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    • Idem ici (Lyon), je dois déjà en avoir discuté sur ST. Fibre dite « pro », déployée par délégation de service public, les techniciens eux mêmes m’indiquaient qu’à chaque connexion, ils doivent corriger une ou des soudures, et qu’une installation sur deux n’est tout simplement pas possible. Du fait, comme tu le dis, de la sous-traitance en cascade et de l’absence de validations des réseaux au fur et à mesure de leurs installations.

    • Pour moi, cela a été deux ans de galère avec la fibre Orange et Free, #incompétence des opérateurs à tous les étages.
      Il y a 3 ans, je déménage dans un logement accessible à la fibre, mais free m’y installe l’ADSL. Quand, en RDV IRL je demande la fibre à Free, il m’est conseillé d’aller temporairement chez Orange, ce que je fais. Il faut que je tempête pendant plus de 6 mois pour avoir à peu près la fibre orange correctement raccordé mais avec un débit équivalent à l’ADSL. Moins d’un an après, comme prévu, je retourne chez free qui met un an, oui, un an ! à se raccorder sur la fibre qu’Orange n’a pas — d’après le technicien en chef qui s’est déplacé spécialement — branché correctement avec les fiches des 4 opérateurs et a évalué ma connexion fibre comme inexistante.
      je souligne en gras ce que vous devez absolument exiger des installateurs !
      Résultat : un appel toute les semaines pendant un an à free + paiement plein pot à Orange = zéro remboursement de free, vraie honte à ces services de merde, pas d’autre mot.

      Installation de la fibre que l’on voit au-dessus de la marquise ! On peut s’en servir au choix comme fil à linge ou comme tyrolienne.

      Exemple hallucinatoire de la lettre envoyée à Orange :

      Bonjour Madame xxx,
      comme convenu suite à notre rendez vous de ce matin 26 octobre, je vous fais parvenir les photos de l’installation désastreuse de la fibre, puis de sa désinstallation avec le camion dans la cour de la copropriété qui a endommagé le portail en ressortant, celui_ci fermant difficilement maintenant (Voir photos).
      Si nécessaire, j’ai plusieurs témoins comme mes voisins et copropriétaires habitant à l’étage.
      Le 9 octobre après leur première visite où il s’avérait que leur nacelle était trop petite, les techniciens ont repoussé (à plusieurs reprises) leur venue m’obligeant à laissé garé ma voiture en tampon dans la rue pour leur réserver la place. Ma voiture est ainsi restée plusieurs semaines bloquée en attente de leur intervention.
      Le 16 octobre, les techniciens sont revenus tirer la fibre mais dans des conditions telles que je vous confirme avoir refusé de signer la fin de l’installation de la fibre et suis même venue à votre boutique vous prévenir de mon désaccord.
      Les techniciens reconnaissaient leur erreur de pose, mes copropriétaires et moi même avions en effet refusé le passage de la fibre à quelques centimètres au dessus de la marquise de la porte d’entrée de la maison, le cable noir traversait ensuite la cour sous la fenêtre de ma voisine. (Voir photos)
      Ils s’étaient engagés pour le lendemain à réaliser une nouvelle pose, cette fois esthétique qui emprunterait les mêmes passages que les différents cables électriques existants déjà, c’est à dire à l’extérieur à droite le long de la maison.
      Quand à l’intérieur, la fibre faisait le tour de toutes les portes du couloir avec deux boitiers fibres qui servaient de rallonge, le câble étant trop court.(Voir photos)
      Les techniciens ne sont pas revenus le lendemain et ont repoussé d’une semaine leur retour puis à nouveau de plusieurs jours, pour revenir au final seulement à la date du 24 octobre, m’obligeant à bloquer ma voiture tout ce temps. N’ayant pas trouvé de nacelle assez haute pour réaliser ce dont nous avions pourtant convenu, leur seule proposition fût de modifier l’emplacement du câble en le conservant à l’aplomb de la marquise mais un peu plus haut, la fibre passant cette fois devant la fenêtre de ma voisine. (Voir photo)
      Le 24 octobre les techniciens ont donc retiré entièrement la fibre qui traversait la cour en attente d’une solution esthétique correcte. J’ai été très affectée par ces épisodes épuisants et j’ai perdu beaucoup de temps et d’énergie avec des promesses non tenues, il n’est pas question que cette équipe revienne chez moi.
      Ma situation professionnelle est devenue catastrophique alors que je suis indépendante en création de sites internet :
      Non seulement je n’ai plus de fibre orange mais je n’ai également plus de freebox (coupée suite à portabilité immédiate du 09 sur orange ...) donc plus de téléphone 09, mais également plus de forfait sur le 06xxxx puisque j’ai du faire mes appels vers les portables avec. D’autant que je ne peux même pas réclamer de dédommagements à Free qui m’avait laissé sans ADSL pendant 3 semaines, ce qui m’avait conduit à m’adresser à vous pour la fibre. Et évidemment je n’ai plus de télévision depuis le 21 septembre.
      REf courrier 21464 arrivé le 23 octobre dans ma boite aux lettres et daté du 16 octobre
      Je vous demande donc d’agir dans les meilleurs délais pour m’envoyer une autre équipe professionnelle de techniciens installateurs qui sauront installer proprement la fibre.
      Je vous demande également d’intervenir pour faire réparer le portail endommagé.
      En vous remerciant de votre intervention rapide.

