Critique radicale de la valeur

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  • « Déluge d’Al-Aqsa » : bain de sang, sacrifice et invitation au suicide | Passa Palavra
    https://passapalavra.info/2023/11/150718

    Pour l’« anti-impérialisme » d’aujourd’hui, qui est plutôt un alter-impérialisme, les élites russes et arabes sont des alliés objectifs, tout comme les prolétaires israéliens et américains sont des ennemis naturels.

    #anti-impérialisme #Hamas #Palestine #alter_impérialisme #impérialisme

  • Après le postcolonialisme, avant la décolonisation : À propos d’un concept tronqué de racisme, préface inédite de JustIn Monday au livre « La Double nature du racisme » (ed. Crise & Critique, 2023).
    http://www.palim-psao.fr/2023/10/apres-le-postcolonialisme-avant-la-decolonisation-a-propos-d-un-concept-t

    Si l’on veut caractériser l’état actuel du mouvement antiraciste allemand de manière pertinente, il suffit de se pencher sur la manière dont la campagne nationale «  Seebrücke[2]  » («  Pont maritime  ») se présente publiquement. Cette campagne fait l’objet d’un consensus au sein d’un large spectre de la gauche et organise des manifestations et autres actions urgentes et nécessaires pour soutenir les réfugié-es et les exilé-es. Ce qui la caractérise, c’est que dans son principal texte de présentation le mot «  racisme  » n’apparaît pas. Ce texte souligne certes ses propres objectifs «  d’un monde sans clôture, sans camps et sans expulsions  », mais n’explique pas qui isole, expulse et construit des camps, ni pour quels motifs. Au lieu de cela, le manque d’aide est dénoncé  : étant donné qu’il n’y a «  plus de solutions à attendre de l’Union européenne  » ni des États nationaux, tous-tes celles et ceux qui «  ne veulent pas rester inactifs-ves face aux catastrophes humanitaires telles que la mort en Méditerranée  » doivent désormais trouver des solutions à partir de la société civile et de la base[3]. Bien entendu, la plupart des personnes engagées dans la Seebrücke savent que l’Union européenne et les États nationaux ne restent pas les bras croisés face aux «  catastrophes humanitaires  » et que, par exemple, l’existence et la mission de Frontex ne sont pas seulement « pas une solution  », mais font partie du problème qui s’appelle «  racisme  ». Mais ce savoir n’est pas vraiment mis en avant dans la campagne.

    Toutefois, la Seebrücke n’est pas une de ces organisations de la société civile qui, par principe, par conviction ou pour ne pas effrayer certains groupes cibles, ne prononcent pas le mot «  racisme  ». Si vous lisez non seulement son texte de présentation, mais aussi les divers conseils pratiques à destination des militant-es, vous tomberez tout de même dessus. Dans l’entrée «  Do’s & Dont’s[4]  », un «  groupe de désintégration  » (Desintegrations-AG) exhorte les membres, dans une longue déclaration, à ne pas réaliser d’actions utilisant des images racistes. Cela va de «  pas de blackfacing  » à l’invitation à ne pas mettre en scène le «  white savourism  », en passant par le conseil d’éviter les expositions de photos qui objectivent la souffrance des réfugié-es.

    Le diagnostic explicite selon lequel il s’agirait là de pratiques racistes ne peut être contesté. Cependant, le contraste qui apparaît ici entre d’une part, la réticence à qualifier de racistes les pratiques et la constitution des institutions étatiques et d’autre part, la volonté simultanée de reprocher un racisme potentiel à ses propres soutiens est tout de même surprenant. Dans cette perspective, le racisme semblerait se manifester principalement dans les tentatives d’en atténuer les conséquences. C’est pourquoi la mise en avant du projet à la fin de la déclaration, non pas d’une société sans racisme, mais d’une «  société antiraciste, digne et solidaire  » relève probablement plus que d’une simple négligence linguistique. D’une certaine manière, on oublie la considération banale selon laquelle l’antiracisme n’est nécessaire que tant que les formes sociales sont racistes. La manière dont se développe le racisme, contre lequel même une société antiraciste doit encore lutter, reste floue, et la genèse du racisme actuel semble échapper à la réflexion dans les contextes antiracistes actuels. Le besoin de théorie sur le racisme a énormément régressé et le reste a été confié à la pédagogie.

    #racisme #anti-racisme #racisme_structurel #Allemagne (mais partout) #Frontex #capitalisme

  • Internationalisme et anti-impérialisme aujourd’hui

    http://www.palim-psao.fr/2023/10/internationalisme-et-anti-imperialisme-aujourd-hui-par-moishe-postone-ine

    [...] je propose de comprendre la propagation de l’antisémitisme et des formes antisémites apparentées de l’islamisme, à l’image de celles présentes chez les Frères musulmans égyptiens et leur branche palestinienne, le Hamas, comme la diffusion d’une idéologie anticapitaliste fétichisée, qui prétend donner un sens à un monde perçu comme menaçant. Même si cette idéologie a été attisée et aggravée par Israël ou la politique israélienne, sa caisse de résonance réside dans le déclin relatif du monde arabe sur fond d’une transition structurelle profonde du fordisme au capitalisme mondial néolibéral. Le résultat est un mouvement populiste anti-hégémonique profondément réactionnaire et dangereux, notamment pour tout espoir de politique progressiste au Moyen-Orient. Cependant, au lieu d’analyser cette forme de résistance réactionnaire dans le but de soutenir des formes de résistance plus progressistes, la gauche occidentale l’a soit ignorée, soit rationalisée comme une réaction regrettable mais compréhensible à la politique israélienne et aux États-Unis. Cette manifestation d’un refus de voir s’apparente à la tendance à concevoir l’abstrait (la domination du capital) dans les termes du concret (l’hégémonie américaine). J’affirme que cette tendance constitue l’expression d’une impuissance profonde et fondamentale, tant conceptuelle que politique.

    • L’une des ironies de la situation actuelle est qu’en adoptant une position anti-impérialiste fétichisée, l’opposition aux États-Unis ne s’adossant plus à un soutien à un changement progressiste, les libéraux et les progressistes ont permis à la droite néoconservatrice américaine de s’approprier, voire de monopoliser, ce qui a traditionnellement été le langage de la gauche : le langage de la démocratie et de la libération.

      […]

      Alors que pour la génération précédente, s’opposer à la politique américaine impliquait encore de soutenir explicitement des luttes de libération considérées comme progressistes, aujourd’hui, s’opposer à la politique américaine est en soi considéré comme anti-hégémonique. Il s’agit là paradoxalement d’un héritage malheureux de la Guerre froide et de la vision dualiste du monde qui l’accompagne. La catégorie spatiale du « camp » a remplacé les catégories temporelles des possibilités historiques et de l’émancipation en tant que négation historique déterminée du capitalisme. Cela n’a pas seulement conduit à un rejet de l’idée du socialisme comme dépassement historique du capitalisme, mais aussi à un déséquilibrage de la compréhension des évolutions internationales.

      […]

      La Guerre froide semble avoir effacé de la mémoire le fait que l’opposition à une puissance impériale n’était pas nécessairement progressiste et qu’il existait aussi des anti-impérialismes fascistes. Cette distinction s’est estompée pendant la Guerre froide, notamment parce que l’Union soviétique a conclu des alliances avec des régimes autoritaires, en particulier au Moyen-Orient, comme les régimes du Baas en Syrie et en Irak, qui n’avaient pas grand-chose en commun avec les mouvements socialistes et communistes. Au contraire, l’un de leurs objectifs était de liquider la gauche dans leurs propres pays. Par la suite, l’anti-américanisme est devenu un code progressiste en soi, bien qu’il y ait toujours eu des formes profondément réactionnaires d’anti-américanisme à côté des formes progressistes.

      #campisme #anti-impérialisme

    • Il est significatif qu’une telle attaque n’ait pas été menée il y a deux ou trois décennies par des groupes qui avaient toutes les raisons d’être en colère contre les États-Unis, comme les communistes vietnamiens ou la gauche chilienne. Il est important de comprendre l’absence d’une telle attaque, non pas comme un hasard, mais comme l’expression d’un principe politique. Pour ces groupes, une attaque visant en premier lieu des civils demeurait hors de leur horizon politique.

      […]

      Il existe une différence fondamentale entre les mouvements qui ne choisissent pas comme cible une population civile au hasard (comme le Viêt-Minh, le Viêt-Cong et l’ANC) et ceux qui le font (comme l’IRA, Al-Qaïda ou le Hamas). Cette différence n’est pas simplement tactique, elle est hautement politique, car la forme de la violence et la forme de la politique sont en relation l’une avec l’autre. Cela signifie que la nature de la société et de la politique futures sera différente selon que les mouvements sociaux militants feront ou non une distinction entre les objectifs civils et militaires dans leur pratique politique. S’ils ne le font pas, ils ont tendance à mettre l’accent sur l’identité. Cela les rend radicalement nationalistes dans le sens le plus large du terme, car ils travaillent avec une distinction ami/ennemi qui essentialise une population civile en tant qu’ennemie et rend ainsi impossible la possibilité d’une coexistence future. C’est pourquoi les programmes de ces mouvements ne proposent guère d’analyses socio-économiques visant à transformer les structures sociales (à ne pas confondre avec les institutions sociales que ces mouvements mettent en partie à disposition). Dans ces cas, la dialectique de la guerre et de la révolution du xxe siècle se transforme en une subordination de la « révolution » à la guerre. Ce qui m’intéresse ici, cependant, a moins à voir avec de tels mouvements qu’avec les mouvements d’opposition actuels dans les métropoles et leurs difficultés évidentes à faire la distinction entre ces deux formes différentes de « résistance ».

