Qui pourrait dire qu’un employé de nos armuriers qui travaille pour un gras salaire sur les mines anti-personnelles ou les armes biologiques est plus utile à la société que M. René, chômeur senior sans espoir de retour à l’emploi et qui passe son temps a donner du soutien scolaire à nos enfants ?
Notre société nous éduque à lui nuire
Je suis ingénieur. On m’a donné un diplôme qui, sans me protéger de tout, me donne toutes les chances. Et je m’en suis servi : j’ai tout. En tout cas, j’ai tout ce qui pour moi fait une vie bien privilégiée, je ne souhaite rien de plus. Quand je regarde mes amis ingénieurs, l’immense majorité travaille, comme moi il y a peu, pour des grosses boites et mettent leur « génie » au service d’empires économiques sans avoir la moindre maîtrise de ce qu’ils font et pourquoi ils le font. Quand tu penses que des ingénieurs travaillent à l’obsolescence programmée, et on nous dira qu’il n’y a pas de sot métier.
Il y a deux ans ma femme et moi avons pris une décision un peu folle : tout larguer pour aller s’installer au bord de la mer. La chance a été de la partie : un ami m’a offert un emploi de rêve, je travaille de chez moi sur des choses que j’aime. Le pied absolu.
Cela n’empêche que je me suis posé beaucoup de questions à cette époque sur ce que j’allais faire de ma vie. Je débarquais dans un environnement de rêve, mais quitter un boulot stable de cadre en région parisienne pour aller s’enterrer au fond du Morbihan, ce n’était pas très responsable en terme de carrière...
J’ai encore des proches qui croient que j’ai fait ça pour faire plaisir à ma Dame. Ils n’imaginent pas que c’est moi qui ai eu l’envie, celle de changer d’air, de quitter ce cirque insensé où je fanais.
Lorsque je suis arrivé, tout à mon émerveillement, j’étais plein d’envies, de volonté de faire quelque chose de bien. J’ai pensé à 10 000 trucs pour mettre mes modestes connaissances au service de la commune, de l’école, du collège, des vieux... Et le constat est simple : à chaque fois que je pensais à quelque chose d’utile à la société, c’était impossible de pouvoir en vivre. Et tous les trucs qui me semblaient avoir une chance de marcher étaient au mieux inutiles, plus souvent nuisibles. Donc hors de question.