      Précision : j’habite en centre ville et on peut imaginer ce que cela donnerait ailleurs …

      Mon débit fibre Free aujourd’hui …

    • Ça va dépendre de la qualité professionnelle des sous traitants, souvent formés à l’arrache et payés au lance pierre. Si ton bled est en fibre, c’est peut-être gage que ça ira mieux pour toi :) Faut vraiment s’assurer que le raccordement depuis la boite de répartition dans la rue est fait pour que n’importe quel opérateur puisse s’y brancher facilement ensuite, donc 4 boites. Ça te permet d’être libre de changer d’opérateur tous les ans, à priori bien entendu, parce qu’ils font tout pour te faire payer plein pot après l’année de promotion. Mais aussi, savoir que les cables de la fibre ne doivent jamais être pliés à 45°, ça casse la fibre et ralentit bêtement le débit sans que tu saches pourquoi. Donc pas question de faire le tour des portes comme ici

      surtout quand il est possible de la faire courir au plafond ou dans les goulottes. Pour ça, il faut être présent et réfléchir avant où ça passera et exiger ce que tu veux, c’est ton droit et il faut savoir résister à des gentils crétins qui font n’importe quoi.

    • merci de l’info @ledeuns, le grand chef technicien free qui est venu avec l’équipe et avait l’air un peu plus éclairé était sceptique sur l’installation et les angles adoptés. Je ne trouve pas la référence sur le cable, ça devrait être inscrit.

    • De la propagande Orange dans ma boite mail pour la fibre. Monsieur sachiez-vous que votre immeuble est désormais raccordé à la fibre « magique » ? dernière étape, le raccordement dans votre logement (gratuit du ../.. au ../..) Jusqu’à un VRP Orange se pointe à ma porte : "blah-blah, bli-bli...de votre forfait FAI +sosh mobil à 35€, vous rajoutez 5€ et à vous la fibre"
      non merci, je ne suis pas intéressé et vos iPhone ou iPad tu te les colle au cul !

    • En Sarthe le conseil départemental a sorti 400 millions d’€ pour cabler tout le département, en imposant le raccordement des zones rurales en premier (histoire d’éviter les zones blanches de la téléphonie mobile) et surtout en vérifiant chaque point de branchement un par un !
      Il n’empêche qu’il y a de droles de bugs. Perso mon raccordement (entre le boitier et le logement) n’a été possible qu’en m’attribuant une adresse fictive (un numéro de ma rue qui n’existe pas !) et je suis loin d’être le seul dans ce cas.
      Le logiciel de référencement des adresse d’Orange est mal parametré. Alors que mon adresse etait bien référencée sur le site de l’Arcep (et éligible à la fibre) elle restait non-éligible chez Orange.
      J’habite au 227 rue Bidule (adresse de facturation) alors que l’adresse d’installation est 10 rue bidule !
      Le coup de l’adresse fictive permet de faire le raccordement (et ça marche) mais à moyen terme ça va être une catastrophe organisationnelle. Dans le cas d’un logement en location par exemple : celui qui aura fait installer la fibre va déménager, partir avec ses factures sur lesquelles est mentionnée « l’adresse d’installation » et lorsque le nouvel habitant demandera la connection en indiquant l’adresse postale, il se verra repondre « pas de branchement à cette adresse » .
      Un joyeux bordel en perspective.

    • Déjà documentés par Le Poulpe, les déboires du syndicat mixte Manche Numérique se poursuivent. Recrutement d’un directeur dans des conditions acrobatiques, panade financière, contrat dans le viseur de la justice, coup de pression d’Hervé Morin... Plus que jamais, l’organisme public, en charge du déploiement de la fibre, se trouve cerné par les affaires judiciaires et les soucis financiers.
      https://www.lepoulpe.info/internet-dans-la-manche-une-panade-financiere-sur-fond-denquetes-judiciai
      c’est paywall, mais ces enquête du Poulpe sont extrêmement bien documentées. Le Poulpe est un peu le médiapart de normandie dont il reprend beaucoup d’article.

  • #ýoutube-dl est un logiciel libre permettant de télécharger des vidéos depuis plusieurs plateformes de distribution (pas seulement #YouTube). Il était distribué à partir de la plateforme de développement de logiciels #GitHub (le Facebook des geeks), propriété de #Microsoft. Il vient d’être retiré, sans discussion et sans possibilité pour l’auteur de se défendre (à la cow-boy, comme souvent aux États-Unis) suite à une demande #DMCA de la #RIAA, le lobby d’Hollywood.

    L’ancien dépôt : https://github.com/ytdl-org/youtube-dl

    La lettre de la RIAA : https://github.com/github/dmca/blob/master/2020/10/2020-10-23-RIAA.md

    L’article de TechCrunch : https://techcrunch.com/2020/10/23/the-riaa-is-coming-for-the-youtube-downloaders

    Celui de ZDnet : https://www.zdnet.com/article/riaa-blitz-takes-down-18-github-projects-used-for-downloading-youtube-videos

    Un miroir (assez chargé en ce moment mais je pense que d’autres apparaitront) : https://git.rip/mirror/youtube-dl

    #copyrightMadness #appropriationIntellectuelle

  • Blog Stéphane Bortzmeyer : Fiche Mikrodystopies
    https://www.bortzmeyer.org/mikrodystopies.html

    Fiche de lecture : Mikrodystopies

    Auteur(s) du livre : François Houste
    Éditeur : C&F Éditions
    9-782376-620112
    Publié en 2020
    Première rédaction de cet article le 30 septembre 2020

    Beaucoup de gens sur Twitter ont déjà lu les Mikrodystopies, ces très courtes histoires d’un futur techniquement avancé mais pas forcément très heureux. Les voici réunies dans un livre, le premier livre de fiction publié chez C&F Éditions.