      Joseph Andras disait cela aussi dans ces dernières interviews ou textes

      #morale #terrorisme #civils

  • La Chouette et l’Escargot

    Comment sortir, d’une part, de la bulle théorique de la critique de la valeur-dissociation ? Comment éviter, d’autre part, les pièges de la fausse immédiateté ?

    http://www.palim-psao.fr/2023/10/la-chouette-et-l-escargot.comment-sortir-d-une-part-de-la-bulle-theorique

    [...] la fameuse question, à peu près aussi vieille que la notion de capitalisme, de savoir ce qu’il faut faire pour sortir du capitalisme provoque presque inévitablement une réponse stéréotypée, toujours la même : le monde a besoin d’une autre économie, d’une économie non capitaliste. Pour sortir du capitalisme, il faut d’abord changer l’économie, ou plutôt : changer d’économie ! Or, cette idée représente un bel exemple d’une fausse immédiateté. Vouloir changer d’économie pour sortir du capitalisme serait la manière la plus sûre de rester prisonnier du système dont on veut se débarrasser. Car il ne peut pas y avoir d’économie non capitaliste. La [critique de la valeur-dissociation] a montré que de la Corée du Nord, en passant par la Chine, l’Europe et les États-Unis jusqu’à Cuba et au Venezuela, dans tous les pays du monde, malgré toutes les différences dans les modalités, l’économie est basée sur les mêmes catégories fondamentales ‒ la valeur, l’argent, le travail, le marché. Ce sont les catégories de base du capitalisme. Une « économie non capitaliste » est un oxymore, c’est-à-dire une combinaison de deux éléments ou termes contradictoires dont l’alliance paradoxale donne à l’ensemble un tour séduisant. L’idée fascinante d’une économie non capitaliste relève tout simplement du fantasme. Pour sortir du capitalisme, il faudra sortir de l’économie, selon l’expression choisie par les Ennemis du meilleur des mondes

    Il n’est pas surprenant qu’en parcourant le panorama contemporain des programmes et des projets anticapitalistes on n’en trouve aucun qui puisse satisfaire aux critères de la CVD. Pour une raison simple : il est facile de se dire et de se croire anticapitaliste. Mais il est très difficile de l’être sur un plan catégoriel, c’est-à-dire en tenant compte du fait que la société capitaliste est construite sur des bases catégorielles que nous sommes tentés à tort de considérer comme naturelles et transhistoriques. Or, la tâche aussi difficile qu’indispensable serait précisément de délivrer le monde de ces catégories de base. Mais actuellement aucun mouvement anticapitaliste ne semble en être conscient. C’est ce qui explique que, de la part de la CVD, tous ces mouvements, vraiment tous, soient critiqués et traités avec un certain dédain qui frise quelquefois la morgue. Conformément à la consigne suivante : N’espérez pas changer le monde avant d’avoir compris notre théorie !

    • Pour sortir du capitalisme, il faudra sortir de l’économie, selon l’expression choisie par les Ennemis du meilleur des mondes

      Tout à fait pertinent ^^

      Mais alors, si sortir du capitalisme, c’est sortir de l’économie, qu’est-ce que l’économie ?

      A partir de la critique de la valeur, une manière d’atterrir est de se demander ce que concrètement serait une société dont l’organisation matérielle ne se fonderait plus sur l’échange.

      Dans ce sens, j’avais déjà mentionné la contribution d’Ernst Lohoff à un recueil d’articles post-monétaires :

      https://seenthis.net/messages/1002131

    • Je viens de publier deux notes de lectures d’économistes français de l’école institutionnaliste monétaire, Cartelier et Orléan. Il est remarquable que ce sont deux marxistes qui ont du abandonner la théorie de la valeur-travail de Marx, afin de pouvoir faire une théorie de la monnaie. La monnaie n’apparaît pas plus dans la critique de la valeur que dans les théories économiques dominantes.
      Pourtant les notions de « désir de monnaie » d’Orléan ou de « soumission monétaire » de Cartelier, et bien d’autres, montrent le rôle central de la monnaie dans les sociétés marchandes.

  • « Antisémitisme et national-socialisme », par Moishe Postone
    http://www.palim-psao.fr/article-31273595.html

    Qu’est‑ce qui fait la spécificité de l’Holocauste et de l’#antisémitisme moderne ? Ni le nombre des hommes qui furent assassinés ni l’étendue de leurs souffrances : ce n’est pas une question de quantité. Les exemples historiques de meurtres de masse et de génocides ne manquent pas. (Par exemple, les nazis assassinèrent bien plus de Russes que de juifs.) En réalité, il s’agit d’une spécificité qualitative. Certains aspects de l’anéantissement du judaïsme européen restent inexplicables tant que l’on traite l’antisémitisme comme un exemple particulier d’une stratégie du bouc émissaire dont les victimes auraient fort bien pu être les membres de n’importe quel autre groupe.

      L’Holocauste se caractérise par un sens de la mission idéologique, par une relative absence d’émotion et de haine directe (contrairement aux pogromes, par exemple) et, ce qui est encore plus important, par son manque évident de fonctionnalité. L’extermination des juifs n’était pas le moyen d’une autre fin. Les juifs ne furent pas exterminés pour une raison militaire ni au cours d’un violent processus d’acquisition territoriale (comme ce fut le cas pour les Indiens d’Amérique ou les Tasmaniens). Il ne s’agissait pas davantage d’éliminer les résistants potentiels parmi les juifs pour exploiter plus facilement les autres en tant qu’ilotes. (C’était là par ailleurs la politique des nazis à l’égard des Polonais et des Russes.) Il n’y avait pas non plus un quelconque autre but « extérieur ». L’extermination des juifs ne devait pas seulement être totale, elle était une fin en soi : l’#extermination pour l’extermination, une fin exigeant la priorité absolue[3].

      Ni une explication fonctionnaliste du meurtre de masse ni une théorie de l’antisémitisme centrée sur la notion de bouc émissaire ne sauraient fournir d’explication satisfaisante au fait que, pendant les dernières années de la guerre, une importante partie des chemins de fer fut utilisée pour transporter les juifs vers les chambres à gaz et non pour soutenir la logistique de l’armée alors que la Wehrmacht était écrasée par l’Armée rouge. Une fois reconnue la spécificité qualitative de l’anéantissement du judaïsme européen, il devient évident que toutes les tentatives d’explication qui s’appuient sur les notions de capitalisme, de racisme, de bureaucratie, de répression sexuelle ou de personnalité autoritaire demeurent beaucoup trop générales. Comprendre, ne serait‑ce qu’en partie, la spécificité de l’Holocauste exige de recourir à une argumentation elle‑même spécifique.

      Bien sûr, l’anéantissement du judaïsme europeen est lié à l’antisémitisme. La spécificité du premier doit donc être mise en rapport avec celle du second. De plus, comprendre l’antisémitisme moderne suppose la prise en compte du #nazisme comme d’un mouvement qui, dans la compréhension qu’il avait de lui‑même, se pensait comme une révolte.

      L’antisémitisme moderne, qu’il ne faut pas confondre avec le préjugé anti‑juifs courant, est une idéologie, une forme de pensée, qui a fait son apparition en Europe à la fin du XIXe siècle. Son apparition suppose l’existence séculaire de formes d’antisémitisme antérieures qui ont toujours fait partie de la civilisation chrétienne occidentale. Toutes les formes de l’antisémitisme ont en commun l’idée d’un pouvoir attribué aux juifs : le pouvoir de tuer Dieu, de déchaîner la peste ou, plus récemment, d’engendrer le capitalisme et le socialisme. La pensée antisémite est une pensée fortement manichéenne dans laquelle les juifs jouent le rôle des enfants des ténèbres.

      Ce n’est pas seulement le degré mais aussi la qualité du #pouvoir_attribué_aux_juifs qui différencie l’antisémitisme des autres formes de #racisme. Probablement, toutes les formes de racisme prêtent à l’Autre un pouvoir potentiel. Mais, habituellement, ce pouvoir est concret, matériel et sexuel. C’est le pouvoir potentiel de l’opprimé (comme puissance du refoulé), du « sous‑homme ». Le pouvoir attribué aux juifs par l’antisémitisme n’est pas seulement conçu comme plus grand mais aussi comme réel et non comme potentiel. Cette différence qualitative est exprimée par l’antisémitisme moderne en termes de mystérieuse présence insaisissable, abstraite et universelle. Ce pouvoir n’apparaît pas en tant que tel mais cherche un support concret — politique, social ou culturel — à travers lequel il puisse fonctionner. Étant donné que ce pouvoir n’est pas fixé concrètement, qu’il n’est pas « enraciné », il est ressenti comme immensément grand et difficilement contrôlable. Il est censé se tenir derrière les apparences sans leur être identique. Sa source est donc cachée, conspiratrice. Les juifs sont synonymes d’une insaisissable #conspiration internationale, démesurément puissante.

