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  • #Santé

    Le procès de l’Hôpital public , blog, PAR FLORIAN VIVREL
    https://blogs.mediapart.fr/florian-vivrel/blog/060221/proces-de-lhopital-public-chapitre-5-2009-loi-hopital-patients-sante

    Belle illustration du monde merveilleux vanté par les êtres supérieurs que sont les gens "responsables", "rationnels", "sérieux", "bons gestionnaires", "courageux" etc.

    Cash investigation - Santé : la loi du marché / intégrale - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=2pPCt0XqZLs

    Cash investigation - Santé : la loi du marché

    Laboratoires pharmaceutiques un lobby en pleine santé (Les infiltrés - France 2) - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=d7dPq8F6k1k


    #Santé #Sciences #Multinationales #Marketing #Documentaires

    Maladies à vendre, en VOD - ARTE Boutique
    http://boutique.arte.tv/f7062-maladies_a_vendre
    Maladies à vendre - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=-8R-h76mjp8

    Les médicamenteurs - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=oXKZyok0V_o

    Ehpad : l’heure des comptes ?
    https://www.france.tv/france-2/cash-investigation/3103799-ehpad-l-heure-des-comptes.html
    #Fraude_fiscale

    « L’#OMS : dans les griffes des lobbyistes ? » : un documentaire troublant diffusé sur Arte
    https://mrmondialisation.org/loms-dans-les-griffes-des-lobbyistes
    #Conflits_d'intérêts #Documentaires #Organisations_internationales #Santé #Sciences #Multinationales

    « au cours des trois dernières décennies, la structure internationale a perdu son indépendance financière : Aujourd’hui, ses principales ressources proviennent de plus en plus de fonds privés et d’entreprises dont les intérêts dépendent de ses décisions »

    « Bien qu’elle ait toujours été financée pour partie par des mécènes privés, cette part ne s’élevait qu’à 20% dans les années 1970 : les autres 80% provenaient des États membres des Nations Unis. Or, aujourd’hui, la situation s’est inversée. »

    « la structure est de plus en plus dépendante des financements en provenance de mécènes privés, comme Bill Gates ou les industriels pharmaceutiques, car elle manque d’aides publiques »

    Hôpital public sous pression : la raison du malaise - Chronique Mediapart #01 - Osons Causer
    http://osonscauser.com/hopital-public-pression-raison-malaise-chronique-mediapart

    BALLAST Hôpital public à l’agonie. Par Sarah Kilani
    http://www.revue-ballast.fr/hopital-public-a-lagonie

    " Les cotisations ont été rebaptisées « charges », le système de santé a été accusé de « coûter » et on ne présente plus le fameux « trou de la Sécu »."

    " La part de la valeur ajoutée affectée à la masse salariale (renommée « coût du travail ») a commencé à décroître, faisant perdre à la Sécurité sociale plusieurs centaines de milliards d’euros"

    "Alors que, de longue date, les hôpitaux publics étaient financés par une dotation globale forfaitaire (allouée à chaque établissement), la réforme de l’assurance maladie de 2004 a profondément bouleversé le fonctionnement des établissements de santé. La grande majorité de leur financement s’effectue désormais sur le principe de la tarification à l’activité (ou T2A) et dépend dès lors du nombre et de la nature des actes et des séjours réalisés2. À chaque acte correspond un code, lequel donne droit à un remboursement de la part de l’assurance maladie."

    "Ce système pousse très fortement les hôpitaux à orienter leur politique vers une course aux actes lucratifs afin de leur permettre d’engranger de l’argent et de survivre. Les médecins sont incités à augmenter leur activité (notamment les chirurgiens et ceux qui ont une activité de consultation). Les dérives sont nombreuses et les patients opérés hors indications ne sont pas rares. Les activités peu lucratives et coûteuses pour les hôpitaux sont, de fait, délaissées.

    Certains médecins, afin de faire survivre leur service, sont amenés à dépasser très largement les limites acceptables de l’éthique — en mettant en place des soins inutiles ou en maintenant artificiellement certains patients en vie pour pouvoir coder ces actes ou débloquer les enveloppes allouées à ce type de soins."

    "Afin de « récupérer des parts de marché » dans l’offre de soin, les hôpitaux se placent en concurrence directe avec les cliniques pour les actes lucratifs (notamment chirurgicaux). La concurrence a parfois même lieu au sein de l’hôpital, où certains services s’arrachent les activités lucratives (...) la T2A désavantage nettement l’hôpital public par rapport aux cliniques puisque le premier gère les pathologies lourdes, assure une activité de recherche et d’enseignement et, en tant que service public, ne peut sélectionner ses patients."

    "Afin d’optimiser au maximum ce codage, de nombreux hôpitaux ont désormais recours à des « cabinets d’optimisation » — comme Altao."

    "Plusieurs témoins, dans des hôpitaux différents et même d’anciens employés de ces entreprises privées, affirment l’existence d’une triche lors du codage visant à déclarer des actes non réalisés ou à aggraver l’état des patients afin d’arnaquer la Sécurité sociale"

    "Il arrive alors que des patients hospitalisés soient gardés un ou deux jours de plus que nécessaire, avant leur transfert dans une autre unité, lorsque le service dispose de lits vides — et ce afin d’augmenter artificiellement son taux d’occupation et d’éviter à terme les fermetures de lits jugés pas assez rentables pour les administrations. (...) Ce système les incite parfois à exagérer la gravité de l’état des patients lorsqu’ils codent le séjour du patient, sous peine de ne pas voir débloquer le financement forfaitaire associé : en deçà d’un certain seuil de gravité du patient (...) celui-ci n’est pas rémunéré. Les médecins sont prisonniers d’un dilemme omniprésent : tricher ou voir leur service ou une partie de leurs lits fermés "

    "Les tentatives de rappel des administrations à l’ordre et de légiférer sur le temps de travail des internes12 se sont souvent soldées par un échec. Pour cause : ces derniers ne dénoncent que très rarement leurs conditions de travail de peur de perdre des opportunités professionnelles (durant leurs études, ils sont mis en compétition pour l’accession aux postes très prisés de chef de clinique-assistant)"

    "Alors que les médecins disposent d’une enveloppe annuelle pour leur formation continue, certains préfèrent se faire financer les congrès hors de prix par les laboratoires pharmaceutiques afin d’épargner ce coût à leur hôpital : cela génère les problèmes d’indépendance que l’on sait"

    "La dégradation de la qualité de vie au travail pour les soignants a rendu l’hôpital public de moins en moins attractif, au profit, bien souvent, des établissements à but lucratif qui pour la plupart appartiennent à des groupes financiers"

    "Avec la loi Touraine, un nouveau cap a été passé. Sous un prétexte totalement fallacieux d’accès aux soins, le tiers-payant a été généralisé : véritable cheval de Troie des mutuelles. Son opacité va pouvoir masquer aux yeux des citoyens une réalité qui ne se fera probablement pas attendre : le déremboursement progressif des soins par l’assurance maladie au profit des assurances privées. Le patient n’ayant plus à avancer le tarif des soins, il ne verra plus quelle part est prise en charge par l’assurance maladie et quelle part est remboursée par sa mutuelle. Le transfert du financement de la santé de la cotisation sociale vers les marchés privés peut commencer en toute discrétion."

    "La loi Touraine impose également la création des groupements hospitaliers de territoire (GHT). La mise en place de ce projet, inspiré par le rapport Larcher de 2008 (remis sous la présidence de Nicolas Sarkozy), a débuté ce mois-ci et doit être abouti en 2021. Cette procédure prévoit la création de pôles d’activité clinique inter-établissements visant à « coordonner l’offre de soins ». Sauf que, dans le contexte de restrictions budgétaires, au nom de « l’optimisation » et de « la mutualisation des moyens »15, il ne faut pas douter que cela donnera lieu à la fermeture de certains services "

    "Quand les hôpitaux seront définitivement précarisés et redevenus des dispensaires, comme avant la construction des CHU financée grâce à la cotisation sociale dans les années 196018, les patients n’auront plus que le choix de se diriger vers les cliniques pour se faire soigner. S’ils en ont les moyens. Car le gel des cotisations, la compression continue de la masse salariale, le chômage et les nombreux cadeaux de l’État aux entreprises en termes de cotisations patronales finiront par mettre à terre l’assurance maladie, au bénéfice des mutuelles qui auront la part belle."

    "Que les médecins ne se fassent plus d’illusions : la sécurité de l’emploi et la liberté d’exercice dont ils disposent en France seront sans tarder balayées quand les mutuelles et les cliniques soumises aux objectifs actionnariaux de rentabilité seront reines. Les patients n’auront probablement plus le choix de leur médecins ; les mutuelles les dirigeront vers ceux avec qui elles auront passé des contrats aux prix qui leur conviendront."

    #Lobbying : les labos pharmaceutiques ne lâchent rien | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/lobbying-labos-pharmaceutiques-ne-lachent-rien/00082521

    L’hôpital, objet de convoitises des labos | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/lhopital-objet-de-convoitises-labos/00082527

    Enième illustration du bouclage de la boucle :

    « Faute de budget public, la formation médicale des praticiens continue en effet à être financée à hauteur de 98 % par l’industrie pharmaceutique, selon l’Igas »

    « Pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un médicament, un laboratoire doit en effet effectuer des essais cliniques, qui sont encadrés par des normes internationales et doivent obligatoirement avoir lieu en CHU. D’où la nécessité pour les industriels de trouver des équipes médicales au sein de ces établissements »

    Comment les labos s’immiscent dans les facs de médecine | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/labos-simmiscent-facs-de-medecine/00082529
    Quand les labos soufflent à l’oreille des pouvoirs publics | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/labos-soufflent-a-loreille-pouvoirs-publics/00082530

    Overdoses sur ordonnance aux États-Unis, par Maxime Robin (Le Monde diplomatique, février 2018) #Multinationales
    https://www.monde-diplomatique.fr/2018/02/ROBIN/58390

    Vaccinations obligatoires, le débat confisqué, par Leïla Shahshahani (Le Monde diplomatique, janvier 2018)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2018/01/SHAHSHAHANI/58252

    Overdoses sur ordonnance aux États-Unis, par Maxime Robin (Le Monde diplomatique, février 2018)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2018/02/ROBIN/58390
    #Lobbying

    "à l’origine réservé aux malades du cancer en phase terminale et à la chirurgie lourde. Un marché très limité. Pour l’étendre, le laboratoire lance en 1995 une campagne de lobbying agressive : il entend repenser totalement le rapport à la souffrance du patient. La douleur, quelle que soit son intensité, devient le nouvel ennemi du corps médical. Des études financées par l’entreprise recommandent aux praticiens de la considérer comme un « cinquième signe vital », au même titre que le pouls, la température, la pression artérielle et la respiration."

