En Belgique, l’affaire des « tueurs du Brabant » rebondit et s’oriente vers l’extrême droite
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Un ancien gendarme, mort en 2015, serait le chef de cette bande qui a tué 28 personnes dans les années 1980.
Trente-deux ans après les faits, la police belge est peut-être parvenue à mettre un nom sur le chef des « tueurs fous » du Brabant, une bande qui fit régner la terreur en divers endroits du royaume dans les années 1980, causant au total la mort de 28 personnes.
Un nom ? Seulement des initiales à ce stade, « K. B. », révélées par plusieurs médias samedi 21 octobre. L’homme était de très grande taille. Or, de nombreux témoins des fusillades qui eurent lieu dans des supermarchés entre 1983 et 1985 ont évoqué la présence d’un « géant ». Et dressé un portait robot connu de tous les Belges : un individu portant un chapeau, avec de grandes lunettes rectangulaires et une mince moustache.
K. B. était surtout un gendarme, membre du groupe Diane, l’unité d’élite de l’ex-gendarmerie, qui a été, depuis, intégrée à la police fédérale. Certains des membres de ce service ont entretenu des liens avec l’extrême droite.
Les convictions de certains enquêteurs s’en trouvent dès lors renforcées : ils ont toujours pensé que, compte tenu du mode opératoire des tueurs, il pouvait s’agir de policiers ou de militaires, formés aux techniques des forces spéciales. La bande jouait aussi sur les symboles destinés à frapper les esprits : elle visait systématiquement la même chaîne de supermarchés et utilisait à chaque fois les mêmes véhicules. Elle dérobait de faibles butins mais se livrait à un déchaînement de violence. D’autres meurtres lui ont été attribués : ceux d’un bijoutier, d’un armurier et d’un banquier – lequel était, par ailleurs, un informateur de la gendarmerie.
Buveur, noceur et tireur d’élite
K. B. est décédé en 2015. Il a fait des révélations à sa famille, qui, après son décès, a contacté le fils de l’une des victimes. Cet homme en a informé la « cellule de Jumet », une unité de la police qui poursuit inlassablement ses investigations. En 2015, les députés ont voté un texte portant à quarante années – au lieu de trente – le délai de prescription afin que le dossier, qui avait causé un véritable traumatisme, ne soit pas refermé.
Buveur, noceur, tireur d’élite, instructeur de groupes d’extrême droite, K. B. était en congé ou prétendument malade lors de plusieurs raids de la bande, ont déterminé les enquêteurs. Il aurait déclaré une blessure au pied après l’une des fusillades les plus sanglantes (huit morts à Braine-l’Alleud et Overijse, dans la grande banlieue de Bruxelles). Des témoins avaient affirmé à l’époque qu’ils avaient vu l’un des agresseurs se blesser.
« Je sais qui est derrière la bande du Brabant », a déclaré il y a quelques jours maître Jef Vermassen, l’avocat du fils de l’une des victimes contacté par les proches de l’ancien gendarme. « Cette piste est nouvelle et crédible », a expliqué plus prudemment au journal De Morgen le procureur général Christian De Valkeneer, ancien juge d’instruction antiterroriste. Le haut magistrat indique que les investigations vont désormais se concentrer sur des membres encore en vie de l’ex-groupe Diane.
Un million de pages
Elles devront d’abord déterminer si K. B. était bel et bien le « géant » de la bande et tenter d’identifier ses complices. Ce n’est pas la première fois qu’un élément de cet interminable épisode criminel est présenté comme déterminant. En 2016, l’arrestation d’un homme de 68 ans, mis en examen pour meurtre et vols, auteur de confidences sur sa prétendue participation aux tueries, avait déjà agité le monde judiciaire. Mais cette piste s’était rapidement évanouie.
Si elle se confirme, celle des gendarmes étaierait l’idée, souvent évoquée, qu’un terrorisme d’extrême droite aurait visé à l’instauration d’un régime fort, à une époque où le royaume était aussi en proie à un terrorisme d’inspiration marxiste-léniniste, celui des Cellules communistes combattantes. Ce groupe se livra à 27 attentats entre octobre 1984 et l’automne 1985.
Le million de pages du dossier des tueurs du Brabant n’a pas permis de déterminer, jusqu’à présent, qui étaient les vrais organisateurs et qui auraient été les possibles bénéficiaires de ces « années de plomb » version belge.