L’Institut dominicain du Caire, passeurs d’islam

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  • L’Institut dominicain du Caire, passeurs d’islam - Libération
    http://www.liberation.fr/livres/2014/10/08/passeurs-d-islam_1117710

    Fin septembre, le jardin du couvent des dominicains est un oasis de calme, de verdure et de fraîcheur alors qu’au Caire, il peut encore faire 38 degrés. Chaque vendredi, jour de repos aussi dans les pays musulmans, Ahmed Abdel-Gawad, professeur de parasitologie vétérinaire à l’université du Caire, vient travailler à la bibliothèque de l’Institut dominicain d’études orientales (Idéo), réputée pour son précieux fonds de 160 000 volumes, centré sur le patrimoine arabo-musulman. « Une des références en la matière », explique-t-il. Lui-même mène des recherches en philosophie des sciences.

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    « La bibliothèque, c’est le premier service que nous rendons au monde musulman », explique Adrien Candiard, religieux dominicain de 32 ans. Arrivé en Egypte, il y a deux ans, il est le plus jeune des chercheurs de l’Idéo. Ce brillant intellectuel, ancien élève de Normal Sup et de Sciences-Po, a d’abord hésité entre la politique, l’ENA et sa vocation religieuse.

    Désormais au Caire, il travaille d’arrache-pied son arabe, s’immerge dans l’islamologie et commence une thèse sur Ibn Taymiyya, né au Kurdistan. Ce théologien et juriste controversé du XIIIe siècle est l’un des auteurs musulmans les plus cités chez les tenants d’un islam fondamentaliste. « Les premiers orientalistes ont étudié les auteurs soufis. Pour ma part, je souhaite travailler sur ce qui pose aujourd’hui problème. L’islam s’est imposé comme un élément important du débat international et nous sommes aussi au cœur de l’actualité. Mais il faut demeurer modeste. A l’Idéo, nous cherchons d’abord à comprendre », explique-t-il.

    Adrien Candiard est l’héritier d’une histoire presque centenaire, autant intellectuelle que spirituelle, celle de religieux chrétiens partis à la rencontre du monde arabo-musulman, de sa culture et de sa civilisation. L’implantation des dominicains français au Caire remonte à la fin des années 1920. Elle fut portée par un personnage hors du commun qui vivait à Jérusalem, Antonin Jaussen, dominicain lui-même, archéologue, explorateur et espion pendant la Première Guerre mondiale, croisant Lawrence d’Arabie, parcourant à dos de chameau la Palestine, la Transjordanie et la péninsule arabique.

    Depuis soixante ans, les questions ont indéniablement changé. En Occident, l’islam est devenu objet de violentes polémiques, de craintes. Le monde arabo-musulman traverse, lui, une crise profonde. Il est d’autant plus urgent, selon les dominicains, de construire des ponts. « Nous ne souscrivons pas à l’idée du choc des civilisations, dit Jean-Jacques Pérennès, l’actuel directeur de l’Idéo, qui vit depuis quinze ans au Caire avoir longtemps séjourné en Algérie. Dans le monde, les idéologies et les religions se durcissent. A l’Idéo, nous avons un petit noyau d’une dizaine de chercheurs parmi lesquels des frères dominicains qui vivent ici. L’objectif n’est pas la seule connaissance. Notre disponibilité nous permet de garder des liens entre des univers culturels qui, aujourd’hui, s’éloignent. Nous faisons un effort d’intelligence et d’amitié. Les musulmans découvrent qu’il y a des chrétiens qui s’intéressent à leur culture et à leur religion avec sincérité et sans prosélytisme. »

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    « Contextualiser les œuvres, cela permet de les comprendre », poursuit-il. Et d’éviter d’aller chercher une fatwa du XIIIe siècle, produite par Ibn Taymiyya au moment de l’invasion de Bagdad par les Mongolsqui autorisait de faire la guerre à d’autres musulmans pour justifier aujourd’hui les violences entre sunnites et chiites. « Ce n’est pas à nous d’interpréter les textes musulmans. C’est aux musulmans eux-mêmes de le faire, dit René-Vincent du Grandlaunay. Nous faisons un travail en amont, en mettant à leur disposition des outils. J’ai l’habitude de dire que l’ignorance est source de violence. »

  • Article de Libération sur l’Institut dominicain d’études orientales du Caire.

    Avec ses 160 000 volumes, la bibliothèque de l’Institut dominicain du Caire est une référence pour tous ceux qui s’intéressent à la pensée arabo-musulmane. S’appuyant sur ce patrimoine intellectuel et spirituel, les gardiens du lieu veulent faire œuvre de connaissance et d’intelligence pour lutter contre les fondamentalismes.

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