• Palestine : naufrage et asphyxie du débat public
    https://www.acrimed.org/Palestine-naufrage-et-asphyxie-du-debat-public

    Retour sur deux mois d’un traitement médiatique indigne.

    Dans sa guerre coloniale sans merci infligée aux Palestiniens, l’État d’Israël tue une majorité de civils, dans une proportion et avec une rapidité plus importantes que lors des attaques américaines les plus intenses en Afghanistan, en Syrie ou en Irak, insiste le New York Times [1]. Le 12 décembre, dans les pas de nombreux acteurs parmi lesquels l’historien israélien Raz Segal et plusieurs experts de l’ONU [2], la Fédération internationale pour les droits humains adoptait une résolution « reconnaissant les actions d’Israël contre le peuple palestinien comme étant un "génocide en cours" ». Plus de 19 000 morts à Gaza selon les données du ministère de la Santé du Hamas – dont The Lancet réaffirma qu’elles n’étaient pas surestimées et « relev[a] même des bilans sous-estimés » [3] –, parmi lesquels plus de 5 350 enfants d’après l’Unicef, qui recense en outre au moins 9 000 enfants blessés et 3 500 autres portés disparus [4].

    Gaza est dévastée. Des zones urbaines gigantesques sont désormais inhabitables. Les ONG dénombrent près d’1,9 million d’habitants contraints aux déplacements forcés. Famine et épidémies surviennent à mesure que persiste le siège israélien. Le système de santé a périclité. Un tapis de bombes s’abat sans discontinuer sur l’enclave, détruisant toujours davantage d’habitations, d’hôpitaux, d’établissements scolaires et de lieux culturels dont, récemment, le siège des archives de Gaza, symptôme parmi d’autres d’un projet de « destruction de la culture du peuple palestinien » [5]. Des dizaines de journalistes ont été tués. La seule UNRWA (agence onusienne pour les réfugiés palestiniens) compte 134 morts parmi ses employés [6]. Et la crainte est réelle, ainsi que l’étaye Gilbert Achcar dans Le Monde diplomatique, « que la guerre en cours ne débouche [...] sur une nouvelle nakba, comme les Palestiniens l’ont très tôt pressenti et comme l’ont ouvertement annoncé des politiciens israéliens, avec à la clé un problème de réfugiés sur le sol égyptien ou, tout au moins, de "déplacés internes" dans des camps au sud de Gaza. » [7] Quant à la Cisjordanie, l’Autorité palestinienne y recense plus de 260 Palestiniens tués par les colons et l’armée depuis le 7 octobre alors que s’intensifient les agressions et les spoliations répondant aux souhaits d’une annexion du territoire occupé planifiée par le gouvernement israélien [8].

    Face à un tel carnage, la complaisance, l’indifférence, la partialité, l’occidentalo-centrisme et le déni de nombreux grands médias français n’en finissent plus de sidérer. Et s’ils ne sauraient être uniformément frappés d’un même sceau d’indignité, loin de là, les exemples à l’appui de l’incurie du débat public français sont légion.

    Au service d’une « guerre juste »

    Pendant les semaines ayant suivi les massacres du 7 octobre, les médias dominants se sont massivement fait le relai de la propagande de guerre israélienne. L’idée d’une riposte « inéluctable » et « légitime » a constitué l’alpha et l’oméga du débat autorisé, ostracisant les appels au cessez-le-feu et disqualifiant les marques de solidarité envers le peuple palestinien, suspectées de bienveillance à l’égard du Hamas et/ou de soutien au terrorisme.

    Les préparations et l’armement des soldats israéliens firent l’objet de reportages écrits et audiovisuels suintant la fascination morbide. L’offensive terrestre fut feuilletonnée et les bombardements, minimisés, faisant office de simples décorums de plateaux ou commentés comme une action « annexe » à ce qui constituerait, dans un futur proche, la « véritable » réponse israélienne.