    L’heure des comptes pour Purdue Pharma, par Maxime Robin (Le Monde diplomatique, février 2018)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2018/02/ROBIN/58388

    « L’activité philanthropique des Sackler rayonne dans les plus grands musées du monde. Elle a valu à l’un de leurs patriarches, Mortimer Sackler, d’être nommé chevalier par la reine d’Angleterre en 1999. »
    « Le laboratoire dispose de moyens immenses pour assurer sa défense. Jusqu’à présent, il s’est tiré d’affaire en versant de l’argent, dans des règlements à l’amiable qui lui ont permis d’éviter des condamnations pénales »

    La médicalisation de l’expérience humaine, par Gérard Pommier (Le Monde diplomatique, mars 2018)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2018/03/POMMIER/58465
    #Multinationales #Conflits_d'intérêts #Lobbying #Etats-Unis #Marketing #Santé #Sciences

    "ils savent se montrer plutôt généreux (par exemple en offrant des croisières de « formation » aux jeunes psychiatres)."

    "Le lobbying de « Big Pharma » a gagné aussi les facultés de médecine, où l’on n’enseigne plus que le DSM. Mieux encore, il arrive que les laboratoires dispensent eux-mêmes les enseignements — de multiples conflits d’intérêts ont été dénoncés."

    "Le marketing du DSM est simple : il suffit d’inventer à intervalles réguliers de nouveaux troubles"

    "des associations de parents, dont certaines sont subventionnées par les laboratoires pharmaceutiques (par exemple l’association HyperSupers TDAH France, soutenue par les laboratoires Mensia Technologies, Shire, HAC Pharma et NLS Pharma)."

    "Jerome Kagan, professeur à Havard, déclarait dans un entretien en 2012 que le TDAH n’est pas une pathologie, mais « une invention. Quatre-vingt-dix pour cent des 5,4 millions d’enfants sous Ritaline aux États-Unis n’ont pas un métabolisme anormal (4)  »"

    Traitement de choc pour tuer l’hôpital public, par André Grimaldi, Thomas Papo & Jean-Paul Vernant (Le Monde diplomatique, février 2008)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2008/02/GRIMALDI/15627

    #États_Unis : ces malades qui s’endettent pour se soigner
    https://mobile.francetvinfo.fr/monde/usa/etats-unis-ces-malades-qui-s-endettent-pour-se-soigner_3423709.h

    Les laboratoires pharmaceutiques en accusation, par Paul Scheffer (Le Monde diplomatique, octobre 2015)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2015/10/SCHEFFER/53952

    Promesses et limites du séquençage de l’ADN
    L’eldorado de la médecine sur mesure. par Raúl Guillén 
    https://www.monde-diplomatique.fr/2021/09/GUILLEN/63456

    Des conflits d’intérêts qui suscitent la défiance.
    Une médecine sous influence.par Philippe Descamps, novembre 2020 #Santé
    https://www.monde-diplomatique.fr/2020/11/DESCAMPS/62393

  • Nguyen Duc Moc incarne un petit bout de la grande histoire de la fièvre de Mai 68

    http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2018/05/18/1968-l-annee-du-dragon_5301160_4497186.html

    Militant communiste vietnamien, Nguyen Duc Moc était ouvrier à l’usine Renault-Billancourt. C’était aussi un maître du Vô, l’art martial de son pays natal. Le club qu’il fonde en 1957 formera une partie de la gauche radicale qui se révoltera en Mai 68.

    Sur la pointe nord de l’île de Puteaux, des dizaines d’ouvriers en rang exécutent des gestes précis et simultanés. Leurs mains fendent l’air. Leurs jambes frappent un adversaire invisible. Bâtons longs, manches de pioche et sabres jonchent le sol, prêts à servir pour les prochains exercices. À leur tête, un petit homme sec et tout en muscles, Nguyen Duc Moc, organise cette chorégraphie menaçante.

    Nous sommes à la fin des années 1950. Entre deux bras de Seine, dans cet Ouest parisien pas encore toisé par la skyline de la Défense, se forme un curieux groupe de combattants, qui se réunit régulièrement sous le regard des passants médusés : la fédération de Vô Vietnam.

    Moc, ouvrier spécialisé à l’usine Renault-Billancourt, fait les choses bien. Il se rend en préfecture, le 15 novembre 1957, où des fonctionnaires indifférents enregistrent les statuts de son association d’art martial, présentée comme un espace de promotion artistique et culturelle. Le Vô, discipline aux influences chinoises du Nord-Vietnam, se pratique à Hanoï depuis des lustres. Mais chaque maître invente son style. Celui de Moc sera le Son Long Quyên Thuât – les techniques de combat de la montagne du dragon.


    Maoïstes, trotskistes… Dans son club fondé en 1957, le maître pro-Vietcong Nguyen Duc Moc accueille toutes les chapelles. Maoïstes, trotskistes… Dans son club fondé en 1957, le maître pro-Vietcong Nguyen Duc Moc accueille toutes les chapelles.

    Cet ancien tirailleur indochinois est arrivé à l’usine en 1948, alors âgé d’une trentaine d’années. C’est un révolté parmi les révoltés, dans ce creuset des luttes ouvrières. Il a transité dans les camps de travailleurs du sud de la France, avec 30 000 de ses compatriotes enrôlés de force en juin 1940 pour soutenir l’effort de guerre. Mais il n’a jamais rompu le lien avec sa terre d’origine. Il milite discrètement en faveur d’Hô Chi Minh, son grand homme.

    Rouge écarlate

    En 1955, quand éclate la guerre entre le nord du Vietnam, sous influence communiste, et le sud, soutenu par les Occidentaux, il a choisi son camp depuis longtemps, et il est rouge écarlate. Il n’aime pas les tièdes. Puisqu’il ne peut pas participer la guerre sur place, il la mènera en France, par la propagande ou en faisant le coup de poing si la situation l’exige. Il se prépare à ferrailler, à grands coups de moulinets dans les airs.

    À cette époque, nul ne sait encore que le conflit vietnamien indignera la jeunesse et que ses morts, embrasés au napalm, paveront la route vers Mai 68, cette grande synthèse de toutes les luttes, politiques, sociétales et ouvrières. Et si tout le monde se souvient aujourd’hui de « Dany le rouge », avec sa tignasse et sa rhétorique flamboyantes, de ses camarades bourgeois encanaillés de Gay-Lussac, plus personne ne se rappelle Moc. Il incarne pourtant un petit bout de la grande histoire de la fièvre de cet été de barricades, loin des micros mais au plus près des combats. Certains de ses élèves, recrutés dans le foisonnement des groupuscules, ont mené la vie dure aux forces de l’ordre. Et ils ont participé, petites mèches incandescentes, de la radicalité de ces années-là.


    Une démonstration du maître (à gauche) au début des années 1960 à l’occasion d’un rassemblement d’anciens travailleurs « indochinois ».

    En 1957, Mai 68 est encore loin, mais Moc affûte déjà les esprits rebelles. Il installe vite sa jeune fédération cour des Petites-Écuries, au cœur de la capitale, dans le 10e arrondissement. À l’entrée, des éponges rougies par le sang des pugilistes flottent dans un seau d’eau. Le décor est posé et séduit les énervés. L’air fleure bon la transpiration. Le bouche-à-oreille fonctionne, et la population qui fréquente la salle gonfle d’année en année.

    Moc fait des émules. ­Ghislaine ­Kalman est de ceux-là. En 1966, elle a 19 ans et elle milite au Mouvement communiste français marxiste-­léniniste. Des maoïstes, qui ont troqué la Bible de leurs parents contre le Petit Livre rouge du Grand Timonier. Avec tout le service d’ordre – le « SO », comme on disait alors – de ce groupuscule, elle devient une Vô sinh, une pratiquante du Vô Vietnam. Cette année-là, des centaines de milliers de personnes défilent dans les rues, à travers le monde, choquées par les images des bombardements américains.

    En France, la mobilisation s’organise. La galaxie des mouvements communistes avance désunie, comme souvent, les différentes chapelles radicales se livrant une féroce concurrence. Les trotskistes créent les Comités Vietnam national. Les maoïstes leurs répondent avec les Comités Vietnam de base. À chacun ses coups de force, ses raids et ses descentes. Tous goûtent aux poings américains de l’extrême droite et aux matraques en bois de la police. Ils doivent s’aguerrir. Et Moc n’est pas sectaire. Il accueille tout le monde.

    « On voulait apprendre le combat. Un ami militant nous a dit : “J’ai un superfilon”… Le lendemain, toute notre cellule était au Vô », se souvient Ghislaine. Les partisans d’Hô Chi Minh tentent de fédérer toutes les bonnes volontés et organisent discrètement la lutte, en restant au second plan. « On était étrangers en territoire ennemi, explique un dirigeant de l’Union générale des Vietnamiens de France (UGVF) qui chapeautait les associations vietnamiennes pro-Nord en France. Le mot d’ordre était : aucun Vietnamien en première ligne. »


    Dans la salle Oquinarenne, après chaque cours, Moc fait asseoir les Vô sinhs sur le sol de bois chauffé par l’entraînement. Pendant quelques minutes, ce fils de paysans-­combattants du Nord-Vietnam endoctrine les jeunes venus s’encanailler. Il raconte ses légendes. Son oncle, explique-t-il, décapita naguère sa propre fille, soupçonnée d’avoir donné des informations aux colons français. Vraies ou non, les anecdotes galvanisent ces esprits rebelles. Il les envoie vendre des magazines de propagande sur les marchés, distribuer des tracts, faire des démonstrations… Les Vô sinhs français deviennent les hommes-sandwichs de la cause vietnamienne et la fédération un lieu d’influence qui compte des adeptes dans tous les groupuscules de gauche.

    Bras armé du Nord-Vietnam

    Chaque semaine, sur sa Lambretta grise, maître Moc se rend rue Le Verrier, dans le 6e arrondissement. Au rapport. Un bâtiment de brique rouge abrite ce que les Vietnamiens pro-Nord appellent déjà l’« ambassade » : la représentation informelle de la République démocratique du Vietnam (RDV). Elle ne deviendra en réalité une ambassade qu’en 1975, avec la victoire communiste.

