Après François Burgat, Nabil Ennasri, l’ambassadeur du Qatar, Georges Malbrunot, à nouveau Nabil…

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  • Les domestiques asiatiques moins bien traitées en Scandinavie que dans le Golfe ?
    http://orientxxi.info/magazine/les-domestiques-asiatiques-moins-bien-traitees-en-scandinavie-que-dans-l

    Signalé par un pote qui se reconnaîtra, une grosse tâche sur la serviette déjà pas très propre d’Orient XXI. Cet article nous explique que, en définitive, le petit personnel asiatique n’est pas tellement mieux traité, voire plutôt moins bien, « en Scandinavie que dans le Golfe ». « Sacrilège » comme il est dit dans le titre...

    Déjà, on pensait qu’Orient XXI s’intéressait à l’actualité du monde arabe. Or, là, il s’avère qu’il s’agit surtout de dénoncer les conditions d’exploitation des domestiques asiatiques en Europe du nord. Drôle de choix éditorial !

    Et puis, on a tout de même un peu l’impression que l’opération sert à nous expliquer que, finalement, ces pauvres Golfites ne sont pas si épouvantables que cela puisque les autres, les prétendus civilisés des démocraties représentatives exemplaires, font aussi mal.

    Enfin, pour couronner le tout, comparer des rétributions et des niveaux de vie pour expliquer que les choses ne sont pas comme on le pense généralement, c’est bien gentil, mais c’est un peu court : quid des situations et des recours juridiques par exemple ? quelle est la proportion des personnes concernées par rapport à la population totale ?

    L’article est signé par deux universitaires, importés comme de vulgaires « nannies » au Qatar. Le premier est plutôt un climatologue, et le second se présente ainsi : « geographer who examines the human capital dimensions of international economic development. More specifically, I study how places attract and utilize global human capital and foreign knowledge through migration, trade, and investment as means to generate local development capacity. » La troisième est plus sur le sujet ; elle a visiblement fourni les données locales en Scandinavie...

    Pas terrible Orient XXI !...

    • C’est vraiment un article indigne.

      Voir Amnesty par exemple sur ce sujet (l’année dernière) :
      https://www.amnesty.org/en/documents/MDE22/004/2014/en

      Le fait de comparer uniquement les salaires en occultant tout le cadre juridique autour est vraiment grave. Avec ce raisonnement, on peut très bien affirmer que les « nannies » sont tout aussi bien traitées au Liban qu’en Suède, puisque les salaires sont sans doute équivalents. C’est évidemment passer à côté de faits parfaitement connus au Liban (et dont on trouve en gros l’équivalent dans le rapport d’Amnesty sur le Qatar) : système de parrainage (kafala) imposant la dépendance totale des employées, confiscation du passeport, conditions de logement possiblement infectes, quasiment aucun recourt en cas de salaire impayé, très peu de recours contre les violences et l’exploitation abusive, faible protection en cas de viol, expulsions systématiques en cas de fuite de chez son patron, et une bonne moyenne d’un suicide par semaine et jamais d’enquête sérieuse suite à cette curieuse épidémie de bonnes qui enjambent le balcon. Au point qu’il y a quelques années, les Philippines ont interdit à leurs ressortissantes d’aller travailler au Liban.

      Il y a tout juste deux semaines, d’ailleurs, Amnesty rappelait que le système de parrainage (kafala) n’était pas encore aboli au Qatar, et que le nouveau système maintiendra le contrôle des employés sur les travailleurs immigrés :
      http://www.amnesty.fr/Presse/Communiques-de-presse/Cinq-annees-echec-sur-le-terrain-des-droits-humains-deshonorent-la-FIFA-et-l

      La réforme de la kafala, un système restrictif de parrainage, au cœur des problèmes rencontrés par les travailleurs migrants : des modifications restreintes promises en mai 2014 n’ont été introduites qu’en octobre 2015, et n’entreront en vigueur qu’à la fin 2016. Le nouveau système continuera à exiger que les migrants obtiennent l’aval de leur employeur pour changer de travail ou quitter le pays.

      […]

      « Dans le système de la kafala, il est bien trop facile pour un employeur peu scrupuleux de bénéficier de l’impunité lorsqu’il paie les salaires en retard, place les travailleurs dans des logements sordides et exigus, ou menace les travailleurs qui se plaignent des conditions. C’est pourquoi la kafala doit faire l’objet d’une refonte complète, et pas de réformettes », a déclaré Mustafa Qadri.