    La question de la conduite d’une guerre par un gouvernement d’extrême droite fut bien souvent euphémisée, ou simplement esquivée par un commentariat « militaire » omniprésent, renforçant la dépolitisation d’un récit médiatique structurellement étanche à l’analyse de l’oppression coloniale depuis des décennies. Au lendemain du 7 octobre, le cadrage médiatique fut donc résolument hostile à toute forme de contextualisation historique des massacres perpétrés par le Hamas, taxée de perspective relativiste ou « monstrueuse ». Un espace-temps médiatique figé, dans lequel se sont dissous les uns après les autres, presque instantanément, les crimes de guerre israéliens.

    Pétrie de partis pris et d’inculture, l’information se mit au garde-à-vous face au gouvernement français, dont les déclarations et les positions diplomatiques furent longtemps – et restent souvent – exemptées de toute critique digne de ce nom. De la même manière, les positions des gouvernements occidentaux, alignés pour la plupart d’entre eux sur le soutien indéfectible des États-Unis à Benyamin Netanyahou – notamment leur rôle majeur dans l’approvisionnement à flux tendu de l’armée israélienne en munitions lourdes – ne furent discutées qu’à la marge dans le commentaire « géopolitique », lequel fut largement pollué par la surreprésentation d’experts décriés par une partie de la sphère universitaire, en plus de l’omniprésence, en particulier sur les chaînes de commentaire, d’acteurs militaires et de porte-parole de l’armée israélienne aux dépens, notamment, des voix palestiniennes.

    À mesure que le nombre de morts gazaouis était relativisé et que la déshumanisation des vies palestiniennes se normalisait dans les récits journalistiques – dépersonnalisées, criminalisées ou réduites à des « victimes collatérales » –, les arbitres de la compassion légitime s’érigèrent le droit de sonder les cœurs de leurs opposants, cloués au pilori pour un défaut supposé d’empathie à l’égard des victimes israéliennes et des otages. Dans le même temps, ces combattants autoproclamés de la « raison » jonglèrent avec les invitations de l’audiovisuel privé et public pour exonérer l’État israélien de toute responsabilité dans la mort décrétée « involontaire » des enfants palestiniens sous les bombes.

    En dépit d’une diffusion répétée de fausses informations et d’appels va-t’en-guerre, la télévision de propagande i24News – ayant nettement impacté le traitement de BFM-TV, chaîne du même groupe (Altice) – ne vit jamais sa légitimité questionnée, ni par l’Arcom, ni par les pouvoirs publics. Parfois dans sa roue, rédactions et commentateurs ont diffusé sans aucun recul de faux témoignages [9] à propos des atrocités commises le 7 octobre, sur lesquels Libération a enquêté, ayant pour certains « irrigué la presse mondiale, ainsi que les déclarations de responsables politiques occidentaux ». En France, la fake news des quarante bébés tués et décapités a par exemple été largement diffusée sans le moindre filtre.

    Enfin, et comme toujours par temps de guerre, si les conditions d’enquête sont contraintes, on ne peut que déplorer la marginalisation d’informations et de reportages d’envergure s’agissant des traitements dégradants et inhumains – parfois filmés par l’armée israélienne elle-même – infligés à des Palestiniens de Gaza ou de Cisjordanie, dont certains ont pourtant été étayés par des ONG, médias ou agences de presse français [10] et mis en lumière par des acteurs du soutien au peuple palestinien s’exprimant sur les réseaux sociaux, où circulent des images vérifiées qui n’auront jamais percé les écrans des grandes télévisions.

    Quant au journalisme politique, il a joué chaque jour à guichet fermé l’affligeant spectacle de sa médiocrité. Deux mois passés à diaboliser La France insoumise – tout en ménageant la place de l’extrême droite au sein du cercle dit « républicain » –, rabâchant à la lettre les mêmes invectives contre son positionnement originel certes discutable et critiquable, mais pourtant explicité publiquement des dizaines de fois. Deux mois à ne présenter les argumentaires de ce courant politique qu’au prisme de leurs visées stratégiques fantasmées ou de leurs intentions supposées – forcément coupables. Deux mois à multiplier les interrogatoires entretenant volontairement la désinformation et les stigmates. Deux mois à abîmer le traitement nécessaire de l’antisémitisme en traquant ce fléau dans toute déclaration critiquant les pressions et la politique israélienne, au point que BFM-TV manipula les déclarations d’un ancien Premier ministre. Deux mois à arbitrer les élégances en imputant principalement à la gauche la responsabilité d’une dégradation du débat public et d’une violence verbale et symbolique dont certains commentateurs ont pourtant déployé les formes les plus crasses en continu, et ce, dans des dispositifs construits sur (et pour) le business du clash.