    En entrant, Moc s’incline religieusement devant le portrait d’Hô Chi Minh, puis s’installe dans un bureau face à des hommes en costume. Ils discutent sécurité et stratégie. « Il participait à l’organisation technique de la sécurité, pour les déplacements de personnalités politiques, les rassemblements ou les démonstrations, se souvient un dirigeant de l’UGVF. Moc ne passait pas par les associations de la diaspora. Il était directement rattaché à l’ambassade. »

    Il est un bras armé du régime, à 10 000 kilomètres d’Hanoï. « On escortait les fonds récoltés lors des quêtes jusqu’à l’“ambassade” », se souvient Gérard Dijoux, l’un des plus anciens Vô sinhs français. Enfoncé dans son fauteuil, au cœur d’un village breton, l’octogénaire retraité de l’usine Renault-Billancourt se plaint de ses jambes qui ne le portent plus. À l’époque, il était vif. Ses coups faisaient mal. Le militant trotskiste était un as des manifs. Comme tous ceux que Moc a sélectionnés et spécifiquement entraînés, Gérard a appris deux ou trois trucs utiles dans la rue : analyser une situation, marcher à contresens, dissimuler une matraque dans une baguette de pain, des boules de métal dans la couture de sa ceinture…


    Le 1er-Mai 1968, les luttes sont prêtes à converger. Le 1er-Mai 1968, les luttes sont prêtes à converger. UPI/AFP

    Lorsque les émeutes de Mai 68 éclatent dans le quartier latin, les hommes de l’« ambassade » et maître Moc mettent pourtant du temps à comprendre ce qu’il se passe. Ils ont préparé le terrain, à leur façon, mais l’événement leur échappe. Il n’arrive pas au bon moment. L’offensive du Têt, lancée en janvier 1968, a fait mettre un genou à terre aux Américains. Et l’heure est aux négociations, dans la plus grande discrétion.

    Nguyen Thi Binh, l’une des têtes pensantes des Vietcongs, s’installe à Paris pour préparer la paix avec Washington, qui sera conclue cinq ans plus tard. Elle en profite, d’ailleurs, pour assister à une démonstration cour des Petites-Écuries. C’est Malek Larbi, un ouvrier algérien costaud, au sourire comme un soleil, qui s’y colle. Mais les zélotes d’Hô Chi Minh sont embarrassés par tous ces cris de liberté entonnés par la jeunesse, qui pense plus à la libération sexuelle qu’à promouvoir l’idéal communiste et la victoire de tonton Hô…

    Rattraper le coup de 68

    Il leur faut rattraper le coup. Surfer sur la vague. Dès l’automne 1968, l’« ambassade » impose à la fédération de Vô un recrutement plus massif parmi les désœuvrés de Mai, qui n’ont pas envie que la fête s’arrête. Le système de cooptation est abandonné. Les élèves de confiance deviennent moniteurs et enseignent à leur tour dans de nouvelles salles à Boulogne-Billancourt, Neuilly-sur-Seine, Châtenay-Malabry… Gérard Dijoux s’occupe d’Issy-les-Moulineaux. Les élèves affluent. Les 500 pratiquants d’avant 1968 montent à plus de 3 000, au milieu des années 1970.

    Les renseignements généraux finissent par comprendre que la fédération de monsieur Moc n’a pas grand-chose à voir avec un petit club de sport associatif. Fin 1969, le maître est convoqué dans un commissariat parisien, sommé de s’expliquer. Le général de Gaulle a laissé la place à Pompidou, mais la France se rappelle qu’elle est un pays d’ordre, qui veut en finir avec « la chienlit ».


    Gérard Dijoux, alors trésorier de la fédération de Vô Vietnam, tient la caisse lors d’un rassemblement de pratiquants en 1973 à La Faute-sur-Mer. À côté de lui, Marianne Fabre du MLF, et, dans la voiture, Philippe Bertec, qui créera plus tard sa propre école. Gérard Dijoux, alors trésorier de la fédération de Vô Vietnam, tient la caisse lors d’un rassemblement de pratiquants en 1973 à La Faute-sur-Mer. À côté de lui, Marianne Fabre du MLF, et, dans la voiture, Philippe Bertec, qui créera plus tard sa propre école. ARCHIVES PERSONNELLES

    La fiche des RG rédigée à l’époque raconte cette entrevue. Face à l’inspecteur, Moc joue les naïfs. Il ne fait pas mystère de sa proximité avec les Vietcongs – comment le pourrait-il ? – mais s’étonne d’apprendre que des ­gauchistes ont infiltré ses cours. Ce sont des « intrusions nuisibles à l’­idéologie de la République démocratique du Vietnam », clame-t-il. Il promet de faire le ménage. Pour rassurer les autorités, il fait venir Nguyen Trong Dac au poste de secrétaire général. Un communiste bien connu des services de police.

    Avec les cocos, les vrais, au moins, les autorités savent qu’elles peuvent faire de la politique à la papa. Discuter. Négocier. Mais ça ne suffit pas. Un arrêté ministériel du 18 février 1971 ordonne la fermeture de la salle de Neuilly-sur-Seine, considérée comme « un foyer de propagande et d’apprentissage au combat (…) d’éléments gauchistes ». Le rapport des RG consigne des pages entières de noms de Vô sinhs français. Parmi cette « racaille agitatrice », on retrouve de futurs chercheurs – historiens, psychologues, médecins, diplomates et même un haut fonctionnaire, aujourd’hui proche de Nicolas Dupont-Aignan…

    Les Brigades rouges alléchées

    Nous voilà en 1973. L’intervention américain au Vietnam prend fin, en janvier, avec les accords de Paris. Les combattants de Moc ont gagné la bataille mais s’agitent encore. L’été est chaud. L’air est irrespirable, dans cette vieille guimbarde qui file en direction de la frontière italienne. Un petit groupe parti de Paris se rend à Novi Velia, au sud de Naples. Il est attendu par des jeunes hommes intrigants. Ensemble, ils s’enfoncent dans une forêt, à flanc de montagne, jusqu’à un grand campement.

    À peine leurs tentes installées, les Français reçoivent des instructions. Aucune sortie n’est autorisée sans escorte. En cas de descente de la police, ils doivent suivre un homme désigné. « Ils étaient armés et se réclamaient des Brigades rouges. Ils disaient préparer le renversement du gouvernement, se souvient un participant que nous appellerons « Pierre ». Ils étaient très sympas, mais on était pris au piège. »

    Les Italiens donnent à « Pierre » un petit pin’s avec une kalachnikov noire sur fond rouge, signe amical d’appartenance. Pendant trois semaines, « nous avons formé des moniteurs italiens à des techniques létales, puis nous sommes rentrés à Paris ». « Pierre » reprend le travail quand deux personnes l’accostent à la sortie de son usine. « Ils voulaient que je redescende en Italie pour les former pendant un an. J’ai refusé. » Il a vite compris que ces gens-là n’étaient pas des tendres.

    Il se souvient, comme si c’était hier, du bruit des coups de feu, dans un couloir de la station de métro Châtelet-Les Halles. Il a couru comme un dératé. Il a pris ça pour un avertissement sans frais. « Je me suis dit que c’était pour me faire taire, parce que je pouvais les reconnaître. » Les Brigades rouges – 80 morts à leur actif – n’aiment pas les témoins. Terrorisé, il boucle ses valises et déménage en province, où il vit encore. « Pierre » arrête subitement le Vô. Mais il garde le pin’s.

    À l’époque, cet épisode laisse Moc perplexe. Il refuse d’admettre que c’est peut-être allé un peu loin, qu’il a été dépassé par l’ardeur de certains… Ce sont les Vô sinhs de Vive la révolution, un groupe maoïste créé sur les décombres des mouvements de Mai 68, qui lui ont ramené les Italiens. Dès 1970, des camarades de Lotta continua ont ouvert une salle de Vô à Milan. Moc leur a rendu visite un an plus tard. Mais, après l’épisode de Nova Velia, il refuse d’ouvrir une salle à Turin. La guérilla, c’est bien, mais sa cause, c’est le Vietnam. Il a fini son grand œuvre. En 1975, le dernier GI quitte son pays. La victoire communiste est totale, le Vietnam est réunifié. La fédération se retrouve vidée de sa substance militante.

    Retrouvailles des anciens combattants

    Cinquante ans plus tard – dont vingt-cinq à pratiquer le Vô –, Ghislaine Kalman est devenue une sage-femme libérale, chic et coquette. Un carré court impeccable, elle arpente la capitale avec un gros sac à dos plein de matériels pour ses patientes. Elle a « changé de bord politique », mais s’amuse de revoir ses camarades du Vô.

    Une rencontre a eu lieu le 6 mai. Yves ­Corboz, ancien maoïste, a repris contact. Professeur de physique à la retraite, le septuagénaire l’a invitée a une cérémonie en l’honneur du maître, dans une pagode de la banlieue parisienne. Il a rameuté tous les anciens. Gérard Dijoux n’a pas pu venir. ­Christian, le beau-fils de Moc, Vô sinh des premières heures, a préféré s’abstenir. Moc l’a élevé à la dure. Avant ses 10 ans, Christian et sa petite sœur devaient faire chaque jour en sortant de l’école des démonstrations devant l’usine Renault et racoler les ouvriers. À 68 ans, il garde un souvenir mitigé d’un beau-père violent, mort en 2009, qu’il n’arrive pas à détester.

    Moc n’était pas un tendre. Yves aussi en a fait les frais. Il passe beaucoup de temps à recoller les morceaux d’une histoire qui a marqué sa vie. Depuis 1966, il n’a jamais cessé de s’entraîner. Il a géré une salle, et même le secrétariat général de la fédération, mais ça s’est mal fini : « Je me suis fait expulser en 1979, raconte-t-il, quand j’ai demandé un fonctionnement plus horizontal. » La culture vietcong s’accommode mal des pudeurs démocrates…


    La carte de moniteur de l’ancien maoïste Yves ­Corboz. La carte de moniteur de l’ancien maoïste Yves ­Corboz. ARCHIVES PERSONNELLES

    « Qu’est-ce qu’on était naïfs ! », ne cesse-t-il de répéter, sa masse de cheveux bouclés toujours vissée sur le haut de la tête. Assis face à lui, dans un café populaire parisien, Malek Larbi s’en amuse. Lui ne militait pas vraiment. Il était là pour le sport. Malek a ouvert une branche de Vô à Alger, en 1973, devenue l’une des plus grandes succursales du monde.

