Notre société fabrique de plus en plus d’imposteurs

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    • Eh oui, je suis devenue ingénieure à quarante ans. Je suis sortie des rails, des schémas pré-établis, du curriculum conventionnel. Oups ! Et je l’ai fait dans un pays dont la culture ultra-normalisante privilégie les parcours rectilignes -en l’occurrence : bac scientifique, prépa, école d’ingénieur- ce qui donne des candidats à profil calibré pour des recruteurs eux-mêmes calibrés puisque issus du même moule. Par contraste, je suis une extra-terrestre et culturellement, les extra-terrestres n’ont pas la cote dans l’hexagone. Culturellement, parce que si j’étais, par exemple, américaine, le recruteur en face de moi dirait « wonderfull, very nice, amazing… » C’est juste une question de perspective. Si on sortait des schémas franchouillards qui considèrent qu’une personne qui s’est reconvertie est à classer dans la catégorie looser ou girouette ?

      #travail #entretien_d'embauche #france_sclérosée

      Moi j’en ai un pas mal qui m’est resté en travers :
      « Citez 3 de vos défauts, 3 de vos qualités. »
      – Entretien d’embauche avec Bruno Rebelle, Greenpeace France, 1999.

    • Ah oui, le coup des trois défauts et trois qualités, je l’ai eu aussi quelques fois, celle-là. Mais qu’est-ce que c’est con ! (Vu que tout le monde prépare sa réponse en choisissant soigneusement des défauts qui se révèlent être subtilement des qualités).

    • Personnellement j’avais tout pour réussir dans la vie, mais j’ai commencé à sombrer quand en école d’ingénieur on a eu un cours officiel pour apprendre « à se vendre » en entretien d’embauche.
      C’est là aussi que j’ai compris que le mot « compétitivité » dont on parle pour les pays, les entreprises ou les gens, c’est un mot adouci. Le vrai terme devrait être « prostitutivité », mais ça passe moins bien dans les soirées mondaines...

    • Dans le travail social on a aussi droit aux « qualités et défauts » pour l’entretien d’embauche... (un jour j’oserai dire que je suis asociale... un jour :) )
      Mais le plus drôle, c’est quand, en fac, on vous apprend à faire de l’ingénierie sociale... (si si, y a même un diplôme pour ça... que je n’ai pas eut...)

    • Ce qui est intéressant dans ton article c’est que tu soulignes que la postulant·e a aussi des attentes vis à vis du travail et que la première approche signe souvent le type de relations à envisager avec son futur employeur, il vaut donc mieux qu’elles lui correspondent sinon c’est un début de mauvais accord qui s’annonce. Avec des entretiens où tu te fais appliquer une recette de grille standard qui te répugne comme si tu étais un objet, ça peut être la fuite immédiate. Une fois j’ai apprécié qu’on me demande si l’entretien m’avait plu et si je pensais avoir du plaisir à venir bosser dans la boite, là, ça commence à devenir un échange intéressant je pense !!

    • @ touti : je suis entièrement d’accord avec toi mais je pense que peu d’employeurs en ont conscience. Ils sont focalisés sur leur pouvoir qui est de t’embaucher ou pas et en temps de crise, il est grand. Et ils sont focalisés sur leurs besoins.

    • @touti : +1
      Je suis passé de l’autre côté de la barrière, il m’arrive de recruter. Désormais j’explique toujours aux candidats que je reçois pourquoi je prends le temps de les connaitre de la façon la plus sincère : on part potentiellement ensemble pour un voyage interminable. Je ne suis pas là pour faire des jugements de « valeur », mais voir si on va réussir à bien bosser ensemble avec nos compétences, nos limites, nos aspirations, nos personnalités respectives. On est humains c’est tout.
      Je prends l’image du covoiturage : si on n’est pas en phase, si on risque de ne pas pouvoir se supporter, ce sera l’enfer pour tout le monde.
      Du coup le dialogue est de meilleure qualité et plus instructif que si j’ai en face de moi des gens qui se sentent obligés d’avoir l’air le plus parfaits possibles...