    Face à la catastrophe humanitaire en cours à Gaza, et au fil des multiples cris d’alarmes lancés notamment par les ONG humanitaires, les agences et le secrétaire général de l’ONU, nombre d’interlocuteurs ont petit à petit réussi à créer des brèches dans le mur de la propagande israélienne. L’histoire des « boucliers humains », le conte de l’armée « morale » attachée à « prévenir » et à « préserver les civils » en leur garantissant des « couloirs humanitaires », la fable des conséquences meurtrières « non intentionnelles » des bombardements, etc. ne se racontent plus aussi facilement. Toutefois, la permanence de tels éléments de langage dans le débat public – où ces derniers, loin d’être irrémédiablement disqualifiés, ont encore libre cours – témoigne des frontières pour le moins étanches qui séparent les chefferies éditoriales des réalités de terrain, celles-là mêmes qui « pollue[nt] l’esprit de l’éditorialiste » selon l’adage désormais bien connu de Christophe Barbier [11] ; mais aussi, de leur adhésion idéologique – sans qu’elle soit toujours présentée et pensée comme telle – au récit d’une « guerre de civilisation » du Bien, menée par l’État d’Israël pour la défense des « valeurs occidentales ». Endossé par nombre de gouvernements occidentaux, ce cadrage s’est imposé d’autant plus « naturellement » dans la sphère médiatique française que cette dernière n’en finit pas de se droitiser et de tolérer les problématiques et les mots d’ordre de l’extrême droite, à mesure que dérivent les classes dirigeantes.

    Face à cela, et même si les jours qui passent s’accompagnent d’une moindre voire d’une sous-médiatisation de la guerre en cours, en particulier dans l’audiovisuel, les brèches existent bel et bien. Mais elles s’avèrent encore insuffisantes pour infléchir structurellement nombre de lignes éditoriales et pour pouvoir considérer ces dernières à la hauteur de la situation historique.

    Résister au maccarthysme

    Ainsi le périmètre du débat public sur la situation au Proche-Orient a-t-il été passablement contraint. Des pressions retentissent et se répercutent sur l’ensemble des terrains où sont censés se jouer les échanges d’idées : le milieu universitaire, les secteurs associatifs et militants, les lieux culturels, les institutions de la représentation politique, les réseaux sociaux et, bien sûr, les médias traditionnels.

    Parce qu’ils sont de facto la vitrine de masse et les principaux co-organisateurs du débat public, ces derniers ont un rôle majeur dans le rabougrissement de la parole autorisée et la pauvreté de l’information politique, comme dans le climat maccarthyste qui entrave et tétanise depuis plusieurs semaines des chercheurs, des militants, des journalistes et des citoyens.

    Le 15 novembre, un millier d’universitaires spécialistes des sociétés du Moyen-Orient et des mondes arabes dénonçaient dans une tribune des « faits graves de censure » et d’« intimidations » ayant cours dans l’espace public. Renonçant pour beaucoup à s’engager sur un terrain médiatique où triomphent les fast-thinkers et « des collègues non spécialistes [ayant], quant à elles et eux, pu librement multiplier tribunes, articles et communiqués sans réelle contradiction », ces universitaires pointent l’« annulation d’événements scientifiques » et une « police de la pensée [...] dans le monde académique français » comme autant de manifestations d’une « répression des paroles et d’expressions de pensées non hégémoniques ».

    Répression à laquelle il convient d’ajouter l’ostracisation et la déprogrammation d’artistes, d’humoristes et d’intellectuels, les interdictions et les attaques de manifestations en soutien au peuple palestinien – qu’il s’agisse d’événements, de marches ou de rassemblements –, les pressions politiques et judiciaires contre des militants, les sanctions de chefferies éditoriales contre des journalistes. Un climat de peur intellectuelle qui, partout, aura généré des phénomènes d’autocensure mais également des craintes, un isolement et une sensation d’impuissance aux effets extrêmement délétères, tant à l’échelle collective qu’individuelle.