    Peu avant la mort du sulfureux maître, la relève des Vô sinhs a réussi à arracher pour lui aux autorités vietnamiennes une médaille de l’ordre de la résistance de première classe. Moyennant finance, ils l’ont fait enterrer dans son village. C’est ainsi. Vu d’Hanoï, Moc était un combattant de la diaspora, sans grande légitimité comparé à ceux morts au front.

    Le Vô Vietnam a désormais sa fédération internationale, installée à Lausanne, en Suisse. Terrain neutre. Elle revendique une dizaine de milliers de pratiquants, un chiffre impossible à vérifier. Elle voudrait sa place dans la vitrine officielle des arts martiaux vietnamiens. Cinquante ans après, elle est toujours aussi dépendante des autorités communistes.

  • La guerre sans fin du #Haut-Karabakh
    http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2018/04/26/la-guerre-sans-fin-du-haut-karabakh_5290825_4497186.html

    Autoproclamé indépendante à la chute de l’Union soviétique, en 1991, cette province arménienne rattachée à l’Azerbaïdjan est au centre d’un conflit régional. Le photographe Emanuele Amighetti a exploré l’ultramilitarisation de la société.

    #Haut-Karabagh

    Dans le cadrage, pas un mot sur le groupe de Minsk, coprésidé par la France…

    Faut dire, le site frôle le néant absolu :
    • 0 publications
    • le dernier rapport date de mars 2011
    • y a juste un « programme social » si l’on en croit les photos ; on se rencontre de temps en temps entre ambassadeurs (la dernière est de juin 2016)
    https://www.osce.org/mg

  • Alice Neel, peintre de la mise à nu
    http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2017/12/28/alice-neel-peintre-de-la-mise-a-nu_5235371_4497186.html

    ll est des moments plus propices que d’autres aux redécouvertes des femmes artistes négligées de leur vivant pour avoir été trop indépendantes. Libre dans son art comme dans son corps, Alice Neel (1900-1984) a longtemps été dédaignée. Par les galeries, qui ne trouvaient pas son travail assez avant-gardiste, et par les musées, qui ne l’ont que très peu acheté. Mais en 2017, l’Américaine a tenu une revanche posthume : pas moins de quatre expositions, au Musée d’art Ateneum à Helsinki, au prestigieux Musée municipal de La Haye, à la Fondation Vincent Van Gogh Arles et, jusqu’au 14 janvier, au Deichtorhallen de Hambourg.

    Alice Neel fut témoin des bouleversements du XXe siècle, de la crise de l’homme moderne comme des combats des minorités et des opprimés. Et plus encore de l’affranchissement des femmes, dont le combat se poursuit aujourd’hui jusque dans la revendication d’une écriture inclusive. L’intérêt que suscite son œuvre est sans nul doute porté par le climat actuel.
    « Je ne voyais pas la vie comme un pique-nique sur l’herbe. Je n’étais pas heureuse comme Renoir. » Alice Neel

    De son vivant, Alice Neel n’a pourtant rien pour elle. Elle est femme, à une époque où les peintres mâles ont la main. Elle est marxiste en pleine guerre froide. Sa peinture est figurative quand on ne jure que par l’abstraction. Bien qu’inscrite en 1921 à la Philadelphia School of Design for Women, une école pour jeunes filles de bonne famille, la peintre tourne le dos aux clichés. Le formalisme esthétisant, les paysages primesautiers façon Mary Cassatt, très peu pour elle. « Je ne voyais pas la vie comme un pique-nique sur l’herbe. Je n’étais pas heureuse comme Renoir », dira-t-elle. Elle résiste à une autre idéologie dominante, celle de l’expressionnisme abstrait défendue à New York. Pour rendre compte des crises qui secouent la société, Alice Neel préfère le réalisme cru inspiré de l’expressionnisme allemand et de la nouvelle objectivité.

    #invisibilisation #femmes #arts

  • Affaire Weinstein : les méthodes troubles des anciens agents du Mossad
    http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2017/11/29/affaire-weinstein-les-methodes-troubles-des-anciens-agents-du-mossad_5221954

    Selon le New Yorker, les méthodes utilisées dans ce dossier par Black Cube consistaient à créer de fausses identités sur Internet ou à payer une somme rondelette pendant plusieurs mois à un journaliste de la presse à scandale chargé d’interviewer des victimes. L’objectif était de dissuader ces dernières de parler en récoltant des informations compromettantes et en tentant de les intimider. Deux enquêteurs privés ont ainsi rencontré, sous des identités falsifiées, l’actrice Rose McGowan, qui finira tout de même par porter plainte pour viol contre Harvey Weinstein.

    #chantage #espionnage #saloperies

    • Dans l’article il est également dit que la publicité positive que leur fera cette affaire est sans précédent !
      D’autre part, c’est intéressant de voir que dans le cas de Ramadan on n’arrive pas à traiter le fait qu’il soit agresseur, violeur, détaché du fait qu’il soit musulman alors que chez Weinstein, on ne fait pas de lien avec son appartenance à la communauté juive (avec des liens étroits avec Israël).
      Enfin, Black cube c’est aussi la société condamnée en Roumanie pour avoir essayé de faire tomber « la procureure de la direction de lutte contre la corruption et le crime organisé ». Un grand sens de l’éthique !

  • Soixante-quinze ans après, un couple libéré des glaces
    http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2017/11/24/soixante-quinze-ans-apres-un-couple-libere-des-glaces_5219947_4497186.html

    Le 15 août 1942, Francine et Marcelin Dumoulin disparaissent sur le chemin d’un alpage suisse laissant derrière eux sept orphelins face à un deuil impossible. Jusqu’au 13 juillet, quand le glacier libère enfin les corps.

    Bien sûr, Jan Theiler connaissait l’histoire. Qui ne la connaît pas ici, dans ce Valais noyé sous les vignes, où les châteaux forts dominent les villes traversées par un Rhône encore naissant ? Ce fait divers patiné par le temps était devenu ici une légende montagnarde : celle des « Dumoulin du glacier ». Des Dumoulin, le cimetière de #Savièse, un village découpé en six hameaux, en héberge une flopée. Mais, depuis 1942, il en manquait deux, Francine et Marcelin.

    L’institutrice et le cordonnier, disparus mystérieusement du côté du glacier des Diablerets un 15 août, laissant derrière eux, en bas, dans la vallée, sept orphelins.

  • Gianluigi Nuzzi, la bête noire du Vatican

    http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2017/11/26/gianluigi-nuzzi-la-bete-noire-du-vatican_5220528_4497186.html

    Il est celui par qui les VatiLeaks arrivent. Dans un nouvel ouvrage, le journaliste italien lève le voile sur des abus sexuels commis au sein du Saint-Siège.

    Enfant, Gianluigi Nuzzi faisait sonner les cloches de la petite église du village du Frioul où il passait ses vacances. A l’école élémentaire, à Milan, la ville où il réside toujours, il avait pour institutrice une cousine d’Albino Luciani, cardinal de Venise, qui deviendra pape sous le nom de Jean Paul Ier, le 26 août 1978, avant de s’éteindre subitement trente-trois jours et six heures de règne plus tard. « Elle nous parlait souvent de lui, de son sourire, de sa simplicité. »

    S’il tient tant à ces petits détails, c’est qu’il entend souligner – alors qu’est sorti, le 9 novembre, en Italie et en France, Péché originel (Flammarion), son quatrième livre de révélations sur les dessous du Vatican – qu’il n’a rien contre la religion catholique en général ni contre les papes en particulier. « On peut être baptisé, avoir la foi et enquêter sur les institutions religieuses, je ne vois pas le problème. »

    Après avoir scruté le fonctionnement suspect de l’Institut pour les œuvres de religion (IOR), autrement dit la « banque du pape » par laquelle ont transité l’argent de la Mafia et les pots-de-vin des hommes politiques (Vatican SA, éd. Hugo et Cie, 2011) ; expertisé la gestion désinvolte des finances de l’Etat du Saint-Siège (Sa Sainteté, scandale au Vatican, éd. Privé, 2012) – un scandale qui aurait mené Benoît XVI à se retirer ; mis au jour une vaste affaire de détournement de fonds destinés aux indigents (Chemin de croix, Flammarion, 2015), le journaliste révèle cette fois rien moins que des abus sexuels qui se seraient déroulés au pré-séminaire Saint-Pie-X, à l’ombre de la coupole de la basilique Saint-Pierre et à seulement quelques mètres de la résidence Sainte-Marthe, où loge François depuis le début de son pontificat.

    Dans la cuisine du bel appartement où il nous reçoit, en ce dimanche de novembre, Gianluigi Nuzzi, 48 ans et chauve comme un genou, explique qu’il a voulu dans son dernier livre « en tissant les fils du sang, du sexe et de l’argent reconstruire la toile d’araignée dans laquelle le pape est retenu prisonnier et ses prédécesseurs avant lui. Le Vatican est un lieu de pressions réciproques, de secrets qui sont autant d’armes pour contrer l’autorité du pape, de silences qui pèsent comme des tombes. Schématiquement, deux blocs de pouvoir s’affrontent : ceux qui veulent les réformes et ceux qui s’y opposent, de peur que ne soient révélées leurs combines, en s’aidant, au besoin, du chantage ».

    Pas de sécurité qui tienne

    Nuzzi en profite aussi pour parcourir de nouvelles pistes dans des affaires anciennes. De quoi Jean Paul Ier est-il vraiment mort ? Pourquoi une gamine de 15 ans, Emanuela Orlandi, fille d’un fonctionnaire du Vatican, s’est-elle volatilisée à jamais, un jour de juin 1983 ? Pourquoi l’un de ses ravisseurs et assassins présumés, un caïd notoire de la malavita romaine, assassiné en 1990, a-t-il bénéficié du repos éternel dans la crypte de la basilique Saint-Apollinaire de Rome, un honneur normalement réservé aux prélats notoires ?

    Pourquoi le Vatican a-t-il refusé de collaborer pleinement avec la justice italienne sur cette affaire qui hante l’Italie au point qu’il ne se passe pas une semaine sans que la presse en parle ? Pourquoi l’homme de confiance de Benoît XVI à la tête de l’IOR a-t-il démissionné sans explication, craignant pour sa vie ? Autant de questions qui vous font regarder d’un air légèrement apeuré la grande muraille qui cerne la cité-Etat et dissimule ses secrets.

