Oeuvres ouvertes : Le Chenil (9)

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  • Suite du Chenil

    « Souvent, au milieu de la nuit, ils apparaissaient réellement autour de mon lit, assis en train de me fixer de leurs yeux qui brillaient dans l’obscurité, c’était des chiens de race pour la plupart, les mêmes que j’allais bientôt retrouver au chenil, la même attitude de chiens bien dressés et obéissants, pouvant rester des heures à attendre à côté de leur maître qu’il se lève pour le suivre, ils étaient assis autour de mon lit en silence, la gueule fermée, la tête toujours tournée vers moi, sans s’occuper de ce qui se passait dans la rue, d’ailleurs il ne se passait plus rien puisque tous les chiens étaient désormais dans ma chambre rassemblés autour de mon lit, à attendre quoi je l’ignorais, je restais allongé les yeux fermés, les ouvrais juste de temps en temps pour voir s’ils étaient encore là, et les statues de chien étaient toujours là, un doberman approchait son museau de mon nez, me reniflait puis me léchait une joue, ce dont j’avais horreur, pourtant je ne bougeais pas et le laissais faire, écœuré mais immobile, d’autres chiens à tour de rôle s’approchaient de moi et comme le doberman me léchaient le visage, j’avais le temps dans l’obscurité de plonger mes yeux dans les leurs, je sentais leurs poils effleurer ma peau, puis tout à coup la langue râpeuse et humide, je ne m’essuyais jamais le visage par crainte de les effrayer en sortant ma main de sous les draps, jusqu’au matin ils venaient vers moi et me léchaient le visage, jusqu’au matin ils restaient près de moi immobiles, sans faire de bruit, jusqu’au moment où rouvrant les yeux je voyais qu’ils avaient disparu, qu’il faisait jour dehors, et je pensais qu’ils étaient retournés dans la rue, qu’ils étaient allés se cacher quelque part dans les champs, sûr qu’ils reviendraient la nuit suivante. »

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