ne soit pas audible pour certains. Le pacte ne résoudra rien, si ce n’est dans le narratif de la Commission européenne, qui pense pouvoir faire face à des arrivées mixtes.

    On a les bons et mauvais exilés, on ne prend pas du tout en compte les personnes exilées, on s’arrête à des objectifs de #gestion alors que d’autres solutions existent, comme la délivrance de #visas_humanitaires. Elles sont totalement ignorées. On s’enfonce dans des situations dramatiques qui ne feront qu’augmenter le tarif des passeurs et le nombre de morts en mer.

    Sara Prestianni : Si une telle situation se présente de nouveau, le règlement « crise » sera appliqué et permettra aux États membres de tout passer en procédure accélérée. On sera donc dans un cas de figure bien pire, car les entraves à l’accès aux droits seront institutionnalisées. C’est en cela que le pacte est dangereux. Il légitime toute une série de violations, déjà commises par la Grèce ou l’Italie, et normalise des pratiques illégales. Il occulte les mesures harmonisées d’asile, d’accueil et d’intégration. Et au lieu de pousser les États à négocier avec les pays de la rive sud, non pas pour renvoyer des migrants ou financer des barbelés mais pour ouvrir des voies légales et sûres, il mise sur une logique sécuritaire et excluante.

    Cela résonne fortement avec la loi immigration votée en France, supposée concilier « #humanité » et « #fermeté » (le pacte européen, lui, prétend concilier « #responsabilité » et « #solidarité »), et qui mise finalement tout sur le répressif. Un accord a été trouvé sur les deux textes au même moment, peut-on lier les deux ?

    Tania Racho : Dans les deux cas, la seule satisfaction a été d’avoir un accord, dans la précipitation et dans une forme assez particulière, entre la commission mixte paritaire en France et le trilogue au niveau européen. Ce qui est intéressant, c’est que l’adoption du pacte va probablement nécessiter des adaptations françaises. On peut lier les deux sur le fond : l’idée est de devoir gérer les personnes, dans le cas français avec un accent particulier sur la #criminalisation_des_étrangers, qu’on retrouve aussi dans le pacte, où de nombreux outils visent à lutter contre le terrorisme et l’immigration irrégulière. Il y a donc une même direction, une même teinte criminalisant la migration et allant dans le sens d’une fermeture.

    Sara Prestianni : Les États membres ont présenté l’adoption du pacte comme une grande victoire, alors que dans le détail ce n’est pas tout à fait évident. Paradoxalement, il y a eu une forme d’unanimité pour dire que c’était la solution. La loi immigration en France a créé plus de clivages au sein de la classe politique. Le pacte pas tellement, parce qu’après tant d’années à la recherche d’un accord sur le sujet, le simple fait d’avoir trouvé un deal a été perçu comme une victoire, y compris par des groupes plus progressistes. Mais plus de cinquante ONG, toutes présentes sur le terrain depuis des années, sont unanimes pour en dénoncer le fond.

    Le vote du pacte aura lieu au printemps 2024, dans le contexte des élections européennes. Risque-t-il de déteindre sur les débats sur l’immigration ?

    Tania Racho : Il y aura sans doute des débats sur les migrations durant les élections. Tout risque d’être mélangé, entre la loi immigration en France, le pacte européen, et le fait de dire qu’il faut débattre des migrations parce que c’est un sujet important. En réalité, on n’en débat jamais correctement. Et à chaque élection européenne, on voit que le fonctionnement de l’UE n’est pas compris.

    Sara Prestianni : Le pacte sera voté avant les élections, mais il ne sera pas un sujet du débat. Il y aura en revanche une instrumentalisation des migrations et de l’asile, comme un outil de #propagande, loin de la réalité du terrain. Notre bataille, au sein de la société civile, est de continuer notre travail de veille et de dénoncer les violations des #droits_fondamentaux que cette réforme, comme d’autres par le passé, va engendrer.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/281223/au-niveau-europeen-un-pacte-migratoire-dangereux-et-deconnecte-de-la-reali
    #pacte #Europe #pacte_migratoire #asile #migrations #réfugiés

  • #Inde : dans les champs du #Pendjab, la colère s’enracine

    Depuis leur soulèvement en 2021, les paysans du sous-continent sont revenus aux champs. Mais dans le grenier à #blé du pays, la révolte gronde toujours et la sortie de la #monoculture_intensive est devenue une priorité des #syndicats_agricoles.

    « Nous sommes rassemblés parce que la situation des agriculteurs est dans l’impasse. Dans le Pendjab, les paysans sont prisonniers de la monoculture du blé et du #riz, qui épuise les #nappes_phréatiques », explique Kanwar Daleep, président du grand syndicat agricole #Kisan_Marzoor. À ses côtés, ils sont une centaine à bloquer la ligne de train qui relie la grande ville d’Amritsar, dans le Pendjab, à New Delhi, la capitale du pays. Au milieu d’immenses champs de blé, beaucoup sont des paysans sikhs, reconnaissables à leur barbe et à leur turban.

    C’est d’ici qu’est parti le plus grand mouvement de contestation de l’Inde contemporaine. Pour s’opposer à la #libéralisation du secteur agricole, des paysans du Pendjab en colère puis des fermiers de toute l’Inde ont encerclé New Delhi pacifiquement mais implacablement en décembre 2020 et en 2021, bravant froids hivernaux, coronavirus et police. En novembre 2021, le premier ministre Narendra Modi a finalement suspendu sa #réforme, dont une des conséquences redoutées aurait été la liquidation des tarifs minimums d’achat garantis par l’État sur certaines récoltes.

    « Depuis cette #révolte historique, les agriculteurs ont compris que le peuple avait le pouvoir, juge #Sangeet_Toor, écrivaine et militante de la condition paysanne, basée à Chandigarh, la capitale du Pendjab. L’occupation est finie, mais les syndicats réclament un nouveau #modèle_agricole. Ils se sont emparés de sujets tels que la #liberté_d’expression et la #démocratie. »

    Pour Kanwar Daleep, le combat entamé en 2020 n’est pas terminé. « Nos demandes n’ont pas été satisfaites. Nous demandons à ce que les #prix_minimums soient pérennisés mais aussi étendus à d’autres cultures que le blé et le riz, pour nous aider à régénérer les sols. »

    C’est sur les terres du Pendjab, très plates et fertiles, arrosées par deux fleuves, que le gouvernement a lancé dans les années 1960 un vaste programme de #plantation de semences modifiées à grand renfort de #fertilisants et de #pesticides. Grâce à cette « #révolution_verte », la production de #céréales a rapidement explosé – l’Inde est aujourd’hui un pays exportateur. Mais ce modèle est à bout de souffle. Le père de la révolution verte en Inde, #Monkombu_Sambasivan_Swaminathan, mort en septembre, alertait lui-même sur les dérives de ce #productivisme_agricole forcené.

    « La saison du blé se finit, je vais planter du riz », raconte Purun Singh, qui cultive 15 hectares près de la frontière du Pakistan. « Pour chaque hectare, il me faut acheter 420 euros de fertilisants et pesticides. J’obtiens 3 000 kilos dont je tire environ 750 euros. Mais il y a beaucoup d’autres dépenses : l’entretien des machines, la location des terrains, l’école pour les enfants… On arrive à se nourrir mais notre compte est vide. » Des récoltes aléatoires vendues à des prix qui stagnent… face à un coût de la vie et des intrants de plus en plus élevé et à un climat imprévisible. Voilà l’équation dont beaucoup de paysans du Pendjab sont prisonniers.

    Cet équilibre financier précaire est rompu au moindre aléa, comme les terribles inondations dues au dérèglement des moussons cet été dans le sud du Pendjab. Pour financer les #graines hybrides et les #produits_chimiques de la saison suivante, les plus petits fermiers en viennent à emprunter, ce qui peut conduire au pire. « Il y a cinq ans, j’ai dû vendre un hectare pour rembourser mon prêt, raconte l’agriculteur Balour Singh. La situation et les récoltes ne se sont pas améliorées. On a dû hypothéquer nos terrains et je crains qu’ils ne soient bientôt saisis. Beaucoup de fermiers sont surendettés comme moi. » Conséquence avérée, le Pendjab détient aujourd’hui le record de #suicides de paysans du pays.

    Champs toxiques

    En roulant à travers les étendues vertes du grenier de l’Inde, on voit parfois d’épaisses fumées s’élever dans les airs. C’est le #brûlage_des_chaumes, pratiqué par les paysans lorsqu’ils passent de la culture du blé à celle du riz, comme en ce mois d’octobre. Cette technique, étroitement associée à la monoculture, est responsable d’une très importante #pollution_de_l’air, qui contamine jusqu’à la capitale, New Delhi. Depuis la route, on aperçoit aussi des fermiers arroser leurs champs de pesticides toxiques sans aucune protection. Là encore, une des conséquences de la révolution verte, qui place le Pendjab en tête des États indiens en nombre de #cancers.

    « Le paradigme que nous suivons depuis les années 1960 est placé sous le signe de la #sécurité_alimentaire de l’Inde. Où faire pousser ? Que faire pousser ? Quelles graines acheter ? Avec quels intrants les arroser ? Tout cela est décidé par le marché, qui en tire les bénéfices », juge Umendra Dutt. Depuis le village de Jaito, cet ancien journaliste a lancé en 2005 la #Kheti_Virasat_Mission, une des plus grandes ONG du Pendjab, qui a aujourd’hui formé des milliers de paysans à l’#agriculture_biologique. « Tout miser sur le blé a été une tragédie, poursuit-il. D’une agriculture centrée sur les semences, il faut passer à une agriculture centrée sur les sols et introduire de nouvelles espèces, comme le #millet. »

    « J’ai décidé de passer à l’agriculture biologique en 2015, parce qu’autour de moi de nombreux fermiers ont développé des maladies, notamment le cancer, à force de baigner dans les produits chimiques », témoigne Amar Singh, formé par la Kheti Virasat Mission. J’ai converti deux des quatre hectares de mon exploitation. Ici, auparavant, c’était du blé. Aujourd’hui j’y plante du curcuma, du sésame, du millet, de la canne à sucre, sans pesticides et avec beaucoup moins d’eau. Cela demande plus de travail car on ne peut pas utiliser les grosses machines. Je gagne un peu en vendant à des particuliers. Mais la #transition serait plus rapide avec l’aide du gouvernement. »

    La petite parcelle bio d’Amar Singh est installée au milieu d’hectares de blé nourris aux produits chimiques. On se demande si sa production sera vraiment « sans pesticides ». Si de plus en plus de paysans sont conscients de la nécessité de cultiver différemment, la plupart peinent à le faire. « On ne peut pas parler d’une tendance de fond, confirme Rajinder Singh, porte-parole du syndicat #Kirti_Kazan_Union, qui veut porter le combat sur le plan politique. Lorsqu’un agriculteur passe au bio, sa production baisse pour quelques années. Or ils sont déjà très endettés… Pour changer de modèle, il faut donc subventionner cette transition. »

    Kanwar Daleep, du Kisan Marzoor, l’affirme : les blocages continueront, jusqu’à obtenir des garanties pour l’avenir des fermiers. Selon lui, son syndicat discute activement avec ceux de l’État voisin du Haryana pour faire front commun dans la lutte. Mais à l’approche des élections générales en Inde en mai 2024, la reprise d’un mouvement de masse est plus une menace brandie qu’une réalité. Faute de vision des pouvoirs publics, les paysans du Pendjab choisissent pour l’instant l’expectative. « Les manifestations peuvent exploser à nouveau, si le gouvernement tente à nouveau d’imposer des réformes néfastes au monde paysan », juge Sangeet Toor.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/281223/inde-dans-les-champs-du-pendjab-la-colere-s-enracine
    #agriculture #monoculture #résistance

  • « À Gaza, le risque de génocide se matérialise de plus en plus » | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/281223/gaza-le-risque-de-genocide-se-materialise-de-plus-en-plus

    Mediapart : Comment qualifier la situation à Gaza aujourd’hui ?

    Francesca Albanese : Elle se dégrade d’heure en heure. Le nombre de morts et de blessés augmente avec le désespoir de la population. Israël est en train de faire quelque chose de très cynique qui n’est jamais arrivé dans l’histoire à ma connaissance. On pourrait comparer ce qu’il se passe à Gaza avec les génocides du Rwanda et en Bosnie [dans la région de Srebrenica en 1995 – ndlr], à la différence qu’à Gaza aujourd’hui l’information est bloquée et le crime invisibilisé. Le cynisme est tel que les Israéliens savent que ce qu’ils sont en train de faire est criminel et le présentent comme nécessaire... Or il n’y a aucune nécessité militaire. Ils sont en train d’abuser d’une population désespérée.

    Vous estimez donc le terme de génocide adapté ?

    Selon moi, la définition du génocide inscrite à l’article 2 de la convention sur le génocide s’applique au cas actuel de Gaza. Anéantir la capacité des hôpitaux de soigner les blessé·es et bloquer la fourniture de produits de première nécessité en est un exemple. En plus des bombardements violents, les Palestiniens meurent à cause du manque de médicaments, du manque d’eau et de nourriture et des maladies qui sont en train de se diffuser dans la population.

    Personnellement, je dénonce un nettoyage ethnique. Les Israéliens parlent de migration volontaire mais quel libre arbitre y a-t-il ici ? Aujourd’hui, il y a presque 2 millions de personnes qui sont sans abri et Israël est en train de forcer les gens à se déplacer. On les affame et on les torture, y compris les enfants.

    Le risque de génocide se matérialise de plus en plus : cela devient évident y compris quand on écoute les discours des politiques et militaires israéliens qui demandent l’éradication des Palestiniens de Gaza. Dans leur folie éliminatrice et meurtrière, les Israéliens ont perdu toute pudeur. Ils en parlent comme s’il était normal d’aspirer à l’anéantissement d’une partie d’un peuple.

    Comprenez-vous que le mot de génocide soit inaudible pour certains, compte tenu du parallèle qui peut être fait avec la Shoah, qui a justement conduit à la création de l’État d’Israël ?

    Après toute la déshumanisation et la discrimination que le peuple juif a endurées au cours de son histoire, son ADN est intimement lié à la persécution. Je comprends donc le choc qu’ils ont dû ressentir le 7 octobre, c’était une violence particulière pour eux.