    Sur la table de la cuisine traînent les restes d’un gâteau d’anniversaire. Des enfants jouent dans le salon. Il y a une machine à expresso sur le plan de travail, une trancheuse à jambon rutilante et une petite caméra au-dessus de la porte, de même que dans toutes les autres pièces. On ne sait jamais. Nuzzi ne s’explique toujours pas comment certains documents confidentiels sur lesquels il travaillait au moment de l’écriture de Chemin de croix se sont retrouvés dans la presse avant la parution du livre, comme si quelqu’un avait souhaité, en faisant fuiter une partie des révélations, en atténuer les effets. « J’essaie de vivre normalement, dit-il. Je n’utilise pas de messagerie cryptée. Ces caméras me rassurent, mais quand on a affaire à un Etat aussi fort, il n’y a pas de sécurité qui tienne. »

    Comme un roman d’espionnage

    Pour confesser Kamil Tadeusz Jarzembowski, le jeune séminariste polonais à l’origine des révélations sur les abus sexuels dans l’enceinte du Vatican, il lui a donné rendez-vous sur la terrasse du Marcella Royal Hotel. Un lieu ouvert, difficile à espionner, et suffisamment loin du Saint-Siège pour garantir la confidentialité de leur face-à-face. Pour prendre connaissance des documents de l’IOR mettant en lumière les étranges mouvements de fonds entre des comptes, il s’est réfugié dans la discrète villa d’une amie à la périphérie de la capitale italienne. « C’était étrange, se souvient-il, il y avait des mômes qui rentraient de l’école, un chien qui jouait sur la pelouse. Et moi qui manipulais des bordereaux d’encaissement douteux. »

    Légèrement parano, Gianluigi Nuzzi ? Depuis le succès de Vatican SA (250 000 exemplaires en Italie, traduit en 14 langues), sa première enquête fondée sur les archives secrètes de monseigneur Renato Dardozzi, un influent conseiller du Saint-Siège, la genèse de ses livres s’apparente de plus en plus à des romans d’espionnage à mesure que ses sources se rapprochent de la « troisième loge », comme on appelle l’étage du Vatican où siège la secrétairerie d’Etat, autrement dit le gouvernement du plus petit Etat du monde.

    « Souvent, ce sont les informateurs qui me sollicitent directement. Mais je ne suis pas une boîte aux lettres. Je vérifie et recoupe toutes les infos. » En 2011, c’est Paolo Gabriele, le propre majordome de Benoît XVI, qui prend contact avec lui. Cette gorge profonde, qui assiste le pape dans son activité quotidienne et regarde parfois la télévision avec lui le soir, se veut le représentant d’un « groupe de personnes » convaincues que des « forces obscures et coalisées » s’opposent à la volonté de Joseph Ratzinger de mener à bien son œuvre de réforme de l’Église.

    Pour le prouver, Gabriele photocopie une partie de la correspondance de Benoît avec Mgr Vigano, ancien responsable de l’administration du Saint-Siège, et contacte le journaliste. Les deux hommes se retrouvent dans un appartement vide du quartier de Prati, à Rome. Ils ne se parlent pas avant d’avoir vérifié que des micros n’ont pas été posés entre deux rendez-vous auxquels se rend Paolo Gabriele, ses précieux documents agrafés à la doublure de sa veste. Le majordome sera arrêté le 23 mai 2012, jugé et condamné à 18 mois de prison avec sursis avant d’être gracié par Benoît XVI.

    Scoop retentissant et procès

    Deux ans après les premiers VatiLeaks, Nuzzi frappe encore plus fort en obtenant les dossiers de travail de la Cosea, la commission de contrôle des finances du Vatican mise en place par François dès le début de son pontificat, en mars 2013. Une fois encore, des informateurs bien intentionnés le contactent, certains d’aider le pape à venir à bout des dérives de la curie et de dépenses jugées « hors contrôle ».

    Une fois encore, deux camps s’affrontent ouvertement : d’un côté, les gestionnaires austères et frugaux, regroupés autour de François ; de l’autre, les dépensiers, les habitués de la pourpre, des dentelles et de l’apparat comme le cardinal Tarcisio Bertone, numéro deux de la curie, qui vient de faire restaurer, pour 500 000 euros en partie prélevés sur la dotation d’un hôpital romain, son appartement de fonction avec terrasse.

    Un homme, Mgr Lucio Angel Vallejo Balda, un prélat frustré dans ses ambitions, et une femme, Francesca Immacolata Chaouqui, une intrigante en mal de notoriété, tous deux membres de la Cosea, proches de l’Opus Dei et peut-être amant et maîtresse, vont lui fournir clés en main son scoop le plus retentissant, sur le détournement à grande échelle du denier de Saint-Pierre, une quête mondiale destinée à alimenter des œuvres de charité.

    Mais, cette fois, le Vatican décide de réagir, au risque du ridicule. Soupçonnés dès avant la sortie de Sa Sainteté par les limiers de la gendarmerie du Saint-Siège, Balda et Chaouqui sont interpellés. Nuzzi n’échappe pas à un procès, qui s’ouvre le 24 novembre 2015 pour « vol et divulgation illégale d’informations confidentielles », un délit passible de huit ans de prison.

    « C’était la première fois que j’entrais au Vatican », s’amuse-t-il. Huit mois plus tard, il est acquitté avec un autre confrère – Emiliano Fittipaldi, qui, grâce aux mêmes sources, avait publié Avarizia (Feltrinelli, non traduit). Francesca Chaouqui obtient une condamnation avec sursis. Seul le prêtre sera incarcéré pour dix-huit mois. « Je redoutais le verdict, se souvient Nuzzi, bien que le risque que j’aille en prison fût assez mince. Il aurait pour cela fallu que le Vatican demande et obtienne mon extradition. Mais une sanction aurait fait de moi le journaliste condamné par l’Eglise pour le restant de ma vie. »

    Best-sellers et bête de télé

    De ces journées d’audience, assis sur l’inconfortable banc de bois des prévenus dans le minuscule tribunal du Vatican, où la presse n’était admise qu’à raison de six représentants par jour soigneusement sélectionnés, il garde le souvenir d’un grand huissier tout vêtu de noir, debout à ses côtés. « Un jour, il s’est penché vers moi pour me dire : “Je ne manque jamais une diffusion de ‘Quarto Grado’.” »

    « Quarto grado » (Quatrième degré), c’est l’autre vitrine de Gianluigi Nuzzi. Cette émission de télévision du groupe Mediaset, propriété de Silvio Berlusconi, se propose, une fois par semaine depuis 2010, de revenir sur les énigmes de la cronaca nera (« chronique noire », les faits divers) italienne. Nuzzi en a pris les rênes en 2013. « Dramatique », « révélation », « mystère » sont les mots qui reviennent le plus souvent dans la bouche du présentateur, soulignés à chaque fois par une musique de thriller.

    Dimanche 19 novembre, au soir de notre visite, l’émission était consacrée au chapitre de Péché originel concernant la mort, forcément énigmatique, de Jean Paul Ier : infarctus ou empoisonnement ? Nul doute qu’on se posera encore la question dans dix ans. Drôle d’effet, cependant, de voir Nuzzi homme de télévision faire la promotion de Nuzzi auteur de best-sellers, pendant que, sur une autre chaîne du groupe, une émission d’info-divertissement diffusait les confessions d’une des victimes présumées des abus sexuels au Vatican, avec force références au livre de Nuzzi enquêteur. Un modèle économique parfait…

    « Je ne parle jamais de ses livres. C’est un principe, s’agace au téléphone un vaticaniste d’un grand quotidien italien, qui souhaite conserver l’anonymat. Les soi-disant révélations de Péché originel étaient connues de tous ceux qui s’intéressent au Vatican. Quant à l’histoire des prétendus abus sexuels, elle a été proposée à d’autres journalistes, qui n’ont pas jugé les témoignages suffisamment fiables. »

    « A Rome, c’est surtout l’immobilisme qui prévaut »

    Derrière ces propos perce l’agacement de ceux qui, au quotidien, décortiquent les activités du pape et voient paraître tous les deux ans en librairie un livre les faisant passer pour des complices ou des aveugles. « Les vaticanistes italiens sont des enfants de chœur qui font passer leur foi avant leur travail, c’est pourquoi ils sortent rarement de grosses affaires, raille Nuzzi. Moi, je n’ai pas peur des faits ni de leurs conséquences, je me contente de les raconter. »

    Marco Politi, ex-plume du quotidien La Repubblica et écrivain (François parmi les loups, éd. Seuil), est plus indulgent. Pour avoir été aussi correspondant à Moscou, il connaît la difficulté d’enquêter « sur le Kremlin, la Cité interdite ou le Vatican, les pouvoirs derrière les murs ». « Les livres de Nuzzi sont très importants afin de faire comprendre aux catholiques les intérêts économiques de la curie. Toutefois, sa théorie des blocs antagonistes au sein de l’Église doit être nuancée. A Rome, c’est surtout l’immobilisme qui prévaut. 20 % de la curie soutient le pape, 10 % est contre lui, et 70 % attend le prochain pontife. » Du boulot en perspective pour Gianluigi Nuzzi.

    Mais en a-t-il envie ? « Les marchands sont toujours dans le temple », se désole-t-il. Page 235 de Péché originel, il écrit : « Il sera inévitable de descendre aux Enfers pour y découvrir ces secrets des palais sacrés qui aujourd’hui encore tiennent en échec les réformes de François. » Une façon d’admettre qu’il n’y est pas parvenu.

    Dans sa cuisine milanaise, alors que la nuit est tombée, il rêve d’un autre sujet. Il a en tête l’histoire de deux femmes qu’un ami lui a racontée : l’une a participé à l’élaboration de la bombe atomique, l’autre s’y est opposée. Ou un ouvrage politique sur les « visionnaires ». Il a le temps de décider. Le succès de ses livres le met à l’abri du besoin. Les éditeurs le courtisent. « Je n’ai pas acheté pour autant une Ferrari, mais cela me permet de payer une bonne école à mes enfants. » Précision : c’est une école catholique.

  • Un ex-ministre danois va en justice pour légaliser le cannabis

    http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2017/11/03/un-ex-ministre-danois-va-en-justice-pour-legaliser-le-cannabis_5209480_44971

    Au Danemark, l’importation de cannabis à usage médical est interdite. Manu Sareen, qui a pu constater lui-même ses bienfaits thérapeutiques, a porté plainte contre l’Etat pour violation de la législation européenne.