    Des exemples de Mikrodystopies ? « Le robot de la bibliothèque municipale aurait été l’assistant idéal s’il n’avait pas pris l’initiative de censurer certains ouvrages de science-fiction qu’il jugeait offensants. » Ou bien « La licence du logicielle était claire : pour chaque faute d’orthographe corrigée, le romancier devait reverser une partie de ses droits d’auteur à la société qui avait créé ce traitement de texte. » Ou encore, en temps de pandémie, « Les robots de l’entreprise firent valoir leur droit de retrait, invoquant les pare-feu insuffisants du réseau informatique. ». Oui, je l’avais dit, ce sont des courtes histoires, qui se tiennent dans les limites du nombre de caractères que permet Twitter, mais je trouve chacune d’elles pertinente, et mettant bien en évidence un problème de notre société et de son rapport avec la technique.

    Fallait-il publier ces histoires que tout le monde peut lire sur Twitter ? Je vous laisse en juger mais, moi, cela m’a beaucoup plu de les découvrir ou de les redécouvrir sur mon canapé. Et en plus le livre est beau comme l’explique Nicolas Taffin.

    #Mikrodystopies #François_Houste #C&F_éditions

  • « Assessing the Privacy Benefits of Domain Name Encryption » une étude de la #viePrivée avec les techniques récents de défense du #DNS et de #TLS.

    L’article montre que, même avec du SNI chiffré <https://www.bortzmeyer.org/8744.html>, et avec #DoT/#DoH, l’adresse IP du serveur est souvent un bon moyen de retrouver le domaine car beaucoup de serveurs n’hébergent qu’un petit nombre de domaines. Si l’attaquant maintient une base noms<->adresses, il peut facilement retrouver le nom.

    https://arxiv.org/abs/1911.00563

    Bonne analyse, bien fouillée et avec plein de détails quantitatifs.

    Parmi les suggestions des auteurs, demander aux hébergeurs de changer souvent les adresses IP allouées aux clients (pour casser les bases mentionnées plus haut). D’après DNSDB, seenthis.net n’a pas changé d’adresse IP (217.182.178.243) depuis plus de trois ans... Et 217.182.178.243 n’héberge que SeenThis.

  • Hier, dimanche 30 août vers 10:00 h UTC, l’opérateur Internet #Level3 (désormais racheté par #CenturyLink mais l’ancien nom reste connu) a connu une panne sérieuse. (Une des premières alertes publiques était https://twitter.com/g_bonfiglio/status/1300022993251446785). Compte-tenu de l’importance de Level3/CenturyLink, un des plus gros Tier1 (ces opérateurs Internet qui n’achètent pas de transit, car ils sont présents partout et s’appairent entre eux), cela a affecté beaucoup de gens sur l’Internet. Plein de signalements d’injoignabilité.

    Le problème a surtout affecté la vieille version du protocole Internet, IPv4. Souvent la version actuelle, IPv6, elle, marchait.

    La panne a d’abord été atténuée par la décision de nombreux opérateurs de couper leurs sessions #BGP avec Level3/CenturyLink), entre 11:00 et 13:00 h UTC. (Cela ne résolvait évidemment rien pour les gens qui n’étaient connectés que via CenturyLink et, de toute façon, les routeurs de Level3 ont continué à annoncer des routes pour des sessions coupées !) Puis Level3/CenturyLink a réparé vers 15:00 h UTC. Il était d’autant plus difficile de faire une réponse coordonnée que certains étaient déconnectés. Mais les autres Tier1 ont pu s’arranger via IRC, qui ne dépend pas de services centralisés contrairement aux outils appréciés du marketing. https://twitter.com/JobSnijders/status/1300068892719697920

    Il paraitrait que ce serait la faute de #FlowSpec (cf. https://www.bortzmeyer.org/5575.html) mais rien n’est sûr à l’heure actuelle. https://puck.nether.net/pipermail/outages/2020-August/013229.html et https://twitter.com/acontios_net/status/1300695692357271553/photo/1 (la description complète du problème par CenturyLink n’est pas publique, elle n’est envoyée qu’aux clients, certains l’ont fait suivre).

    Attention, compte tenu du caractère très visible de la panne, il a pu être tentant pour certains de tout lui attribuer. C’est ce qu’a fait #Telefoot https://twitter.com/telefoothelp/status/1300084662602211328 alors qu’il n’est pas sûr qu’il y ait un rapport.

    Cloudflare https://blog.cloudflare.com/analysis-of-todays-centurylink-level-3-outage et Qrator https://radar.qrator.net/blog/another-centurylink-bgp-incident ont écrit des excellents articles techniques à ce sujet. Pour l’activité #BGP anormale que cite Cloudflare, on peut aussi regarder ce qu’a vu RIPE Stat : https://stat.ripe.net/widget/bgp-update-activity#w.starttime=2020-08-16T21%3A00%3A00&w.endtime=2020-08

    #CenturyLinkOutage #CenturyLinkDown

  • RFC 8890 : The Internet is for End Users

    Excellente question, ça. L’Internet est pour qui ? Qui sont les « parties prenantes » et, parmi elles, quelles sont les plus importantes ? Plus concrètement, la question pour l’#IETF est « pour qui bossons-nous ? » Quels sont les « clients » de notre activité ? Ce #RFC de l’IAB met les pieds dans le plat et affirme bien haut que ce sont les intérêts des utilisateurs finaux qu’il faut considérer avant tout.

