Business, éthique, légalité... Le séquençage du génome en questions

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  • #Business, #éthique, #légalité... Le #séquençage de l’#ADN en questions
    Le Monde.fr | 18.08.2014 à 13h21 • Mis à jour le 18.08.2014 à 14h29 |
    Par Alexandre Léchenet
    http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/08/18/le-sequencage-du-genome-comment-ca-marche_4472313_4355770.html

    Illumina, une société américaine, propose de séquencer le #génome des humains pour 1 000 dollars, comme l’explique son président dans une interview au Monde (lien abonnés). Un procédé qui nécessite aujourd’hui quelques heures de calculs, pour un coût très modique, suscitant de nombreuses interrogations scientifiques et éthiques. En 2003, le premier séquençage complet avait coûté 2,7 millliards de dollars. Ce séquençage permet notamment aux particuliers de prévenir certaines maladies génétiques ou prédispositions à des maladies.

    Qu’est-ce que l’ADN ?
    L’acide désoxyribonucléique (ADN) est présent dans chaque cellule vivante. Cette molécule a la forme d’une double hélice. L’ensemble de l’ADN dans une cellule rassemble toute l’information permettant à l’organisme qui la contient de se développer et de se gérer.

    L’ADN est constitué de quatre molécules différentes – appelées bases : l’adénine, la thymine, la guanine et la cytosine (les lettres A, T, G, C) – qui s’assemblent deux à deux. Une suite particulière de ces couples de protéines forment un gène, la base de l’information pour chaque caractéristique de l’organisme.

    700 MO
    L’ADN est organisé en différents chromosomes, dont le nombre varie en fonction des espèces. Chez l’humain, il y en a 23 paires. A titre de comparaison, la pomme de terre possède 48 chromosomes et le moustique, six. L’ADN humain est composé de trois milliards de paires de bases, soit environ 700 mégaoctets d’informations. Autant de données qu’un film compressé ou qu’un bon vieux CD-rom. On estime aujourd’hui le nombre de gènes à 50 000 chez les humains. Ces gènes peuvent être codants, c’est à dire qu’ils sont à l’origine d’une caractéristique ou non codants. Les gènes non-codants semblent néanmoins nécessaires à l’organisation du génôme.

    Qu’est-ce que le séquençage ?
    L’ensemble de l’information contenue dans l’ADN est appelé génome. Le séquençage est la lecture de la succession des lettres qui constituent le génome. Il permet de regarder des gènes ou des morceaux de gènes, ou la totalité du génome.

    Pour réaliser ce séquençage, on extrait l’ADN d’un échantillon biologique : un cheveu, de la salive, du sang, etc. On place cet ADN dans une machine spéciale, un séquenceur, qui déchiffre l’ADN. Ensuite, cet ADN est comparé avec le génome de référence de l’humain pour l’organiser. En effet, seul 0,1 % du génome varie d’un humain à un autre. C’est cette liste de différences qui servira de base à l’identification.

    Comment le coût du séquençage a-t-il évolué ?
    2,7 MILLIARDS
    Le premier séquençage, le projet Génome humain, financé par des fonds publics, a duré près de quinze ans et coûté 2,7 milliards de dollars (2 milliards d’euros). Il s’est terminé en avril 2003, grâce à plusieurs donneurs différents. En mai 2007, pour la première fois, le génome humain d’un seul individu est entièrement séquencé. Il s’agit de celui de James Watson, biologiste à l’origine de la découverte de la structure de l’ADN avec Francis Crick.

    Le coût du séquençage n’a ensuite cessé de diminuer, pour atteindre récemment 1 000 dollars (750 euros), facilitant l’accès au séquençage complet à une part plus importante de la population. En 2013, il se réalisait en quelques heures seulement. Par ailleurs, il est également possible de faire des séquençages non pas sur l’ensemble du génôme, mais sur un nombre ciblé de gènes. Ces séquençages sont donc moins coûteux.

    Parallèlement, des projets de séquençage génomiques de populations plus larges ont été lancés. Ainsi, au Royaume-Uni, le projet Genomic England prévoit de séquencer les génomes de 100 000 Britanniques, dont une importante partie souffre de maladies héréditaires ou de cancers. L’institut génomique de Pékin répertorie de son côté le génome de « surdoués », dont le QI dépasse 160. Le biologiste américain Craig Venter, à la tête d’une entreprise privée qui a également réalisé un séquençage global, recense de son côté les gènes de la longévité.

    Quel est l’intérêt du séquençage ?
    Le premier séquençage finalisé en 2003 a notamment servi de base de comparaison aux suivants. Il a permis d’identifier les gènes humains et de les cartographier. Le séquençage permet de comprendre et de poser un diagnostic, mais également d’identifier des mutations génétiques.

    Aujourd’hui, le séquençage peut être réalisé pour des individus ou des fœtus. Il permet d’identifier une mutation ou un gène impliqué dans une maladie. Il permet également d’évaluer les prédispositions génétiques d’une personne pour certaines maladies ou d’en savoir plus sur sa « généalogie génétique ».

    Des entreprises proposent des analyses génétiques ciblées. Mais demain, elles pourraient, en proposant un séquençage intégral, constituer des bases de données sur les gènes de leurs clients, permettant de mener des projets de recherche, ou éventuellement d’être vendues à des laboratoires.

    La découverte de gènes à l’origine de maladies peut justifier un suivi médical particulier, ou des opérations préventives, comme la mastectomie en prévention d’un cancer du sein, médiatisée par l’actrice Angelina Jolie. Mais qu’est-ce que cela changera de se savoir prédisposé à Alzheimer, maladie pour laquelle il n’existe aucun traitement préventif ?

    Et sur les fœtus et les embryons ?
    Le séquençage chez le fœtus, dont une partie de l’ADN circule dans le sang de la mère, permet d’éviter l’amniocentèse et de dépister certaines maladies et mutations génétiques, comme la trisomie 21. Ce type de diagnostic prénatal peut même être réalisé avant l’implantation de l’embryon dans l’utérus.

    Ce séquençage pose d’importantes questions éthiques. En mars 2014, dans Le Monde, Laurent Alexandre, président de DNAvision, expliquait que les séquençages seront bientôt accessibles facilement en début de grossesse. « Le séquençage intégral de l’ADN de l’enfant va bouleverser notre rapport à la procréation, puisque des milliers de maladies pourront être dépistées systématiquement pendant la grossesse », s’alarme-t-il, mettant en garde contre un « toboggan eugéniste ».

    Est-ce possible en France ?
    En France, il est illégal pour un particulier de demander son séquençage génomique. Le code civil, modifié par la loi de bioéthique de 2004, stipule que « l’’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique », ainsi que pour les enquêtes criminelles ou la recherche de paternité. Le code de la santé publique ajoute que cet examen médical ne peut être effectué que par « des praticiens agréés à cet effet par l’Agence de la biomédecine ». De plus, les tests en France ne sont possibles que lorsqu’ils ciblent une maladie ou une mutation spécifique.

    Sur la question du diagnostic fœtal, le Comité national d’éthique s’inquiète de « la stigmatisation du handicap et de son poids économique et social, du relatif rejet de la différence, voire de l’affirmation d’un "droit" à la bonne santé de l’enfant à naître », qui pourraient encourager les parents à utiliser les outils de diagnostic génétique « sans discernement ». Le comité préconise également que les tests prénataux soient décidés selon plusieurs critères, « au premier rang desquels devraient figurer la particulière gravité et l’incurabilité de la maladie au moment du diagnostic ».