Qui était Karim ? Comment est-il mort ? Des questions qui restent, insistent.
Il était Soudanais, ça on sait.
Réfugié statutaire, oui aussi.
Peut-être malade. Peut-être alcoolisé ce soir-là. On ne sait pas. Mais ce que je sais, c’est que l’hypothèse de l’alcool est la plus poignante pour moi, ce recours presque indispensable pour les gens de la rue. Pour liquider l’angoisse, le froid, la peur. Si vous trouvez mieux, n’hésitez pas, on vous attend. Quand rien ni personne n’est en face, il y a l’alcool. J’ai tellement entendu ça lorsque j’ai travaillé avec (pour) des personnes de la rue. Tellement souvent qu’il me semble que je le ressens, ce besoin, il est clairement là. Liquider, dissoudre. A n’importe quel prix, parce que c’est dur, l’alcool dans la rue, c’est pas une cuite avec les potes. C’est le contraire. Des gens qui n’ont rien et qui payent tout au prix fort. Avec leur chair, leur sang, leur vie.
Mais on ne sait pas. On ne sait pas du tout et peut-être est-ce choquant de parler de ça. Mais, moi j’y tiens. Parce que cette mort, ce n’est pas de la faute du mort, quelle que soit la raison.
Son cœur n’a plus voulu, pas pu. Pas un battement de plus, tout a failli. Tout ce qu’avec quoi il tenait bon a failli. Le cœur s’est fendu.