    Le RFC (en anglais) : https://www.rfc-editor.org/info/rfc8890

    Un article (en anglais) de l’auteur : https://www.mnot.net/blog/2020/08/28/for_the_users

    Mon résumé (en français) : https://www.bortzmeyer.org/8890.html

  • On a lu récemment beaucoup de choses sur la « #sobriété_numérique » et sur la nécessité de diminuer notre usage de numérique pour sauver la biospĥère. Cela a culminé avec la proposition du #Conseil_National_du_Numérique d’interdire les tarifications forfaitaires sur l’Internet. Malheureusement, la plupart des textes publiés sont très approximatifs (ah, ces consommations indiquées en kWh/an…), voire franchement faux. Il est donc utile de réviser ses fondamentaux. Combien consomme le numérique, où ça, et comment diminuer cette consommation ?

    https://signal.eu.org/blog/2020/07/15/la-sobriete-numerique-oui-mais-pour-quoi-faire

    #physique #électricité #énergie #box #routeur #consomètre

  • StopCovid : une « éthique de la responsabilité ? »
    https://www.bortzmeyer.org/stopcovid-ganascia.html

    Le principal problème que je vois avec cette prise de position n’est pas sur le principe : je ne suis pas un moraliste pur, qui voudrait que les principes comme la défense de la vie privée aient le pas sur tout (il parait que Kant, lui, était comme ça). Il est sur le fait que, curieusement, Jean-Gabriel Ganascia défend le conséquentialisme en oubliant un de ses principes de base : l’efficacité. Si on défend des mesures mauvaises au nom de leurs résultats positifs, c’est la moindre des choses que d’évaluer quelle chance on a d’atteindre ces résultats. Or, il n’y a rien de tel dans l’article :

    – Aucun mot sur les tests, actuellement en nombre très insuffisant alors que, justement, une application de suivi de contacts n’a de sens que si on teste les personnes, pour pouvoir ensuite prévenir leurs contacts qu’ils se sont approchés d’une personne contaminée.
    – Aucune estimation de l’efficacité de l’application prévue. Jean-Gabriel Ganascia dit simplement qu’iil faut faire quelque chose donc que StopCovid est une bonne solution, sans étudier ses forces et ses faiblesses, qui ont pourtant été largement discutées publiquement.

    Bref, il n’est pas un conséquentaliste conséquent. Il défend les applications de suivi de contacts au nom de l’éthique de responsabilité. Si on le suit, cela veut dire que ces applications peuvent être éthiques, même si elles violent la vie privée. (Notez que d’autres défenseurs de ces applications ont un autre angle d’attaque, affirmant bien haut qu’elles ne violent en rien la vie privée. La communication autour de StopCovid a changé dans le temps.) Mais cela n’implique pas forcément que ces applications soient éthiques, il leur reste encore à prouver leur efficacité. La fin justifie les moyens, peut-être mais des moyens non éthiques et qui ne permettent pas d’atteindre la fin auraient quelle légitimité ?

  • Blog Stéphane Bortzmeyer : Qui contrôle votre ordiphone et qui devrait avoir ce pouvoir ?
    https://www.bortzmeyer.org/smartphones-controle.html

    Dans ce cas précis, le problème portait sur le Bluetooth et plus précisément sur son activation permanente par une application, même quand elle est en arrière-plan sur l’ordiphone. Le système d’exploitation d’Apple, iOS (mais, apparemment, également son concurrent Android) ne permet pas cela. Bluetooth est en effet très dangereux pour la sécurité, permettant à tout appareil proche de parler avec le vôtre, et surtout pour la vie privée. Compte tenu de l’attitude des commerçants vis-à-vis de la vie privée, des scénarios de type « Black Mirror » seraient possibles, si les applications pouvaient laisser le Bluetooth fonctionner discrètement, par exemple de la surveillance de clients dans un magasin, pour identifier les acheteurs potentiels. Il est donc tout à fait normal qu’iOS ne permette pas cela. C’est aussi pour cela que l’ANSSI recommande, à juste titre, « Les interfaces sans-fil (Bluetooth et WiFi) ou sans contact (NFC par exemple) doivent être désactivées lorsqu’elles ne sont pas utilisées ».

    OK, dans ce cas bien précis, Apple a raison. Mais généralisons un peu le problème : qu’ils aient raison ou pas, est-ce normal qu’une entreprise privée étatsunienne prenne ce genre de décisions ? Et, si ce n’est pas Apple ou Google (qui gère Android), alors qui ?

    Bon, maintenant, assez râlé, qu’est-ce que je propose ? Certainement pas de lancer le Nième grand projet national de développement d’un système souverain, projet qui finira soit en échec gaspilleur soit, pire, en un autre système fermé ne laissant aucune souveraineté aux citoyens et citoyennes. L’important est au contraire d’ouvrir le choix. Il ne s’agit pas de n’avoir le choix qu’entre deux systèmes privateurs mais au contraire de faire en sorte que les utilisateurs et utilisatrices d’ordiphones (et d’ordinateurs tout court, d’ailleurs) aient accès à plusieurs choix possibles. Un monopole de Capgemini ne serait pas meilleur qu’un monopole de Google ! Le pluralisme est en effet la meilleure garantie contre les abus du pouvoir. Si les auteurs d’un système d’exploitation tentent d’abuser de leur pouvoir, on peut espérer que les autres suivront un chemin différent. Notez que le fait d’avoir des systèmes d’exploitation différents est une condition nécessaire mais pas suffisante. Il faut aussi :

    Que les systèmes offrent un réel choix. Actuellement, le duopole Apple+Google leur permet trop facilement de s’entendre sur tel ou tel choix.
    Que le matériel permette de changer réellement de système d’exploitation, au contraire de la plupart des ordiphones d’aujourd’hui, verrouillés contre toute installation d’un système alternatif. Le problème n’est pas seulement Apple+Google : les fabricants de matériel, ainsi que les opérateurs téléphoniques qui distribuent des ordiphones, ont également une part de responsabilité.
    Que les systèmes d’exploitation en question soient du logiciel libre, autrement, l’utilisateur n’aurait pas davantage de souveraineté qu’aujourd’hui, quelle que soit l’organisation qui a développé ce système.