    C’était lors d’un conseil des ministres, en 2014. Manu Sareen, 47 ans, alors membre de Gauche radicale, chargé de quatre portefeuilles – l’enfance, l’intégration, l’égalité des chances et les affaires sociales – se met à transpirer à grosses gouttes. Un fonctionnaire lui prend le pouls : il est très élevé, à 150 battements par minute. Son médecin lui prescrit aussitôt une batterie de somnifères. Il ne les prendra jamais : « Ça m’aurait foutu en l’air, je n’avais pas envie de devenir un zombie. »

    Il a révélé en début d’année qu’il avait alors commencé, sur les conseils d’un ami, à prendre de l’huile de cannabidiol, l’une des molécules présentes dans le cannabis. « Au bout de quelques jours, je dormais comme un bébé et tous les symptômes liés au stress avaient disparu. » Il regrette de ne pas en avoir parlé publiquement, alors qu’il était encore au gouvernement. « Il y aurait eu un débat public, dont nous avons vraiment besoin aujourd’hui. »

    L’ancien ministre, désormais auteur de livres pour enfants, est devenu le chef de file pour la légalisation du cannabis médical au Danemark. Vendredi 27 octobre, il a annoncé avoir porté plainte contre l’Etat danois, accusé de violer la législation européenne sur la libre circulation des marchandises, en interdisant et criminalisant l’importation du cannabis médical provenant d’autres Etats membres.

    Car si, depuis 2011, les médecins danois peuvent prescrire des médicaments à base de cannabis synthétique aux patients atteints notamment de sclérose en plaques, ils sont encore peu nombreux à le faire. Les malades, raconte Manu Sareen, n’ont souvent pas d’autres choix que passer commande par la poste ou trouver un dealeur : « J’ai rencontré des personnes âgées qui avaient vu la police débarquer chez elles pour exiger qu’elles paient une amende de 3 000 couronnes [400 euros]. Elles en étaient toutes retournées. »

  • Kathryn Bigelow, une guerrière à Hollywood

    http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2017/09/22/kathryn-bigelow-une-guerriere-a-hollywood_5189747_4497186.html

    La réalisatrice revendique un cinéma sous testostérone, qui lui a valu plus d’un procès en légitimité. Avec « Detroit », récit des émeutes raciales de 1967, c’est sa couleur de peau qui a été au cœur du débat.

    Kathryn Bigelow n’attendait qu’une chose : filmer ce moment. Depuis qu’elle s’était lancée dans le projet de Detroit (en salle le 11 octobre), un film sur les émeutes qui mirent à feu et à sang la ville du Michigan en 1967, la réalisatrice l’avait en tête. Elle avait retrouvé la trace de Larry Reed. Un homme dont la voix suave et délicate aurait dû, en 1967, en faire le chanteur de sa génération. Le jour de leur première rencontre il y a trois ans, il avait désormais près de 70 ans, vivait seul, tenait à peine sur ses deux jambes. « Impossible d’imaginer la vitalité qui l’habitait autrefois », soupire Kathryn Bigelow. Encore moins de déceler le charisme dont il était détenteur.

    A 18 ans, Larry Reed était le chanteur d’un groupe de soul, The Dramatics, et venait de signer un contrat avec Motown, le label de Détroit qui produisait Marvin Gaye, The Temptations ou Stevie Wonder. Dans la nuit du 22 au 23 juillet 1967, au Fox Theatre, dans le centre-ville de Détroit, une salle comble l’attendait. Larry Reed allait monter sur scène lorsque l’Histoire l’a rattrapé.

    Les émeutes de Détroit venaient d’éclater à la suite d’un raid de la police contre un bar clandestin d’un quartier noir, et la salle du Fox Theatre allait être évacuée. S’ensuivirent cinq jours de violences qui engloutirent dans un gigantesque trou noir le grand soir et les ambitions artistiques de Larry Reed et de sa formation. Quand celui-ci a chanté à nouveau, ce fut dans l’enceinte d’une église. Pour remercier le Ciel d’être encore vivant. Et ne plus rien lui demander d’autre.

    Pendant la préparation de Detroit, Larry Reed est retourné sur la scène du Fox Theatre en compagnie de Kathryn Bigelow. C’était la première fois, depuis cette nuit maudite où il était écrit qu’il côtoierait les étoiles. La cinéaste recherchait des détails, une façon de bouger, l’atmosphère d’un lieu pour lui redonner sa vérité lorsque viendrait le moment de le reconstituer.

    « Nous nous sommes avancés sur la scène, se souvient-elle. Il y avait seulement lui et moi. Il s’est souvenu de l’énergie du public. Deux ou trois visages de jeunes filles, près de la sortie de secours, l’avaient marqué tant elles étaient jolies. Il lisait l’excitation sur leur visage. » Un bref moment, Larry Reed a eu l’impression de les revoir sur cette même scène. En vrai. Comme des fantômes. Qui se sont évanouis.

    Il y a ceux qui essaient, et les autres

    Kathryn Bigelow a trouvé sa propre manière de les ressusciter. Dans Detroit, Algee Smith, l’acteur qui incarne Larry Reed, s’avance seul sur scène après l’évacuation de l’assistance. Il se met à chanter, a cappella, devant des fauteuils vides, décidé à ne pas se faire voler ce moment tant attendu. C’est l’instant que la réalisatrice de Point Break et Démineurs préfère dans Detroit. La toute petite histoire à l’intérieur de la reconstitution des émeutes qu’elle propose. Il ne s’agit pas de la scène la plus spectaculaire, ni de la plus complexe à tourner.

    Elle s’est contentée de laisser aller sa respiration. Pour se dire que certaines choses vont de soi, et qu’elle les comprend mieux qu’un autre. Algee Smith fredonne quelques notes. Se met à esquisser un ou deux pas de danse. Puis s’arrête aussitôt. « Le tapis lui est retiré sous les pieds. Il n’accomplira jamais son destin. N’exprimera plus son talent à la mesure de son extraordinaire potentiel. »

    La réalisatrice américaine est obsédée par cette tragédie, cette carrière artistique ratée. L’idée d’une existence inaboutie, d’un destin avorté, d’un potentiel gâché, la rend malade. La ramène à son adolescence. Cette fille unique, élevée dans les années 1950 à San Carlos, au sud de San Francisco, dans un foyer libéral, par une mère professeure d’anglais et un père chef d’une entreprise de peinture en bâtiment, a très tôt perçu que la volonté était une vertu cardinale, et ce, quel que fût votre talent. Sa professeure de piano, affligée par le manque d’aptitude de son élève, lui avait, par dépit, écrasé la main après un concert raté. A la place, la jeune fille choisit le dessin, pour ne plus jamais l’abandonner. Au nom d’un sacro-saint principe où il reste interdit de lâcher.

    Le père de la future cinéaste possédait, lui aussi, un talent certain pour le dessin. « C’était un caricaturiste très doué, passionné. Mais il existait comme un problème de géométrie chez lui, l’incapacité de relier son talent à une fonction capable de l’exprimer, faire de sa passion un métier. Il n’arrivait pas à se rendre du point A au point B. Il s’est perdu en chemin. Et sa vie, du moins ce qu’elle aurait dû être, n’est devenue qu’un souvenir. »

    Ses dessins restaient destinés à sa fille. Avec le temps, son sens de la caricature s’affinait, trouvait sa voie dans l’exagération, devenait un style. Tandis qu’il restait frappé par son propre manque de talent, sa fille en remarquait toute l’évidence. « Il n’en a rien fait », conclut sèchement la réalisatrice, dans un mélange de tristesse et de désespoir. Kathryn Bigelow a décidé d’étudier la peinture pour son père. Non pour lui faire plaisir. Mais pour devenir ce qu’il n’avait pas eu le courage d’être.

    Son monde idéal, reconnaît-elle, ressemblerait à la scène finale de son quatrième film, Point Break (1991). Le surfeur-braqueur de banque incarné par Patrick Swayze a rejoint l’Australie pour se mesurer à la vague du siècle lors de la tempête la plus violente jamais rencontrée par ce pays. Il l’affronte et disparaît. « Sauf qu’il a essayé, et cette volonté est sublime », assène la cinéaste sans ciller, tant il est clair pour elle que le monde se divise en deux catégories : ceux qui essaient et les autres.

    Bain de sang fondateur

    En arrivant à New York, à 19 ans, au début des années 1970, dans le cadre d’un programme organisé par le Whitney Museum of American Art, Kathryn Bigelow voyait les choses en grand. En matière de peinture s’entend. La jeune fille affichait un goût prononcé pour les toiles de Willem De ­Kooning : les coups brossés à la hâte, les lignes fuyantes et enchevêtrées, les couleurs dégoulinantes. Mais, au-delà de cette passion pour le peintre américain, son attirance pour le gigantisme avait fixé très tôt, et une fois pour toutes, son goût et son ambition d’artiste.

    Elle adorait la peinture à l’huile, surtout pas l’acrylique. C’était pour elle une question d’odeur et de consistance. « Je dessinais des toiles gigantesques, une fusion entre l’expressionnisme abstrait et l’art de la Renaissance. Je prenais un minuscule détail d’une toile de Raphaël pour le gonfler et lui donner une teinte expressionniste. » Du studio prêté par le Whitney Museum – en fait le coffre-fort d’une banque désaffectée dans le quartier de Tribeca –, elle se souvient du froid intense new-yorkais. Sa veste en jean, ses bottes de cow-boy étaient en complet décalage avec le climat de la Côte est.

    « Aujourd’hui, on vous parle de Tribeca ou de SoHo pour désigner cette partie basse de Manhattan très chic. Mais au début des années 1970, c’était différent. Un taxi refusait de se rendre là-bas. De ma fenêtre, vous entendiez des coups de feu presque tous les soirs. Me voilà donc dans un sac de couchage, dans un no man’s land, et une atmosphère de guerre en bas de chez moi. Et vous savez quoi ? J’ai adoré ! Il règne une solidarité entre artistes plasticiens qui n’existe pas chez les cinéastes. Du moins, je ne l’ai pas trouvée. »

    Sur le modèle des ateliers de la Renaissance, la recherche d’un maître est devenue la quête d’une vie. Elle fut l’élève d’une des figures centrales de l’art conceptuel, Lawrence Weiner, apparaissant dans plusieurs de ses vidéos, ou en assurant parfois le montage. Puis celle de Robert Rauschenberg et de Richard Serra. Un autre mentor, Andy Warhol, lui aussi passé des arts plastiques au cinéma, avait fait remarquer à la jeune étudiante que le cinéma était l’art populaire par excellence. Moins élitiste, à ses yeux, que la peinture ou la sculpture.