    Bien entendu, les médias dominants demeurent aveugles et sourds à un phénomène qu’ils contribuent à alimenter. Une nouvelle fois, les alertes et les enquêtes sont marginalisées [12], quand bien même les atteintes à la liberté d’expression ont été dénoncées par des organisations de défense des droits humains [13] ou, à l’échelle internationale, par plusieurs experts des Nations Unies : « Les appels pour la fin des violences et des attaques à Gaza, pour un cessez-le-feu humanitaire ou pour la critique des politiques et des actions du gouvernement israélien ont été, dans de trop nombreux contextes, assimilés à tort à un soutien au terrorisme ou à l’antisémitisme. Cela étouffe la liberté d’expression, y compris l’expression artistique, et crée une peur de participer à la vie publique » [14].

    Où se trouvent désormais les faux impertinents qui tapissaient il y a quelques mois encore la Une de leurs hebdomadaires de cris d’alarme contre la « cancel culture » ? Sur quels plateaux retentit le concert d’indignation des détracteurs professionnels de la « nouvelle censure » ? Aux abonnés absents, ces fabricants de peurs sont en partie, aujourd’hui, ceux-là mêmes qui cimentent la chape de plomb.

    En période de crise, les chefferies médiatiques serrent les rangs et les commentateurs les plus en vue mettent à jour, d’une manière plus flagrante encore que d’ordinaire, le rôle d’acteurs politiques qu’ils incarnent et endossent dans l’espace public. La guerre au Proche-Orient en a donné une illustration spectaculaire. Et son traitement médiatique, tant du point de vue de l’information internationale que du commentaire de « l’actualité » du champ politique français, ne s’inscrit pas dans un terrain vierge. Il hérite, au contraire, d’une désertion – matérielle, informationnelle et intellectuelle – de la région par la plupart des rédactions françaises avant le 7 octobre. Il pâtit, également, d’un suivisme à l’égard de l’agenda gouvernemental et de contraintes économiques qui asphyxient les conditions de production de l’information – de surcroît concrètement empêchées à Gaza – et alimentent la « low-costisation » du débat public. Il manifeste, enfin, l’hégémonie persistante du « cercle de la raison » et les effets de plusieurs décennies de normalisation médiatique de l’extrême droite. Une extrême droite dont les visions du monde infusent dans les cadrages de l’information, et qui est parvenue à doper nombre de séquences d’emballements dont les effets se mesurent encore aujourd’hui – dans la séquence actuelle, il n’est par exemple pas inutile de penser au lourd héritage des cabales successives de la scène politico-médiatique contre « l’islamo-gauchisme » entre 2020 et 2022 [15].

    Ainsi, si la guerre au Proche-Orient a d’ores et déjà profondément reconfiguré la société et le champ politique français – et y laissera des traces indélébiles –, elle restera aussi dans les mémoires tout à la fois comme un symptôme et un accélérateur de la droitisation, de l’occidentalo-centrisme et de la lâcheté d’une (grande) partie des médias dominants.

    Post-scriptum : Difficile de conclure ce texte sans rendre un hommage appuyé aux nombreux journalistes palestiniens, mais aussi aux journalistes français et internationaux qui tentent de faire leur travail dignement. Celles et ceux qui, sur place ou non, gardent les pratiques de reportage et d’enquête chevillées au corps pour le droit d’informer, malgré l’adversité des terrains et la dureté de leurs réalités. Celles et ceux qui militent publiquement pour ouvrir Gaza aux reporters. Celles et ceux qui élèvent la voix pour appeler à « la fin des crimes d’Israël ». Celles et ceux qui envoient des lettres comme des grains de sable à leurs consœurs et confrères qui ne sont pas encore morts sous les bombes.

    • « Bye bye Fisheyelemag ! Ma 62e chronique pour le magazine photo ne paraîtra pas : elle parlait des images de Gaza, qui contredisent le récit propagandiste israélien. Triste fin pour ce qui fut une belle collaboration et un passionnant observatoire.