    Je comprends aussi la peur que les Israéliens peuvent avoir. Ils grandissent en se sentant en péril. Je cite souvent l’académicienne israélienne Nurit Peled-Elhanan, qui explique que les Israéliens grandissent en percevant les Palestiniens comme un danger existentiel pour eux. C’est même écrit dans les manuels scolaires.

    En revanche, si le terme de génocide est chargé politiquement, sa définition légale n’appartient pas seulement au peuple juif. Avant eux, les Allemands avaient déjà commis un génocide contre le peuple des Héréros en Namibie [entre 1904 et 1908 – ndlr]. Je comprends combien le débat est délicat. Mais c’est justement parce que la leçon du génocide contre les juifs a été forte que nous avons une responsabilité collective à reconnaître quand ce crime peut se dérouler ailleurs.

    Aucun peuple ne doit être au-dessus de la loi. On ne peut pas justifier les crimes d’Israël par les souffrances antérieures des juifs. La tragédie européenne s’est renversée sur les Palestiniens qui payent depuis 75 ans pour des crimes qu’ils n’ont pas commis.

    Utiliser le mot de génocide sert-il aussi à alerter la communauté internationale et les institutions onusiennes pour qu’elles activent les processus juridiques existants ?

    Exactement. Le génocide, plus que tout autre crime contre l’humanité, a une obligation de prévention. D’autant plus qu’il n’y a pas à prouver qu’il y a un génocide en cours mais seulement un risque de génocide. Les États ont alors l’obligation d’intervenir et ce, de plusieurs manières.

    En premier lieu, il faut arrêter d’exporter des armes et de l’aide militaire à Israël. Ensuite, la Charte des Nations unies offre des mesures diplomatiques et politiques qui peuvent conduire à la suspension des relations diplomatiques avec les principaux partenaires d’Israël. Je pense notamment à l’Union européenne, les États-Unis et le Canada qui, en ne rompant pas leurs liens avec l’État hébreu, soutiennent activement ce qu’il se passe dans les territoires palestiniens.

    Ces pays que vous venez de citer, ce sont aussi ceux qui s’opposent à l’enquête que mène la Cour pénale internationale (CPI) sur les exactions israéliennes dans les territoires palestiniens…

    Les États occidentaux y ont une influence à deux niveaux. Premièrement, ils se sont toujours opposés à toute action légale des Palestiniens, et à leur résistance pacifique. Les ONG palestiniennes ont essayé d’utiliser les canaux légaux comme la Cour internationale de justice [juridiction suprême de l’ONU – ndlr] et la CPI. Les pays occidentaux s’y sont opposés, comme si les considérations politiques pouvaient anéantir ou se substituer à la justice universelle et équitable. Cela a créé une perception très forte de double standard chez les Palestiniens.

    La deuxième chose, c’est que ce double standard se retrouve dans l’application même de la procédure pénale. Au moment de l’enquête de la CPI sur la guerre en Ukraine, beaucoup d’États occidentaux ont contribué financièrement ou matériellement au fonctionnement de la CPI. L’enquête dans les territoires palestiniens, elle, n’a été ouverte qu’en 2021, soit cinq ans après son dépôt. Ce n’est que cette année, après les événements du 7 octobre, que le procureur de la CPI s’est rendu à Rafah et en Israël.

    Cela fait maintenant des années que nous disposons des preuves de crimes de guerre, notamment en Cisjordanie : la documentation de son annexion est très abondante et provient directement du gouvernement israélien. Qu’attendons-nous alors pour lancer des mandats d’arrêt ?

    Évidemment, je sais qu’il existe des pressions politiques exercées sur la CPI, notamment américaines. Et je me souviens des menaces venues des États-Unis à l’encontre de l’ancienne procureure générale, Fatou Bensouda, avant qu’elle n’ouvre l’enquête sur les crimes présumés des soldats américains en Afghanistan.

    À l’heure actuelle, le conseil de sécurité des Nations unies ne parvient pas à un accord pour un cessez-le-feu durable à Gaza, en grande partie à cause du blocage américain. Faut-il en conclure que le système onusien est devenu désuet ?

    Il est légitime de se poser la question de l’utilité d’un conseil de sécurité qui ne fonctionne que dans le sens des amis des États-Unis. Je n’ai pas la réponse. Je voudrais voir aujourd’hui un acte courageux allant dans l’autre sens. Mais il est difficile à entrevoir. Parallèlement, la société israélienne, elle, ne comprend pas pourquoi il n’y a que les États-Unis qui s’opposent à un cessez-le-feu. Hormis le journal Haaretz et le site +972, aucun média israélien n’informe sur ce qu’il se passe réellement à Gaza.

    Il y a 75 ans, l’ONU a créé par un vote de son Assemblée l’État d’Israël. Aujourd’hui, Israël taxe António Guterres, secrétaire général des Nations unies, d’antisémitisme, et refuse de se plier à ses injonctions. Comment pourrait-on qualifier aujourd’hui la relation entre les Nations unies et l’État d’Israël ?

    Leur relation est tendue. Israël a toujours été autorisé à s’autogérer et a été exonéré d’obligations onusiennes dans l’impunité la plus totale. Mes prédécesseurs, rapporteurs de l’ONU pour les territoires palestiniens, Michael Lynk et Richard Falk, ont, comme moi, été destinataires d’insultes et d’offenses. Les membres de la commission d’enquête sur Israël et Palestine ont aussi été victimes de chantage et d’abus.

    Tout cela a été toléré. La conséquence de cette politique conduit aujourd’hui à l’agressivité d’Israël envers le secrétaire général de l’ONU António Guterres. Nous n’avons donné aucune limite à cet État et c’est allé trop loin. Il est urgent de stopper cette impunité avant que d’autres États ne prennent cet exemple.

    Sur la résolution du conflit, quelle issue pourrait-on imaginer ? Gaza va-t-elle continuer d’exister ? Et si oui, qui l’administrera ?

    La seule manière soutenable de sortir de cette folie c’est d’avoir un plan sur le long terme qui permettrait le rétablissement de l’État de droit et du droit international. On ne peut plus laisser perdurer la loi martiale israélienne appliquée dans les territoires palestiniens occupés et qui conduit à l’oppression permanente du peuple palestinien. L’occupation militaire doit cesser et il faudra évaluer si les colons installés en Cisjordanie doivent ou non partir.

    Avant toute chose, il faut déclarer un cessez-le-feu et déployer une mission de paix et de protection de l’ONU dans les territoires palestiniens, ce qui permettrait aussi une démilitarisation du territoire et l’entrée de l’aide humanitaire nécessaire. Dans les années qui suivront, il faudra évidemment organiser des élections pour savoir qui administrera les territoires palestiniens. Ce sera malheureusement beaucoup plus difficile aujourd’hui d’empêcher un vote pour le Hamas.

    D’ailleurs, si l’objectif de cette opération militaire israélienne est de « déradicaliser » le Hamas, c’est tout l’inverse qui se passe aujourd’hui. L’action féroce israélienne prépare le terrain de la radicalisation d’une société qui était auparavant fortement laïque. Je rappelle que le Hamas n’existait pas avant les années 1980, c’est un produit fabriqué par l’occupation et de l’oppression

  • Delors et le ratage de l’Europe sociale | Mediapart | 28.12.23

    https://www.mediapart.fr/journal/international/281223/bruxelles-delors-n-etait-pas-le-visionnaire-il-incarne-l-institution

    Il n’y est pas arrivé et c’est son regret. À partir du moment où le traité de Maastricht est conclu [en 1992], toute une série de soutiens au projet européen vont non pas s’effondrer, mais s’amenuiser.

    L’Europe n’est plus vraiment la priorité pour les élites économiques : elles ont eu ce qu’elles voulaient et vont aller investir ailleurs. Quant aux élites politiques, elles sont échaudées. Le référendum sur Maastricht a montré à quel point le clivage sur l’Europe était profond. La gauche perd les élections de 1993 en France, ce sont les toutes dernières années du deuxième mandat de Mitterrand.

    Delors publie alors son « Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l’emploi » [en 1994], mais cela ne prend pas. Ce document va réémerger petit à petit, bien plus tard, dans les années 2000, auprès d’une gauche devenue par ailleurs très libérale. Mais d’une certaine manière, Delors perd de sa force politique après Maastricht.

    À cela s’ajoutent des analyses comme celles de J.Gillighan, un historien néolibéral britannique, pour qui le combat entre Delors et Thatcher, durant ces années, est celui du cobra et de la mangouste. À la fin, c’est elle qui gagne : la création du marché unique a réveillé des forces économiques – notamment via le lobbying des entreprises – qui ont empêché la réalisation de cette Europe sociale qui devait être la deuxième jambe du projet européen. Dans la période qui s’ouvre après Delors, avec des présidents faibles comme Jacques Santer [luxembourgeois], qui ne sont pas de gauche par ailleurs, le marché l’a emporté.

  • Elias Sanbar dans À l’Air Libre
    Ce que la Palestine dit au monde
    https://www.mediapart.fr/journal/international/261223/ce-que-la-palestine-dit-au-monde
    Edwy Plenel 26 décembre 2023

    Qu’est-ce que la Palestine dit au monde quand, menant une guerre génocidaire à Gaza, l’État d’Israël veut en détruire jusqu’à l’idée même ? C’est la question que nous avons posée à Elias Sanbar, son porte-parole inlassable, à rebours des simplismes et des sectarismes.

  • Macron l’Européen, ou pas | Mediapart | 26.12.23

    https://www.mediapart.fr/journal/international/261223/macron-et-ses-retours-en-arriere-europeens

    À la gauche de l’hémicycle européen, Manon Aubry, probable cheffe de file de la liste LFI pour les européennes de 2024, ironise : « Mister Macron le réactionnaire profite de l’opacité des négociations européennes pour torpiller quotidiennement les textes que défend docteur Emmanuel le prétendu progressiste. » L’eurodéputée poursuit : « Le “en même temps” de Renaissance les conduit, comme à l’Assemblée nationale, à s’allier à l’extrême droite en coulisses contre les droits sociaux, l’écologique et les libertés publiques. »

    Passage en revue de cinq textes où la France négocie, en toute discrétion, contre l’intérêt général de l’UE.

    1./ « Devoir de vigilance » : Paris protège ses banques

    L’accord est intervenu le 14 décembre : les plus grandes entreprises du continent vont devoir respecter un « devoir de vigilance », c’est-à-dire surveiller leur éventuel « impact négatif sur les droits humains et l’environnement » et le cas échéant, tout faire pour y mettre fin - faute de quoi elles seront sanctionnées.

    2./ La France contre le « secret des sources »

    À l’origine, l’acte européen sur la liberté des médias, en chantier depuis 2022, devait renforcer la pluralité des médias et la protection des journalistes sur le continent, dans un contexte de dégradation de la liberté de la presse en Pologne et en Hongrie. L’Allemagne a très tôt tiqué sur le texte, estimant qu’il revenait plutôt aux États qu’à l’UE d’intervenir dans ce genre de dossiers.

    Mais comme Mediapart l’a documenté dès juin 2023, Paris a aussi fait pression pour infléchir l’article 4 du texte, qui prône l’interdiction de toute mesure coercitive visant à pousser un·e journaliste à révéler ses sources.

    3./ Paris bloque le texte qui renforce les droits des travailleurs des plateformes

    Après deux ans d’intenses négociations, un accord avait fini par voir le jour, le 13 décembre : l’UE allait enfin se doter d’une directive qui allait permettre de requalifier une partie des millions de travailleurs indépendants de plateformes, dont Uber et Deliveroo, en salarié·es - et de leur faire bénéficier des droits et protections liés à ce statut.

    4./ Contre l’inclusion du viol parmi les « crimes européens »

    Le texte proposé par la Commission sur la lutte « contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique » vise à uniformiser les règles à l’échelle des Vingt-Sept, pour mieux criminaliser des infractions telles que les mutilations génitales, la cyberviolence ou le viol. Depuis l’été 2023, des négociations se déroulent, à huis clos, entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil, qui représente les États, mais n’ont toujours pas abouti.

    Au cœur des divergences, le refus, pour des raisons différentes, d’un groupe de capitales, dont Paris, Varsovie et Prague, d’inclure la définition du viol dans le champ de la directive.

    5./ La France ne bloque pas la réautorisation du glyphosate

    En s’abstenant en octobre puis en novembre à Bruxelles sur la question du maintien sur le marché du glyphosate, la France a redonné la main à la Commission européenne, faute de majorité qualifiée entre les capitales sur ce sujet controversé. Interrogés par Mediapart en novembre sur cette évolution française, contradictoire avec les promesses de l’exécutif français en matière d’écologie et de santé publique, des eurodéputés macronistes comme Stéphane Séjourné et Pascal Canfin défendaient coûte que coûte l’abstention française. Il s’agirait, d’après eux, de ne pas braquer les partenaires européens, et en particulier l’exécutif allemand, qui s’est lui aussi abstenu.

    • Des cinq textes évoqués plus haut, les quatre premiers ont été négociés, en fin de course, lors de ce qu’on appelle des « trilogues », ces réunions informelles et à huis clos, à distance des regards des journalistes et des citoyen·nes. La question reste entière de savoir si Paris continuerait à défendre de telles positions, en soutien du secteur bancaire ou en relais des positions d’Uber, s’alliant parfois avec l’Italie de Meloni ou la Hongrie d’Orbán, si ces réunions se tenaient en toute transparence, à la vue de toutes et tous.

    • pour le 4./ :

      une définition européenne du viol, à partir de la notion de consentement, risquerait par ricochet, en la transposant dans les droits nationaux, de bousculer tout l’édifice juridique français sur le sujet.

      Fait inédit depuis le début du mandat, la délégation des élu·es Renaissance au Parlement européen, manifestement très mal à l’aise avec la position française, a pris la plume, via une récente tribune dans Le Monde, pour critiquer les « argumentaires juridiques byzantins » développés par Paris et exhorter l’exécutif à changer de position

      mais non.

  • Finland: Concern over right to seek asylum and need for human rights safeguards after full closure of Eastern land border

    In a letter addressed to the Minister of Interior of Finland, #Mari_Rantanen, published today, the Council of Europe Commissioner for Human Rights, Dunja Mijatović, raises concerns about the rights of refugees, asylum seekers and migrants following the temporary closure of Finland’s Eastern land border.

    While acknowledging concerns about the potential instrumentalisation by the Russian Federation of the movement of asylum seekers and migrants, “it is crucial that Council of Europe member states, even when dealing with challenging situations at their borders, react in a manner that fully aligns with their human rights obligations”, writes the Commissioner.