      « Les travailleurs migrants continuent à être confrontés à des obstacles et des retards lorsqu’ils se tournent vers la justice, et ils ne sont pas autorisés à fonder ou rejoindre des syndicats. Des milliers d’entre eux continuent à connaître des difficultés pour bénéficier de services de base, de santé notamment, à subir des retards dans l’obtention du permis de résident, ou à vivre et travailler dans conditions intolérables. »

      Je crois que je peux ressortir mon petit gif :

      Pour ceux qui découvrent la notion de #qatar_bashing, c’est expliqué là :
      http://seenthis.net/messages/301911

    • Et ça ne rate jamais :
      https://twitter.com/romaincaillet/status/677245820270460928

      Les domestiques asiatiques seraient-elles moins bien traitées en Scandinavie que dans les pays du Golfe ?
      http://orientxxi.info/magazine/les-domestiques-asiatiques-moins-bien-traitees-en-scandinavie-que-dans-l

      […]

      J’imagine déjà les complotistes en train de classer @OrientXXI dans la catégorie « mercenaires takfiris » à la solde de l’Otan et du Qatar

    • @gonzo : je pense que ton sentiment (« on a tout de même un peu l’impression que l’opération… ») qu’il s’agit de dédouaner les pauvres pétromonarchies injustement montrées du doigt vient de cette façon dans l’article de vouloir absolument rattacher la question de la domesticité aux « pays exportateurs de pétrole et de gaz faiblement peuplés », ce qui permet de mettre dans un même sac (ici explicitement dans une même liste très bizarre) les pays du Golfe, la Norvège, le Danemark, la Malaisie, Brunei, les Pays-Bas et le Canada :

      À l’inverse, les gouvernements des pays exportateurs de pétrole et de gaz faiblement peuplés proposent des cadres juridiques particuliers pour que des travailleurs étrangers temporaires (généralement asiatiques pour des raisons économiques), travaillent pour des salaires parfois dérisoires en toute légalité. C’est ce que l’on peut aujourd’hui observer dans les pays du Golfe, mais aussi en Norvège, au Danemark, en Malaisie, à Brunei, aux Pays-Bas ou encore dans certaines provinces faiblement peuplées du Canada : les effets locaux des pétrodollars se manifestent souvent par des flux de milliers de travailleurs temporaires et bon marché, le plus souvent asiatiques.

      […]

      Derrière ces statistiques, il y a une grande dynamique économique et sociale internationale longtemps ignorée qui révèle, au sein des pays exportateurs d’hydrocarbures, une division du travail et de la société assez radicale : d’un côté, les populations nationales, bénéficiant de divers avantages et prestations sociales, et de l’autre, les travailleurs temporaires étrangers, qui n’y ont pas droit.

      On pourrait déjà remarquer que certains de ces pays ne sont pas « faiblement peuplés » (Malaisie et Arabie séoudite ont chacun 30 millions d’habitants). Mais surtout que les problèmes de la domesticité ne semblent pas se limiter du tout aux pays producteurs de pétrole. Par exemple (message précédent) : le Liban. La question de la domesticité se pose également en Afrique, peut-être avec des conditions différentes – souvent, semble-t-il, des ressortissants du même pays –, mais où la racialisation des rapports de domination n’est pas forcément absente. Par exemple, en Afrique du Sud, un million de femmes employées domestiques :
      http://www.equaltimes.org/les-travailleurs-domestiques-en

      Les Sud-africains blancs travaillent rarement en tant que domestiques, et encore moins les hommes de peau blanche. Mais depuis des générations, des femmes noires et de couleur (métisses) se sont occupées des enfants et des maisons des autres – souvent aux dépens de leurs propres ménages.

      Approximativement un million de femmes sont employées en tant que main-d’œuvre domestique en Afrique du Sud.

      Il y aussi l’Asie, par exemple ici 300.000 employées domestiques étrangères à Honk Kong (qui n’est pas non plus exportateur d’hydrocarbures) :
      https://www.amnesty.org/fr/countries/asia-and-the-pacific/china/report-china

      Plusieurs milliers des quelque 300 000 employés domestiques étrangers de Hong Kong – des femmes en quasi-totalité – étaient victimes de traite à des fins d’exploitation et de travail forcé, et se retrouvaient lourdement endettés du fait de frais d’agence excessifs ou illégaux. La « règle des deux semaines » (selon laquelle les employés de maison étrangers dont le contrat de travail est terminé doivent trouver un nouvel emploi ou quitter Hong Kong dans les 15 jours qui suivent) et celle selon laquelle ces employés étaient logés au domicile de leur employeur les rendaient d’autant plus vulnérables à de possibles atteintes aux droits humains et aux droits en matière de travail. Violences physiques et verbales, restriction du droit de circuler librement, interdiction de pratiquer sa foi, salaires inférieurs au minimum légal, privation de périodes de repos suffisantes, cessations arbitraires de contrat, souvent en collusion avec les agences de recrutement, étaient autant de pratiques courantes chez les employeurs. Les autorités de Hong Kong ne contrôlaient pas correctement les agences de recrutement et ne sanctionnaient pas de manière appropriée celles qui se mettaient en infraction avec la loi.