      Cette censure inattendue confirme malheureusement l’analyse d’Acrimed sur le traitement médiatique de la guerre israélienne. Oubliez la mauvaise plaisanterie de la ’’culture cancel’’ woke : c’est une chape de plomb qui s’est abattue sur le paysage culturel. »

      https://twitter.com/gunthert/status/1737744666882195859

    • Ma 62e chronique pour le magazine Fisheye ne paraîtra pas. Elle parlait du retour des images de guerre dans notre actualité, et bien sûr de Gaza. D’abord accepté par le rédacteur en chef Eric Karsenty, le texte a finalement été refusé en bloc la veille du bouclage par le directeur de publication Benoît Baume, qui estimait qu’il présentait « un point de vue extrêmement à charge contre Israël ». Ce reproche confirme l’analyse que je développe dans cet article.

      http://imagesociale.fr/11440

  • Les images de guerre, arme d’émotion massive ?
    http://imagesociale.fr/11340

    A la différence de Guillaume Erner, je n’ai pas vu les vidéos de l’attaque du 7 octobre, images de vidéosurveillance ou de téléphones portables compilées par Tsahal dans un film de 48 minutes, régulièrement présenté depuis le 23 octobre à des membres de la Knesset, à des journalistes ou à des groupes de parlementaires étrangers (voir la description analytique proposée par CheckNews). C’est normal : Guillaume Erner est animateur de la matinale de France Culture, et je ne suis qu’un simple spécialiste de culture visuelle.

    C’est aussi un peu dommage, car Guillaume Erner ne considère que ce que les images montrent, alors qu’un spécialiste s’interroge d’abord sur les conditions de visibilité de ce matériau. Qui sont pour le moins étranges. Qu’un Etat belligérant présente sa vision du conflit appartient à l’ordre des choses. Mais qu’il le fasse par l’intermédiaire d’un montage de sources vidéo, alors que dès les premières heures de l’attaque, les réseaux sociaux ont répété l’avertissement désormais rituel de ne pas relayer les images de crimes, constitue une manière pour le moins paradoxale d’opérer. Le choix de ne pas diffuser ce matériau au public, mais de restreindre le visionnage à des médiateurs choisis confirme et redouble cette contradiction. Que ces médiateurs acceptent ensuite de relayer la communication de l’Etat israélien sans la moindre prise de distance relève d’un exercice qui peut difficilement échapper à l’accusation de propagande.

    Nous n’avons pas vu les images des victimes des attentats du 11 septembre, de Charlie ou du Bataclan. Pourquoi Tsahal a-t-elle rompu avec la doctrine de la censure des images violentes, confirmée lors des précédents conflits contre Daech ou en Ukraine, et qui a incité à une modération plus stricte des vidéos sur les réseaux sociaux ? Pour le comprendre, il suffit d’écouter Guillaume Erner et ses invités décrire, le 14 novembre dernier, l’horreur et la « cruauté » de ces captations, mentionner l’épisode atroce d’un père tué sous les yeux de ses enfants, avant que le meurtrier ne prenne un Coca dans le frigo, souligner la « jubilation des tueurs », ou rapprocher ces images de la production vidéo du groupe terroriste Daech. A rebours de la défiance suscitée par les images de violence, l’Etat israélien a délibérément choisi l’exposition des formes documentaires brutes pour exciter l’indignation et la colère, dans une sorte de « stratégie du choc » appliquée aux images de guerre.

    Comme la transformation de l’attaque du 7 octobre en un événement sans cause, l’imposition du cadre de la « guerre des civilisations » ou de nombreux autres éléments de langage, l’enjeu de cette stratégie de maximisation est d’occulter la réalité d’un contexte d’occupation coloniale, et de faire apparaître l’occupant comme une victime. Ce n’est donc pas en vertu d’une négation ou d’une modification de la doctrine de censure des images, mais bien parce l’Etat israélien espère bénéficier de l’émotion que provoque la vision de la violence qu’il multiplie ces projections. On n’a pas entendu les journalistes insister sur le caractère inédit de cette stratégie – habituellement réservée aux groupes terroristes, en raison de l’asymétrie des moyens qui les caractérise.