  • Le sionisme, l’antisémitisme et la gauche, par Moishe Postone
    http://www.palim-psao.fr/2019/02/le-sionisme-l-antisemitisme-et-la-gauche-par-moishe-postone.html


    Graffiti antisémite en Belgique en 2013

    Moishe Postone : Il est exact que le gouvernement israélien se sert de l’accusation d’#antisémitisme comme d’un bouclier pour se protéger des critiques. Mais ça ne veut pas dire que l’antisémitisme lui-même ne représente pas un problème grave.

    Ce qui distingue ou devrait distinguer l’antisémitisme du #racisme a à voir avec l’espèce d’imaginaire du pouvoir attribué aux #Juifs, au sionisme et à #Israël, imaginaire qui constitue le noyau de l’antisémitisme. Les Juifs sont perçus comme constituant une sorte de pouvoir universel immensément puissant, abstrait et insaisissable qui domine le monde. On ne trouve rien d’équivalent à la base d’aucune autre forme de racisme. Le racisme, pour autant que je sache, constitue rarement un système complet cherchant à expliquer le monde. L’antisémitisme est une critique primitive du monde, de la modernité capitaliste. Si je le considère comme particulièrement dangereux pour la gauche, c’est précisément parce que l’antisémitisme possède une dimension pseudo-émancipatrice que les autres formes de racisme n’ont que rarement.

    MT : Dans quelle mesure pensez-vous que l’antisémitisme aujourd’hui soit lié aux attitudes vis-à-vis d’Israël ? On a l’impression que certaines des attitudes de la #gauche à l’égard d’Israël ont des sous-entendus antisémites, notamment celles qui ne souhaitent pas seulement critiquer et obtenir un changement dans la politique du gouvernement israélien à l’égard des Palestiniens, mais réclament l’abolition d’Israël en tant que tel, et un monde où toutes les nations existeraient sauf Israël. Dans une telle perspective, être juif, sentir qu’on partage quelque chose comme une identité commune avec les autres Juifs et donc en général avec les Juifs israéliens, équivaut à être « sioniste » et est considéré comme aussi abominable qu’être raciste.

    MP : Il y a beaucoup de nuances et de distinctions à faire ici. Dans la forme que prend de nos jours l’#antisionisme, on voit converger de façon extrêmement dommageable toutes sortes de courants historiques.

    L’un d’eux, dont les origines ne sont pas nécessairement antisémites, plonge ses racines dans les affrontements entre membres de l’intelligentsia juive d’Europe orientale au début du XXesiècle. La plupart des intellectuels juifs – intellectuels laïques inclus ? – sentaient qu’une certaine forme d’#identité_collective faisait partie intégrante de l’expérience juive. Cette identité a pris de plus en plus un caractère national étant donné la faillite des formes antérieures, impériales, de collectivité – c’est-à-dire à mesure que les vieux empires, ceux des Habsbourg, des Romanov, de la Prusse, se désagrégeaient. Les Juifs d’Europe orientale, contrairement à ceux d’Europe occidentale, se voyaient avant tout comme une collectivité, pas simplement comme une religion.

    Ce sentiment national juif s’exprima sous diverses formes. Le sionisme en est une. Il y en eut d’autres, représentées notamment par les partisans d’une #autonomie_culturelle juive, ou encore par le #Bund, ce mouvement socialiste indépendant formé d’ouvriers Juifs, qui comptait plus de membres qu’aucun autre mouvement juif et s’était séparé du parti social-démocrate russe dans les premières années du XXe siècle.

    D’un autre côté, il y avait des Juifs, dont un grand nombre d’adhérents aux différents partis communistes, pour qui toute expression identitaire juive constituait une insulte à leur vision de l’humanité, vision issue des Lumières et que je qualifierais d’abstraite. Trotski, par exemple, dans sa jeunesse, qualifiait les membres du Bund de « sionistes qui ont le mal de mer ». Notez que la critique du #sionisme n’avait ici rien à voir avec la Palestine ou la situation des Palestiniens, puisque le Bund s’intéressait exclusivement à la question de l’autonomie au sein l’empire russe et rejetait le sionisme. En assimilant le Bund et le sionisme, Trotski fait plutôt montre d’un rejet de toute espèce d’identité communautaire juive. Trotski, je crois, a changé d’opinion par la suite, mais cette attitude était tout à fait typique. Les organisations communistes avaient tendance à s’opposer vivement à toute espèce de #nationalisme_juif : nationalisme culturel, nationalisme politique ou sionisme. C’est là un des courants de l’antisionisme. Il n’est pas nécessairement antisémite mais rejette, au nom d’un #universalisme_abstrait, toute identité collective juive. Encore que cette forme d’antisionisme soit souvent incohérente : elle est prêt à accorder l’autodétermination nationale à la plupart des peuples, mais pas aux Juifs. C’est à ce stade que ce qui s’affiche comme abstraitement universaliste devient idéologique. De surcroît, la signification même d’un tel universalisme abstrait varie en fonction du contexte historique. Après l’Holocauste et la fondation de l’État d’Israël, cet universalisme abstrait sert à passer à la trappe l’#histoire des Juifs en Europe, ce qui remplit une double fonction très opportune de « nettoyage » historique : la violence perpétrée historiquement par les Européens à l’encontre des Juifs est effacée, et, dans le même temps, on se met à attribuer aux Juifs les horreurs du colonialisme européen. En l’occurrence, l’universalisme abstrait dont se revendiquent nombre d’antisionistes aujourd’hui devient une idéologie de légitimation qui permet de mettre en place une forme d’#amnésie concernant la longue histoire des actes, des politiques et des idéologies européennes à l’égard des Juifs, tout en continuant essentiellement dans la même direction. Les Juifs sont redevenus une fois de plus l’objet d’une indignation spéciale de la part de l’Europe. La solidarité que la plupart des Juifs éprouvent envers d’autres Juifs, y compris en Israël – pour compréhensible qu’elle soit après l’Holocauste – est désormais décriée. Cette forme d’antisionisme est devenue maintenant l’une des bases d’un programme visant à éradiquer l’autodétermination juive réellement existante. Elle rejoint certaines formes de nationalisme arabe – désormais considérées comme remarquablement progressistes.

    Un autre courant d’antisionisme de gauche – profondément antisémite celui-là – a été introduit par l’Union Soviétique, notamment à travers les procès-spectacles en Europe de l’Est après la Seconde Guerre mondiale. C’est particulièrement impressionnant dans le cas du #procès_Slánský, où la plupart des membres du comité central du parti communiste tchécoslovaque ont été jugés puis exécutés. Toutes les accusations formulées à leur encontre étaient des accusations typiquement antisémites : ils étaient sans attaches, cosmopolites, et faisaient partie d’une vaste conspiration mondiale. Dans la mesure où les Soviétiques ne pouvaient pas utiliser officiellement le discours de l’antisémitisme, ils ont employé le mot « sionisme » pour signifier exactement ce que les antisémites veulent dire lorsqu’ils parlent des Juifs. Ces dirigeants du PC tchécoslovaque, qui n’avaient aucun lien avec le sionisme – la plupart étaient des vétérans de la guerre civile espagnole – ont été exécutés en tant que sionistes.

    Cette variété d’antisionisme antisémite est arrivée au Moyen-Orient durant la #guerre_froide, importée notamment par les services secrets de pays comme l’#Allemagne_de_l’Est. On introduisait au Moyen-Orient une forme d’antisémitisme que la gauche considérait comme « légitime » et qu’elle appelait antisionisme. Ses origines n’avaient rien à voir avec le mouvement contre l’installation israélienne. Bien entendu, la population arabe de Palestine réagissait négativement à l’immigration juive et s’y opposait. C’est tout à fait compréhensible. En soi, ça n’a certes rien d’antisémite. Mais ces deux courants de l’antisionisme se sont rejoints historiquement.

    Pour ce qui concerne le troisième courant, il s’est produit, au cours des dix dernières années environ, un changement vis-à-vis de l’existence d’Israël, en premier lieu au sein du mouvement palestinien lui-même. Pendant des années, la plupart des organisations palestiniennes ont refusé d’accepter l’existence d’Israël. Cependant, en 1988, l’OLP a décidé qu’elle accepterait cette existence. La seconde Intifada, qui a débuté en 2000, était politiquement très différente de la première et marquait un revirement par rapport à cette décision. C’était, à mon avis, une faute politique fondamentale, et je trouve surprenant et regrettable que la gauche s’y soit laissée prendre au point de réclamer elle aussi, de plus en plus, l’abolition d’Israël. Dans tous les cas, il y a aujourd’hui au Moyen-Orient à peu près autant de Juifs que de #Palestiniens. Toute stratégie fondée sur des analogies avec la situation algérienne ou sud-africaine est tout simplement vouée à l’échec, et ce pour des raisons aussi bien démographiques que politico-historiques.

