• Les #socialistes français, la #crise et l’#Europe, par Christophe Pannetier et Yves Poirmeur (avril 1984)
    http://www.monde-diplomatique.fr/1984/04/PANNETIER/37948

    Dès l’automne 1982, les premières mesures de rigueur sont mises en œuvre par le gouvernement. Elles sont caractérisées par un certain « réalisme » : réalisme en matière de coopération (M. Jean-Pierre Cot quitte ses fonctions ministérielles), réalisme en matière internationale, avec des discours très atlantistes de M. Claude Cheysson. Le plan Delors marque l’entrée dans la politique de rigueur en même temps qu’un arrêt brutal de « construction du socialisme ».

    Cet arrêt a une dimension éminemment européenne : l’option sur laquelle le président Mitterrand a longuement hésité, et qui a fait l’objet d’une importante dramatisation, était celle du maintien ou non de la France dans le système monétaire européen (SME), de l’utilisation ou non des clauses de sauvegarde que comporte le droit européen. A l’arrière-plan, se profilait la question du protectionnisme et de la fermeture des frontières ou du maintien intégral dans le Marché commun. La victoire des thèses de M. Jacques Delors marquait finalement la réaffirmation de l’ancrage de la France à l’#Europe : le socialisme à la française prenait un visage social-démocrate et s’orientait doucement (malgré la contradiction des termes qui en exprime bien la nature) vers ce qu’il faut bien appeler un « socialisme libéral ».

    M. Pierre Mauroy justifia alors sa nouvelle politique par des impératifs européens : « La France ne peut conduire une politique de gauche intégrale si les autres pays européens appliquent des politiques de droite » . L’hostilité de l’environnement européen fonde donc l’impossibilité de poursuivre la construction du socialisme dans un seul pays, et l’abandon (définitif ?) de la politique de relance pour une cure d’#austérité, rebaptisée « #rigueur » pour la circonstance. Cure d’austérité d’autant plus mal ressentie par les Français qu’ils avaient été bercés par un pouvoir serein, qui distillait jour après jour de douces illusions, et que le développement du chômage se profilait à l’horizon.