    #Souverainisme #Systèmes_exploitation #Stéphane_Bortzmeyer

    • Du coup, je « linke » :
      (Article du 14/04/2020)
      https://www.laquadrature.net/2020/04/14/nos-arguments-pour-rejeter-stopcovid

      Hier, Emmanuel Macron a invité le Parlement à débattre de l’éventuelle application StopCovid développée par son gouvernement. Nous venons d’envoyer aux parlementaires le résumé de nos arguments (PDF, 1 page), tel que repris ci-dessous.

      L’application StopCovid serait inutile, dangereuse pour nos libertés et pourrait même aggraver la situation sanitaire. L’administration et le Parlement doivent cesser d’investir toute ressource humaine ou économique dans ce projet vain et dangereux. L’urgence est partout ailleurs.

    • Décrié, le style café du commerce (une expression qui discrédite l’échange entre personnes quelconques...) valorise aussi le sens de la formule. Dire « probablement car il n’y a pas de tests disponibles » passe pas pour de l’understatement et de la finesse, mais bien pour une énorme euphémisation, voire une généreuse politesse de principe, ici très mal adressée.

      #Pénurie => #placebo (finalement on s’occupe de tout, ayez confiance, ça ira mieux)

    • Mais surtout, une application n’a de sens que si on teste les gens, pour savoir qui est contaminé. Comme on peut apparemment être contagieux et pourtant asymptomatique (pas de maladie visible), il faut tester ces personnes asymptomatiques (qui sont sans doute celles qui risquent de contaminer le plus de gens puisque, ignorantes de leur état, elles sortent). Or, Macron a bien précisé dans son discours du 13 avril qu’on ne testerait pas les personnes asymptomatiques (probablement car il n’y a pas de tests disponibles). Cela suffit à rendre inutile toute application, indépendamment des techniques astucieuses qu’elle utilise, car l’application elle-même ne peut pas déterminer qui est malade ou contagieux.

    • Chopé cet article sur « la Toile » il y a 5 minutes mais comme j’y pige pas grand chose en « développement » logiciel et aux « protocoles », je ne sais pas trop ce que ça vaut.
      En tout cas ça parle aussi de #ROBERTprotocol mais ça commence un peu de manière « putaclic ». Voyez plutôt...

      Sur le pan du traçage numérique dans la lutte contre le coronavirus, l’État a pris les choses en main, comme en témoigne la récente allocution du président de la République, Emmanuel Macron. Du côté de la recherche, les scientifiques allemands et français avancent et ont publié, samedi, leur proposition technique concernant ce système. Clubic vous en libre les détails.

      https://www.clubic.com/coronavirus/actualite-892093-tracage-numerique-chercheurs-francais-allemands-annoncent-p

    • @Sombre Difficile d’imaginer un article plus nul (c’est Clubic, quoi). Même sur les faits de base, ils racontent n’importe quoi (pas d’italiens ni de suisses dans ROBERT, ils confondent avec l’ex PEPP-PT.)

      Et ils présentent le choix de Bluetooth comme une nouveauté alors qu’il est commun à tous les autres protocoles (comme PACT ou DP3T), publiés bien avant.

      Et aucune analyse critique, aucun recul (ils reprennent l’élément de langage « crypto-identifiant » alors qu’il n’y a pas de crypto dans ROBERT). Bref, c’est du dossier de presse mal recopié.

    • toutes mes confuses @stephane pour l’envoi précédent, un post beaucoup trop rapide, la première formulation rencontrée m’ayant fait cesser la lecture... comme @supergeante l’a de suite indiqué, ton article fait cas de l’enjeu du dépistage de manière claire. J’ai sur-réagi, sans doute aussi parce que les annonces de Véran il y a quelques semaines relevait du jeu de bonneteau, ce qui n’a guère été relevé : à la critique du manque de test PCR, ils ont répondu par la promesse de tests sérologiques ; bref, j’ai complètement loupé la tactique rédactionnelle dont tu as fait usage (ne pas dévoiler d’emblée des arguments qui viendront en leur temps, de façon plus efficace).

      #test_PCR

    • Nous ne testerons pas les asymptomatiques. C’est con. C’est là que c’est le plus utile. La personne avec 39 de fièvre, la perte de goût et des pbs respiratoires, tu peux tamponner sans tester. Les enfants par contre, ces nids à merde, déjà faut pas les mettre en contact et puis faut les tester tous les soirs. On réouvre les écoles pour faire plaisir au MEDEF.
      Un test n’a d’intérêt que s’il permet de choisir un meilleur comportement que le doute ne le permet.

  • Why the quantum internet should be built in space - MIT Technology Review
    https://www.technologyreview.com/s/614994/why-the-quantum-internet-should-be-built-in-space

    And that raises an interesting question: How should scientists and engineers go about the task of building a quantum internet that spans the globe?

    Today we get an answer thanks to the work of Sumeet Khatri and colleagues at Louisiana State University in Baton Rouge. This team has studied the various ways a quantum internet could be built and say the most cost-effective approach is to create a constellation of quantum-enabled satellites capable of continuously broadcasting entangled photons to the ground. In other words, the quantum internet should be space-based.

    So another option is to create the entangled pairs of photons in space and broadcast them to two different base stations on the ground. These base stations then become entangled, allowing them to swap messages with perfect secrecy.