      Et dans les pays où le choix des employées de maison n’est pas immédiatement racialisé, une bonne dose de mépris de classe ou d’autre structure d’aliénation/domination fera certainement parfaitement l’affaire. Ainsi en Inde (pas vraiment un pays « faiblement peuplé ») :
      https://fr.globalvoices.org/2013/12/26/159017

      L’Inde compte plus de quatre vingt dix millions d’employés domestiques, soit 20% de la population active, qui constituent une main d’oeuvre vitale pour le développement du pays mais qui disposent de très peu de droits. Les avantages tels que le salaire minimum fixe, le paiement des heures supplémentaires, le congé maternité, les soins médicaux et d’autres droits de base demeurent illusoires pour eux, en l’absence d’une législation nationale. Ils sont vulnérables face aux abus et à la pauvreté. La nature de leur travail, la relation informelle employé-employeur et leur lieu de travail demeurant un foyer privé, tous ces éléments font qu’ils ne sont concernés par aucune des lois du droit du travail indien.

      On pourrait continuer ainsi longtemps… l’idée de lier la domesticité aux pays exportateurs d’hydrocarbures apparaît donc totalement artificielle, d’où le doute sur l’intention derrière ce choix qui permet de mettre la Suède dans la même liste que le Qatar et l’Arabie séoudite.

  • Al Araby, le nouveau quotidien lancé par Azmi Bishara et financé par ses gentils amis qataris à lui, utilise le récent article d’Orient XXI dénonçant le « Qatar bashing » pour démontrer que nos gentils amis qataris à nous sont victimes d’un épouvantable complot israélo-émirati.

    موقع فرنسي يكشف تفاصيل جديدة للحملة
    http://www.alaraby.co.uk/file/get/9aaafb98-ba00-4156-844b-faa355cfd3fe.pdf

    كــــشــــف مــــوقــــع «أوريـــــــــــــون 21» الـــفـــرنـــســـي المستقل، عـن حملة عالمية لتشويه سمعة قــطــر تــقــف وراءهـــــــا الإمــــــــارات وإســـرائـــيـــل. وفي تحقيق بعنوان «خفايا تقريع قطر... حـمـلـة مـــد ّبـــرة مـــن ِقــبـــل الإمـــــــارات الـعـربـيـة وإسرائيل»، كشف الكاتب الجزائري المقيم في فرنسا، أكرم بلقايد، وهو أحد المشرفين على الموقع المستقل إلى جانب شخصيات أكاديمية وإعامية مرموقة في فرنسا، أنه هو «شخصيا تم الاتصال به لهذا الغرض مـن ِقبل عـدة وسـطـاء». وأشــار الكاتب الى أن الــحــمــلــة لــيــســت جــــديــــدة، وبــــــدأت عـلـى الأقــل الـعـام المـاضـي فـي الـولايـات المتحدة، ويــمــكــن لمـسـهـا بـــوضـــوح هـــنـــاك، كــمــا أنـهـا ظاهرة يمكن رصدها بوضوح في فرنسا ونــــــــــوا ٍح أخـــــــرى مــــن الــــعــــالــــم، وخـــصـــوصـــا فـــي أوروبـــــــا. ولـــفـــت إلــــى أن «مــــن يــمــّولــون (الإمــــــــارات وإســـرائـــيـــل) هــــذه الـحـمـلـة ضد قطر، يستغ ّلون ص ّناع أو قادة الرأي، سواء عن وعي أو غير وعي لتنفيذ أجندتهم في شيطنة الدوحة».

    (Signalé par Pierre Abi Saab.)

    Sur l’article d’Orient XXI :
    http://seenthis.net/messages/301911

    • Malheureusement, on a déjà eu plusieurs fois cette discussion : je soutiens qu’il n’est pas possible de simplement revendiquer l’objectivité du traitement, alors que le choix du sujet est dès le début un choix politique (ou idéologique). Le thème du « Qatar bashing », comme je l’ai déjà signalé il y a six mois, a émergé à un moment précis, de façon très claire et dans des cercles cohérents (dont certains membres sont publiés dans Orient XXI).

      Mon intuition est que ce thème est né au moment où la politique soutenue par ces cercles en Syrie a commencé à être très (trop) visiblement catastrophique. La dénonciation du « Qatar bashing » apparaît à ce moment comme dernière ligne de défense des gens qui ont soutenu la militarisation et nié, euphémisé puis justifié l’extrémisme des « rebelles ».

      Choisir d’écrire aujourd’hui en reprenant exactement le terme de « Qatar bashing », c’est donc s’inscrire évidemment là-dedans. Le choix du mot trahit le choix idéologique initial, sinon il suffirait d’utiliser n’importe quelle autre formule. Pourquoi celle-ci, qui est à la fois caricaturale et grotesque ? Même s’il n’y avait eu la très visible campagne de 2013 sur ce thème, le terme est déjà ridicule : on va aussi faire des articles sur le « Israël-bashing » ?

      Donc : si je vois arriver un article sur le « Israël-bashing », je n’irais pas perdre mon temps plus avant. Si par ailleurs ça sort dans un média dont je sais qu’une partie des auteurs a un but politique dans l’utilisation de ce terme, je ne vois pas pourquoi j’irais une fois de plus critiquer le fond. Et si cet article sur le « Israël-bashing », avec ses qualités journalistiques et non idéologiques, était utilisé par un média financé par Israël pour prouver qu’Israël est la victime d’une campagne de dénigrement, je doute que plus grand monde en attende réellement une analyse sur le fond.