    Il apparaît toutefois que, pas plus que les cris du député Meyer Habib, les images du 7 octobre ne parviennent à masquer l’ampleur des représailles qui s’abattent sur Gaza. Six semaines après l’attaque du Hamas, l’opération de communication de Tsahal n’a guère éveillé d’échos au-delà des cercles qui soutiennent déjà activement l’Etat israélien.

    On peut s’interroger sur cette réception des plus modérées, qui contredit l’idée reçue des effets de la violence des images. Là encore, il faut recourir à l’analyse des conditions de visibilité plutôt qu’à celles des seuls contenus pour comprendre l’échec de l’entreprise. Comme dans les cas des violences policières, la valeur de preuve des images n’existe que parce que le document vient contredire la version généralement falsifiée des forces de l’ordre. Xavier Bertrand, en réclamant que le visionnage du film de Tsahal soit imposé aux auteurs d’actes antisémites, invoque le précédent du procès de Nuremberg. Mais les images qui furent alors présentées aux criminels nazis avaient pour fonction de réfuter leurs dénégations.

    Personne n’a contesté la violence du massacre du 7 octobre, et les détails les plus atroces – voire quelques éléments inventés – ont abondamment nourri les débats sur la nécessité de la riposte. Lorsqu’un fait n’est pas remis en cause, le pouvoir de confirmation de l’image paraît sans objet. S’infliger la vision d’actes insoutenables n’a de sens que lorsque le document modifie la perception existante. « Non seulement on n’a pas eu besoin de voir la décapitation de James Foley pour faire comprendre ce qu’est l’État islamique ou de montrer la tête de Samuel Paty pour rendre compte de l’atrocité de son assassinat, mais, surtout, les images, on le sait, ne persuadent pas les complotistes », constate le député macroniste Eric Bothorel. A trop vouloir manipuler l’émotion, on prend le risque de montrer le doigt plutôt que la Lune.

    • 7 octobre : la jouissance des « barbares »
      https://www.arretsurimages.net/chroniques/obsessions/7-octobre-la-jouissance-des-barbares

      Les combattants du Hamas ont voulu que leur jouissance soit vue. Les monteurs israéliens aussi -sur ce point, ils se rejoignent.

      S’agissant des Israéliens, on comprend bien leur objectif : exhiber au monde la barbarie de l’ennemi. Ce but est moins clair de la part des porteurs de GoPro du Hamas. On peut se demander, s’interroge un de nos abonnés, pourquoi ils tiennent tant à jouer le rôle des parfaits barbares, d’une manière quasi-Hollywoodienne. Après tout ce genre d’organisations pourrait tout à fait enseigner à ses candidats au martyre qu’un bon musulman se doit de prendre des airs désolés et d’exprimer par une prière son regret d’avoir tué, au lieu de sourire au milieu des cadavres. Et pourtant ils n’en font rien.

      Et voici donc son hypothèse : la principale raison, c’est qu’en adoptant des codes opposés ils se positionnent en ennemis de l’Occident et de son hypocrisie « civilisée ». C’est quelque part un clin d’oeil à tout le Sud Global, qui tout en étant déjà accoutumé à voir de la violence et pas qu’à la télé, est bien plus dégouté par l’hypocrisie des enrobages moraux qu’on donne à la nôtre que par la joie sincère du faible qui finit par parvenir à se venger un peu des forts, de si horrible manière que ce soit.

      Autrement dit, avec ce montage, les civilisés parleraient aux civilisés, et les barbares aux barbares. C’est une hypothèse qui mérite examen.

      https://www.arretsurimages.net/discussions/images-du-7-octobre-le-piege-de-la-projection?uuid=05ff1f99-6cd7-4ff

    • Qu’un Etat belligérant présente sa vision du conflit appartient à l’ordre des choses. Mais qu’il le fasse par l’intermédiaire d’un montage de sources vidéo, alors que dès les premières heures de l’attaque, les réseaux sociaux ont répété l’avertissement désormais rituel de ne pas relayer les images de crimes, constitue une manière pour le moins paradoxale d’opérer.