    Moishe Postone est notamment l’auteur de Critique du fétiche-capital. Le capitalisme, l’antisémitisme et la gauche (PUF, 2013)

    #Moishe_Postone #URSS #nationalités #autodétermination_nationale #anti-impérialisme #campisme #islam_politique

    • Il y a un siècle, la droite allemande considérait la domination mondiale du capital comme celle des Juifs et de la Grande Bretagne. À présent, la gauche la voit comme la domination d’Israël et des États-Unis. Le schéma de pensée est le même. Nous avons maintenant une forme d’antisémitisme qui semble être progressiste et « anti-impérialiste » ; là est le vrai danger pour la gauche. Le #racisme en tant que tel représente rarement un danger pour la gauche. Elle doit certes prendre garde à ne pas être raciste mais ça n’est pas un danger permanent, car le racisme n’a pas la dimension apparemment émancipatrice qu’affiche l’antisémitisme.

    • Israël, ce ne sont pas les juifs ; heureusement. Le pouvoir d’extrême droite israélien aimerait bien que tout le monde raisonne comme cela. Afin de perpétuer cet amalgame confus, qui permet de dire « t’es anti-impérialiste ? t’es antisémite ! ». on le voit arriver, le glissement dans cette dernière citation. Cet instrumentalisation l’air de rien. On passe de Juif+Grande-Bretagne à Israël+Usa, comme par magie. Et on nie tous les faits politiques qui objectivement démontrent que les Us et Israël sont à la manœuvre conjointement, géopolitiquement, au Moyen Orient, depuis plusieurs dizaines d’années.

      Le pouvoir israélien est un pouvoir fasciste et colonialiste. Cela dure depuis plusieurs dizaines d’années. Le pouvoir américain est un pouvoir impérialiste. Et cela dure depuis plusieurs dizaines d’années. Ce sont des faits objectifs.

      Renvoyer tous leurs adversaires plus ou moins progressistes dans la cuvette de l’antisémitisme, c’est confus, pour rester courtois.

    • La partie sur l’antisionisme et la Palestine repose sur un tour de passe-passe sémantique très classique : la création d’Israël est sobrement qualifiée d’« autodétermination nationale », et sa critique est systématiquement accolée à l’accusation d’être favorable à l’autodétermination des peuples, « sauf des juifs » ; tout en minimisant (voire en niant carrément) le fait que cette « autodétermination » a nécessité – et nécessite toujours – le nettoyage ethnique à grande échelle de la population indigène.

      Encore que cette forme d’antisionisme soit souvent incohérente : elle est prêt à accorder l’autodétermination nationale à la plupart des peuples, mais pas aux Juifs.

      […]

      Cette forme d’antisionisme est devenue maintenant l’une des bases d’un programme visant à éradiquer l’autodétermination juive réellement existante.

      […]

      Cette idée que toute nation aurait droit à l’autodétermination à l’exception des Juifs est bel et bien un héritage de l’Union Soviétique.

      À l’inverse, le termine « colonisation » n’est ici utilisé que pour être nié.

      la violence perpétrée historiquement par les Européens à l’encontre des Juifs est effacée, et, dans le même temps, on se met à attribuer aux Juifs les horreurs du colonialisme européen.

      […]

      Subsumer le conflit sous l’étiquette du colonialisme, c’est mésinterpréter la situation.

      Évidemment : l’euphémisation « immigration juive », alors qu’on parle de la période de la guerre froide (la Nakba : 1948) :

      Bien entendu, la population arabe de Palestine réagissait négativement à l’immigration juive et s’y opposait.

  • Communisme de guerre : vous en reprendrez bien une louche ?, par Sandrine Aumercier
    http://www.palim-psao.fr/2023/09/communisme-de-guerre-vous-en-reprendrez-bien-une-louche-par-sandrine-aume

    ’unisson assourdissant des militants, politiques et industriels sur la priorité absolue du sauvetage du climat est l’expression la plus aboutie du déni nouvelle manière, celui que soutiennent parmi d’autres un Malm ou un Žižek. Enfermés dans ses vieilles contradictions, cette gauche opportuniste ne masque plus ni son autoritarisme ni sa collusion rampante avec la droite sécuritaire qu’elle légitime maintenant par « l’apocalypse » climatique. Car ceux qui accusent les gouvernements d’exagérer ou de fabriquer le réchauffement climatique pour restreindre les libertés et ceux qui en appellent au contraire à une gestion autoritaire de l’urgence écologique partagent bien un délire commun, celui de faire porter la responsabilité de la catastrophe à un certain « étage » de la société : soit la consommation de masse, soit l’impéritie politique, comme s’il ne s’agissait pas ici des deux faces d’un seul et même mode de production ! Depuis la pandémie, ce clivage idéologique a un fort goût de déjà-vu. D’une critique radicale du système capitaliste, il continue à ne pas être question, puisqu’il continue de s’agir de mieux gérer la catastrophe, et ce, en proposant éventuellement ses propres services.

    #écologie #climat #capitalisme #léninisme #Andres_Malm #Slavoj_Žižek #critique

    • Je retiens :
      – L’IA qui joue au GO consomme 400KW quand son adversaire humain consomme 20W. Cette IA ne peut que jouer au GO.
      – L’IA qui reconnait les chats a eu besoin de 200K images pour fonctionner, quand un enfant de 2 ans a besoin de 2 images. L’IA ne reconnait pas le chat dans la pénombre, l’enfant si. Cette IA ne peut que reconnaître des chats, et encore avec un taux de réussite imparfait.
      – L’IA Google de conduite automatique ne sait pas faire la différence entre un panneau stop brandi par un humain pour faire une blague, et un vrai panneau stop.
      – Une IA est un outil, comme le marteau pour enfoncer le clou, construit par l’humain pour résoudre un type de problème particulier. L’IA qui résout tous les problèmes n’existe pas, car l’IA telle qu’elle est construite actuellement se fonde sur des données existantes. L’IA ne crée rien, l’IA régurgite.

    • Ce qui manque ici, comme souvent quand il est question d’IA, c’est de savoir comment la problématique s’inscrit sur le long terme dans les processus de production industrielle ; en particulier pour optimiser la productivité dans l’industrie informatique .

      La question à été un peu traitée à la fin de la vidéo, mais de façon absolument non critique et en ne l’abordant pas du tout sous l’angle spécifique des métiers de la filière informatique, ce qui est quand même un comble devant un public d’étudiantEs du secteur (si j’ai bien compris).

      Je n’ai aucun domaine de compétence pour confirmer l’hypothèse mais je me demande quand même si, avec ces techniques, permettant d’automatiser certaines tâches spécialisées, les développeurs (et de façon générale, les « informaticiens ») n’ont pas du soucis à se faire.

      Un des passages les plus intéressants du Capital (Marx), de mon point de vue, explique comment on est passé de l’artisanat à la manufacture puis à la grande industrie, les ouvriers spécialisés, fabricant, dans un premier temps, à la main des pièces mécaniques destinées à être assemblées dans des machines, puis, les « progrès technologiques » aidant, il n’a plus été nécessaire d’avoir recours au savoir-faire manuel de l’artisan (des métiers de l’horlogerie, notamment) pour construire ces pièces mécaniques. Il était devenu plus rentable de construire ce pièces avec des machines car on y passait moins de temps et cela coûtait moins cher ; c’est ce qu’on appelle la productivité. La question du remplacement ne se posait essentiellement alors qu’en ces termes, de la même façon que la problématique essentielle se pose pour Bezos de savoir s’il est plus rentable de conserver des humains travaillant comme des robots dans ses entrepôts, plutôt que de tout automatiser.

      On gagnerait, il me semble, à ne pas oublier ces déterminants économiques dans l’observation du « progrès technologiques », même si la fiabilité, le respect des sources, la régulation, etc. de ChatGPT,évoquées ici ou là, sont des questions importantes.

      On a essayé de construire tout un tas de machines volantes plus délirantes les unes que les autres avant d’arriver à un produire un modèle d’avion opérationnel. On sait déjà, avec le peu de recul de l’ère internet, que tout le monde s’était emballé, il y a quelques années sur des soit-disant faits historiques qui n’étaient que des fétus de paille (les CD, le web 2.0, etc.). De ce point de vue la vidéo est très utile, en analysant de façon plus rationnelle ce qu’est l’IA (improprement nommée). Pour autant, si on comprend mieux ce qu’est l’IA, on en sait pas beaucoup plus sur les conditions réelles, d’un point de vue industriel, de sa mise en place est sur les raisons pour lesquelles ceux qui ont le pouvoir de décision industriel l’emploient aujourd’hui.

      Comme l’évoquait justement Bookchin, nous ne savons pas exactement à quelle étape de l’évolution capitaliste nous en sommes.Nous n’avons à notre disposition que la focale du réel (avec le recul de l’histoire). Mieux vaut éviter d’essayer de lire dans le marc de café avec des discours sensationnels et de nous en tenir qu’aux réalités tangibles : notamment l’incontournable présence des pouvoirs économiques sur le court des choses.

      Néanmoins, il existe peut-être dans le réel d’aujourd’hui des signes qui peuvent nous indiquer de quoi sera fait l’avenir immédiat.

      Ma question : ne risque pas t-on d’avoir un processus similaire, à celui évoqué ci-dessus par Marx (passage de la fabrication manuelle à une production mécanique), dans les métiers informatiques ? Les professionnels de l’informatique seront-ils pas obligés de passer prochainement par des processus entièrement automatisés pour produire plus ou moins de lignes de code, jusqu’à ce que le savoir-faire du développeur et sa présence ne soient plus nécessaire ?