  • Notre société fabrique de plus en plus d’imposteurs - LaTribune
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/98790750764

    La journaliste et psychanalyste Sophie Peters revient pour la Tribune sur la publication du livre de Roland Gori, La fabrique des imposteurs. Notre société de la #norme fabrique des imposteurs :

    “A l’heure où les carrières ne se font plus que par le biais des réseaux sociaux, où l’entreprise évalue le mérite de ses managers à leur cote interne, où l’information n’a de poids que par le buzz qu’elle produit, il convient de s’interroger sur ce phénomène d’imposture qui tend à devenir plus collectif qu’individuel. Sous couvert de discours sur le pragmatisme, de compétitivité nationale, d’utilitarisme social, on promeut sans conscience des techniques et des schémas de comportement voire même des pédagogies qui incitent les sujets à se vendre dans tous les domaines de l’existence. Les techniques de ventes ont (...)

    #bodyware #psychologie

  • Un revenu universel ? Par Abdennour Bidar
    http://www.lamontagne.fr/auvergne/mag/2014/09/21/les-chroniques-du-temps-present-un-revenu-universel-par-abdennour-bidar_1

    Il y a ainsi dans notre société des gisements de créativité auxquels nous ne donnons pas la chance d’émerger, et que l’institution d’un revenu universel permettrait de libérer. Car la peur de sombrer en sortant du salariat n’existerait plus.

    #RdB

    Hier soir, j’ai croisé une collègue de monsieur Monolecte qui est en année sabbatique. Elle avait un bon boulot, intéressant et bien payé pour ses besoins, mais elle ne supporte plus le #salariat et elle cherche autre chose, un autre moyen de vivre. Là, elle a passé 15 jours un peu à la rue, comme Louise Wimmer (attention, grave bon #film : http://television.telerama.fr/tele/films/louise-wimmer,32582950.php), elle navigue un peu dans l’incertitude et la #précarité, mais elle espère vraiment trouver un autre moyen de vivre d’ici la fin de son congé, en juin prochain.

    Je rencontre de plus en plus de gens qui sont carrément en état de désertion du système. C’est aussi le thème du bouquin d’Éric Dupin, Les Défricheurs , sorti il y a 10 jours et qui montre la profusion de gens qui tentent de gagner la marge et de s’y aménager un igloo de #survie.
    Je pense que ce phénomène émergent, dont Dupin écrit qu’il se situe sous la ligne de flottaison des médias (donc totalement invisible) est un phénomène de masse, quelque chose susceptible de dérégler la machine à broyer les gens et qui est en relation avec l’inhumanité croissante du système, telle qu’elle est évoquée là : http://seenthis.net/messages/295118#message295222

    Je crois que c’est très important, ce qui se passe, ici et maintenant. Parce qu’à cet anniversaire où l’on a croisé la collègue en rupture de salariat, il y avait plein d’autres personnes qui expérimentaient, qui bricolaient d’autres possibles et qui ont profité de ce moment pour échanger comme des fous.
    Certes, il y a le biais sociologique du fait que cela se passe chez des amis, donc des gens avec lesquels j’ai beaucoup de choses en commun, mais de proches en proches, j’ai tout de même l’impression que ce qui était totalement marginal devient une profonde aspiration collective.

    • Je pense aussi que c’est une lame de fond sous estimée. En ce sens qu’une des raisons « invisibles », comme vous le dites (car en dessous ou à côté des capteurs non réglés sur le phénomène) pour lesquelles la machine collective (dont économique) « grippe » est le nombre de gens qui vivent individuellement, de manières différentes certes, mais sous ce « parapluie de représentation » que vous évoquez, ce mouvement, le souhaitent, l’organisent et l’amplifient. La paralysie est « souhaitée » par des gens qui n’ont plus d’autre moyen d’expression que l’immobilisme pour un changement de direction. Je vois dans la même tendance (l’idée de sonder ce phénomène invisible) la récente émission de France Culture sur les « intellectuels précaires ». Vous avez mis là le doigt sur quelque chose d’important je pense.
      Bien sûr le « biais sociologique » dont vous parlez fonctionne, nous en sommes inévitablement victimes. Mais au-delà, il se passe quelque chose, une réaction.

    • Il y a aussi ce billet D’une amie qui vous veut du bien, chez Anne Archet, aujourd’hui :

      Anikó Török a partagé cette lettre
      Elle a ajouté en bas de la liste
      Sa tactique de sabotage
      Neuf jours plus tard
      Elle est devenue invisible
      Loin du regard du Léviathan

      Zorin Barrachilli n’a pas partagé cette lettre
      Neuf jours plus tard
      Il était toujours un employé modèle
      Un honnête citoyen
      Un esclave docile
      Un mort vivant

      http://flegmatique.net/2014/09/21/dune-amie-qui-vous-veut-du-bien

      Je crois qu’il faut que je tague ce phénomène. #déserteurs ?