    « Cela m’a frappée. Je suis allée au Museum of Modern Art pour regarder l’huile sur toile de Kazimir Malevitch, Composition suprématiste : carré blanc sur fond blanc, qui consiste en un carré de couleur blanche, peint sur un fond blanc légèrement différent. J’ai aussi pensé aux compositions en rouge, jaune, bleu et noir réalisées par Mondrian. Vous ne pouviez pas spontanément prendre la mesure du génie de ces deux pièces. Il fallait connaître l’histoire de l’art. Le cinéma, c’est différent. C’est plus viscéral, plus accessible. »

    La réalisatrice Kathryn Bigelow, en juillet 2017 à New York.
    Elle s’est rendue dans les salles de cinéma avec la même assiduité que dans les musées, en gardant son regard de plasticienne, afin d’y découvrir un modèle, d’élire ses maîtres. Tout s’est joué dans une salle de Times Square qui proposait un double programme avec Mean Streets de Martin Scorsese et La Horde sauvage de Sam Peckinpah. Il y faisait froid, mais toujours plus chaud que chez elle. Il lui a bien fallu enjamber les corps inertes de plusieurs junkies pour atteindre son siège. Le temps de repérer le fauteuil approprié, face à l’écran, loin des différents trafics dont cette salle restait le théâtre, elle avait acquis la concentration nécessaire.

    À la fin de la séance, sa vie avait changé. Le bain de sang final de La Horde sauvage, cet opéra sanglant, ce tourbillon affolé, filmé en partie au ralenti, où les jets d’hémoglobine offrent une impressionnante conclusion à la cavale de plusieurs malfrats dans le Mexique du début du XXe siècle, était devenu son idéal. L’expression la plus sublime de ce média. Ce vers quoi devraient tendre ses futurs films. Ce à quoi ils échapperaient aussi, loin de tout intellectualisme, pour une conception viscérale, instinctive, animale de cet art.

    « Le bain de sang de La Horde sauvage renvoyait à celui commis par nos troupes au Vietnam. Il ressemblait aussi à une gigantesque peinture de De Kooning. Ou à ­Guernica de Picasso. C’était absolument extraordinaire. C’était un cinéma physique, bodybuildé, sous testostérone. » Un cinéma qu’elle pratiquerait, que ce soit avec les vampires dans Aux frontières de l’aube, avec les surfeurs dans Point Break ou sur la guerre en Irak dans Démineurs.

    Seule réalisatrice à avoir décroché un Oscar

    Devenue réalisatrice, elle s’est installée dans l’ombre d’un autre maître, Douglas Sirk, cinéaste allemand auteur des plus grands mélodrames hollywoodiens des années 1950, Écrit sur vent, Le Temps d’aimer et le temps de mourir et Mirage de la vie. Elle lui a rendu visite en Suisse à plusieurs reprises, a projeté à son attention son premier long-métrage, The Loveless (1982), et noté la moindre de ses remarques.

    Sirk était presque aveugle, se souvient-elle, mais voyait tout à travers les descriptions que lui faisait son épouse. Bien plus tard, Kathryn Bigelow agira dans le même esprit de transmission, au début des années 1990, durant son bref mariage de deux ans avec James Cameron, l’homme qui sait si bien mettre en avant les personnages ­féminins dans ses films d’action – Linda Hamilton dans Terminator, Sigourney Weaver dans Aliens, Kate Winslet dans Titanic.

    Un détail dans La Horde sauvage chiffonnait Kathryn ­Bigelow. Le moment précis où le personnage principal du film, le cow-boy crépusculaire incarné par William Holden, est abattu dans le dos par une femme et se retourne vers elle pour la traiter de « salope ». D’un coup surgissaient synthétisés les apparents paradoxes de sa future carrière : admiratrice d’un cinéaste misogyne – Sam Peckinpah – et réalisatrice de films d’action, un genre qui restait l’apanage des hommes. Un club fermé où même elle, avec son mètre quatre-vingt-cinq, n’était pas la bienvenue.

    L’Oscar de la meilleure réalisatrice reçu en 2010 pour Démineurs – le premier remis à une femme dans cette catégorie –, sur une équipe de déminage de l’armée américaine en Irak, n’a rien arrangé. Il y a d’abord eu la fierté d’être la première à hériter de cette récompense. Puis la lassitude de demeurer la seule. « S’il existe une résistance aux femmes décidées à passer derrière la caméra, ce n’est pas mon problème. J’ai décidé de passer outre. Et ce pour deux raisons : je ne vais pas changer de sexe et je ne vais pas non plus cesser de faire du cinéma. Je me moque de savoir si c’est un homme ou une femme qui a réalisé un film. La seule chose qui me préoccupe reste de comprendre comment je réagis devant celui-ci. »

    Sa méthode, sa volonté, la réalisatrice les exprime aussi avec la rigueur martiale de son uniforme de tournage : jean, tee-shirt uni, casquette sur la tête, pour laisser dépasser ses longs cheveux par la fente arrière. Et par un rituel immuable : avant chaque scène, elle sort de sa poche arrière un papier avec le plan à tourner et les mouvements de caméra à effectuer, le regarde brièvement, et le range. Cela ne lui apprend rien. Elle a de toute façon son film en tête. Mais cette gestuelle la rassure. C’est sa manière de montrer les muscles sur un plateau.

    Le 7 mars 2010, Kathryn Bigelow, ici aux côtés de l’acteur Guy Pearce (à gauche) et du producteur Greg Shapiro, entrait dans l’histoire du cinéma américain en devenant la première femme à décrocher l’Oscar du meilleur réalisateur, pour « Démineurs ».
    Récemment, ce n’est plus son genre qui a posé problème, mais sa couleur de peau. Après la sortie, début août, de Detroit aux États-Unis, plusieurs éditorialistes dans la presse se demandaient si un ou une Noire ne seraient pas davantage qualifiés pour mettre en scène les émeutes de Détroit. La polémique l’a laissée bouche bée. Kathryn Bigelow lui oppose l’intensité de son travail, et la volonté.

    « Nous retournons à ce débat imbécile sur les femmes cinéastes. Je crois qu’un metteur en scène est un metteur en scène. Cela ne signifie pas qu’il n’existe pas une sensibilité masculine ou féminine. Des hommes peuvent diriger une scène d’une intense émotion, et une femme saura s’atteler à des séquences d’une inhabituelle violence. Vous savez, j’ai deux yeux, je regarde le monde en trois dimensions, et dispose de toutes les teintes disponibles. Pourquoi serais-je donc ontologiquement incapable de filmer la violence ? Et au nom de quelle étrange disposition de mon cerveau, liée à ma couleur de peau, serais-je incapable de comprendre les émeutes de Détroit en 1967 et, surtout, de comprendre que le racisme aux États-Unis reste ininterrompu comme le montrent les récentes manifestations de Charlottesville ? »

    Le sens du détail

    Elle revendique sa méthode, et son ­statut d’artiste. Grâce à certains gestes, à son attention à certains détails, elle est sûre d’avoir redonné une vérité et une authenticité à ces événements, et à l’épisode particulier de l’Algiers Motel, devenu le cœur de son film. Situé dans le quartier noir de Virginia Park, ce motel avait été investi par la police après que la présence d’un supposé sniper avait été signalée dans l’établissement. Le résultat a été une nuit de terreur entre le 25 et le 26 juillet : trois adolescents noirs tués par des policiers, neuf autres, dont deux jeunes filles blanches, battus et humiliés par les forces de l’ordre, et le chanteur des Dramatics, Larry Reed, qui y avait trouvé refuge après le couvre-feu.

    En plus de Larry Reed, Kathryn Bigelow a rencontré d’autres témoins de l’époque, longuement, plusieurs heures… Comme Julie Hysell, une jeune femme blanche âgée de 18 ans au moment des émeutes, venue visiter Détroit avec une amie et qui avait terminé sa soirée au Algiers Motel. Ou Melvin ­Dismukes, le policier noir présent sur les lieux lorsque la police a abattu trois adolescents au nom d’une prétendue légitime défense.

    « Un détail m’avait frappée dans le récit de Julie Hysell. Elle tenait la main de son amie alors que la police les tenait en joue. Dans le film, je me suis concentrée sur leurs deux mains. Cette métonymie racontait tout de leur détresse. Comme, autrefois, le détail d’une peinture de Raphaël me permettait de développer une nouvelle toile. Melvin Dismukes était, lui, entré par la porte arrière du bâtiment, puis passé par la cuisine et le salon où gisait un premier cadavre dans une mare de sang qui n’avait pas encore coagulé. Ce détail aussi m’a impressionnée. » Un moment entre chien et loup, entre la vie et la mort, plastiquement aussi marquant qu’une toile de De Kooning, qui place le spectateur dans la situation inconfortable du témoin impuissant, en train de regarder un homme mourir.

    La comédienne Jessica Chastain dans « Zero Dark Thirty », un film sur la traque de Ben Laden, réalisé par Kathryn Bigelow.
    Ces détails qui créent le tableau ou la scène, Kathryn Bigelow peut en citer dans chacun de ses films. L’épilogue de Zero Dark Thirty – qui retrace la traque d’Oussama Ben Laden, depuis les caves de Tora Bora en Afghanistan jusqu’au Pakistan –, Kathryn Bigelow l’a trouvé à la fin de son tournage : Maya, l’agent de la CIA incarnée par Jessica Chastain, monte à bord d’un avion spécialement affrété pour elle, après l’élimination de Ben Laden, et s’effondre en larmes.

    Le prix à payer pour son professionnalisme, la rançon de sa volonté et de son obsession, et une vie placée entre parenthèses, où rien n’a été bâti. Kathryn Bigelow a tourné la scène en une prise, en s’en débarrassant presque, consciente du miroir tendu. Cette vie, c’est la sienne, et elle l’a choisie.

  • Kim Kardashian et les tontons braqueurs : faut le professionnel pour rester de marbre
    http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2017/03/27/kim-kardashian-et-les-tontons-braqueurs-faut-le-professionnel-pour-rester-de

    T’as beau avoir scruté les photos, observé le client sous presque toutes les coutures vu qu’elle a pas l’air trop farouche avec les photographes, quand la mère Kim apparaît, ça fait un choc. Jolie comme un cœur, à oilpé sous un peignoir qui crie un peu grâce au niveau du poumon, un valseur en conséquence qui te fait regretter d’avoir pas pris de cours de tango. Et avec ça, effrayée comme une biche quand tu lui colles un calibre en bon acier sur ses mèches folles, faut le professionnel pour rester de marbre et pas péter une durite.

