« Soigner en priorité les Occidentaux ne pose pas de problèmes d’éthique »

/ebola-soigner-en-priorite-les-occidenta

  • Ebola : « Soigner en priorité les Occidentaux ne pose pas de problèmes d’éthique »
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/09/19/ebola-soigner-en-priorite-les-occidentaux-ne-pose-pas-de-problemes-d-ethique

    Entretien avec Jean-François Delfraissy, directeur de l’Institut microbiologie et maladies infectieuses de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales.

    Le fait de rapatrier dans leurs pays des Occidentaux infectés par Ebola et de leur administrer en priorité des traitements expérimentaux pose-t-il des problèmes éthiques ?
    Jean-François Delfraissy : Cela ne pose pas de problèmes éthiques à mes yeux. Les soignants occidentaux font un effort pour aller aider, dans une situation de grande crise sanitaire, les pays du Sud. MSF et d’autres ONG mènent une action très positive et dans le même temps très risquée. Car cette maladie a de graves conséquences pour les personnels médicaux, avec un taux de mortalité de 50 % qu’on n’avait pas connu depuis plus de soixante ans. Même lorsque de graves maladies comme le sida sont apparues, le risque d’être contaminé était faible pour les personnels médicaux. En France, entre 15 et 20 soignants ont par exemple été infectés par des patients atteints du VIH, ce qui est très peu par rapport au nombre de patients qui ont été touchés.
    (…)
    Mais au-delà des traitements expérimentaux, ce sont surtout les meilleurs systèmes de soins occidentaux qui peuvent permettre de sauver les soignants expatriés et justifier qu’on les rapatrie. Dans les pays d’Afrique de l’Ouest touchés par Ebola, les systèmes sanitaires sont tellement précaires que la moindre opération de réanimation, de pose de perfusion ou d’hydratation des patients – essentielle pour lutter contre le virus – est difficile à mener. En France, les mêmes cas d’Ebola, bénéficiant de mesures de réanimation standard, enregistreraient une mortalité très réduite : elle serait de l’ordre de 15 % au lieu de plus de 50 %. Si vous faites un choc septique au fond de la brousse africaine ou à Paris, votre chance de survie n’est pas la même.

    Entendez-vous malgré tout que ces traitements différenciés puissent renforcer l’opposition entre Blancs et Noirs, riches et pauvres ?
    Je serais sensible à cette critique si nous étions sûrs d’avoir des médicaments qui marchent et qui guérissent Ebola à 100 %, et si de tels traitements étaient uniquement accessibles au Nord. Mais pour l’instant, on n’a rien, tant au Nord qu’au Sud. On a des candidats de traitements dont on peut penser qu’ils ont peut-être une petite efficacité, mais l’on n’en sait rien. On démarre les tests avec les gens du Nord, car on dispose de ces médicaments en petites quantités.
    (…)
    Dans le même temps, les soignants occidentaux peuvent être considérés comme des cobayes... N’est-ce pas un problème, à l’inverse, de leur faire prendre des risques ?
    Effectivement, la question de l’éthique se pose également dans l’autre sens : pourquoi démarre-t-on ces traitements, dont on ne ne sait pas s’ils marchent ou s’ils sont toxiques, chez des soignants du Nord et pas du Sud ?

    (…)
    Lors de l’essai en Guinée, les autorités nous ont demandé d’arriver avec des doses supplémentaires de médicaments pour traiter des soignants contaminés. Là encore, cela pourrait interpeller : pourquoi eux ? Mais en cas de maladie très grave, les soignants sont des gens très précieux. Le Liberia compte seulement un médecin pour 100 000 habitants. Or on a besoin de médecins pour la poursuite de la prise en charge de l’épidémie. Donc qu’il y ait une prime pour traiter en priorité les soignants peut interpeller et pourtant c’est réaliste. Nous ne pouvons pas nous offrir le luxe de perdre le peu de soignants dont nous disposons.

    <fin de l’article>

    • Le Monde et ses titres racoleurs… ok l’Inserm n’est pas la panacée en matière d’éthique mais si il y a des inégalités de traitement entre Occident et Afrique (et pas que en matière de santé) il serait plus porteur de regarder par exemple la politique française en Afrique qui a été largement dénoncée et documentée par Survie plutôt que de mettre cela nommément sur un type de l’Inserm, hum, bof.

    • Oui, et si ces tests se font sur des non-occidentaux (ne soyons pas naïfs les tests sur cobayes humains en fin de vie ne sont certainement pas effectués qu’en occident) ils n’ont pas la même couverture médiatique. Les risques médicaux pris par des « cobayes » occidentaux médiatisés permettent de contrebalancer ce « problème éthique » traduire ce sentiment de culpabilité de l’abandon que l’on fait subir à l’Afrique.