      Il m’est arrivé de poser la question à des professionnels et j’ai été surpris de constater que la réponse s’imposait presque toujours par la négative (après quand même quelques moments d’hésitation). La question est à nouveau posée ici.

      (Merci de ne pas m’allumer si je raconte des conneries ou si la réponse vous semble évidente)

      Des métiers, des savoir-faire, des gestes techniques, des cultures professionnelles disparaissent, parfois très vite et cela prouve que « ce n’est pas nous qui décidons », contrairement à ce qui est énoncé avec beaucoup de naïveté dans la vidéo.

      Les professionnels qui se retrouvent sur le carreau parce que leur métier n’existe plus sont souvent pris de court car ils ont souvent eu tendance à se rassurer dans une attitude bravache en affirmant, devant les signes avant-coureurs de leur éjection du « marché du travail », que « tout cela ne les touchera pas ». Je peux en témoigner car j’ai travaillé comme photograveur dans les années 80.

    • @cabou je suis bien d’accord et il n’y a pas d’illusion à se faire sur la capacité critique et encore moins marxienne, d’un co créateur de Siri. La vidéo a l’avantage pour moi de dissiper les fantasmes de ce que la soi-disant « IA » est ou n’est pas. À partir de là, une fois les fantasmes voire délires mis de côté, on peut discuter de ce dont tu parles toi, et qui est bien évidemment largement plus central.

      À ce propos : https://seenthis.net/messages/1011672

      Comme pour les autres secteurs de l’économie angoissés par la diffusion des outils d’automatisation (c’est à dire à peu près tous, de la creative class aux artisans, ouvriers, médecins, profs, etc), la déclaration de Fran Drescher mérite d’être rectifiée : ce ne sont pas « les machines » qui vont remplacer « les humains » mais le patronat qui, depuis les premiers théorèmes d’Adam Smith, tente éternellement d’accaparer les nouveaux outils de production pour optimiser l’extraction de la force de travail des employé·es dans le but de maximiser les profits réalisés. De la machine à vapeur à l’IA générative, (presque) rien n’a changé sous le soleil rouge de la lutte des classes, excepté le degré d’efficacité et de violence du processus.

      Évidemment ça marche aussi pour les devs, en tout cas pour de nombreux cas, comme pour à peu près n’importe quel métier spécialisé quoi (plus c’est technique spécialisé, plus c’est facile à reproduire avec assez de data aspirée).

      Plus d’IA, ça veut dire toujours plus de surnuméraires, de gens qui ne créent plus de valeur au sens capitaliste, qui ne servent à rien pour cette organisation du monde.

      #valeur #capitalisme #technologie #surnuméraires

    • merci @rastapopoulos. Content de voir qu’il y a au moins un professionnel qui estime que mon hypothèse n’est pas complètement farfelue :-)

      J’avais zappé ce lien vers Arrêt sur images à cause du paywall et je n’y suis pas revenu après !

      La réinterprétation de la révolte luddite qui a lieu depuis une trentaine d’années me semble effectivement très intéressante. On n’y voit plus forcément une bande d’attardés rétrogrades (à peu de chose près ce qu’en disait Marx et ce qu’en disent encore certains marxistes) mais plutôt l’expression d’une résistance à un pouvoir économique, imposant en guise de « progrès technologique inéluctable », la mise en place directe d’un nouveau type de rapport social de production (eh oui !), une dégradation brutale des revenus et des conditions de vie, une remise en cause du mode vie communautaire (ou social), des savoir-faire de métiers et du rapport qualitatif à ce qui est produit (le « travail bien fait »).

      En clair, il s’avère que le luddisme, n’est ni plus ni moins le premier mouvement de lutte sociale contre l’émergence de la révolution industrielle, elle-même, décrite comme l’étape décisive de la mise en place de la société capitaliste dans laquelle nous sommes encore empêtréEs. Lire, notamment, à ce sujet, le livre de Kirkpatrick Sale La révolte des Luddite , récemment réédité.

      Voilà effectivement qui ne pourra qu’être indispensable à savoir aujourd’hui, à un moment où il est non seulement vital de remettre en cause radicalement ce progrès qui nous est imposé mais qu’en plus, comme tu le fais justement remarquer, c’est le travail en tant que tel, et de façon générale, qui demande à être critiqué et pas seulement le savoir-faire et le rapport qualitatif qui y sont incorporés (comme à l’époque luddite).

    • Je ne sais pas si les IA vont remplacer les développeurs mais penser qu’un développeur n’est qu’un pondeur de code qu’on pourrait automatiser en deux coups de cuillère à pot est une erreur. Je vois bien que la plus grosse difficulté aujourd’hui pour beaucoup de développeurs (notamment débutants), ce n’est pas vraiment coder mais plutôt comprendre et analyser les besoins. Cela fait d’ailleurs des années que les développeurs sont très assistés dans leur flux de travail, pour ce qui est de produire du code en tout cas. A la limite on peut se plaindre que le métier est devenu bien plus industriel et moins artisanal, si on veut faire un parallèle avec les luddites.

    • ravi que cela te rappelle visiblement de bons souvenir, @simplicissimus ;-) mais pour ce qui me concerne, justement, autant je porte grand intérêt à l’œuvre de Marx - avec toute la distance critique qui s’impose (et là, je n’évoque même pas sa pratique politique plus que contestable au moment de la première internationale) - autant je n’ai jamais pris cette affaire de « baisse tendancielle du taux de profit » pour quelque chose de bien utile à la théorie révolutionnaire ! Je garde, au contraire, les pires souvenirs de débats furieux sur ce thème de la part de militants empêtrés dans des logiques religieuses défendant des textes sacrés.

      Il n’en reste pas moins que la question du travail à l’heure d’une extrême numérisation et de l’automatisation des moyens de production, quel que soit le secteur d’activité, doit être interrogée aujourd’hui en terme de stratégie de résistance au capitalisme.

      Sans vouloir lancer un quelconque troll je pense que Marx s’est même fourvoyé sur nombre de prédictions globalisantes et autres « lois », sous couvert de scientificité, qui se sont avérées fausses avec le temps ; dont la fameuse baisse tendancielle du taux de profit et l’inéluctabilité de la faillite du capitalisme...

      Voir également à ce sujet, via @colporteur, ce que disait Tronti et qui me semble très pertinent à propos de la prédiction de Marx concernant la prolétarisation croissante et « le passage de l’ouvrier-masse au bourgeois-masse »

      https://seenthis.net/messages/1012626#message1012639

    • Mais pas confond’ le taux de profit, calculable par les prix, et pour des entreprises précises (qui peuvent gonfler ou crasher), et la baisse tendencielle de la valeur qui depuis des décennies est à l’échelle mondiale, globale. Peu importe que telle entreprise ou milliardaire gonfle irrationnellement, ça change rien que sur le système entier ya de moins en moins de valeur (et donc de plus en plus de surnuméraires, entre autre).
      http://www.palim-psao.fr/2015/07/critique-de-la-valeur-et-societe-globale-entretien-avec-anselm-jappe.html

      Cela démontre son caractère intrinsèquement irrationnel, destructeur et auto-destructeur. Le capitaliste particulier doit s’imposer dans la concurrence s’il ne veut pas être écrasé par elle. Il doit donc produire avec le moins de main d’œuvre possible pour vendre à meilleur marché. Cependant, cet intérêt du capitaliste particulier s’oppose absolument à l’intérêt du système capitaliste dans son ensemble, pour lequel la baisse du taux de plus-value, et finalement de la masse de plus-value, représente une menace mortelle, à la longue. Ce qui caractérise la société capitaliste est exactement cette absence d’une véritable instance qui assure l’intérêt général, ne fût-ce que l’intérêt capitaliste. Le capitalisme se base sur la concurrence et l’isolement des acteurs économiques. Là où règne le fétichisme de la marchandise, il ne peut pas exister de conscience au niveau collectif. Toutes les tentatives historiques de « régulation », que ce soit à travers l’État ou à travers des cartels, des accords entre capitalistes, etc., n’ont marché que temporairement. Pendant une longue période, entre les années 1930 et 1970, on parlait souvent de « capitalisme monopoliste » ou « régulé » : l’intérêt général du système capitaliste aurait triomphé sur les intérêts des capitaux particuliers, disait-on, à travers des États très forts et à travers la concentration du capital sous forme de monopoles. Beaucoup de théoriciens marxistes, même parmi les meilleurs, comme l’École de Francfort, Socialisme ou Barbarie ou les situationnistes, y ont vu un stade définitif du capitalisme, marqué par la stabilité. Ensuite, le triomphe du néo-libéralisme a démenti ces pronostics. La concurrence sauvage a fait son retour sur fond de crise, et la dérive autodestructrice du système est devenue visible. Dans l’économie comme dans l’écologie, comme dans le désordre social, chaque acteur contribue, pour assurer sa survie immédiate, à une catastrophe globale qui finalement le frappera avec certitude.