    The Commissioner expresses her concern that decisions to restrict and subsequently close access to the border may impact notably on the right to seek asylum, as well as the principle of non-refoulement and prohibition of collective expulsion. She asks for several clarifications on safeguards implemented and measures taken to ensure human rights protection, and to prevent a humanitarian crisis from unfolding in the context of worsening weather conditions at the border.

    The letter follows up on previous dialogue regarding legislative amendments allowing the Finnish government to restrict access to the border and concentrate applications for international protection at one or more crossing points.

    Read the Commissioner’s letter addressed to the Minister of Interior of Finland: https://rm.coe.int/letter-to-the-minister-of-interior-of-finland-concerning-the-human-rig/1680adab75

    https://www.coe.int/en/web/commissioner/-/finland-concern-over-right-to-seek-asylum-and-need-for-human-rights-safeguards-

    #Finlande #frontières #migrations #asile #réfugiés #fermeture_des_frontières #lettre #Russie

    • Il confine tra Russia e Finlandia è «un inferno fatto di ghiaccio».

      Il governo finlandese chiude i valichi di frontiera fino al 14 gennaio.

      Il 14 dicembre 2023, in una sessione straordinaria, il governo finlandese ha deciso la chiusura dell’intero confine orientale della Finlandia con la Russia. I valichi di frontiera di #Imatra, #Kuusamo, #Niirala, #Nuijamaa, #Raja-Jooseppi, #Salla, #Vaalimaa e #Vartius sono stati chiusi e lo saranno fino al 14 gennaio 2024. «Di conseguenza, le domande di protezione internazionale alle frontiere esterne della Finlandia saranno ricevute solo dai valichi di frontiera degli aeroporti e dei porti marittimi» ha comunicato il governo guidato da Petteri Orpo, entrato in carica il 20 giugno scorso.

      La decisione, motivata dalla difesa della sicurezza nazionale e l’ordine pubblico in Finlandia, è avvenuta nello stesso giorno in cui si erano riaperti due valichi di frontiera, dopo una prima chiusura di tutto il confine iniziata il 18 novembre 2023.

      Il governo di Helsinki accusa il governo russo di aver orchestrato l’arrivo dei richiedenti asilo ai valichi di frontiera come ritorsione per l’adesione del Paese nordico all’alleanza militare della NATO, formalizzata il 4 aprile scorso.

      «Questo è un segno che le autorità russe stanno continuando la loro operazione ibrida contro la Finlandia. È una cosa che non tollereremo», ha dichiarato la ministra dell’Interno Mari Rantanen.

      Intanto anche la Lettonia e la Lituania 2 stanno prendendo in considerazione l’idea di chiudere le loro frontiere.

      Per far fronte alla situazione sul confine orientale la guardia di frontiera ha chiesto supporto a Frontex (Agenzia europea della guardia di frontiera e costiera), che aveva già inviato personale alla fine di novembre in Carelia settentrionale (una regione storica, la parte più orientale della Finlandia).

      Oltre alla sorveglianza del territorio, l’adesione della Finlandia alla Nato porterà alla costruzione di una recinzione sul confine con la Russia che è lungo 1.340 chilometri. L’opera richiede circa 380 milioni di euro e dai tre ai quattro anni di tempo per essere completata. Rappresenterà la struttura fisica di “protezione” più lunga tra il blocco dell’alleanza atlantica e la Federazione russa.

      I lavori di costruzione della barriera, che sarà situata sul confine sud-orientale per una lunghezza complessiva di circa 200 km, sono partiti con una prima recinzione pilota di circa 3 chilometri che è stata costruita a Pelkola.

      https://www.youtube.com/watch?v=8d_qVqN3yUo&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.meltingpot.org%

      Ora è iniziata l’implementazione della fase successiva, che prevede la costruzione di circa 70 chilometri di barriera ai valichi di frontiera e nell’area circostante nel periodo 2024-2025. La barriera, secondo quanto riporta la guardia di frontiera, è una combinazione di una recinzione, una strada adiacente, un’apertura libera da alberi e un sistema di sorveglianza tecnica. Quest’ultimo è definito come uno strumento importante per il controllo delle frontiere.

      In occasione della prima chiusura dei valichi di frontiera, avvenuta nel mese di novembre, diverse istituzioni e ONG hanno criticato questa scelta che compromette il diritto a chiedere asilo. Da Amnesty international all’UNHCR fino al Commissario per l’uguaglianza finlandese.

      Fra le prese di posizione anche quella della Commissaria per i diritti umani del Consiglio d’Europa, Dunja Mijatović, che in una lettera alla Ministra degli Interni finlandese, Mari Rantanen, ha ricordato che «è fondamentale che gli Stati membri del Consiglio d’Europa, anche in situazioni difficili alle loro frontiere, reagiscono in modo pienamente conforme ai loro obblighi in materia di diritti umani». Ha, inoltre, chiesto chiarimenti sulle salvaguardie attuate e sulle misure adottate per garantire la tutela dei diritti umani e per evitare che si verifichi una crisi umanitaria a causa del peggioramento delle condizioni meteorologiche.

      In un comunicato del mese di dicembre, Amnesty International 3 ha affermato che «chiedere asilo è un diritto umano. Il Ministro degli Interni Rantanen sta ignorando i richiedenti asilo e la loro situazione in modo disumano. Nel mondo ci sono più persone che sono state costrette a lasciare le loro case che mai, e limitare il diritto di chiedere asilo non è la risposta».

      L’organizzazione per i diritti umani ha sottolineato che dalle loro precedenti ricerche si è dimostrato che la chiusura delle frontiere ha aumentato la violenza e spinto le persone in cerca di asilo su rotte ancora più pericolose.

      «Nel profondo sono davvero disperato e spero solo che arrivino giorni migliori, il prima possibile. Mi sento come se vivessi in un inferno fatto di ghiaccio, dove la mia vita è arrivata a un punto in cui non c’è via d’uscita, la fine del mio lungo cammino da quando ho lasciato il mio Paese, la Siria». E’ la testimonianza di Nasser, siriano di 43 anni, raccolta da InfoMigrants 4.

      Secondo le informazioni diffuse dal governo finlandese la chiusura dei valichi di frontiera è prevista fino al 14 gennaio. Sarà da capire se questa decisione verrà prorogata e cosa ne è del diritto di asilo in Finlandia.

      1. Studentessa di lettere moderne a Padova. Proseguirò i miei studi con una magistrale in relazioni internazionali in quanto sono molto interessata alla politica, internazionale e al sociale
      2. Border Closure Raises Fears Among Latvia, Lithuania and Estonia, Ecre (15 dicembre 2023)
      3. Il comunicato stampa (finlandese)
      4. Stuck at the Russian-Finnish border: ‘I feel that I will die here, in the cold’, Michaël Da Costa – InfoMigrants (4 dicembre 2023)

      https://www.meltingpot.org/2024/01/il-confine-tra-russia-e-finlandia-e-un-inferno-fatto-di-ghiaccio

      #sécurité_nationale #ordre_public #Frontex #murs #barrières_frontalières #Pelkola #technologie #asile #droit_d'asile

    • Entre 2 000 et 3 000 migrants massés à la frontière russo-finlandaise, toujours fermée

      Entre 2 000 et 3 000 exilés sont actuellement bloqués à la frontière russo-finlandaise, fermée totalement depuis décembre 2023 et jusqu’en février prochain. Helsinki accuse Moscou d’avoir orchestré cet afflux de migrants pour déstabiliser la Finlande, après son adhésion à l’OTAN en avril dernier. Les relations diplomatiques entre les deux pays n’ont cessé de se dégrader depuis l’offensive russe en Ukraine en 2022.

      La pression migratoire s’accroît à la frontière russo-finlandaise. Entre 2 000 et 3 000 migrants sont actuellement bloqués dans la zone frontalière, depuis la fermeture totale de la frontière finlandaise orientale en décembre 2023.

      Le pays scandinave reproche à la Russie de laisser passer délibérément un flux de migrants sur le sol finlandais, à des fins politiques, pour ébranler l’Union européenne (UE). De son côté, le Kremlin nie et rejette ces accusations.

      Selon Le Monde, la plupart des migrants sont entrés légalement en Russie avant de bénéficier de la complicité d’agents de police russes pour les déposer à la frontière finlandaise qu’ils franchissent en vélo, le franchissement à pied étant interdit.

      D’après Euronews, les exilés payent jusqu’à 6 000 euros les passeurs pour atteindre la frontière finlandaise. Dans un témoignage aux Observateurs de France 24, un passeur a également expliqué soudoyer des garde-frontières finlandais pour laisser passer les migrants : « On donne 500 dollars [457 euros, ndlr] aux garde-frontières par migrant ». Depuis la fermeture de la frontière, les passages réussis sont cependant plus rares - voire impossibles. La semaine dernière, quatre migrants ont été interpellés par les garde-frontières finlandais à Parikkala, en Carélie du Sud, alors qu’ils tentaient de franchir la frontière.
      Volume inhabituel de demandeurs d’asile

      Depuis début août 2023, les autorités finlandaises assure que près de 1 000 demandeurs d’asile sans-papiers, originaires de Somalie, du Yémen ou encore d’Irak, se sont présentés aux postes-frontières séparant les deux pays, pour entrer en Finlande. Un volume inhabituel pour le petit pays nordique de 5,5 millions d’habitants, qui comptabilise d’ordinaire plutôt une dizaine de demandeurs d’asile chaque mois à cette frontière.

      En réponse à ces mouvements de population, la Finlande a renforcé ses patrouilles le long de sa frontière. Elle a fait état sur X (ex-Twitter) de « plus de patrouilles que d’habitude, un contrôle technique plus étendu et un équipement plus polyvalent que d’habitude pour les patrouilles ». L’agence des garde-côtes européenne Frontex a également déployé 55 agents à la frontière finlandaise début décembre.

      https://twitter.com/rajavartijat/status/1747196574554349673

      La Finlande a, par ailleurs, entamé en février 2023 la construction d’une clôture de trois mètres de hauteur sur 200 km à sa frontière avec la Russie, longue de 1 340 km, pour anticiper les futurs mouvements de populations.
      Détérioration des relations entre la Finlande et la Russie

      Helsinki accuse aussi le Kremlin de lui faire payer le prix de sa coopération militaire avec les États-Unis. Le 18 décembre dernier, Washington a signé un accord lui permettant d’accéder à 15 bases militaires en Finlande, et d’y prépositionner du matériel.

      Pendant des années, la Finlande a refusé de rejoindre l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) pour éviter de contrarier son voisin russe. Mais les relations entre les deux pays se sont progressivement dégradées depuis l’invasion russe en l’Ukraine, en février 2022. En avril 2023, la Finlande a finalement rejoint l’OTAN, craignant que l’offensive russe ne s’étende à d’autres pays limitrophes. De son côté, Vladimir Poutine a accusé les Occidentaux d’avoir « entraîné la Finlande dans l’Otan » et affirmé que cette adhésion allait créer des « problèmes » là où il n’y « en avait pas ».


      https://www.infomigrants.net/fr/post/54531/entre-2-000-et-3-000-migrants-masses-a-la-frontiere-russofinlandaise-t

    • Finland extended the closure of crossing points at the border with Russia until at least mid-April yesterday.

      This also means that no asylum applications can be submitted there.

      🇫🇮 first started closing the border in November, after the arrival of hundreds of asylum seekers.

      https://twitter.com/InfoMigrants/status/1755974773224378457

    • Face à la menace russe, le virage vers l’ouest de la Finlande

      Helsinki accuse Moscou d’envoyer des migrants à la frontière entre les deux pays, une « #attaque_hybride » en réponse à son adhésion à l’Otan. La fin des échanges, amorcée dès l’épidémie de Covid, transforme la vie locale, mais le pays reste décidé à regarder vers l’Ouest.

      Le capitaine Jyrki Karhunen marche seul au milieu d’une nationale enneigée du sud-est de la Finlande. Celle-ci mène au poste-frontière d’Imatra, désert, dans la région de Carélie du Sud. La Russie n’est qu’à quelques kilomètres, cachée derrière les vastes forêts de pins, de sapins et de bouleaux.

      « Aujourd’hui, il ne se passe plus rien ici, c’est paisible », explique Jyrki Karhunen. Ce matin de février, seul un SUV de touristes s’introduit dans le paysage figé. « Il est impossible de passer côté russe », indique le capitaine à ces Finlandais en doudoune et lunettes de soleil miroirs. Pour cela, il faut maintenant transiter par l’Estonie ou la Turquie, à plus de 2 000 kilomètres.

      En novembre, le gouvernement d’Helsinki a en effet fermé la totalité de sa frontière orientale avec la Russie, longue de 1 340 kilomètres. Ses points de passage resteront fermés au moins jusqu’au 14 avril, à l’exception d’une entrée ouverte au fret. La Finlande, voisine de la Norvège et de la Suède au nord, ouverte sur la mer Baltique à l’ouest et au sud, se coupe ainsi totalement de la Russie, son unique voisine à l’est.

      Avant la pandémie de Covid et l’invasion de l’Ukraine par Moscou en 2022, 9 millions de personnes franchissaient chaque année cette longue frontière peu habitée où règne la taïga. Les commerciaux y transportaient le bois des riches forêts et ses produits dérivés. Les 90 000 Russes de Finlande retournaient voir leurs proches. Les touristes russes affluaient sur les rives du grand lac Saimaa, dépensant chaque jour 1 million d’euros dans la région de Carélie du Sud.

      Mais l’attaque russe en Ukraine a progressivement affecté ces passages. La Finlande a cessé d’octroyer des visas touristiques aux Russes. Les entreprises locales et russes ont cessé leurs collaborations.
      Un pays neutre jusqu’en 2022

      La fermeture totale de la frontière est finalement tombée fin 2023, en raison d’une « attaque hybride » de Moscou, selon les termes du gouvernement finlandais. La Russie envoie volontairement des migrants à la frontière, accuse Helsinki. L’opération « hybride » serait une réponse de Moscou à l’entrée de la Finlande dans l’Otan, en avril 2023.

      La Finlande, officiellement neutre militairement jusqu’en 2022, était une zone stratégique manquante sur le flanc oriental de l’Alliance atlantique. L’adhésion du pays le plus septentrional de l’UE bouscule la donne militaire de la Baltique à l’Arctique. Le Kremlin avait vite annoncé qu’il prendrait des « contre-mesures ».