    In 2017, a Chinese satellite called Micius showed for the first time that entanglement can indeed be shared in this way. It turns out that photons can travel much further in this scenario because only the last 20 kilometers or so of the journey is through the atmosphere, provided the satellite is high in the sky and not too close to the horizon.

    Khatri and co say that a constellation of similar satellites is a much better way to create a global quantum internet. The key is that to communicate securely, two ground stations must be able to see the same satellite at the same time so that both can receive entangled photons from it.

    At what altitude should the satellites fly to provide coverage as broad as possible? And how many will be needed? “Since satellites are currently an expensive resource, we would like to have as few satellites as possible in the network while still maintaining complete and continuous coverage,” say Khatri and co.

    To find out, the team modeled such a constellation. It turns out there are a number of important trade-offs to take into account. For example, fewer satellites can provide global coverage when they orbit at a high altitude. But higher altitudes lead to greater photon losses.

    Also, satellites at lower altitudes can span only shorter distances between base stations, because both must be able to see the same satellite at the same time.

    Given these limitations, Khatri and co suggest that the best compromise is a constellation of at least 400 satellites flying at an altitude of around 3,000 kilometers. By contrast, GPS operates with 24 satellites.

    #Internet #Internet_quantique #Espace #Satellites_communication

  • Un système anti-censure qui évolue en autonomie : #Geneva

    La lutte technique de la #liberté_d_expression contre la #censure sur l’Internet n’est pas près de s’arrêter. Chaque fois que les censeurs conçoivent de nouvelles techniques, les défenseurs de la liberté mettent au point de meilleurs méthodes pour leur échapper, les censeurs améliorent alors leurs techniques, et ainsi de suite. La partie est donc difficile pour ceux et celles qui réalisent des dispositifs anti-censure, car il faut en permanence suivre et s’adapter. D’où l’idée d’un système qui évolue « tout seul ». Le génial Geneva utilise le concept des #algorithmes_génétiques, pour s’adapter à la censure et évoluer automatiquement en même temps qu’elle.

    https://www.bortzmeyer.org/geneva.html

    #algorithme_génétique #censure_Internet

  • RFC 8700: Fifty Years of RFCs | Blog @stephane Bortzmeyer
    https://www.bortzmeyer.org/8700.html

    Ce nouveau #RFC marque le cinquantième anniversaire des RFC. Le RFC 1 avait en effet été publié le 7 avril 1969. Ce RFC 8700, publié avec un certain retard, revient sur l’histoire de cette exceptionnelle série de documents.

    Il y avait déjà eu des RFC faisant le bilan de la série, à l’occasion d’anniversaires, comme le RFC 2555 pour le trentième RFC, et le RFC 5540 pour le quarantième. La série a évidemment commencé avec le RFC 1, cinquante ans auparavant, et donc dans un monde très différent. À l’époque, les RFC méritaient leur nom, ils étaient été en effet des « appels à commentaires », prévus non pas comme des références stables, mais comme des étapes dans la discussion. En cinquante ans, les choses ont évidemment bien changé, et les RFC sont devenus des documents stables, intangibles, et archivés soigneusement. Logiquement, le processus de création des RFC a également évolué, notamment vers un plus grand formalisme (on peut même dire « bureaucratie »).

    Plus de 8 500 RFC ont été publiés (il existe quelques trous dans la numérotation ; ainsi, le RFC 26 n’a jamais existé…) Les plus connus sont les normes techniques de l’Internet. La description précise de HTTP, BGP ou IP est dans un RFC. Mais d’autres RFC ne normalisent rien (c’est le cas du RFC 8700, sujet de cet article), ils documentent, expliquent, suggèrent… Tous les RFC ont en commun d’être publiés puis soigneusement gardés par le RFC Editor, une fonction assurée par plusieurs personnes, et aujourd’hui animée par Heather Flanagan, auteure de ce RFC 8700, mais qui a annoncé son départ.

    Cette fonction a elle aussi une histoire : le premier RFC Editor était Jon Postel. À l’époque c’était une fonction informelle, tellement informelle que plus personne ne sait à partir de quand on a commencé à parler du (ou de la) RFC Editor (mais la première mention explicite est dans le RFC 902). Postel assurait cette fonction en plus de ses nombreuses autres tâches, sans que cela n’apparaisse sur aucune fiche de poste. Petit à petit, cette fonction s’est formalisée.

    Les changements ont affecté bien des aspects de la série des RFC, pendant ces cinquante ans. Les premiers RFC étaient distribués par la poste ! Au fur et à mesure que le réseau (qui ne s’appelait pas encore Internet) se développait, ce mécanisme de distribution a été remplacé par le courrier électronique et le FTP anonyme. Autre changement, les instructions aux auteurs, données de manière purement orales, ont fini par être rédigées. Et l’équipe s’est étoffée : d’une personne au début, Postel seul, le RFC Editor a fini par être une tâche assurée par cinq à sept personnes. Autrefois, la fonction de RFC Editor était liée à celle de registre des noms et numéros, puis elle a été séparée (le registre étant désormais PTI). Puis la fonction de RFC Editor a été structurée, dans le RFC 4844, puis RFC 5620, enfin dans le RFC 6635. Et l’évolution continue, par exemple en ce moment avec le changement vers le nouveau format des documents (voir RFC 7990). Dans le futur, il y aura certainement d’autres changements, mais le RFC Editor affirme son engagement à toujours prioriser la stabilité de la formidable archive que représentent les RFC, et sa disponibilité sur le long terme (RFC 8153).

    #histoire

  • À propos du livre de Zeynep Tufekci "Twitter & les gaz lacrymogènes"

    Bonjour,

    En ce 5 décembre, alors que la France se couvre de manifestations, c’est un bon moment pour revenir sur le livre de Zeynep Tufekci "Twitter & les gaz lacrymogènes".