  • La coûteuse captation artificielle de CO2, qui ne marche pas, sert à justifier la poursuite des énergies fossiles
    https://ricochets.cc/La-couteuse-captation-artificielle-de-CO2-qui-ne-marche-pas-sert-a-justifi

    Dans la série des grandes arnaques organisées du techno-capitalisme et des Etats qui les financent avec notre argent, la captation et le stockage artificiel de CO2 : < Je pèse mes mots. La controverse autour de la capture artificielle du #co2 grandit chaque jour, mais elle n’est pas un sujet de court terme donc n’intéresse que très peu, même dans les sphères #climat. Pourtant, les milliards pleuvent pour financer d’énormes projets de CCS à travers le monde. Les milliards pleuvent pour des (...) #Les_Articles

    / #La_civilisation,_la_civilisation_industrielle, #Le_monde_de_L'Economie

    http://www.palim-psao.fr/2023/06/la-marche-capitaliste-vers-la-collision-ecologique-par-andre-villar.html

  • Petit point sur les garde-à-vue de Montreuil dans l’affaire de l’usine Lafarge » Indymedia Nantes
    https://nantes.indymedia.org/posts/89765/petit-point-sur-les-garde-a-vue-de-montreuil-dans-laffaire-de-lusi

    Lundi 5 juin 5 personnes ont été perquisitionnées à Montreuil, puis mises en garde-à-vue par la sous-direction antiterroriste (SDAT), dans ses locaux à Levallois-Perret. Les personnes sont accusées d’avoir participé à l’« invasion-sabotage » de l’usine Lafarge de Bouc-Bel-Air (13, Bouches du Rhône), le 10 décembre 2022. C’est le premier communiqué concernant les personnes de Montreuil sur le sujet, il n’est pas complet, d’autres suivront peut-être.

    Il semble que la SDAT ait été chargée de toute l’enquête depuis au moins février 2023, et qu’elle ait ordonné toutes les arrestations en France. L’enquête est dirigée par deux juges d’instruction à Aix-en-Provence dont Laure Delsupexhe. Les 5 garde-à-vue ont duré 82 heures. Pendant les garde-à-vue, le chef d’inculpation de « refus de donner le code de déverrouillage de téléphone et d’ordinateur » a été ajouté. Les 5 personnes gardées-à-vue sont sorties libres, sans contrôle judiciaire. Si elles sont convoquées par les juges d’instruction, elles pourront être mises en examen, ou qualifiées de « témoin assisté » ou de « témoin », et risqueront alors un procès. Il est aussi possible que les poursuites soient abandonnées (mais en vrai qui y croit au vu des moyens employés ?). 3 personnes sont convoquées dans un an pour refus de signalétique. Les 5 gardé.es-à-vue ont tenu le « je n’ai rien à déclarer » pendant tous les interrogatoires.

    Les infos que les keufs ont.

    Les policier.es ont obtenu les images de vidéosurveillance de l’intérieur des bus passant par la zone commerciale de Plan de campagne, en direction de Marseille, du 10 décembre. Avant d’exploiter le matériel saisi lors des perquisitions, les policiers avaient déjà enquêté sur :

    Les factures détaillées de lignes téléphoniques (l’entièreté des connexions aux antennes, c’est-à-dire la totalité des endroits où on a borné, à qui on a envoyé des messages en clair, qui nous a envoyé des messages en clair, qui nous a appelé en clair, qui on a appelé en clair, la durée des appels, quand et depuis où, mais pas le contenu des conversations) associées par les keufs aux personnes interpellées ont été analysées sur une durée de 1 an (temps maximum de conservation des fadettes) ;
    Très probablement des écoutes téléphoniques des appels en clair pour au moins une personne ;
    L’activité de comptes bancaires associés par les keufs aux personnes interpellées : tous les achats par carte bancaires (dont ceux sur internet), virements (sommes, dates et destinataires), retraits d’espèces (sommes, lieux et dates) ;
    Les antécédents judiciaires (les précédentes garde-à-vue, les condamnations) de manière très détaillée ;
    Des réflexions des enquêteurs laissent penser que les personnes mises en garde-à-vue avaient été suivies les jours précédant la gav.

    [...]

    Pendant la perquisition, les policier.es ont pris en photo toutes les pièces du bâtiment et ont fait un plan des lieux. Les 5 interpellé.es habitent ensemble dans une maison avec plus de monde. Iels n’ont pas arrêté tout le monde, iels cherchaient des personnes précises.

    [...]

    Les policier.es semblaient avoir une grande connaissance des courants politiques et désaccords au sein des mouvements écolos et/ou anarchistes (critique d’anarchistes aux soulèvements de la terre sur la dernière mobilisation de Sainte-Soline notamment, positionnements sur la question de la non-violence entre les différents groupes écolos…).

    #ciment #sabotage #écologie_radicale #vidéosurveillance #criminalisation #SDAT #Montreuil

  • Roswitha Scholz in Paris : Librairie Quilombo et Séminaire Crise & Critique les 12, 13 et 14 mai 2023 (Programme)
    http://www.palim-psao.fr/2023/04/roswitha-scholz-in-paris-seminaire-crise-critique-les-12-13-et-14-mai-202

    Pour les parigos

    Vendredi 12 mai
    Le Sexe du capitalisme. Qu’est-ce que la critique de la valeur-dissociation ? : Rencontre avec Roswitha Scholz

    Séminaire Crise & Critique 13 et 14 mai 2023 – Paris
    Lieu : Le Maltais Rouge 40 Rue de Malte, 75011 Paris

    Samedi 13 mai
    Matinée : 9h30 – 12h30
    « Que les choses continuent comme avant, voilà la catastrophe ». L’actualité de Walter Benjamin : Conférence-débat avec Herbert Böttcher (revue Exit ! – Allemagne)

    Après-midi : 14h-16h30
    Politique d’identité intersectionnelle et politique de classe néo-marxiste. Quelques remarques critiques sur le tabou de l’abstraction à gauche : Conférence-débat avec Roswitha Scholz (revue Exit ! – Allemagne)

    Dimanche 14 mai
    Matinée : 9h30 – 12h30
    Discussion autour des concepts de la Critique de la valeur-dissociation : Rencontre avec Roswitha Scholz et Herbert Böttcher (revue Exit ! – Allemagne)

    Après-midi – 14h-16h30
    La gauche et le problème de la reformulation de l’anti-impérialisme dans le contexte du capitalisme de crise : Echange avec Pierre Madelin (revue Terrestres – France)

    Et donc pour le dernier, qui peut intéresser aussi d’autres que pour la critique de la valeur :

    Depuis maintenant quelques décennies, beaucoup ont constaté à gauche la résurgence de formes dualistes d’internationalisme, poussant de nombreux mouvements ou personnalités dans le rôle de soutien assumé à des dictatures ou mouvements « réactionnaires » pseudo-anti-hégémoniques : l’Irak de Saddam Hussein, la Syrie de Bachar-al-Assad, la Russie de Poutine, l’islamistophilie d’une certaine gauche régressive à l’instar d’un François Burgat, le soutien de certains mouvements pro-palestiniens au Hamas, au Hezbollah et à l’Iran, etc. sans parler de la gauche Maduro/Chavez, de la géopolitique de Mélenchon ou des sorties du Monde Diplomatique et de son directeur de rédaction Serge Halimi.

    Alors que des années 1920 aux années 1970, de nombreux courants anti-impérialistes ont pu soutenir des mouvements anti-hégémoniques de libération ou d’indépendance en apparence progressistes, l’échec des modernisations de rattrapage dans les périphéries et le processus mondial de crise du capitalisme global à partir des années 1980 ont multiplié à n’en plus savoir que faire, les dictatures de modernisation ou les acteurs métapolitiques religionistes qui ne sont qu’un des visages de la barbarisation du capitalisme et d’un état d’exception de plus en plus permanent. Pour autant, dans le nouveau contexte du capitalisme de crise globale, la vieille grille anti-impérialiste de soutien à des Etats qui comportait encore une visée émancipatrice durant la conjoncture des années 1920-1970 a été transposée telle quelle, sans aucune révision de sa compréhension du monde contemporain, sur les pires des régimes de crise ou mouvements fondamentalistes de la période actuelle.

    Pour identifier ce problème persistant, la gauche révolutionnaire a alors parlé de « campisme » ou d’« anti-impérialisme des imbéciles » (Leila Al-Shami) afin de s’en démarquer. Moishe Postone a identifié dès les années 2000 ce problème colossal posé au camp de l’émancipation en évoquant le fait que « les progressistes ont été confrontés à une situation qu’ils auraient dû comprendre comme un dilemme : un conflit entre, d’un côté, une puissance impérialiste mondiale agressive et, de l’autre, un mouvement anti-mondialisation profondément réactionnaire, Al-Qaïda, ou un régime fasciste brutal, celui de Saddam Hussein » (Postone dans « Internationalisme et anti-impérialisme »). Il rajoutait : « il n’y a guère eu de tentatives de problématiser ce dilemme et d’analyser cette constellation de manière à formuler une critique à visée émancipatrice, ce qui semble être devenu extrêmement difficile dans le monde d’aujourd’hui. Pour cela, il aurait fallu développer un internationalisme en rupture avec le dualisme de la Guerre froide, un dualisme qui a trop souvent légitimé comme "anti-impérialistes" des États qui n’étaient pas plus émancipateurs que de nombreux régimes autoritaires et répressifs soutenus par le gouvernement américain. » Aujourd’hui, à gauche, nous sommes loin d’être sortis de ces modèles et attitudes politiques inadéquats et anachroniques.