      Marko Saareks, adjoint à la direction opérationnelle des gardes-frontières, ne « croi[t] pas à une intervention armée russe à la frontière dans l’immédiat ». Mais « la déstabilisation migratoire » est la principale pression, dit-il.

      Entre août et novembre 2023, environ 1 300 exilés irakiens, syriens, afghans, yéménites ou d’autres pays d’Asie ou d’Afrique sont arrivés via la Russie, des hommes pour la plupart et quelques familles. Ils ont été « aidés et escortés ou transportés jusqu’à la frontière par les gardes-frontières russes », affirme le premier ministre, Petteri Orpo.

      Les arrivées « restent faibles », concèdent les autorités finlandaises, proportionnellement à celles d’autres pays aux frontières externes de l’UE, comme la Grèce. Mais elles sont « inhabituelles » dans ce pays nordique de 5,5 millions d’habitant·es, loin d’être situé sur une route migratoire fréquentée.
      La crainte de l’espionnage

      « Des migrants attendent de l’autre côté. Ils viendront très probablement dès que nous ouvrirons la frontière. Notre crainte est qu’il y ait des espions parmi eux, précise Marko Saareks. Des migrants sont surveillés par Moscou. Les services de renseignement des consulats russes ont quitté la Finlande. Nous soupçonnons Moscou de vouloir renvoyer des agents. »

      Pour être sûre de « contrôler les flux migratoires », poursuit-il, la Finlande construit également une barrière antimigrants de 200 kilomètres de long. Dissimulés derrière les hauts arbres près du poste-frontière d’Imatra, des poteaux d’acier hauts de 3 mètres sortent de la terre gelée. Le chantier, à l’arrêt pendant l’hiver, où le mercure descend jusqu’à − 25 °C, ne doit s’achever qu’en 2026.

      Aujourd’hui, rares sont les exilés qui franchissent la frontière fermée. Un seul y est parvenu, frigorifié, mi-février. Il a été envoyé dans l’un des centres de rétention ou d’accueil du pays. Celui de Joutseno, une ancienne prison rénovée perdue entre les bouleaux, à une quinzaine de kilomètres de la frontière, héberge une centaine de réfugié·es.

      « Nous ne sommes pas utilisés comme armes par Moscou, personne ne m’a poussé vers la Finlande, c’est mon choix, se défend Moayad Salami, un Syrien venu en novembre, qui parle ouvertement à la presse. C’était pour moi le chemin le plus accessible pour rejoindre l’UE. » Pour cet avocat, « depuis que cette frontière est fermée, les réfugiés tentent leur chance ailleurs ». Mais lui raconte une traversée « facile ».

      Il a d’abord acheté un visa russe 2 700 euros à des passeurs pour rejoindre la Russie. Il envisageait de tenter un passage en Pologne via le Bélarus, « mais c’était trop dangereux » au Bélarus, dit-il. Moayad a alors payé des passeurs pour rejoindre la frontière finlandaise en taxi depuis Saint-Pétersbourg, à 160 kilomètres d’ici.

      Avant 2022, un filtrage aux postes-frontières était censé être opéré selon un accord tacite entre la Russie et la Finlande. « Les gardes-frontières russes m’ont laissé partir sans problème, relate Moayad. Mais ils m’ont forcé à leur acheter un vélo à 270 euros pour traverser. » Il ajoute : « Des gardes-frontières russes m’ont ensuite suivi en voiture à distance, pour être sûrs, j’imagine, que je partais bien du pays. »

      Comme lui, plusieurs exilés interrogés assurent avoir été contraints d’acheter à un prix trop élevé des vélos « de mauvaise qualité, qui ne valaient même pas 15-20 euros », à des gardes-frontières ou à leurs « complices ».

      D’autres réfugiés expliquent être restés quelque temps en Russie avant de rejoindre la Finlande. Viku*, un ressortissant pakistanais qui ne souhaite pas donner son nom, a ainsi vécu deux ans à Saint-Pétersbourg. « J’ai étudié les technologies de l’information, je ne trouvais pas d’emploi dans mon secteur et je me sentais harcelé par les autorités. Alors je suis venu en Finlande pour travailler. On dit que c’est le pays où l’on est le plus heureux au monde ! », sourit-il.

      Samir*, un Afghan de 23 ans, en doute, tant le temps s’écoule lentement dans le centre isolé. Étudiant en Russie, il a fui après l’expiration de son visa, « de peur d’être renvoyé en Afghanistan sous la coupe des talibans ». Comme la majorité des réfugiés ici, il attend un entretien qui ne vient pas pour sa demande d’asile.

      « Ces personnes viennent de pays en tension, ou en guerre, comme le Yémen et la Syrie, et sont pour la plupart éligibles à l’asile. Il est absurde de les considérer soudain comme les armes d’une opération hybride, déplore Pia Lindfors, directrice du Centre finlandais de conseil pour les réfugiés, à Helsinki. S’ils étaient des espions, comme l’ont suggéré certaines autorités et hommes politiques, ils ne seraient pas arrivés en tant que demandeurs d’asile. Ils ne seraient pas isolés dans des camps comme ils le sont actuellement. »

      Pia Lindfors déplore la fermeture de cette frontière, contraire au droit d’asile. Tout comme le discours radicalement antimigrants, porté par le Parti des Finlandais, qui gagne du terrain. Cette force politique d’extrême droite a placé ses membres à des postes clés du gouvernement de Petteri Orpo, formé en juin 2023. Celui-ci comprend des membres de quatre partis : la Coalition nationale, présidée par Petteri Orpo, le Parti populaire suédois de Finlande, les chrétiens-démocrates et le Parti des Finlandais. Ce dernier parti extrémiste affiche de longue date son hostilité à l’immigration, qu’il juge « préjudiciable aux finances et à la sécurité ».

      La politique de défense se mélange aujourd’hui à la politique migratoire, au nom de la « sécurité nationale ». La tendance se retrouve dans d’autres pays de l’UE. La Pologne, à titre d’exemple, est accusée de bafouer les droits des demandeurs et demandeuses d’asile à sa frontière avec le Bélarus, qu’elle accuse aussi de « guerre hybride ». Mais ces dérogations d’accès à l’asile pourraient devenir légales à l’échelle européenne, alertent des ONG : la Commission européenne discute de mesures exceptionnelles à mettre en place en cas de « situations d’instrumentalisation de l’immigration ».
      Une logique de « dissuasion »

      La pression migratoire est-elle la seule « menace russe » qui pousse à la fermeture totale de la frontière ? La Baltique, qui borde la Finlande, est un point de tension. Le sabotage des gazoducs Nord Stream, en 2022, n’a toujours pas été élucidé. La Russie a lancé en août des manœuvres navales et aériennes dans cette vaste mer, baptisées « Bouclier océanique 2023 ». Enfin, en décembre, Vladimir Poutine a déclaré : « Il n’y avait aucun problème [à la frontière finlandaise], mais il y en aura maintenant, car nous allons créer le district militaire de Léningrad et y concentrer un certain nombre d’unités. »

      « En Finlande, nous n’avons pas peur de Poutine, mais nous surveillons de près ses actions, déclare avec assurance Pekka Toveri, un député du parti de la Coalition nationale. Comme lui, six anciens militaires siègent aujourd’hui dans l’hémicycle de 200 député·es, un nombre inédit.

      Pekka Toveri étale les atouts militaires d’une Finlande « qui est prête » en cas d’attaque. « Nous avons une bonne armée, 12 000 soldats et quelque 870 000 réservistes, nos entreprises sont prêtes à contribuer à l’effort de guerre », expose l’ancien officier qui veut maintenant « participer au défi d’adhésion à l’Otan ». Environ 60 à 65 % de la population y était réticente avant le conflit ukrainien, « mais la grande majorité y est favorable depuis la guerre en Ukraine », plaide-t-il.

      Partisan d’un engagement sans limite dans l’Alliance atlantique, le président élu en février et investi le 1er mars, Alexander Stubb, est maintenant prêt à autoriser le stockage et le transport d’armes nucléaires sur le territoire. Parallèlement, Helsinki a renforcé sa coopération militaire avec les États-Unis, autorisant l’armée américaine à accéder à quinze installations et zones finlandaises.

      Le virage vers l’ouest est indispensable, considère Pekka Toveri. « Nous connaissons bien les Russes, nous savons que la technique du bâton est celle qui fonctionne le mieux. Il faut rester ferme, la plainte ne fonctionne pas », détaille-t-il, basant son analyse sur un siècle de relations avec le voisin russe.

      La Finlande a fait partie de l’empire russe jusqu’en 1917, avant d’être indépendante. Elle n’a jamais appartenu à l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Mais l’attaque de la Finlande par les Soviétiques en 1939, dite guerre d’hiver, a marqué les esprits. « Nous savions que Moscou était capable de nous menacer. Notre principe de neutralité [revendiqué depuis la fin des années 1940 – ndlr] était comme une politique du Yin et du Yang, estime Pekka Toveri. Nous avions une politique de bon voisinage mais nous étions prudents et avions une bonne défense. Nous avons par exemple construit des bunkers capables d’abriter 900 000 personnes depuis le début de la guerre froide. »

      Pour Heikki Patomaki, professeur de relations internationales à l’université d’Helsinki, une mentalité basée sur une « croyance presque exclusive dans la dissuasion et à travers la militarisation rapide de la société » s’intensifie depuis 2022.

      À la chute de l’URSS, surtout, les liens des deux pays s’étaient réchauffés : « Le non-alignement militaire persistant et les nombreuses formes de commerce et de coopération avec la Russie ont facilité de bonnes relations, au moins jusqu’à l’invasion de la Crimée en 2014 et, d’une certaine manière, jusqu’en 2021-2022, note-t-il. Rompre tout dialogue et continuer dans cette logique pourrait être dangereux. Nous avons une longue histoire avec la Russie et ne pouvons pas appliquer cette solution simple à une relation complexe. La Russie ne va pas disparaître et nous avons également un futur avec elle. »

      Signe que la situation est incertaine, les officiels l’accordent : la fermeture de la frontière ne peut être définitive. « Ce n’est pas notre but. Nous avons des échanges commerciaux et une diaspora russe, souligne l’adjoint à la direction opérationnelle des gardes-frontières, Marko Saareks. Mais nous cherchons encore les solutions pour l’ouvrir sans risques. »

      https://www.mediapart.fr/journal/international/010324/face-la-menace-russe-le-virage-vers-l-ouest-de-la-finlande

      #Joutseno #Imatra

  • Guerre au Proche-Orient : à #Beyrouth, #Mona_Fawaz résiste par la #cartographie

    Professeure d’urbanisme et cofondatrice du #Beirut_Urban_Lab, la chercheuse cartographie le conflit à la frontière entre le #Liban et Israël. Et montre ainsi le « déséquilibre profond » entre les attaques visant le territoire libanais et celles ciblant le sol israélien.

    « Je suis entrée dans le centre de recherche ; tous mes collègues avaient les yeux rivés sur les nouvelles, l’air horrifié. C’est là que nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas simplement regarder : il fallait agir, et le faire du mieux possible », se rappelle Mona Fawaz, professeure d’urbanisme à l’Université américaine de Beyrouth (AUB) et cofondatrice du Beirut Urban Lab, un laboratoire de recherche interdisciplinaire créé en 2018 et spécialisé dans les questions d’#urbanisme et d’#inclusivité.

    Lundi 4 décembre, dans ce centre de recherche logé à l’AUB, près de deux mois après l’attaque sans précédent du groupe militant palestinien Hamas en Israël et le début des bombardements intensifs de l’armée israélienne sur la bande de Gaza, elle revoit l’élan impérieux qui a alors saisi ses collègues du Beirut Urban Lab, celui de cartographier, documenter et analyser.

    « Certains ont commencé à cartographier les dommages à #Gaza à partir de #photographies_aériennes. Personnellement, j’étais intéressée par la dimension régionale du conflit, afin de montrer comment le projet colonial israélien a déstabilisé l’ensemble de la zone », y compris le Liban.

    La frontière sud du pays est en effet le théâtre d’affrontements violents depuis le 8 octobre entre #Israël et des groupes alliés au #Hamas emmenés par le #Hezbollah, une puissante milice soutenue par l’#Iran. Qualifiés de « #front_de_pression » par le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, les #combats sur le #front_libanais, qui visent notamment à détourner l’effort militaire israélien contre Gaza, ont tué au moins 107 personnes du côté libanais, dont 14 civils. Du côté israélien, six soldats et trois civils ont été tués.

    C’est ainsi que l’initiative « Cartographier l’escalade de violence à la frontière sud du Liban » est née. Le projet répertorie le nombre de #frappes quotidiennes et leur distance moyenne par rapport à la frontière depuis le début du conflit, en s’appuyant sur les données collectées par l’ONG Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled : https://acleddata.com). Sur son écran d’ordinateur, Mona Fawaz montre une #carte_interactive, une des seules en son genre, qui révèle un déséquilibre saisissant entre les attaques revendiquées par Israël, au nombre de 985 depuis le début du conflit, et celles menées depuis le Liban : 270 frappes répertoriées sur le sol israélien.

    L’occasion pour Mona Fawaz de questionner les expressions répétées dans les médias, qui façonnent la compréhension du conflit sans remettre en cause leurs présupposés. « On parle de tirs transfrontaliers, par exemple, alors même qu’il y a un déséquilibre profond entre les deux parties impliquées », souligne-t-elle. « Une distorsion médiatique » que la chercheuse dénonce aussi dans la couverture de l’offensive israélienne contre l’enclave palestinienne.

    Une « lutte partagée » avec les Palestiniens

    Pour Mona Fawaz, il est important de documenter un conflit dont les racines vont au-delà des affrontements présents. « La création de l’État d’Israël en 1948 a provoqué une perturbation majeure au sud du Liban, brisant [ses] liens historiques, sociaux, politiques et économiques » avec la Galilée, explique-t-elle.

