Dans la soirée du jeudi 25 septembre, la Hongrie a interrompu sans crier gare – et sans préciser pour combien de temps – ses livraisons de gaz à l’Ukraine, en invoquant des raisons techniques. A Kiev comme à Bruxelles, cette décision a été interprétée comme un signal amical du gouvernement de Viktor Orban en direction de Moscou, dans la partie de poker qui se joue autour de l’Ukraine. Elle intervient en effet trois jours après la visite, à Budapest, du chef de la toute-puissante compagnie russe Gazprom.
La compagnie hongroise FGSZ, la filiale de l’entreprise semi-étatique MOL en charge des gazoducs, n’a pas d’engagement contractuel envers la compagnie ukrainienne Naftogaz et son partenaire Ukrtransgaz. Elle fournissait depuis 2013 du gaz russe passant par le territoire hongrois, afin de compenser les mesures de rétorsion énergétique prises par la Russie à l’encontre de l’Ukraine. Mais il s’agit d’un engagement moral, comme ceux qui ont été encouragés depuis au sein de l’Union européenne, qui a épousé la cause de Kiev dans la querelle avec Moscou.
Selon le site hongrois germanophone Pester Lloyd, les livraisons hongroises à l’Ukraine étaient récemment de l’ordre de 17 millions de mètres cubes par jour de gaz naturel, pompés sur les réserves stratégiques du pays – donc pour l’essentiel du gaz d’origine russe –, le reste étant fourni par l’OMV autrichienne et par la production propre de MOL. Pour expliquer la brusque interruption du flux vers l’Ukraine, l’opérateur hongrois met en avant la surcharge des équipements, au moment où la Hongrie doit reconstituer ses stocks avant l’hiver.
Selon un communiqué du ministère hongrois du développement, ceux-ci atteindraient aujourd’hui 56,6 % des capacités, alors que les températures ont sensiblement chuté depuis quelques jours dans le pays. Le gouvernement de Budapest s’emploie à rassurer ses concitoyens sur le fait qu’ils n’auront pas à souffrir du manque de chauffage : « Nous avons besoin de grandes quantités de gaz, et nous allons les recevoir », a annoncé le premier ministre, Viktor Orban, dans une émission diffusée vendredi matin à la radio d’état. Il a reçu à cet égard des assurances d’Alexeï Miller, le patron de Gazprom, avec lequel il s’est aussi entretenu, lundi 22 septembre, du projet de gazoduc italo-russe South Stream – ouvertement désavoué par la Commission européenne.
Le contentieux au sujet de South Stream, auquel Budapest s’est rallié contre l’avis de Bruxelles, explique sans doute la vivacité de la réaction de la Commission européenne à l’arrêt « technique » des livraisons à l’Ukraine. « Notre message est très clair : nous attendons de tous les Etats membres qu’ils facilitent les flux inversés » permettant à l’UE de revendre à l’Ukraine le gaz qu’ils achètent à la Russie, a souligné, dès vendredi, une porte-parole de la Commission, Helen Kearn. Elle a par ailleurs rappelé que rien n’interdit aux compagnies européennes de disposer en faveur de pays tiers du gaz provenant de Gazprom – alors que la compagnie russe considère ces reventes comme illégales.