    #Roswitha_Scholz #critique_de_la_valeur #wertkritik #valeur-dissociation #genre #sexe #capitalisme #Walter_Benjamin #Herbert_Böttcher #impérialisme #anti-impérialisme #campisme

    • La traduction de l’interview avec Roswitha Scholz est horrible cad à peine compréhensible. J’ai retrouvé le texte allemand dans diestandard.at (oui, c’est bien ca ;.) ) qui est très intéressant.

      https://www.derstandard.at/story/1295570613983/queer-hat-sich-ausgelebt

      Scholz: Es ist für mich problematisch, einen so komplexen Zusammenhang in drei Sätzen in einem Interview zusammenzufassen. Ich habe dazu ein ganzes Buch geschrieben. Zentral für mich ist die Geschlechter- problematik, modifiziert mit der Marxschen Theorie und der Kritischen Theorie – auch eine Wertkritik – in Bezug zu setzen. Das heißt, eine Totalitätsperspektive wieder in Augenschein zu nehmen. Wenn der Feminismus einen Beitrag zum Begriff der Krise bringen möchte, müsste viel mehr passieren als jetzt.

      dieStandard.at: Zum Beispiel?

      Scholz: Es müsste tatsächlich etwas Neues kommen. Dieser poststrukturalistische Feminismus oder auch dieses Queer, hat sich im Grunde überlebt. Es müsste da sowohl über den 70er, 80er Jahre Feminismus als auch über die Queer- und Gender-Geschichte hinaus was Neues kommen. Ich versuche da meinen Beitrag zu leisten.

      Bref : il ne faut pas tomber dans le piège des simplifications mais passer à une analyse aprofondie digne de ce nom.

      #marxisme #féminisme

  • Une vulgarisation attentive de Moishe Postone en deux parties.

    via http://www.palim-psao.fr/2023/04/avoir-une-autre-idee-du-marxisme-moishe-postone-par-alain-lecomte.html

    Avoir une autre idée du marxisme – Moishe Postone
    https://rumeurdespace.com/2023/02/21/avoir-une-autre-idee-du-marxisme-moishe-postone

    Le premier point important de la lecture de Marx par Postone me paraît être celui où il va à l’encontre d’une idée attribuée à Marx, selon laquelle la valeur d’une marchandise produite consiste dans le montant de temps de travail social nécessaire pour la produire. C’est un point important du marxisme traditionnel. Mais dit-il, cela est un point affirmé bien avant lui, notamment par Ricardo. Est-ce que Marx reprend vraiment à son compte cette idée ? Ici apparaît la façon dont nous lisons les textes. Devons-nous les lire en prenant ce qui est dit pour argent comptant ? Comme des constats indiscutables… ou bien comme des paroles rapportées ? Si l’on en croit les Grundrisse et l’analyse qu’en fait Postone, c’est la deuxième alternative qui semble être la bonne. Dans Le Capital, Marx, dit Postone, commence son exposé théorique en prenant les catégories et les concepts tels qu’ils se donnent dans le moment actuel de l’histoire, d’une façon en quelque sorte immanente. Partons de cette proposition-là puisqu’il semble qu’elle soit communément admise, se dit-il. C’est là insister sur le fait qu’il n’est pas, si on est un matérialiste convaincu, de catégorie ou de concept transhistorique, qui ne dépendrait pas de l’ensemble des conditions sociales de production de la pensée. On ne saurait penser la pensée en dehors des conditions concrètes, matérielles, qui l’ont permise. On prend toujours le train (de la pensée) en marche, on fait avec les catégories qui nous sont transmises. Ce sont des catégories historiques.

    Il n’y a, ni selon le Marx des Grundrisse, ni donc selon Postone, de notion transhistorique du travail ! Nous ne sommes pas dans une situation où il y aurait une notion anthropologique que l’on appliquerait à l’analyse d’un procès de transformation. Il y a une notion de travail qui, déjà, est intrinsèque à un système de production, en l’occurrence ici le capitalisme. Et donc, il n’y a pas de possibilité de libération d’un tel travail, pur et abstrait, qui s’échapperait des contraintes posées par le capital. Le travail dont nous parlons, c’est le travail capitaliste, c’est-à-dire inhérent à ce système. Si nous voulons nous affranchir du système, ce n’est pas en le gardant comme s’il pouvait être préservé dans un ailleurs idéal qui serait l’espace du socialisme, non, si nous voulons nous en affranchir, nous devons aussi nous affranchir du travail en ce sens-là ! On voit du même coup ce que cette critique entraîne du point de vue de la valeur. Si le travail (mesuré en temps socialement nécessaire etc.) est constitutif de la valeur, ce n’est pas le travail idéal dont il s’agit (celui que par exemple accomplirait un humain libre dans une société libre, en coupant du bois pour se chauffer ou en gravant son empreinte sur le fond d’une grotte) mais le travail capitaliste, celui qui se scinde toujours en deux moitiés : un travail « concret » et un travail « abstrait », lequel travail abstrait n’étant rien d’autre que la partie du travail qui sert à créer des rapports sociaux par un biais connu que l’on peut résumer ainsi : par le travail abstrait, je peux acheter le travail produit par d’autres, autrement dit s’élabore une société, une vie sociale, non pas par l’échange direct entre les sujets humains, mais par le biais des objets qui s’échangent entre eux par notre intermédiaire

    […]

    Et c’est là qu’apparaît le retournement opéré par Marx dans les Grundrisse : lorsqu’il posait cette thèse de la valeur engendrée par la part de travail socialement nécessaire, il ne décrivait pas un processus dépassant l’historicité, il en faisait la critique et montrait qu’il était lié à l’histoire ! Autrement dit, Marx critique le fait que ce soit pour le capitalisme (et non de manière universelle)que la valeur s’explique par la part de travail incorporée. Dans ces conditions, le capitalisme fera toujours en sorte que jamais le travail ne se libère, puisqu’il constitue, à ses yeux, la valeur. Le Capital demandera donc toujours aux travailleurs de garder la même part de travail dit « socialement nécessaire » (j’ai l’air ici de faire du Capital un « sujet », mais c’est justement ce pour quoi plaidera Postone dans l’un des chapitres de l’ouvrage : le Capital est bel et bien le Sujet de l’histoire), quitte à engendrer (comme nous le verrons par la suite) du travail en réalité… superflu !La sortie du capitalisme ne consisterait plus alors dans une « libération du travail » mais… dans son abolition.

    Marx et Postone (2) : abolir la valeur
    https://rumeurdespace.com/2023/02/28/marx-et-postone-2-abolir-la-valeur

    #Moishe_Postone #critique_de_la_valeur #wertkritik #Marx #capitalisme #valeur #travail #critique_du_travail

  • Un pays qui se soulève, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 22 mars 2023)
    https://blog.mondediplo.net/un-pays-qui-se-souleve

    Les bilans parlent d’eux-mêmes, fait-il observer en substance : sous la direction de la classe parasitaire, le pays a été détruit. L’hôpital est en ruine, la justice est en ruine, l’éducation est en ruine, la recherche et l’université sont en ruine, le médicament est en ruine — les potards sont suppliés de fabriquer de l’amoxycilline dans leurs arrière-boutiques. Cet automne, Borne en était « à la grâce de Dieu » à espérer qu’il ne ferait pas trop froid l’hiver pour que le système électrique — en ruine comme le reste — tienne à peu près. On flash-recrute des profs en une demi-heure. On mobilise des fonctionnaires pour conduire des bus — bientôt des trains ? Et les gens ont faim. On n’aurait pas cru possible d’écrire un jour une chose comme ça, mais le fait est là : un quart des Français ne mange pas à sa faim. Les jeunes ont faim. Les files à l’aide alimentaire sont interminables. Entre ça et la police, France 2 ferait un reportage « tableau d’ensemble », mais à l’aveugle, sans indiquer de quel pays il s’agit, on organiserait dans l’instant un Machinthon en solidarité, Binoche se couperait une mèche et Glucksmann préparerait une tribune — pour ces malheureux du bout du monde.

    En quelques décennies, avec un pic d’exploit depuis 2017, un modèle entier a été mis à genoux. Ils ont mis l’économie à genoux. Pas la CGT, pas l’Intersyndicale — si seulement — : eux. Les compétents ont ruiné le pays

  • Si l´État se souciait de la « santé », il interdirait immédiatement les milliers de substances chimiques qui détruisent le monde à petit feu
    https://ricochets.cc/Si-l%C2%B4Etat-se-souciait-de-la-sante-il-interdirait-immediatement-les-mi

    Voici un article très intéressant qui prend comme exemple la pandémie de Covid-19 pour critiquer les politiques étatiques concernant les risques croissants qui pèsent sur nos têtes. Ce texte met dos à dos les conspirationistes et les défenseurs acharnés de la gestion d’Etat appuyée sur la statistique et l’IA. En poussant l’analyse, Sandrine Aumercier fait ressortir les contradictions et le côté toujours plus ingérable de l’Etat-capitalisme. Ce que ni les complotistes ni les partisans aveugles d’une gestion (...) #Les_Articles

    / #Le_monde_de_L'Economie, Autoritarisme, régime policier, démocrature...