    Des bouleversements que la chercheuse, originaire du village de Tibnine, dans le sud du pays, connaît bien, puisqu’ils ont marqué son histoire familiale et personnelle. Elle explique que la proximité entre les populations était telle qu’au cours de la « #Nakba » (la « catastrophe », en arabe) en 1948 – l’exode massif de plus de 700 000 Palestinien·nes après la création de l’État d’Israël –, sa mère a été évacuée de son village aux côtés de Palestinien·nes chassés de leurs terres. « Les déplacés ne savaient pas où s’arrêteraient les Israéliens, raconte-t-elle. Dans cette région du Liban, on a grandi sans sentir de différences avec les Palestiniens : il y a une lutte partagée entre nous. »

    En 1982, Mona Fawaz, qui avait alors à peine 9 ans, vit plusieurs mois dans son village sous l’occupation de l’armée israélienne, qui a envahi le pays en pleine guerre civile (1975-1990) afin de chasser du Liban l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Elle se souvient des scènes d’#humiliation, des crosses des fusils israéliens défonçant le mobilier chez son grand-père. « Ce n’est rien par rapport à ce que Gaza vit, mais il y a définitivement un effet d’association pour moi avec cette période », explique-t-elle.

    Dans le petit pays multiconfessionnel et extrêmement polarisé qu’est le Liban, l’expérience de la chercheuse n’est cependant pas générale. Si une partie des Libanais·es, notamment dans le sud, est marquée par la mémoire des guerres contre Israël et de l’occupation encore relativement récente de la région – les troupes israéliennes se sont retirées en 2000 du Sud-Liban –, une autre maintient une défiance tenace contre la #résistance_palestinienne au Liban, notamment tenue responsable de la guerre civile.

    Celle qui a ensuite étudié au Massachusetts Institute of Technology (MIT), à Boston (États-Unis), pour y faire son doctorat en aménagement urbain à la fin des années 1990, explique ensuite qu’il a fallu des années aux États-Unis pour réaliser que « même le soldat qui est entré dans notre maison avait été conditionné pour commettre des atrocités ». Si l’ouverture à d’autres réalités est une étape indispensable pour construire la paix, c’est aussi un « luxe », reconnaît la chercheuse, qui semble hors de portée aujourd’hui. « L’horreur des massacres à Gaza a clos toute possibilité d’un avenir juste et pacifique », soupire-t-elle.

    Le tournant de la guerre de 2006

    Peu après son retour au Liban en 2004, Mona Fawaz se concentre sur les questions de l’informalité et de la justice sociale. Un événement majeur vient bouleverser ses recherches : le conflit israélo-libanais de 2006. Les combats entre Israël et le Hezbollah ont causé la mort de plus de 1 200 personnes du côté libanais, principalement des civil·es, en seulement un mois de combat.

    Du côté israélien, plus de 160 personnes, principalement des militaires, ont été tuées. Cette guerre va être une expérience fondatrice pour le Beirut Urban Lab. C’est à ce moment que ses quatre cofondateurs, Mona Fawaz, Ahmad Gharbieh, Howayda Al-Harithy et Mona Harb, chercheurs et chercheuses à l’AUB, commencent leurs premières collaborations sur une série de projets visant à analyser l’#impact de la guerre. L’initiative actuelle de cartographie s’inscrit en continuité directe avec les cartes quotidiennes produites notamment par #Ahmad_Gharbieh en 2006. « Le but était de rendre visible au monde entier le caractère asymétrique et violent des attaques israéliennes contre le Liban », explique Mona Fawaz.

    Dans les années qui suivent, les chercheurs participent à plusieurs projets en commun, notamment sur la militarisation de l’#espace_public, le rôle des réfugié·es en tant que créateurs de la ville ou la #privatisation des #biens_publics_urbains, avec pour objectif de faire de la « donnée un bien public », explique Mona Fawaz, dans un « pays où la collectivité n’existe pas ». « Nos recherches s’inscrivent toujours en réponse à la réalité dans laquelle nous vivons », ajoute-t-elle. Une réalité qui, aujourd’hui dans la région, est de nouveau envahie par la guerre et les destructions.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/121223/guerre-au-proche-orient-beyrouth-mona-fawaz-resiste-par-la-cartographie

    #résistance

    ping @visionscarto @reka

    • #Beirut_Urban_Lab

      The Beirut Urban Lab is a collaborative and interdisciplinary research space. The Lab produces scholarship on urbanization by documenting and analyzing ongoing transformation processes in Lebanon and its region’s natural and built environments. It intervenes as an interlocutor and contributor to academic debates about historical and contemporary urbanization from its position in the Global South. We work towards materializing our vision of an ecosystem of change empowered by critical inquiry and engaged research, and driven by committed urban citizens and collectives aspiring to just, inclusive, and viable cities.

      https://beiruturbanlab.com

      –—

      Mapping Escalation Along Lebanon’s Southern Border Since October 7

      Since October 7, the Middle East has occupied center stage in global media attention. Already rife with uncertainty, subjected to episodic bouts of violence, and severely affected by an ongoing project of ethnic cleansing for 75 years in Historic Palestine, our region is again bearing the weight of global, regional, and local violence. As we witness genocide unfolding and forceful population transfers in Gaza, along with an intensification of settler attacks in the West Bank and Jerusalem and the silencing of Palestinians everywhere, the conflict is also taking critical regional dimensions.

      As part of its effort to contribute to more just tomorrows through the production and dissemination of knowledge, the Beirut Urban Lab is producing a series of maps that document and provide analytical insights to the unfolding events. Our first intervention comes at a time in which bombs are raining on South Lebanon. Titled Escalation along Lebanon’s Southern Border since October 7, the platform monitors military activity between the Israeli Armed Forces and Lebanese factions. Two indicators reflect the varying intensity of the conflict: the number of daily strikes and the average distance of strikes from the border.

      The map uses data from the Armed Conflict Location and Event Data (ACLED) crisis mapping project, which draws upon local reporting to build its dataset. Since ACLED updates their dataset on Mondays, site visitors can expect updates to our mapping and analysis to be released on Tuesday afternoons. Please refer to ACLED’s methodology for questions about data sources and collection.

      As of November 14, the frequency and distribution of strikes reveals a clear asymmetry, with northward aggression far outweighing strikes by Lebanese factions. The dataset also indicates a clear escalation, with the number of incidents increasing day by day, particularly on the Lebanese side of the border.

      We see this contribution as an extension of our previous experiences in mapping conflicts in Lebanon and the region, specifically the 2006 Israeli assault on Lebanon.

      https://beiruturbanlab.com/en/Details/1958/escalation-along-lebanon%E2%80%99s-southern-border-since-october-7
      #cartographie_radicale #cartographie_critique #visualisationi

  • Véto US à l’ONU : Mediapart sert la soupe ? | 09.12.23

    https://www.mediapart.fr/journal/international/091223/le-veto-americain-l-onu-condamne-de-toutes-parts

    En même temps qu’elle mettait son veto, l’administration Biden a demandé au Congrès d’approuver la vente de 45 000 munitions pour les tanks Merkava utilisés par l’armée israélienne dans sa guerre contre le Hamas.

    Typo : guerre contre le Hamas

    C’est contre les civils. Mais que fait « La rédaction de Mediapart » ?

    L’ambassadeur israélien auprès de l’ONU, Gilad Erdan, a remercié les États-Unis et Joe Biden [...], il a salué le président américain pour « rester ferme aux côtés » d’Israël et montrer « son leadership et ses valeurs ».

    il est très urbain Gilad :-)

    Sinon le reste de l’article est en gros vide et d’une "neutralité" très urbaine elle aussi. Ils n’insistent même pas sur le fait que la fRance ne s’est pas abstenue :-)

  • Vincent Lemire sur Gaza, Jérusalem, la Palestine | Mediapart | 09.12.23

    https://www.mediapart.fr/journal/international/091223/vincent-lemire-les-moments-historiques-tragiques-creent-des-espaces-de-pol

    Passionnant.

    C’est le plan israélien d’une seconde « Nakba » [la « catastrophe », l’exode palestinien de 1948 – ndlr], explicitement exprimé ces jours-ci à l’extrême droite du spectre politique. Et de fait, d’un point de vue historique, l’usage du terme nakba n’est pas exagéré : en 1948, le premier exode a concerné 750 000 Palestiniens ; aujourd’hui, on parle de 2,3 millions de Palestiniens menacés d’expulsion à Gaza.

    Ce plan de l’extrême droite israélienne a peu de chances de se réaliser, car l’Égypte est le seul pays de la région à n’avoir jamais accepté de camps de réfugiés palestiniens sur son sol, contrairement à la Syrie, la Jordanie ou le Liban. Elle n’y est pas plus disposée aujourd’hui, d’abord sur le plan sécuritaire parce qu’elle ne veut pas abriter les futurs camps d’entraînement du Hamas, affilié aux Frères musulmans qui sont les ennemis du régime égyptien actuel ; et puis, sur le plan politique et historique, parce qu’elle sait qu’aucun réfugié palestinien, après avoir été soi-disant provisoirement établi dans un camp, n’est jamais rentré en Palestine.

    • Aujourd’hui, 80 % de la population de Gaza est composée de réfugiés ou de descendants de réfugiés. Gaza, c’est un modèle réduit de la Palestine : les villes, les camps, les quartiers sont structurés en fonction des régions d’origine des réfugiés palestiniens.

      À cela s’ajoute une très forte tradition d’autonomie et de résistance, qui a fait de Gaza un verrou stratégique dans toutes les conquêtes de l’histoire, qu’il s’agisse de l’armée romaine au premier siècle de notre ère, des Britanniques en 1917 (qui doivent s’y reprendre à trois fois pour conquérir la ville), de l’armée israélienne qui y mène une longue incursion en 1956-1957 avant d’évacuer la zone, ou de cette même armée israélienne qui met plus de quatre ans, entre 1967 et 1971, pour en reprendre le contrôle.

      En fait, Israël n’a jamais su quoi faire de Gaza. Elle y a d’abord installé des colons, mais en relativement petits nombres, avant de s’en retirer unilatéralement en 2005. L’Égypte elle-même n’a fait qu’administrer la bande de Gaza après 1949, elle s’est toujours refusée à l’annexer, à la différence de ce qu’avait fait la Jordanie avec la Cisjordanie, au même moment. Aujourd’hui, la bande de Gaza est une agglomération d’immenses camps de réfugiés, ce qui en fait un imprenable îlot de résistance. D’un point de vue sociologique, la résistance palestinienne s’est toujours structurée dans les camps de réfugiés, comme on le voit aussi à Jénine en Cisjordanie. Les populations déracinées sont plus disponibles pour la lutte armée que les populations enracinées et encadrées par des logiques familiales ou claniques.

    • Le premier rendez-vous manqué avec l’histoire, c’est 1947. L’été de cette année-là, les Britanniques annoncent qu’ils quitteront la Palestine en mai 1948 et remettent donc aux Nations unies le mandat qu’ils avaient reçu de la Société des Nations trente ans plus tôt et qu’ils n’arrivent pas à honorer. Après la Première Guerre mondiale et la chute des empires, austro-hongrois et ottoman, on avait prétendu appliquer les 14 points du président Wilson, et notamment le droit à l’autodétermination des peuples, mais en considérant que certains de ces peuples n’étaient pas assez « mûrs » pour cela et en les confiant alors à une tutelle coloniale.

      La Grande-Bretagne, pour administrer la Palestine, n’avait même pas crée une entité ad hoc, elle avait confié cette tâche au Colonial Office qui y appliquait les mêmes méthodes brutales que dans ses autres colonies, tout en prétendant travailler à l’éclosion du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Tout cela dans un cadre intellectuel étroit issu de l’histoire de l’Europe occidentale qui considère alors que chaque « nation » doit obtenir son État. Cette démarche contradictoire aboutit au constat d’échec dressé en 1947.

  • En Jordanie, « le modèle occidental s’est effondré » | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/291123/en-jordanie-le-modele-occidental-s-est-effondre

    AmmanAmman (Jordanie).– Un zeste d’étonnement, une poignée de colère et une pelletée d’amertume : voici le cocktail qu’expriment aujourd’hui, dans les salons d’Amman et les réunions en petit comité, les intellectuel·les et les activistes des droits humains jordanien·nes à l’évocation de l’Occident.

    L’immense majorité, même les plus europhiles, même celles et ceux qui ont vécu en France, en Italie, en Allemagne, ou dont l’anglais est parfait, ne comprennent pas le soutien total et inconditionnel de la plupart des pays occidentaux à Israël après les attaques perpétrées par le Hamas le 7 octobre et la riposte israélienne ultraviolente contre la bande de Gaza.

    Une tradition bien établie dans les cercles de pouvoir politique et intellectuel jordaniens est ce moment de la journée, souvent le matin, où défile, dans le bureau de telle ou telle personnalité, tout un aréopage de connaissances qui viennent discuter, échanger, argumenter, autour d’un ballet de cafés, de thés, de biscuits et de dattes. On y rencontre des poètes, des ministres, des professeurs, des ambassadeurs, des avocats, des journalistes, des proches du palais, des islamistes des Frères musulmans, des marxistes – tous des hommes.

    Ces derniers temps, on s’y interroge : « Où est l’Europe ? Où sont les valeurs qu’elle prône ? » et, face à la journaliste française : « Où est la France ? Où est sa politique d’équilibre ? »

    Il y est question de deux poids deux mesures et de la négation du droit d’un occupé à se défendre. Car l’attaque du Hamas est vue à travers le prisme de la résistance à l’occupation, et les atrocités commises le 7 octobre par les assaillants du Hamas sont sinon niées, du moins relativisées. La thèse du mouvement islamiste est adoptée sans coup férir : ce sont des éléments « incontrôlés » appartenant au Jihad islamique ou des « civils » palestiniens de Gaza qui ont commis les meurtres. Le Hamas, en quelque sorte, a été débordé.