    Le bon vieux cliché du viol de la bourgeoise valorisé et mis en scène de manière humoristique sur l’e-monde.fr.
    #culture_du_viol #misogynie #slut_shaming #haine #prédation

    sur le sujet du fantasme de viol des bourgeoises lire ce texte excellent de Christine Delphy : http://lmsi.net/Quand-la-haine-des-femmes-se

  • Le jour où la #France s’est divisée sur le foulard
    http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2017/02/03/le-jour-ou-la-france-s-est-divisee-sur-le-foulard_5074145_4497186.html

    C’était il y a vingt-huit ans. Fatima Achahboun avait 14 ans. Le 18 septembre 1989, Ernest Chénière, le principal du collège Gabriel-Havez de Creil, petite ville déshéritée de l’Oise, décide « au nom du respect de la laïcité » d’exclure l’adolescente d’origine marocaine, sa sœur Leïla et leur camarade Samira Saïdani, toutes deux âgées de 13 ans, car elles refusent de retirer le #foulard qu’elles portent depuis quelques mois.

    C’est le premier épisode de ce qui deviendra l’« affaire du foulard », une longue controverse qui divise le pays et déchire la gauche. L’acte fondateur d’un affrontement sur la #laïcité au sein du #PS, où deux conceptions de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État s’affrontent. Ceux qui réclament une « laïcité ouverte » face à ceux qui la défendent comme la gardienne de l’« identité française » et de l’égalité entre les hommes et les femmes.

    #paywall

    • C’est le premier épisode de ce qui deviendra l’« affaire du foulard », une longue controverse qui divise le pays et déchire la gauche. L’acte fondateur d’un affrontement sur la laïcité au sein du PS, où deux conceptions de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État s’affrontent. Ceux qui réclament une « laïcité ouverte » face à ceux qui la défendent comme la gardienne de l’« identité française » et de l’égalité entre les hommes et les femmes.

      Ces deux positions ont évolué mais restent aujourd’hui séparées par une ligne de démarcation vivace. Elles ont encore divisé les candidats de la primaire à gauche, Manuel Valls plaidant pour une laïcité plus stricte « réaffirmée partout » et Benoît Hamon, jugeant que, conformément à la loi de 1905, la laïcité impose à l’État un devoir de neutralité, non de combat.

      Ce qui serait bien @baroug si tu es abonné, comme le dit si bien @mad_meg, à l’-e-mmonde c’est de mettre l’article, sous mur de paye, en ligne dans sa totalité, sans citer le lien juste en mettant la source : Le Monde du 3 février 2017.

    • J’ignorais cette généalogie :

      Au retour des vacances, le débat s’enflamme naturellement. Gisèle Halimi claque la porte de SOS Racisme, qui, comme le MRAP, juge que l’école doit accueillir tous les enfants. La tribune la plus fracassante est publiée dans Le Nouvel Observateur le 2 novembre.

      C’est une lettre ouverte à Lionel Jospin, signée par cinq intellectuels (Régis Debray, Élisabeth Badinter, Alain Finkielkraut, Élisabeth de Fontenay et Catherine Kintzler), intitulée « Profs, ne capitulons pas ! ».

      Elle débute par ces lignes : « L’avenir dira si l’année du Bicentenaire aura vu le Munich de l’école républicaine. » L’hebdomadaire Politis publie la réplique de Joëlle Kauffmann, Harlem Désir, René Dumont, Gilles Renault et Alain Tournaux qui parle d’« un Vichy de l’intégration des immigrés ».

      Le débat s’embourbe. Désormais, les nuances ne sont plus audibles. Elles ne le seront jamais plus. Les périphrases « les laïcards qui ont peur des musulmans » et, en face, « les laïcards complaisants » augurent les qualificatifs d’islamophobes et d’islamo-gauchistes qui n’existaient pas alors et qui continuent en 2017 d’empoisonner le débat public. Les deux camps de l’époque perdurent aujourd’hui : ceux qui pensent que ce déchaînement de violence intolérable contre des adolescentes a braqué durablement la communauté musulmane et ceux qui jugent que l’État, en manquant de fermeté, a laissé s’épanouir l’intégrisme islamiste.

    • Merci @thibnton pour cet extrait et pour l’éventuelle prise de risque encourue. Il faut savoir vivre dangeureusement :) Au moins cela pourra donner des éléments à celles ou ceux qui souhaitent entamer un nième débat sur la laïcité en étant non abonné à ce journal récemment introduit dans l’éducation national par le biais du décodex « le guide pour savoir à qui faire confiance sur internet »

      http://www.les-crises.fr/bien-sur-et-maintenant-leducation-nationale-recommande-le-decodex/#comment-429198

  • Sauvé des barbelés, le village palestinien de #Battir rêve de tourisme

    Les 5 ans de « M le mag ». Il y a trois ans, ce village palestinien était menacé par la construction du mur israélien. « M » avait rencontré ses habitants en lutte. Désormais classé au patrimoine mondial de l’#Unesco, Battir mise aujourd’hui sur le tourisme.


    http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2016/10/19/sauve-des-barbeles-le-village-palestinien-de-battir-reve-de-tourisme_5016163

    #tourisme #Palestine #murs #barrières_frontalières #Israël
    cc @albertocampiphoto @clemencel

  • Des caméras de surveillance en quête de suspects
    http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2016/09/22/des-cameras-de-surveillance-en-quete-de-suspects_5002046_4497186.html

    Déjà présentes dans plusieurs villes aux Etats-Unis et aux Pays-Bas, des caméras de surveillance « intelligentes » détectent des mouvements supposés à risques. La photographe Esther Hovers a interrogé leur bien-fondé en reconstituant ces situations « code rouge ». Des caméras urbaines intelligentes, en quête permanente de comportements jugés déviants. Non, le roman d’anticipation 1984 ne s’est pas encore réalisé, « la police de la pensée » imaginée par George Orwell ne restreint pas nos libertés afin de (...)

    #CCTV #comportement #vidéo-surveillance

  • Les #Sioux en guerre contre un #pipeline
    http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2016/09/10/les-sioux-en-guerre-contre-un-pipeline_4995495_4497186.html

    Face aux manifestations, les travaux ont été suspendus sur le tronçon contesté par les Sioux, qui ont saisi la justice pour demander l’arrêt de la construction. L’entreprise texane qui développe le projet assure avoir obtenu les autorisations nécessaires. Selon elle, ses canalisations enterrées sont bien plus sûres que le train ou le camion pour le transport du #pétrole. Vendredi 9 septembre, tout en rappelant qu’il était « conscient des avanies subies par cette tribu depuis des siècles », un juge fédéral a estimé que les permis étaient valides et autorisé la poursuite du chantier.

    Mais l’affaire a pris un tour politique avec l’intervention du gouvernement : peu après cette annonce, les ministères de la justice et de l’intérieur ont en effet demandé le gel des travaux dans un rayon de 32 km autour de la zone défendue par les #Amérindiens. « Cette affaire a mis en lumière le besoin de discussions sérieuses (…) sur ce type de projets », indique notamment le communiqué. La justice devrait donc se pencher à nouveau sur le dossier dans les prochaines semaines.

    #justice #États-Unis_d'Amérique

  • Des militants “ont commencé à se rassembler au début du mois d’avril dans les environ de Cannon Ball, dans le Dakota du Nord, pour protester contre la construction d’un oléoduc de la compagnie texane Energy Transfer Partners” et protéger “leurs terres sacrées”, rapporte The New York Times.

    Ces deux dernières semaines, à mesure que de nouveaux manifestants affluaient sur le site, la protestation a tourné à plusieurs reprises à “la confrontation avec les forces de l’ordre et les ouvriers du chantier de l’oléoduc”, souligne le journal.

    http://www.courrierinternational.com/video/etats-unis-les-sioux-occupent-la-prairie

    #PeuplesIndigènes #Amériques #USA #RespectExistenceOrExpectResistance

  • Au camp d’entraînement des petits soldats d’Ukraine
    http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2016/08/19/au-camp-d-entrainement-des-petits-soldats-d-ukraine_4984763_4497186.html

    Même neutralisée (des modifications la rendent inapte au tir), l’arme paraît démesurée. Ada porte un tee-shirt rouge avec un petit chien noir et blanc à lunettes jaunes et des tongs roses : elle a 9 ans. La petite fille s’est déjà choisi un nom de guerre : Talisman. Comme tous ses camarades, une cinquantaine de jeunes âgés de 6 ans à 18 ans, elle passe une partie de ses vacances au camp d’été patriotique militaire des Azovets (#Ukraine).
    Préparer la résistance contre l’armée pro-russe

    Nous sommes à 35 kilomètres à l’ouest de Kiev, la capitale ukrainienne, dans une forêt à la lisière de la route E40, en direction de Jytomyr. Aucun panneau n’indique le lieu. Une simple banderole est accrochée à la grille d’entrée et deux drapeaux flottent dans la cour : celui de l’Ukraine et celui du camp d’été du régiment Azov – deux silhouettes bleues d’enfants soldats portant des fusils-mitrailleurs et des casques de combat sur fond jaune.

    Cette unité #paramilitaire #ultranationaliste...

    des petits soldats d’Ukraine

    on appelle ça des #enfants_soldats !!! #embrigadement
    #paywall

  • L’#Abkhazie, la Riviera du Caucase
    http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2016/08/03/l-abkhazie-la-riviera-du-caucase_4977793_4497186.html

    Dans la cour du sanatorium Amra, « soleil » en abkhaze, Galina et Alexandra savourent l’air doux de la mer et des montagnes alentour, à l’ombre des palmiers et des sapins. « Saviez-vous que l’Abkhazie était le pays de l’âme ?, demande la première, vêtue d’une robe ample à fleurs, on la ressent partout, où que vous alliez. » Une phrase qu’ici, dans ce petit morceau de terre de 215 kilomètres de côtes le long de la mer Noire, au nord-ouest de la Géorgie, habitants et touristes ne se lassent pas de répéter.

    #Soukhoumi
    #soviétisme (ça faisait longtemps, tiens…)
    #paywall (mais c’est pas grave, on trouve plein de trucs sympas)