    #Autoritarisme,_régime_policier,_démocrature...
    http://www.palim-psao.fr/2023/03/theorie-des-theories-du-complot-reflexions-a-l-occasion-de-l-editorial-20

  • Nouvelle ère du fascisme et société sans avenir : À propos du livre La démocratie dévore ses enfants, de Robert Kurz, par Maurilio Botelho - Critique de la valeur-dissociation. Repenser une théorie critique du capitalisme
    http://www.palim-psao.fr/2023/03/nouvelle-ere-du-fascisme-et-societe-sans-avenir-a-propos-du-livre-la-demo

    Paru en 1993 sous la forme d’un long article, La démocratie dévore ses enfants anticipe à bien des égards le débat actuel sur le radicalisme de droite et la « mort de la démocratie ». La persistance du débat est un symptôme significatif. Si l’on affirme de toutes parts que « les institutions démocratiques fonctionnent », pourquoi le fascisme revient-il à l’ordre du jour dans les médias, dans les discussions intellectuelles et dans les manifestations de rue ?

    […]

    Mais la formulation de Kurz a encore un autre angle qui la rend extrêmement actuelle pour expliquer la montée de l’extrême droite au sein des démocraties occidentales : le nouveau radicalisme de droite n’a plus rien à voir avec le fascisme dans sa manifestation historique de l’entre-deux-guerres, si ce n’est en termes symboliques et idéologiques secondaires ; c’est un phénomène non plus de progression mais de dissolution de la démocratie de marché. En tant que moment spécifique d’un continuum qui a aplani le terrain pour le développement de la démocratie dans les pays en retard de modernisation, le fascisme et le national-socialisme ne peuvent se répéter historiquement : « la machine meurtrière nazie semblait hypermoderne et en avance sur son temps » (p. 39). En revanche, l’irruption massive de gangs d’extrême droite enragés, de skinheads, de milices, de suprémacistes blancs et de néonazis sont des phénomènes propres à l’effondrement de l’économie capitaliste à partir des années 1970 et qui ont d’abord touché les pays de la périphérie ou de la semi-périphérie. L’explosion de l’extrémisme de droite au centre du capitalisme correspond donc à l’approfondissement de la crise structurelle du capitalisme.

    #Robert_Kurz #capitalisme #fascisme #démocratie_de_marché

  • Réflexions sur le mouvement social, la grève et l’insurrection
    https://ricochets.cc/Reflexions-sur-le-mouvement-social-la-greve-et-l-insurrection.html

    Quelques articles et messages pour cogiter un peu aux protestations en cours qui partent de la contre-réforme retraites, à leurs objectifs dans ou hors les institutions (Etat, travail, syndicats, mutuelles, Etat social, La Sociale...). Avec un éclairage historique, des prises de recul, des actions de précaires et quelques rappels. 1. Une des questions centrales est celle de qui décide. Réclamer à l’Etat la retraite à 60 ans, ou imposer à l’Etat la maîtrise complète (le pouvoir) par les travailleurs (...) #Les_Articles

    / Révoltes, insurrections, débordements..., Travail, emploi, entreprise...

    #Révoltes,_insurrections,_débordements... #Travail,_emploi,_entreprise...
    https://lvsl.fr/institutions-sociales-conflit-violent
    http://www.palim-psao.fr/2023/02/rupture-qualitative.de-l-actualite-de-la-critique-radicale-du-travail-par
    http://www.palim-psao.fr/2020/11/rien-ne-sert-d-etre-vivant-s-il-faut-que-l-on-travaille-par-clement-homs-
    https://www.terrestres.org/2023/03/01/bloquer-leconomie-et-interrompre-les-flux-une-nouvelle-boussole-politiqu
    https://lundi.am/Mordre-l-histoire-a-la-nuque

  • L’automatisation et le futur du travail. Notes critiques sur la vision d’Aaron Benanav d’un monde sans pénurie, par Ernst Lohoff et Daniel Nübold - Critique de la valeur-dissociation. Repenser une théorie critique du capitalisme
    http://www.palim-psao.fr/2023/02/l-automatisation-et-le-futur-du-travail.notes-critiques-sur-la-vision-d-a

    Benanav renverse cette argumentation : « Au lieu de présupposer une économie entièrement automatisée et d’imaginer les possibilités ainsi offertes pour construire un monde meilleur et plus libre, nous pourrions partir d’un monde de dignité humaine universelle et nous demander ensuite quel changement technologique serait nécessaire pour le réaliser » (p. 133). Le changement de perspective de Benanav est justifié dans la mesure où le changement technologique ne se produit pas dans le vide, mais est déterminé par la société dans laquelle il a lieu. Cela vaut en particulier pour la société capitaliste, dans laquelle les impératifs de rentabilité économique décident des technologies qui s’imposent ou non en fin de compte. La fin de la pénurie ne peut pas être le résultat d’une prétendue évolution spontanée de la technologie, car « les technologies développées dans les sociétés capitalistes ne sont pas neutres : Elles sont conçues pour incarner la domination du capital, et non pour libérer les hommes de la pénibilité » (p. 140 et suivantes).

    (ce qui vaut pour l’informatique, internet, l’impression 3D, etc)

    #recension #livre #automatisation #capitalisme #productivité versus #rentabilité #critique_de_la_valeur #wertkritik

  • Une économie capitaliste même parée des atours de la vertu ne laissera aucune chance aux personnes assignées au statut de #surnuméraires.

    De l’héritage des travaux du club de Rome :

    Aucune planète pour personne. La longue agonie du Club de Rome, par Frank Grohmann - Critique de la valeur-dissociation. Repenser une théorie critique du capitalisme
    http://www.palim-psao.fr/2023/01/aucune-planete-pour-personne.la-longue-agonie-du-club-de-rome-par-frank-g

    Maintenant que les héritiers autoproclamés de 1972 tentent de faire revivre l’esprit des « limites de la croissance » [1] mais ne font en réalité qu’enterrer un enfant mort-né vieux de cinquante ans, tout en creusant leur propre tombe sous le doigt menaçant des enfants de leurs enfants, le moment est venu de signer les avis de condoléances.

    La vieille formule est à nouveau invoquée [2], selon laquelle il suffit d’actionner dans la bonne direction les leviers appropriés pour que, comme on le disait déjà à l’époque, « un petit changement à un endroit entraîne de grands changements dans tous les domaines ». Aujourd’hui comme hier, on veut apprivoiser un « jeu de Monopoly non durable », à condition de remplacer (par exemple) les mauvais joueurs, remplacer (parfois) des mauvaises règles du jeu, voire modifier (même) fondamentalement le jeu économique — évidemment aux bons endroits, c’est-à-dire où cela ne fait de mal à personne. Mais aujourd’hui comme hier, on n’envisage pas un instant de quitter la « table de jeu », même si cela signifie creuser sa propre tombe et pas de monde pour tout le monde !

  • Parution le 13 janvier prochain : Marx, par-delà le marxisme. Repenser une théorie critique du capitalisme au XXIe siècle de Moishe Postone (Editions Crise & Critique)
    http://www.palim-psao.fr/2022/12/parution-le-13-janvier-prochain-marx-par-dela-le-marxisme.repenser-une-th

    Figure majeure de la Théorie critique et spécialiste de renommée mondiale de l’antisémitisme moderne, l’historien Moishe Postone a élaboré une réinterprétation de la pensée de Marx d’une grande importance pour une critique sociale à la hauteur de l’époque. Largement saluée, son œuvre maîtresse, Temps, travail et domination sociale, s’est opposée à l’opinion répandue que Marx n’avait plus rien à dire dans une époque d’effondrement du communisme à l’Est et de consolidation du capitalisme néolibéral en Occident. Il a aussi posé les jalons d’une reconstruction de l’œuvre marxienne adaptée à la saisie du monde contemporain qui diffère des critiques marxistes traditionnelles.

    Sa thèse centrale est que la critique du capitalisme par Marx ne consiste pas à glorifier le travail et le développement des forces productives, ni à promouvoir une sorte de société sans exploitation dans laquelle les travailleurs pourraient obtenir la pleine valeur de ce qu’ils produisent. Il s’agit plutôt d’abolir le travail tel que nous le connaissons, et avec lui une société dans laquelle le travail, et la valeur qui lui est liée, régissent nos vies.

    Postone considérait néanmoins sa relecture comme une enquête préliminaire et a passé les vingt-cinq années suivantes à explorer, dans divers essais et entretiens enfin réunis en français, comment Marx fournit, selon ses propres termes, « une puissante théorie sociale critique du monde contemporain ». Il montre combien les Grundrisse contribuent à éclairer la critique de la modernité élaborée dans Le Capital, se confronte au rapport de Marx à Hegel ou encore aux analyses de Georg Lukács sur la corrélation entre les dimensions subjective et objective de la vie sociale et Marcel Mauss sur la distinction entre don et marchandise. Des réflexions qui nous exhortent à élaborer une pensée de la réflexivité théorique et de la spécificité historique pour mieux comprendre et transformer le monde dans lequel nous vivons.

    #Moishe_Postone #critique_de_la_valeur #wertkritik #Marx #marxisme #Histoire #théorie_critique #capitalisme #travail #critique_du_travail