    C’est donc le sort des Palestinien·nes que l’on retient. « Je condamne les meurtres d’enfants et de femmes où que ce soit. Le problème, c’est que les Palestiniens sont victimes depuis 70 ans du viol de leurs droits et que le monde occidental reste sourd, affirme Hala Abed, avocate, défenseuse des droits humains et féministe. En fait, il ne s’agit même pas de la nature des actes du Hamas. De toute façon, l’Occident, en particulier les États-Unis et l’Union européenne, soutient Israël. Quoi qu’il fasse. »
    Des ambassades occidentales boycottées

    Le reproche est ancien, il a été entendu lors des précédentes offensives contre la bande de Gaza, mais il prend une nouvelle dimension depuis la guerre contre l’Ukraine et les demandes des pays occidentaux de soutenir Kyiv contre l’agression russe. « Le monde “blanc” se précipite pour aider l’Ukraine mais garde le silence quand Israël occupe la terre de Palestine, quand il bombarde les hôpitaux, tue des femmes et des enfants, coupe l’eau, l’électricité et la nourriture, enrage Roula al-Hroub, dirigeante du Parti des travailleurs, féministe et ancienne députée. Israël est un État voyou, mais l’Occident continue à l’appuyer. Les pays du Nord pratiquent le deux poids deux mesures. Ils ont échoué au test de la démocratie et des droits humains. »

    En signe de défiance, plusieurs personnalités jordaniennes ont décidé de boycotter les activités des ambassades américaines et européennes et de rendre les prix qui leur avaient été décernés. Ainsi Linda Kalash, directrice de l’ONG Tamkeen, récompensée par le prix de la Lutte contre le trafic des êtres humains, reçu du Département d’État américain. Hadil Abdel Aziz, directrice du Centre de justice pour l’aide juridique, a, elle aussi, rendu son prix international de la Femme de courage (IWOC), qui lui a été remis le 8 mars 2023, aux côtés de dix autres femmes.

    Le barreau de Jordanie envisage de rompre l’accord de coopération conclu avec le Conseil national des barreaux français signé en septembre dernier. Les avocat·es du royaume hachémite ont été choqués par les termes de la résolution adoptée par leurs consœurs et confrères français après l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre.

    Alaa Eddine Armouti, ancien président du Conseil national des droits humains, remercié officiellement pour malversations financières, officieusement pour avoir pris sa charge de défenseur de l’État de droit un peu trop au sérieux, est un homme modéré et respecté. Dans ce « salon » d’Amman, assis à côté d’un ancien ministre et d’un membre des Frères musulmans jordanien, il ne cache pas son amertume. « Je suis extrêmement déçu, secoué même, soupire-t-il. J’en arrive à questionner l’universalité des droits humains : pourquoi s’appliquent-ils différemment à l’Ukraine et à la bande de Gaza ? Ce dont nous sommes témoins, c’est que l’Occident, qui ne cesse d’en appeler à la démocratie et aux droits humains, est injuste quand il s’agit du conflit palestinien. Je suis à deux doigts de perdre ma foi dans ces valeurs. »

    Les défenseurs et défenseuses des droits humains, des droits des femmes, se sentent trahi·es par l’Occident. Inaudibles et en danger. « Nous sommes désemparés. L’appui inconditionnel à la position israélienne, dans les premiers jours après le 7 octobre, est une catastrophe pour nous. Nous l’avons dit au haut-commissaire aux droits humains de l’ONU, Volker Türk, lors de sa visite à Amman le 9 novembre dernier, reprend un avocat. Le deux poids deux mesures menace la conviction que le dialogue peut aboutir, puisque les droits humains ne s’appliquent qu’aux Occidentaux et à leurs alliés. »

    Tous ceux et celles qui affirmaient déjà que les droits humains n’étaient en aucune façon une valeur universelle et n’avaient rien à faire dans des sociétés musulmanes et arabes boivent du petit-lait. Ainsi d’Iyad Qoneibi, docteur en pharmacie, condamné en 2016 à deux ans de prison pour incitation à la haine raciale, et de ses 3,8 millions d’abonné·es sur X (ex-Twitter). « Pour lui, la position occidentale aujourd’hui prouve que les droits relèvent d’un complot ourdi pour attaquer les religions, et en particulier l’islam, poursuit l’avocat jordanien. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, il est beaucoup plus écouté. Et jugé crédible. »

    (...)

    Les armes se tairont dans quelques jours ou quelques semaines au-dessus de la bande de Gaza. Les otages seront relâché·es. Les morts seront enterrés. La politique reprendra ses droits. Mais le droit international, la défense des droits humains, eux, auront bien du mal à sortir de l’abîme qui s’est ouvert entre les pays occidentaux et les sociétés arabes.

  • Le #Niger défie l’Europe sur la question migratoire

    En abrogeant une #loi de 2015 réprimant le trafic illicite de migrants, la junte au pouvoir à Niamey met un terme à la coopération avec l’Union européenne en matière de contrôles aux frontières.

    En abrogeant une loi de 2015 réprimant le trafic illicite de migrants, la junte au pouvoir à Niamey met un terme à la coopération avec l’Union européenne en matière de contrôles aux frontières.

    L’épreuve de force est engagée entre le Niger et l’Union européenne (UE) sur la question migratoire. La junte issue du coup d’Etat de juillet à Niamey a fait monter les enchères, lundi 27 novembre, en abrogeant une loi datant de 2015, pénalisant le #trafic_illicite_de_migrants.

    Ce dispositif répressif, un des grands acquis de la coopération de Bruxelles avec des Etats africains, visant à endiguer les flux migratoires vers la Méditerannée, est aujourd’hui dénoncé par le pouvoir nigérien comme ayant été adopté « sous l’influence de certaines puissances étrangères » et au détriment des « intérêts du Niger et de ses citoyens ».

    L’annonce promet d’avoir d’autant plus d’écho à Bruxelles que le pays sahélien occupe une place stratégique sur les routes migratoires du continent africain en sa qualité de couloir de transit privilégié vers la Libye, plate-forme de projection – avec la Tunisie – vers l’Italie. Elle intervient au plus mauvais moment pour les Européens, alors qu’ils peinent à unifier leurs positions face à la nouvelle vague d’arrivées qui touche l’Italie. Du 1er janvier au 26 novembre, le nombre de migrants et réfugiés ayant débarqué sur le littoral de la Péninsule s’est élevé à 151 312, soit une augmentation de 61 % par rapport à la même période en 2022. La poussée est sans précédent depuis la crise migratoire de 2015-2016.

    Inquiétude à Bruxelles

    La commissaire européenne aux affaires intérieures, la Suédoise Ylva Johansson, s’est dite mardi « très préoccupée » par la volte-face nigérienne. La décision semble répondre au récent durcissement de l’UE à l’égard des putschistes. Le 23 novembre, le Parlement de Strasbourg avait « fermement condamné » le coup d’Etat à Niamey, un mois après l’adoption par le Conseil européen d’un « cadre de mesures restrictives », ouvrant la voie à de futures sanctions.

    « Les dirigeants à Niamey sont dans une grande opération de #chantage envers l’UE, commente un diplomate occidental familier du Niger. Ils savent que le sujet migratoire est source de crispation au sein de l’UE et veulent ouvrir une brèche dans la position européenne, alors qu’ils sont asphyxiés par les #sanctions_économiques décidées par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest [Cedeao]. Il ne leur a pas échappé que l’Italie est encline à plus de souplesse à leur égard, précisément à cause de cette question migratoire. »
    Mais le #défi lancé par la junte aux pays européens pourrait être plus radical encore, jusqu’à s’approcher du point de rupture. « La décision des dirigeants de Niamey montre qu’ils ont tout simplement abandonné toute idée de négocier avec l’UE à l’avenir, souligne une autre source diplomatique occidentale. Car un retour en arrière serait extrêmement difficile après l’abrogation de la loi. Ils montrent qu’ils ont choisi leur camp. Ils vont désormais nous tourner le dos, comme l’ont fait les Maliens. Ils ont abandonné leur principal point de pression avec l’UE. »

    Si l’inquiétude monte à Bruxelles face à un verrou migratoire en train de sauter, c’est le soulagement qui prévaut au Niger, où les rigueurs de la loi de 2015 avaient été mal vécues. Des réactions de satisfaction ont été enregistrées à Agadez, la grande ville du nord et « capitale » touareg, carrefour historique des migrants se préparant à la traversée du Sahara. « Les gens affichent leur #joie, rapporte Ahmadou Atafa, rédacteur au journal en ligne Aïr Info, installé à Agadez. Ils pensent qu’ils vont pouvoir redémarrer leurs activités liées à la migration. »

    Les autorités locales, elles aussi, se réjouissent de cette perspective. « Nous ne pouvons que saluer cette abrogation, se félicite Mohamed Anako, le président du conseil régional d’#Agadez. Depuis l’adoption de la loi, l’#économie_régionale s’était fortement dégradée. »

    Il aura donc fallu huit ans pour que le paradigme des relations entre l’UE et le Niger change du tout au tout. Le #sommet_de_La_Valette, capitale de Malte, en novembre 2015, dominé par la crise migratoire à laquelle le Vieux Continent faisait alors face dans des proportions inédites, avait accéléré la politique d’externalisation des contrôles aux frontières de l’Europe. Les Etats méditerranéens et sahéliens étaient plus que jamais pressés de s’y associer. Le Niger s’était alors illustré comme un « bon élève » de l’Europe en mettant en œuvre toute une série de mesures visant à freiner l’accès à sa frontière septentrionale avec la Libye.

    Satisfaction à Agadez

    A cette fin, le grand architecte de ce plan d’endiguement, le ministre de l’intérieur de l’époque – #Mohamed_Bazoum, devenu chef d’Etat en 2021 avant d’être renversé le 26 juillet – avait décidé de mettre en œuvre, avec la plus grande sévérité, une loi de mai 2015 réprimant le trafic illicite de migrants. Du jour au lendemain, les ressortissants du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Mali ou du Nigeria ont fait l’objet d’entraves administratives – le plus souvent en contradiction avec les règles de #libre_circulation prévues au sein de la Cedeao – dans leurs tentatives de rallier Agadez par bus en provenance de Niamey.
    Dans la grande ville du Nord nigérien, le gouvernement s’était attaqué aux réseaux de passeurs, au risque de fragiliser les équilibres socio-économiques. L’oasis d’Agadez, par où avaient transité en 2016 près de 333 000 migrants vers l’Algérie et la Libye, a longtemps profité de ces passages. Ultime porte d’accès au désert, la ville fourmillait de prestataires de « services migratoires » – criminalisés du jour au lendemain –, guidant, logeant, nourrissant, équipant et transportant les migrants.

    Avec la loi de 2015, « l’ensemble de la chaîne de ces services à la migration s’est écroulé », se souvient M. Anako. Le coup a été d’autant plus dur pour les populations locales que, dans les années 2010, la floraison de ces activités était venue opportunément compenser l’effondrement du tourisme, victime des rébellions touareg (1990-1997 et 2007-2009), puis du djihadisme. A partir de 2017, Agadez n’était plus que l’ombre d’elle-même. Certains notables locaux se plaignaient ouvertement que l’Europe avait réussi à « imposer sa frontière méridionale à Agadez ».

    Aussi, l’abrogation de la loi de 2015 permet à la junte de Niamey de faire d’une pierre deux coups. Outre la riposte à l’Europe, elle rouvre des perspectives économiques dans une région où les partisans du président déchu, M. Bazoum, espéraient recruter des soutiens. « Il y a à l’évidence un “deal” pour que les Touareg d’Agadez prêtent allégeance à la junte », relève le diplomate occidental.

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/11/28/le-niger-defie-l-europe-sur-la-question-migratoire_6202814_3212.html
    #externalisation #asile #migrations #réfugiés #abrogation #contrôles_frontaliers #coopération #arrêt #UE #EU #Union_européenne #économie #coup_d'Etat #loi_2015-36 #2015-36

    ping @karine4

    • Sur la route de l’exil, le Niger ne fera plus le « #sale_boulot » de l’Europe

      La junte au pouvoir à Niamey a annoncé l’abrogation d’une loi de 2015 qui criminalisait l’aide aux personnes migrantes. Un coup dur pour l’Union européenne, qui avait fait du Niger un partenaire central dans sa politique d’externalisation des frontières. Mais une décision saluée dans le pays.

      DepuisDepuis le coup d’État du 26 juillet au Niger, au cours duquel l’armée a arraché le pouvoir des mains de Mohamed Bazoum, qu’elle retient toujours au secret, c’était la grande crainte des responsables de l’Union européenne. Les fonctionnaires de Bruxelles attendaient avec angoisse le moment où Niamey mettrait fin à l’une des coopérations les plus avancées en matière d’externalisation des contrôles aux frontières.

      C’est désormais devenu une réalité : le 25 novembre, le régime issu du putsch a publié une ordonnance qui abroge la loi n° 2015-36 relative au « trafic illicite de migrants » et qui annule toutes les condamnations prononcées dans le cadre de cette loi.

      Le gouvernement de transition a justifié cette décision par le fait que ce texte avait été adopté en mai 2015 « sous l’influence de certaines puissances étrangères » et au détriment des « intérêts du Niger et de ses citoyens », et qu’il entrait « en contradiction flagrante » avec les règles communautaires de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

      La commissaire européenne aux affaires intérieures, la Suédoise Ylva Johansson, s’est dite « très préoccupée » par cette décision qui intervient alors que les relations entre l’Europe et le Niger sont tendues : le 23 octobre, le Conseil européen avait adopté un « cadre de mesures restrictives » ouvrant la voie à de possibles sanctions contre le régime putschiste, et le 23 novembre, le Parlement européen a « fermement » condamné le coup d’État.

      Pour l’UE et sa politique antimigratoire, c’est une très mauvaise nouvelle, d’autant que les arrivées en provenance du continent africain ont, selon l’agence Frontex, sensiblement augmenté en 2023. La loi 2015-36 et la coopération avec le Niger étaient au cœur de la stratégie mise en œuvre depuis plusieurs années pour endiguer les arrivées d’exilé·es sur le sol européen.

      Mais au Niger, l’abrogation a été très bien accueillie. « C’est une mesure populaire, indique depuis Niamey un activiste de la société civile qui a tenu à rester anonyme. Cette loi n’a jamais été acceptée par la population, qui ne comprenait pas pourquoi le gouvernement nigérien devait faire le sale boulot à la place des Européens. »
      Satisfaction à Agadez

      À Agadez, grande ville du Nord qui a été la plus touchée par la loi de 2015, le soulagement est grand. « Ici, c’est la joie, témoigne Musa, un habitant de la ville qui a un temps transporté des migrant·es. Les gens sont très contents. Beaucoup de monde vivait de cette activité, et beaucoup m’ont dit qu’ils allaient reprendre du service. Moi aussi peut-être, je ne sais pas encore. »

      Un élu de la municipalité d’Agadez indique lui aussi être « pleinement satisfait ». Il rappelle que c’était une revendication des élus locaux et qu’ils ont mené un intense lobbying ces dernières semaines à Niamey. Le président du conseil régional d’Agadez, Mohamed Anacko, a quant à lui salué « cette initiative très bénéfique pour [sa] région ».

