• Must read - Qu’est-ce que le terrorisme ? Par Jacques Derrida - Le Monde diplomatique (février 2004) @mdiplo

    http://www.monde-diplomatique.fr/2004/02/DERRIDA/11005

    Bush parle de « guerre », mais il est bien incapable de déterminer l’ennemi auquel il déclare qu’il a déclaré la guerre. L’Afghanistan, sa population civile et ses armées ne sont pas les ennemis des Américains, et on n’a même jamais cessé de le répéter.
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    Les Etats-Unis et l’Europe, Londres et Berlin sont aussi des sanctuaires, des lieux de formation et d’information pour tous les « terroristes » du monde. Aucune géographie, aucune assignation « territoriale » n’est donc plus pertinente, depuis longtemps, pour localiser l’assise de ces nouvelles technologies de transmission ou d’agression.
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    La terreur organisée, provoquée, instrumentalisée, en quoi diffère-t-elle de cette peur que toute une tradition, de Hobbes à Schmitt et même à Benjamin, tient pour la condition de l’autorité de la loi et de l’exercice souverain du pouvoir, pour la condition du politique même et de l’Etat ?
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    Le rapport entre la terre, le territoire et la terreur a changé, et il faut savoir que cela tient au savoir, c’est-à-dire à la techno-science. C’est la techno-science qui brouille la distinction entre guerre et terrorisme.
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    Au contraire, plus un concept est confus, plus il est docile à son appropriation opportuniste. C’est d’ailleurs à la suite de ces décisions précipitées, sans débat philosophique au sujet du « terrorisme international » et de sa condamnation, que l’ONU a autorisé les Etats-Unis à utiliser tous les moyens jugés opportuns et appropriés par l’administration américaine pour se protéger devant ledit « terrorisme international ».
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    Personne ne peut nier qu’il y a eu terrorisme d’Etat dans la répression française en Algérie, entre 1954 et 1962. Puis le terrorisme pratiqué par la rébellion algérienne fut longtemps considéré comme un phénomène domestique tant que l’Algérie était censée faire partie intégrante du territoire national français, tout comme le terrorisme français d’alors (exercé par l’Etat) se présentait comme une opération de police et de sécurité intérieure.
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    A partir de quel moment un terrorisme cesse-t-il d’être dénoncé comme tel pour être salué comme la seule ressource d’un combat légitime ? Ou inversement ? Où faire passer la limite entre le national et l’international, la police et l’armée, l’intervention de « maintien de la paix » et la guerre, le terrorisme et la guerre, le civil et le militaire sur un territoire et dans les structures qui assurent le potentiel défensif ou offensif d’une « société » ?