• Loin de l’impuissance mélancolique, par Evelyne Pieiller
    http://www.monde-diplomatique.fr/mav/137/PIEILLER/50830

    Il n’est pas facile aujourd’hui d’être de gauche. Ou, plus exactement, il est assez aisé d’avoir une sensibilité de gauche, mais il n’est pas facile de penser à gauche. De penser que le combat contre la domination du capital sous toutes ses formes n’est pas obsolète, en dépit de son absence du lexique médiatique et de la transformation des exploités en « défavorisés ». De penser que la question de l’égalité sociale demeure primordiale, en dépit de sa dissolution en question d’égalité d’accès aux chances de réussite. Tout semble s’être compliqué et brouillé, en particulier à cause de la fameuse « mondialisation » et des mutations technologiques. Les analyses d’une gauche qui se veut radicale ne seraient plus pertinentes : elles porteraient sur un passé… dépassé. Déjà, en 1919, l’économiste John Maynard Keynes évoquait cette conviction d’être parvenu à une situation irréversible, suscitée par la première mondialisation : « Un habitant de Londres pouvait, en dégustant son thé le matin, commander, par téléphone, les produits variés de toute la terre » et « risquer son bien dans les ressources naturelles et les nouvelles entreprises de n’importe quelle partie du monde (…). Il se serait considéré comme grandement offensé et aurait été fort surpris du moindre obstacle. Mais, par-dessus tout, il estimait cet état de chose comme normal, fixe et permanent, bien que pouvant être amélioré ultérieurement. »

    Editorial du dernier Manière de voir, « Penser est un sport de combat ».
    http://www.monde-diplomatique.fr/mav/137