      Oui-mais-quand-c’est-pour-défendre-la-civilisation-contre-des-animaux-y-z’ont-le-droit-...-Tout-comme-les-députés-de-l’assemblée-nationale-ont-le-droit-de-se-visionner-pépouze-un-#snuff_movie-parce-que-c'est-pour-défendre-le-droit-international-qui-fait-rien-qu'à-être-bafoué-par-#des_animaux

  • Ce qui est tout de même sidérant, c’est que tout est parti du meurtre filmé d’un gamin de 17 ans par un flic, et qu’en moins d’une semaine c’est devenu un concours de savoir qui sera le plus nazi.

    J’ai déjà vu des inversions de valeurs, mais là c’est remarquable.

    • A propos d’inversion :

      A l’inverse de la mort de George Floyd, celle de Nahel n’aura apporté aucun élément de compréhension ni aucune prise de conscience des mouvements qui agitent le pays. En refusant de reconnaître l’existence du racisme français, solidement ancré dans la société par l’histoire coloniale, la bourgeoisie se condamne à regarder passer les trains. Comme après 2005, aucune réponse ne sera apportée à la colère des quartiers. La seule chose visible aujourd’hui est la force du déni, qui enferme le pouvoir dans une perspective répressive à l’israélienne et accentue la dérive des forces politiques vers l’extrême-droite.

      http://imagesociale.fr/11148

    • « à l’israélienne », c’est l’oeuf ou la poule, et c’est ne pas se souvenir de ce que fut le sort des Algériens en métropole, là où ils étaient citoyens français, migrants nationaux, comme le furent, autrement, les terroni, en Italie.
      le retour des français de papier, du RN à LR( « Ils sont comment Français ? » ), c’est le retour du refoulé.

  • Nahel ou l’anti-George Floyd – L’image sociale
    http://imagesociale.fr/11148

    Par André Gunther

    La France a-t-elle connu son moment « George Floyd » avec la diffusion de la vidéo de l’exécution du jeune Nahel, le mardi 27 juin, suivie de plusieurs jours d’émeutes dans près de 300 villes françaises ? Comme les terribles images de l’agonie de l’Américain, la séquence de Nanterre expose une mise à mort en direct, perpétrée par un policier dans l’espace public. Elle se présente également comme une démonstration apparemment autosuffisante, comprenant l’essentiel des éléments qui permettent non seulement de voir mais de juger l’action, indépendamment de toute recontextualisation (on apprendra plus tard de nombreux détails précisant les faits, sans modifier fondamentalement leur perception).

    L’élément essentiel de l’action montre l’un des policiers menacer le conducteur avec une arme, puis tirer à bout portant dans sa direction. Toutefois, comme souvent avec les documents visuels, plusieurs informations cruciales ne sont pas directement visibles à l’image. La confirmation de la mort du conducteur, le fait qu’il s’agissait d’un mineur, mais aussi que les policiers ont menti en prétendant que la voiture leur fonçait dessus, sont autant d’éléments de commentaire qui accompagnent la première circulation de la séquence, rediffusée par des internautes choqués par ce qui apparaît comme une violence gratuite et un abus de pouvoir. La rapidité de la réaction de l’exécutif et la condamnation inhabituelle de l’homicide par plusieurs instances gouvernementales attestent que la vidéo est vue comme une preuve accablante.

    #André_Gunther #Vidéo #Emeutes

  • Nahel ou l’anti-George Floyd, par André Gunthert – L’image sociale
    http://imagesociale.fr/11148

    A l’inverse de la mort de George Floyd, celle de Nahel n’aura apporté aucun élément de compréhension ni aucune prise de conscience des mouvements qui agitent le pays. En refusant de reconnaître l’existence du racisme français, solidement ancré dans la société par l’histoire coloniale, la bourgeoisie se condamne à regarder passer les trains. Comme après 2005, aucune réponse ne sera apportée à la colère des quartiers. La seule chose visible aujourd’hui est la force du déni, qui enferme le pouvoir dans une perspective répressive à l’israélienne et accentue la dérive des forces politiques vers l’extrême-droite.

