Jazz, à l’envie à la mort

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  • http://next.liberation.fr/musique/2014/09/26/jazz-a-l-envie-a-la-mort_1109218

    François Corneloup saxophoniste, 51 ans :
    « Si la vie est ailleurs que dans le jazz, eh bien que le jazz aille voir ailleurs ! »

    « Ce qui meurt, c’est le conservatisme, car l’envisager, c’est envisager l’obsolescence. Vouloir définir le jazz dans une esthétique coercitive conduit toujours les académistes à devoir faire un jour ou l’autre le deuil de leurs croyances et de leurs dogmes. Ce qui tue le jazz, c’est le mot "jazz". Parvient-il seulement à nous réunir pour une cause ? Il n’agit que comme un filtre que toutes nos certitudes esthétiques opacifieront chaque jour un peu plus. Abolissez ce mot et apparaîtront naturellement devant vous toutes les musiques du monde qui grouillent de vie, se mélangent et se reproduisent entre elles pour donner de nouveaux métissages, enrichir et transformer l’espèce, en inventer de nouvelles qui n’auront que faire du nom qu’on leur donne. Les musiques ont toujours existé avant qu’on les nomme. C’est cet incoercible instinct de propriété qui nous fait désigner les choses qu’on veut posséder, les étiqueter soigneusement pour les classer dans les archives poussiéreuses de nos petits musées privés. Mais quelle peur nous pousse donc à nous poser cette question de la mort du jazz ? Dans quel splendide isolement l’avons-nous mis pour qu’il craigne autant d’être vulnérable ? Au fond, qui d’autre que les jazzmen se pose cette question ? Qui d’autre que le jazz a lieu de s’inquiéter du jazz ? Le jazz appartient-il si peu à son monde qu’il doute à ce point de son existence ? Doit-il sans cesse en faire la preuve par sa valeur marchande ou sa légitimité culturelle ? Si le sort du jazz ne se décide plus que dans les arcanes de l’institution ou sous le couperet du marché, alors rendons-le d’urgence au monde ! Acceptons, sans cette condescendance qui fait de nous des donneurs de leçons de musique, qu’il puisse enfin à nouveau être porté, irrigué par la force de la culture populaire, celle par laquelle les hommes rêvent leur futur. Qu’à son tour le monde puisse s’en nourrir et y puiser ses forces. Mais pour cela, le jazz devra consentir à la dissolution de son génie dans le tout vivant. Qu’il disparaisse dans la danse et que la danse le ressuscite ! Et ainsi de suite… Si, aujourd’hui, la vie est ailleurs que dans le jazz, eh bien que le jazz aille voir ailleurs ! Notre époque est-elle encore vivante ? Si le jazz est pleinement dans son époque, alors son sort ne dépendra plus seulement de lui-même. Ce n’est pas le jazz qu’il faut sauver, c’est l’époque ! Ou bien l’achever une bonne fois pour toutes et passer à autre chose. »

    Dans ce tout petit florilège de considérations pas très profondes à propos du jazz contemporain et en réponse à une question à la fois stupide et sans intérêt, le jazz est-il mort ?, on note cette réponse à la fois pleine d’intelligence et pleine de vie de François Corneloup (dont je ne saurais trop vous recommander par ailleurs de courrir à tous les concerts de ce dernier qui passeait pas trop loin de chez vous).

    cc @dominique