      Satisfaction aussi au sein de l’ONG Alarme Phone Sahara, qui a pour mission de venir en aide aux migrant·es dans le désert. « Cette abrogation est une nouvelle surprenante et plaisante », indique Moctar Dan Yaye, un des cadres de l’ONG. Depuis plusieurs années, Alarme Phone Sahara militait en sa faveur. En 2022, elle a déposé une plainte contre l’État du Niger auprès de la Cour de justice de la Cedeao, dénonçant l’atteinte à la liberté de circulation de ses ressortissant·es. Mais elle pointe aussi les conséquences sur l’économie d’Agadez, « qui a toujours vécu des transports et de la mobilité », et surtout sur la sécurité des migrant·es, « qui ont été contraints de se cacher et de prendre des routes plus dangereuses alors qu’avant, les convois étaient sécurisés ».
      Avant que la loi ne soit appliquée en 2016 (à l’initiative de Mohamed Bazoum, alors ministre de l’intérieur), tout se passait dans la transparence. Chaque lundi, un convoi de plusieurs dizaines de véhicules chargés de personnes désireuses de rejoindre la Libye, escortés par l’armée, s’ébranlait depuis la gare routière d’Agadez.

      « Toute la ville en vivait, soulignait en 2019 Mahaman Sanoussi, un acteur de la société civile. La migration était licite. Les agences de transporteurs avaient pignon sur rue. Ils payaient leurs taxes comme tout entrepreneur. » En 2016, selon une étude de l’ONG Small Arms Survey, près de 400 000 migrant·es seraient passé·es par Agadez avant de rejoindre la Libye ou l’Algérie, puis, pour certain·es, de tenter la traversée de la Méditerranée.
      Le coup de frein de Bruxelles

      À Bruxelles, en 2015, on décide donc que c’est dans cette ville qu’il faut stopper les flux. Cette année-là, l’UE élabore l’Agenda européen sur la migration et organise le sommet de La Valette (Malte) dans le but de freiner les arrivées. Des sommes colossales (plus de 2 milliards d’euros) sont promises aux États du Sud afin de les pousser à lutter contre la migration. Un Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique (EUTF) est mis en place. Et le Niger est au cœur de cette stratégie : entre 2016 et 2019, l’EUTF lui a alloué 266,2 millions d’euros – plus qu’à tout autre pays (et 28 millions supplémentaires entre 2019 et 2022).

      Ce fonds a notamment financé la création d’une unité d’élite en matière de lutte contre les migrations. Mais tout cela n’aurait pas été possible sans une loi criminalisant ceux qui aident, d’une manière ou d’une autre, les migrant·es. À Niamey, le pouvoir en place ne s’en cachait pas à l’époque : c’est sous la pression de l’UE, et avec la promesse d’une aide financière substantielle, qu’il a fait adopter la loi 2015-36 .

      Avec ce texte, celui qui permettait à une personne en exil d’entrer ou de sortir illégalement du territoire risquait de 5 à 10 ans de prison, et une amende pouvant aller jusqu’à 5 millions de francs CFA (7 630 euros). Celui qui l’aidait durant son séjour, en la logeant ou la nourrissant, encourait une peine de 2 à 5 ans.

      Après sa mise en œuvre, plus de 300 personnes ont été incarcérées, des passeurs pour la plupart, des centaines de véhicules ont été immobilisés et des milliers d’emplois ont été perdus. Selon plusieurs études, plus de la moitié des ménages d’Agadez vivaient de la migration, qui représentait en 2015 près de 6 000 emplois directs : passeurs, coxers (ou intermédiaires), propriétaires de « ghettos » (le nom donné sur place aux lieux d’hébergement), chauffeurs, mais aussi cuisinières, commerçant·es, etc. Ainsi la loi 2015-36 a-t-elle été perçue par nombre d’habitant·es comme « une loi contre Agadez ». « Vraiment, ça nous a fait mal, indique Mahamane Alkassoum, un ancien passeur. Du jour au lendemain, on n’a plus eu de source de revenu. Moi-même, je suis toujours au chômage à l’heure où je vous parle. »

      Cette loi a eu des effets : selon l’UE, les arrivées en Italie ont chuté de 85 % entre 2016 et 2019. Mais elle a aussi fragilisé les migrant·es. « Avant, dans les convois, quand il y avait un problème, les gens étaient secourus. Avec la loi, les passeurs prenaient des routes plus dangereuses, la nuit, et ils étaient isolés. En cas de problème, les gens étaient livrés à eux-mêmes dans le désert. Il y a eu beaucoup de morts », souligne Moctar Dan Yaye, sans pouvoir donner de chiffres précis.

      En outre, les « ghettos » sont devenus clandestins et les prix ont doublé, voire triplé… « Le manque de clarté de la loi et sa mise en œuvre en tant que mesure répressive – au lieu d’une mesure de protection – ont abouti à la criminalisation de toutes les migrations et ont poussé les migrants à se cacher, ce qui les rend plus vulnérables aux abus et aux violations des droits de l’homme », constatait en octobre 2018 le rapporteur des Nations unies sur les droits de l’homme des migrants, Felipe González Morales.

      Dans un rapport publié la même année, le think tank Clingendeal notait que « l’UE a contribué à perturber l’économie locale sans fournir d’alternative viable », ce qui « a créé frustration et déception au sein de la population ». L’UE a bien financé un programme de réinsertion pour les anciens acteurs de la migration. Mais très peu en ont bénéficié : 1 080 personnes sur 6 564 identifiées.

      Et encore, cette aide était jugée dérisoire : 1,5 million de francs CFA, « cela ne permet pas de repartir de zéro », dénonce Bachir Amma, un ancien passeur qui a essayé d’organiser le secteur. « L’Europe n’a pas tenu ses promesses, elle nous a trahis, renchérit Mahamane Alkassoum. Alors oui, si je peux, je reprendrai cette activité. Ce n’est pas par plaisir. Si on pouvait faire autre chose, on le ferait. Mais ici, il n’y a rien. »

      L’Europe doit-elle pour autant s’attendre à une nouvelle vague d’arrivées en provenance du Niger, comme le craint Bruxelles ? Si nombre d’anciens passeurs assurent qu’ils reprendront du service dès que possible, rien ne dit que les candidat·es à l’exil, de leur côté, retrouveront la route d’Agadez. « La situation a changé, souligne Moctar Dan Yaye. La frontière avec l’Algérie est quasi fermée et la situation en Libye a évolué. Beaucoup de véhicules ont été saisis aussi. » En outre, la plupart des États de la Cedeao d’où viennent les candidat·es à l’exil ont fermé leur frontière avec le Niger après le coup d’État.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/021223/sur-la-route-de-l-exil-le-niger-ne-fera-plus-le-sale-boulot-de-l-europe

    • Au Niger, la loi du 26 mai 2015 n’est plus un obstacle pour les migrants de l’Afrique subsaharienne

      Le Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), le Général Abdourahamane Tiani, a signé le 25 novembre 2023, une ordonnance portant abrogation de la loi du 26 mai 2015 relative au trafic des migrants. La loi abrogée prescrivait des peines d’emprisonnement allant d’un (1) à trente (30) ans et des amendes de trois (3) à 30 millions de francs CFA. Elle avait permis de démanteler des réseaux de passeurs dans le nord du Niger, favorisant ainsi le recours des migrants à d’autres réseaux encore plus dangereux qui les exposent davantage aux traitements inhumains et au péril dans le désert. Dans les zones où transitent les migrants, cette loi avait conduit au chômage plusieurs milliers d’acteurs de la filière, au détriment de l’économie locale et la quiétude dans le nord nigérien. La décision du CNSP est favorablement accueillie non seulement dans les localités de transit des migrants, mais aussi au niveau des Organisations de la société civile qui qualifiaient la loi incriminant le trafic des migrants d’instrument de violation de droits humains et du principe de libre circulation des personnes. Par ailleurs, une partie de l’opinion considère l’abrogation de la loi du 26 mai 2015 comme une réplique à l’attitude de plus en plus irritante de l’Union Européenne (UE) vis-à-vis des nouvelles autorités nigériennes. Néanmoins, certains observateurs voient en cette décision du CNSP, des perspectives de gestion plus équilibrée de la migration au Niger.

      Une réponse du berger à la bergère ?

      L’abrogation de la loi du 26 mai 2015 intervient au lendemain du vote par le parlement européen d’une résolution condamnant le coup d’état du 26 juillet 2023 et appelant à la restauration du régime déchu. Ainsi, d’aucuns estiment que cette décision des autorités nigériennes est une réplique à l’attitude de l’UE envers le nouveau régime du Niger. En effet, depuis l’avènement du CNSP au pouvoir, l’Union Européenne, principale bénéficiaire de la loi du 26 Mai 2015, dénie toute légitimité aux nouveaux dirigeants nigériens. Ce déni s’est traduit par la réduction de la coopération entre l’UE et le Niger à l’appui humanitaire, une série de sanctions ciblant les nouvelles autorités nigériennes et la récente résolution du parlement européen, entre autres. Selon le Président du Réseau National de Défense de Droits Humains (RNDDH), M. Kani Abdoulaye, cette décision du CNSP peut être considérée comme une réponse ou une réplique à la position de l’Union européenne vis-à-vis des nouveaux dirigeants du Niger. « De ce point de vue, la loi sur la migration constitue une arme redoutable pour les autorités actuelles du Niger », a estimé M. Kani Abdoulaye.

      Une loi inadaptée initiée sous l’influence de l’Union Européenne

      Dans un communiqué relatif à l’abrogation de la loi du 26 Mai 2015, le Gouvernement nigérien a rappelé que ladite loi a été adoptée en 2015 sous l’influence de certaines puissances étrangères, et qu’elle érigeait et incriminait en trafic illicite certaines activités par nature régulières. Selon le Président du RNDDH, Il y avait des accords politiques entre le Niger et l’Union Européenne et un moment l’Union Européenne a octroyé des financements au Niger dans le cadre de la lutte contre le trafic des migrants.

      Pour sa part, M. Hamadou Boulama Tcherno de l’Association Alternative Espaces Citoyens (AEC), a laissé entendre que cette loi a été écrite par le gouvernement et adoptée par le parlement sous une avalanche de pressions politique et diplomatique des pays occidentaux. « En atteste le ballet ininterrompu des dirigeants européens pour encourager les autorités de l’époque à endosser la sous-traitance de la gestion des flux migratoires », a-t-il rappelé. Le responsable de l’AEC a également estimé que l’élaboration de cette loi a largement été inspirée, sinon dictée par des experts de l’UE et que son adoption est une réponse positive à l’agenda de l’UE visant à stopper les arrivées des migrants, notamment africains aux frontières de l’espace Schengen. « En effet, au fil des ans, l’UE a réussi le tour de magie de ramener ses frontières juridiques au Niger, d’abord à Agadez, et ensuite à Zinder. Depuis lors, nos Forces de Défense et de Sécurité (FDS) travaillent en étroite collaboration avec des policiers européens pour la surveillance des flux migratoires aux frontières terrestres et aériennes de notre pays », a-t-il déploré. « Cette collaboration a permis à l’Agence Frontex dont on connait le bilan accablant de la surveillance des frontières européennes, de poser ses cartons dans notre pays, à EUCAP SAHEL d’avoir un mandat étendu à la gestion des migrations », a ajouté M. Hamadou Boulama Tcherno.

      Une loi impopulaire farouchement combattue pour ses conséquences néfastes

      L’adoption de la loi du 26 Mai 2015 a eu d’importants impacts négatifs sur les migrants et les demandeurs d’asile. Aussi, sans mesures alternatives conséquentes à l’économie de migration, elle a mis fin de façon brutale aux activités de plusieurs milliers de professionnels de la migration dans les différentes localités de transit. Depuis son adoption, des associations et acteurs locaux appelaient à l’abrogation ou la révision de cette loi afin d’atténuer son impact sur l’économie locale. Selon M. Hamadou Boulama Tcherno, l’application rigide de loi contre la migration a conduit des milliers de ménages dans une situation de pauvreté. Il a rapporté qu’environ 6.500 personnes vivaient de manière directe ou indirecte des revenus liés à la migration, d’après le Conseil régional d’Agadez. « Avec la criminalisation de la loi, la majorité d’entre elles s’est retrouvée au chômage », a-t-il déploré.

      « A Alternative Espaces Citoyens, nous avons combattu cette loi avant même son adoption par le parlement nigérien », a rappelé M. Hamadou Boulama Tcherno de l’Association Alternative Espaces Citoyens. Selon lui, AEC n’a jamais fait mystère de sa farouche opposition à cette loi criminalisant la mobilité. « Avec la modestie requise, je peux dire qu’au Niger, l’association a été à la pointe du combat citoyen pour discréditer cette loi, en dénonçant régulièrement ses effets néfastes sur les économies des villes de transit et sur les droits humains », a affirmé le responsable de AEC. Dans le même ordre d’idée, depuis 2015, l’Association Alternative Espaces Citoyens a mené des actions multiformes de sensibilisation sur les droits humains des migrants, de mobilisation sociale et de plaidoyer en faveur du droit à la mobilité, selon M. Hamadou Boulama Tcherno.

      La loi du 26 Mai 2015, un instrument de violation des droits humains et du principe de libre circulation des personnes

      Dans son communiqué, le Gouvernement nigérien a notifié que la loi abrogée a été prise « en contradiction flagrante avec nos règles communautaires et ne prenait pas en compte les intérêts du Niger et de ses citoyens ». Ainsi, selon le document, « c’est en considération de tous les effets néfastes et du caractère attentatoire aux libertés publiques de cette loi que le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie a décidé de l’abroger ». De son côté, le Président du RNDDH a rappelé que lors de l’adoption de ladite loi, d’un point de vue communautaire, les Organisations de la société civile ont relevé que l’Etat du Niger a failli à ses obligations en matière de libre circulation des personnes et des biens, un principe fondamental du protocole de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). En effet, « on arrêtait les ressortissants des pays de la CEDEAO en supposant qu’ils vont aller en Europe, donc, de notre point de vue, cela faisait du Niger la première frontière de l’Union Européenne en Afrique », a expliqué M. Kani Abdoulaye. Ainsi, « nous avons toujours estimé que cela constituait pour le Niger un manquement à ses obligations au niveau de la CEDEAO », a-t-il poursuivi. Le Président du RNDDH a également estimé que l’adoption de la loi du 26 mai 2015 est une violation grave de droits de l’homme en ce que depuis la nuit des temps, les populations se déplacent. « Le Niger est aussi signataire de la Convention des Nations-Unies qui protège tous les travailleurs migrants et leurs familles », a ajouté M. Kani Abdoulaye.