    Dans ce livre très incisif, l’activiste, informaticienne et sociologue Zeynep Tufekci décortique les mouvements sociaux connectés. En quoi et comment les médias sociaux changent l’activité militante et les mouvements de masse en leur offrant écho et outil de coordination, d’un côté. En quoi la concentration et le caractère privé des médias sociaux et de leurs algorithmes peuvent détourner l’attention des causes défendues par les mouvements, de l’autre.

    Après avoir reçu un très bon accueil aux États-Unis, les premières lectures et recensions de ce livre majeur commencent à paraître en France :

    – « Mobilisation connectée : aller au-delà du coup d’éclat »
    par Sandrine Samii dans Le nouveau Magazine Littéraire.
    https://www.nouveau-magazine-litteraire.com/soci%C3%A9t%C3%A9-nouvelles-technologies/mobilisation-connect%C3%A9e-aller-au-del%C3%A0-du-coup-

    – « Fiche de lecture : Twitter & les gaz lacrymogènes »
    par Stéphane Bortzmeyer sur son blog.
    https://www.bortzmeyer.org/twitter-gaz-lacrymos.html

    – « Zeynep Tufekci, Twitter et les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée »
    par Matthieu Demory dans "Lectures/Lien Socio".
    https://journals.openedition.org/lectures/38417

    Au delà d’un compte rendu critique, la recension de Gustave Massiah, militant altermondialiste, membre du Secrétariat international du Forum Social Mondial, et infatigable activiste de la solidarité internationale dans de nombreuses associations, mérite une attention particulière.

    Gus Massiah, au delà d’une recension du contenu du livre s’est livré à un exercice dynamique : quelles leçons tirer de cet ouvrage qui puisse servir les mouvements sociaux connectés du XXIe siècle. Une version raccourcie de ce papier sera publiée dans la revue Ecorev au début de 2020. Nous avons ajouté une version pdf à télécharger de son article complet sur notre site :
    https://cfeditions.com/lacrymo

    Car au fond, l’intérêt d’un livre, c’est que chacun·e puisse poursuivre la réflexion entamée. C’est pour cela que, depuis la naissance de l’imprimerie, les livres ont accompagné tous les mouvements d’émancipation.

    En ce premier jour d’un mouvement social en France, je voudrais termioner en citant la conclusion de l’article de Sandrine Samii dans Le Nouveau Magazine Littéraire :

    « Publié en 2017 chez Yale University Press, l’essai n’aborde pas l’évolution hong-kongaise, les marches féministes, ou les mouvements français comme Nuit debout et les gilets jaunes. La pertinence de la grille de lecture qu’il développe pour analyser les grands mouvements connectés actuels en est d’autant plus impressionnante. »

    Bonne lecture,

    Hervé Le Crosnier

    #Zeynep_Tufekci #C&F_éditions

  • Blog Stéphane Bortzmeyer: Fiche (Cyber) harcèlement
    https://www.bortzmeyer.org/cyber-harcelement.html

    Auteur(s) du livre : Bérengère Stassin
    Éditeur : C&F Éditions
    978-2-915825-94-7
    Publié en 2019
    Première rédaction de cet article le 27 octobre 2019

    Le sujet du harcèlement dans l’enseignement est douloureux mais il est quand même nécessaire de l’étudier. Il ne se réduit pas au cyberharcèlement, et il n’est même pas sûr que le cyberharcèlement soit si différent que cela du harcèlement classique, comme l’indique le titre de ce livre, qui met « cyber » entre parenthèses. En outre, ce sujet se prête au sensationnalisme, et les articles sur quelques cas spectaculaires masquent souvent la réalité du phénomène. On peut donc féliciter l’auteure d’avoir abordé le sujet sous un angle plus scientifique, en s’appuyant sur des faits, et en étudiant le phénomène sous tous ses aspects, afin de mieux pouvoir le combattre.

    C’est d’autant plus important que les exagérations et les approximations qui sont fréquentes lorsqu’on parle du cyberharcèlement ont souvent des but cachés. Par exemple, les politiciens français dénoncent souvent l’anonymat sur l’Internet comme étant lié au harcèlement, et réclament son abolition, alors que Bérengère Stassin fait remarquer que, dans la plupart des affaires de harcèlement scolaire, la victime sait parfaitement qui sont ses harceleurs. Mais la vérité ne compte pas quand on veut faire passer une nouvelle loi.

    Et, si les médias et les autorités parlent si souvent du cyberharcèlement (et très peu du harcèlement tout court), c’est que cela sert aussi à diaboliser les outils de communication modernes, qui les concurrencent. On voit ainsi des campagnes de sensibilisation anxiogènes, qui ne présentent l’Internet que comme un outil de harcèlement.

    Revenons au livre. L’auteure commence par recadrer le problème dans l’ensemble des phénomènes de harcèlement à l’école, malheureusement fréquents. (Elle fait aussi remarquer que les cas les plus dramatiques, se terminant parfois par un suicide de la victime, font parfois oublier qu’il existe un harcèlement de masse, pas aussi grave mais beaucoup plus fréquent.) Le harcèlement scolaire a été étudié depuis longtemps par les spécialistes, même s’il n’existe évidemment pas de solution miracle. Le harcèlement massif est difficile à mesurer car il consiste en beaucoup de micro-agressions. Chaque agresseur a l’impression de ne pas avoir fait grand’chose, alors que c’est leur nombre qui fait la gravité du phénomène. Et le harcèlement est inégalement réparti entre les genres, les filles en étant plus souvent victimes.