      Selon M. Hamadou Boulama Tcherno, la mise en œuvre de cette loi s’est soldée par des abus des droits et une augmentation des morts dans le désert. « Décidés à poursuivre leur parcours migratoire, les migrants empruntent des routes de contournement des postes de contrôle. Malheureusement, parmi eux, certains perdent la vie, faute d’eau, après généralement la panne du véhicule de transport ou leur abandon dans le désert par des conducteurs sans foi, ni loi », a-t-il indiqué. Se basant sur des rapports élaborés par AEC, M. Hamadou Boulama Tcherno a relevé que durant les huit (8) ans de mise en œuvre de cette loi sur la migration, les personnes migrantes ont connu une violation de leurs droits et une situation de vulnérabilité sans précédent. « Cette loi adoptée officiellement dit-on pour protéger les droits des migrants a été utilisée dans la réalité comme un outil de répression des acteurs de l’économie de la migration et des migrants. Les moins chanceux ont été victimes d’arrestations arbitraires et d’emprisonnement, sans possibilités de recours », a-t-il dénoncé. De même, le responsable de AEC a affirmé que la loi du 26 Mai 2015 a favorisé l’encasernement des migrants dans les centres de transit de l’OIM et a porté un coup rude à la liberté de circulation communautaire avec les refoulements des citoyens de la CEDEAO aux portes d’entrée du Niger. Elle a même permis d’interner des nigériens dans leur propre pays, selon M. Hamadou Boulama Tcherno.

      L’abrogation de la loi du 26 Mai 2015, une ébauche de politique migratoire basée sur les droits fondamentaux ?

      Pour le responsable de AEC, l’abrogation de cette loi est une bonne nouvelle pour tous les défenseurs des droits des personnes migrantes. « C’est aussi un ouf de soulagement pour les autorités locales et les populations des régions, Agadez et Zinder en tête de peloton, fortement impactées par la lutte contre les migrations dites irrégulières », a-t-il ajouté. Aussi, « nous saluons cette abrogation, car elle offre une occasion inespérée de sortir du piège mortel de l’externalisation du contrôle de la mobilité humaine », a annoncé M. Hamadou Boulama Tcherno. Il a également espéré que l’abrogation de la loi du 26 Mai 2015 va ouvrir des perspectives heureuses pour les citoyens, notamment un changement de cap dans la gouvernance des migrations. « Notre souhait est de voir le Niger prendre l’option de se doter d’une politique migratoire centrée sur les droits fondamentaux, la solidarité et l’hospitalité africaine », a formulé le responsable de AEC.

      Quant au Président de la Plate-Forme ‘’Le Défenseur des Droits’’, M. Almoustapha Moussa, il a souligné la nécessité de convoquer des Etats généraux avec l’ensemble des parties prenantes sur le plan national et international, avec les ONG qui ont lutté pour l’abrogation de cette loi ou sa révision, pour que des mesures immédiates puissent être prises afin d’organiser une gestion équilibrée de la migration sur le territoire du Niger. En effet, tout en soulignant que le Niger ne doit pas être à la solde de l’Union Européenne, M. Almoustapha Moussa a estimé qu’en même temps, le Niger ne doit pas occulter les trafics qui se font sur son territoire, les trafics qui utilisent son territoire comme zone de transit. « Il y a des réseaux qui viennent du Nigéria, du Cameroun, du Soudan, du Tchad etc… le fait que cette loi soit abrogée ne doit pas donner l’espace pour que le trafic illicite des migrants et éventuellement la traite des êtres humains puissent se faire sur le territoire du Niger », a-t-il expliqué. « A cet effet, une loi doit être rapidement adoptée et pour cela, les différents acteurs doivent être convoqués afin qu’ils fournissent des informations utiles à l’élaboration d’une prochaine loi », a conclu le Président de la Plate-Forme ‘’Le Défenseur des Droits’’.

      Selon un document de l’Institut d’Etude de Sécurité ISS Africa, les migrations humaines depuis l’Afrique vers l’Europe sont de plus en plus présentées comme une menace pour la sécurité des États et des sociétés. D’après des estimations évoquées dans le document, un tiers des migrants qui transitent par Agadez, ville située sur l’un des principaux itinéraires migratoires reliant l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et le Maghreb, finissent par embarquer sur la côte méditerranéenne, à bord de bateaux pneumatiques à destination de l’Europe. C’est pourquoi depuis 2015, l’Union Européenne se base sur cette ville considérée comme la porte du désert nigérien pour endiguer les migrations de l’Afrique subsaharienne vers l’Europe. Les mécanismes de contrôle qui résultent de la loi du 26 Mai 2015 ont abouti à une diminution de 75 % des flux migratoires vers le Nord via Agadez en 2017, contribuant ainsi à la baisse globale des arrivées de migrants en Europe par les différents itinéraires méditerranéens. En 2018, l’Europe a enregistré une baisse de 89% des arrivées de migrants par rapport à 2015. En 2019, la Commission européenne a annoncé la fin de la crise migratoire. Mais suite à l’abrogation de la loi sur la migration, les ressortissants de l’Afrique subsaharienne sont désormais libres de transiter par le Niger. Dans ce contexte, l’Union Européenne dispose-t-elle d’alternative pour s’éviter une reprise de la ‘’bousculades des migrants’’ à ses portes ?

      https://lematinal-niger.com/index.php/politique/item/124-migration-au-niger-la-loi-du-26-mai-2015-n-est-plus-un-obstacle

    • À Agadez, sur la route de l’exil, le « business » des migrants n’est plus un crime

      Au Niger, les militaires au pouvoir ont abrogé une loi qui criminalisait le trafic des migrants depuis 2015, fin novembre. À Agadez, aux portes du Sahara, devenue un carrefour migratoire pour des milliers de Subsahariens vers l’Europe, les habitants espèrent voir se relancer le marché de l’exil.

      Depuis un peu plus d’un mois, le Niger est redevenu la plaque tournante légale des migrants vers l’Europe. Fin novembre, la junte qui a pris le pouvoir après un coup d’État a abrogé une loi criminalisant le trafic des exilés africains à la frontière, dénonçant un texte « voté sous l’influence de puissance étrangères ».

      Adoptée en 2015, sous pression de l’Union européenne, la loi prévoyait jusqu’à trente ans de prison pour les passeurs. À Agadez, la ville du nord du Niger aux portes du Sahara, les habitants sont ravis et espèrent voir repartir le « business » d’antan.

      Reportage à Agadez, de notre correspondante Sophie Douce.

      À l’autogare d’Agadez, les pickups du désert défilent. À l’arrière, ils sont des dizaines entassés, accrochés avec un bout de bois pour ne pas tomber.

      Halilou Boubacar : « Là, présentement, nous avons plus de Nigériens, des Ghanéens, des Camerounais. On les met dans des pick up qui peuvent prendre 35 à 40 personnes, ils sont concentrés comme des sardines. »

      Lunettes noires, turban, manteau et gants. Destination : la Libye, puis l’Europe, pour les plus chanceux.

      Boubacar Halilou est « coxer », un rôle d’intermédiaire entre les chauffeurs et les migrants : « Le prix, ça se négocie toujours, ce n’est pas un prix fixe, c’est le business comme ça. »

      Comptez entre 450 à 500 euros la place. À côté, les rabatteurs haranguent la foule au milieu des vendeurs ambulants. Un bonnet, des cigarettes…De quoi tenir les deux ou trois jours de traversée jusqu’à Sebha en Libye, dernière étape avant la Méditerranée.
      « Avant, c’était pas facile, c’est comme si on te voyait avec de la drogue »

      Plus besoin de se cacher… Une « bouffée d’oxygène » pour les habitants, dont beaucoup vivaient de ce marché depuis l’effondrement du tourisme il y a dix ans :

      Boubacar Halilou : « On revit, parce que ici, à Agadez, tout le monde trouve son compte : les locations de maison, les transporteurs, les marchés, les hôtels, les taxis, on peut prendre des passagers tranquille tu peux aller là où tu veux circuler, parce que avant c’était pas facile, c’est comme si on te voyait avec de la drogue. »

      Des dizaines de passeurs ont été libérés. Mais après huit années de clandestinité, la méfiance demeure et la fraude persiste. Dans une ruelle, des pickups débordent, sans plaque d’immatriculation.
      Un homme fait signe de déguerpir…Il faut vite ranger la caméra et le micro.

      La peur de la police… Car ici certains continuent d’embarquer dans des « gares clandestines », près des « ghettos », les maisons de migrants louées par des passeurs.

      Dans le quartier « Misrata », ils sont nombreux à s’entasser dans ces dortoirs en banco, en attendant la prochaine étape.
      Dans une cour en terre, des femmes arrivées de Sierra Leone cuisinent avec leurs enfants.

      À côté, Issouf Sako, un Ivoirien de 28 ans, rêve de travailler en France ou en Italie. Son « coxer » a organisé son exil par Whatsapp.

      Issouf Sako : « C’est mon frère qui m’a mis en contact avec lui, lui aussi est en Europe, j’ai économisé un peu un peu, je prends la route maintenant, arrivé à Tripoli, le prix du bateau, ça peut être 700 000-800 000. Bon, on vient en Europe, c’est pas pour se promener, puisqu’on souffre chez nous, il n’y a pas de travail. »

      Au total, son voyage devrait lui coûter plus de 1 500 euros. Et la route est longue, dangereuse.
      L’interdiction a poussé les conducteurs à passer par des voies à haut risque pour échapper aux contrôles.

      Alors en 2016, des habitants se sont mobilisés pour aider les migrants pris au piège dans le désert, en créant un numéro vert.

      Chéhou Azizou, le coordonnateur du projet « Alarme Phone Sahara » :"Il suffit qu’un véhicule en détresse contacte le numéro et nous donne sa localisation, on prépare la mission et on part à leur secours, on ne peut pas marcher longtemps dans le désert, la mort est certaine".

      Pour cet activiste, la politique d’externationalisation des frontières de l’Union européenne est un échec :

      « Si certaines organisations humanitaires prétendent avoir contrôlé les flux migratoires, moi ça me fait rire. Nous enregistrons des expulsions en provenance de l’Algérie à hauteur de 22 à 25 000 refoulés par année. On a empêché aux passagers de suivre les voies officielles oui, mais on n’a pas réduit les flux migratoires et ça ce sont pour les refoulés, alors combien sont enterrés dans le désert ? Dieu seul sait ».

      En attendant, l’inquiétude monte à Bruxelles, face à ce verrou migratoire en train de sauter, avec la crainte de nouveaux morts dans le désert.

      https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-reportage-de-la-redaction/a-agadez-sur-la-route-de-l-exil-le-business-des-migrants-n-est-plus-un-c

  • https://www.mediapart.fr/journal/international/241123/le-fil-du-jour-la-treve-est-entree-en-vigueur-gaza-le-gouvernement-israeli

    Le gouvernement israélien s’en prend violemment à « Haaretz »

    Depuis le 7 octobre, le grand quotidien israélien Haaretz critique sans cesse les errements politiques de Benyamin Nétanyahou et documente les failles sécuritaires de l’État hébreu. Ce jeudi, dans une lettre adressée au chef de cabinet du premier ministre, Yossi Fuchs, le ministre des communications Shlomo Karhi demande que soit adoptée une résolution gouvernementale mettant fin à toutes les publicités, abonnements et autres liens commerciaux de l’État avec le journal de centre-gauche, en invoquant une « propagande défaitiste et mensongère » de la publication contre l’État d’Israël en temps de guerre.

    « Depuis le début de la guerre, mon bureau a reçu de nombreuses plaintes reprochant au journal Haaretz d’avoir adopté une position offensive qui sape les objectifs de la guerre et affaiblit l’effort militaire et la résilience sociétale », écrit-il dans sa lettre, avant d’insister : « L’État d’Israël est l’un des clients de Haaretz et le gouvernement est en droit de décider qu’il ne veut plus être le client d’un journal qui sabote Israël en temps de guerre et sape le moral des soldats et des civils israéliens face à l’ennemi. »

    Le ministre cite comme illustrations de son courroux deux tribunes, une phrase tirée d’un article d’opinion de l’éditorialiste Gideon Levy (« Sous tout cela se cache l’arrogance israélienne : notre conviction que nous pouvons faire du mal à n’importe qui et que nous ne serons jamais punis pour cela ») et le passage d’un article d’une autre chroniqueuse, Amira Hass (« En un jour, les citoyens israéliens ont vécu la routine des Palestiniens depuis des dizaines d’années : invasion militaire, mort, cruauté, enfants tués, corps abandonnés dans les rues »).

    La résolution n’a a priori aucune chance d’être suivie d’effets concrets, et ne devrait même pas être soumise au vote. Le quotidien a répondu ironiquement au gouvernement, par une campagne d’abonnement sur les réseaux sociaux : « Quand le gouvernement Nétanyahou veut nous faire taire, il est temps de lire Haaretz. »

    La rédaction de Mediapart

  • Guerre entre Israël et le Hamas : comment les otages israéliens libérés vont-ils être pris en charge ?
    https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/guerre-entre-israel-et-le-hamas-comment-les-otages-israeliens-liberes-v

    C’est très bien ce genre d’article, on en trouve dans toutes les langues (j’ai un peu vérifié). Pourquoi personne ne se demande jamais comment les otages palestiniens vont être libérés, eux ?

    Treize premières personnes doivent être évacuées vendredi de la bande de Gaza, où elles sont retenues depuis le 7 octobre. Elles bénéficieront toutes d’une prise en charge médicalisée après un transfert qui s’organisera depuis l’Egypte.

    Le débat peut être déplacé (https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/24/liberation-des-otages-du-hamas-une-situation-aussi-dechirante-sur-le-plan-et) pour aborder des « enjeux vertigineux » (savoir qui élire ou non)... Mais, là encore, ça ne concerne pas les Palestiniens. Eux, c’est juste du « bétail » apparemment...

    Qui sera sauvé, au risque d’exposer encore plus les autres, et selon quels critères ? Alors que doit s’accomplir une première libération d’otages détenus par le Hamas, Frédérique Leichter-Flack, professeure d’humanités au Centre d’histoire de Sciences Po, détaille dans une tribune au « Monde » les vertigineux enjeux éthiques auxquels cette situation confronte l’ensemble des Israéliens.