    Comme toutes les activités humaines, le harcèlement s’est ensuite adapté à l’Internet et diverses formes de cyberharcèlement sont apparues, que l’auteure passe en revue en détail avec, pour chacune, ce que dit la loi. Mais la presse et les politiciens, toujours prêts à diaboliser le nouveau système de communication, ont rapidement entonné le discours « c’est la faute d’Internet et des écrans, les jeunes étaient mieux avant », quitte à inventer les faits, comme dans l’affaire du soi-disant Momo challenge. La réalité est pourtant bien assez grave comme cela, et plusieurs personnalités ont dénoncé publiquement le cyberharcèlement dirigé contre elles, par exemple Marion Seclin ou Nadia Daam. Ces trois premiers chapitres du livre sont difficiles à lire, car parlant de choses extrêmement douloureuses (même si les agresseurs les considèrent toujours avec légèreté) mais indispensables, pour avoir une idée claire du phénomène. Le livre détaille notamment les nombreuses études qui ont été faites, analysant les motivations des harceleurs (inutile de rappeler que comprendre, ce n’est pas excuser, n’est-ce pas ?)

    Une fois qu’on a étudié le harcèlement, reste à lutter contre lui. C’est l’objet du dernier chapitre. Au moins, maintenant, le problème est nommé et reconnu (ce n’était pas le cas il y a cent ans.) L’État s’en empare, le ministère fait des campagnes, et sensibilise, plusieurs associations sont actives (comme l’APHEE, Marion, la main tendue ou e-Enfance, cette dernière étant spécialisée dans la lutte contre le cyberharcèlement et, au passage, le livre contient énormément d’URL de ressources utiles pour lutter contre le harcèlement).

    Le livre ne fournit bien sûr pas de solution simple et magiquement efficace. Il liste de nombreuses initiatives, de nombreux endroit où trouver des informations et des idées. Les personnes impliquées dans la lutte contre le harcèlement, les enseignant·e·s par exemple, y trouveront des armes contre ces affreuses pratiques. Ne manquez pas également de visiter le blog de l’auteure.

    #C&F_éditions #Bérengère_Stassin #Stéphane_Bortzmeyer #Cyberharcèlement

  • Recension de « Twitter & les gaz lacrymogènes » par Stéphane Bortzmeyer
    https://www.bortzmeyer.org/twitter-gaz-lacrymos.html

    Beaucoup de textes ont été écrits sur le rôle de l’Internet, et des réseaux sociaux centralisés, comme Facebook ou Twitter, dans des évènements politiques. Ce fut le cas, par exemple, du printemps arabe. L’auteure explore, dans ce livre très riche et très rigoureux, tous les aspects de cette relation entre les militants et les techniques d’information et de communication. Twitter peut-il battre les gaz lacrymogènes ?

    Une des raisons pour lesquelles bien des discours sur les mouvements politiques utilisant l’Internet sont très unilatéraux est que beaucoup de leurs auteurs sont des férus de technique qui ne connaissent pas grand’chose à la politique, et qui découvrent comme s’ils étaient les premiers à militer, ou bien ils sont des connaisseurs de la politique, mais complètement ignorants de la technique, dont il font un tout, animé d’une volonté propre (les fameux « algorithmes »), et pas des outils que les gens vont utiliser. L’auteure, au contraire, informaticienne, puis chercheuse en sciences politiques, connait bien les deux aspects. Elle a étudié en profondeur de nombreux mouvements, les zapatistes au Mexique, Occupy Wall Street, l’occupation du parc Gezi, Black Lives Matter, les révolutions tunisienne et égyptienne, en étant souvent sur le terrain, à respirer les gaz lacrymogènes. (Les gilets jaunes n’y sont pas, bien que ce mouvement mériterait certainement d’être étudié dans son rapport à Facebook, mais le livre a été publié avant.) Et elle analyse le rôle de l’Internet, en chercheuse qui le connait bien, en voit les forces et les limites.

    Parmi les affordances de l’Internet, il y a le fait que beaucoup de choses sont possibles sans organisation formelle. Des mouvements très forts (comme celui du parc Gezi) ont été possibles sans qu’un parti traditionnel ne les structure et ne les dirige. Mais, bien sûr, cet avantage a aussi une face négative : puisque la nécessité d’une organisation n’est pas évidente, on peut se dire qu’on peut s’en passer. Au début, ça se passe effectivement bien, sans les lourdeurs bureaucratiques exaspérantes. Mais, ensuite, les problèmes surgissent : le pouvoir en place fait des ouvertures. Comment y répondre ? Ou bien il change de tactique, et le mouvement doit s’adapter. Et, là, l’absence d’un mécanisme de prise de décision commun se fait sentir, et beaucoup de mouvements s’affaiblissent alors, permettant à la répression de disperser ce qui reste.

    Léger reproche à l’auteure : elle ne discute pas ce qui pourrait arriver avec d’autres outils que les gros réseaux centralisés étatsuniens comme Facebook ou Twitter. Il est vrai qu’on manque encore d’exemples détaillés à utiliser, il n’y a pas encore eu de révolution déclenchée sur le fédivers ou via Matrix.

    Je n’ai donné qu’une idée très limitée de ce livre. Il est très riche, très nuancé, l’auteure a vraiment tenu à étudier tout en détail, et aucun résumé ne peut donc suffire. En conclusion, un livre que je recommande à toutes celles et tous ceux qui veulent changer le monde et se demandent comment faire. Il n’est ni optimiste, ni pessimiste sur le rôle de l’Internet dans les révolutions : « ni rire, ni pleurer, mais comprendre »

    #Zeynep_Tufekci #C&F_éditions #Stéphane_Bortzmeyer