    • Comme après 2005, aucune réponse ne sera apportée à la colère des quartiers. La seule chose visible aujourd’hui est la force du déni

      ah ben si, la réponse apportée est assez claire : prison.

      la force du déni, et un tout petit peu la répression judiciaire débridée ?

      https://seenthis.net/messages/1008793

    • Si l’on ajoute la révolte de la [?] jeunesse qui embrase la France dans les jours qui suivent, tous les éléments semblent réunis pour mettre en parallèle la vidéo de Minneapolis et celle de Nanterre. Mais un facteur décisif reste absent de la compréhension de la mort de Nahel. Visuellement, alors que la séquence américaine exhibait le contraste d’un corps noir supplicié par un représentant du pouvoir blanc, les images françaises ne montrent rien de l’apparence respective des acteurs, dissimulés pour les uns par les vitres du véhicule, pour les autres par leur équipement règlementaire. Et si l’opposition de la brutalité des forces de l’ordre et de la peur des jeunes des quartiers fait partie intégrante du scénario des violences policières, la dimension raciale de l’antagonisme reste un non-dit du débat public français.

  • « La confrontation de Sainte-Soline avait été programmée par les responsables politiques pour vendre aux médias le récit d’un "écoterrorisme" violent. Heureusement, le témoignage des images et les enquêtes de plusieurs médias ont corrigé ce scénario. »
    http://imagesociale.fr/11114

    La guerre de l’eau a commencé. Alors que l’aggravation des sécheresses réduit sérieusement la disponibilité des ressources, le gouvernement français a choisi son camp : celui des formes d’agriculture les plus polluantes et les plus consommatrices en eau. Deux fois condamné pour inaction climatique, l’exécutif voit les mouvements de défense de l’environnement comme de dangereux adversaires du productivisme. Dans ce contexte d’affrontement, la manifestation programmée le 25 mars 2023 à Sainte-Soline pour dénoncer la fausse solution des « mégabassines » fournit l’occasion d’une leçon exemplaire. Outre les barrages et les contrôles dans les villages alentour, l’Etat déploie les moyens les plus dissuasifs pour contrer les activistes : quelque 3200 militaires, 9 hélicoptères, plusieurs blindés, une équipe de gendarmes armés sur 20 quads et plus de 5000 grenades de désencerclement ou lacrymogènes lancées en moins de deux heures.

    https://twitter.com/gunthert/status/1656556318709145601?cxt=HHwWgoCz8b3Mov0tAAAA

  • Un sourire de classe. Le portrait photographique et la culture de l’expressivité – L’image sociale
    http://imagesociale.fr/11087

    Souvent interrogé, le phénomène de la diffusion du sourire dans le portrait photographique au cours du XXe siècle résiste à l’explication. Rappelant la dimension conventionnelle du portrait, cet article décrit cette évolution comme la modification historique d’une norme sociale : le passage d’une culture de la réserve à une culture de l’expressivité, entre les années 1930 et les années 1950. Cette transformation s’appuie à la fois sur la réflexivité des représentations médiatiques et sur la valorisation d’un ethos de l’authenticité dans la présentation de soi, promu par la photographie amateur et le cinéma. Étendard de cette évolution, le sourire à pleines dents s’impose comme un signe photographique autonome, la traduction moderniste de la sociabilité des classes moyennes, qui accèdent au statut de nouveau sujet de l’histoire.

  • Le male gaze expliqué à Peggy Sastre – L’image sociale
    http://imagesociale.fr/10981

    La messe est dite. Après les rebondissements de l’affaire Vivès, une tribune signée par un quarteron d’auteurs en retraite et d’anciens ministres, dont Enki Bilal, Pascal Bruckner, Gérard Lefort, Riss, Jack Lang, Jacques Toubon ou Jean-Marc Rochette, parue dans Le Monde du 2 février, est venue enterrer la polémique. Renonçant explicitement à prendre la défense du dessinateur, ce plaidoyer pour la liberté de l’art contre le communisme et le fascisme, qui voudrait passer pour du Malraux, ne concurrence que le Dictionnaire des idées reçues.

  • Bastien Vivès: la morale de la polémique – L’image sociale
    http://imagesociale.fr/10890

    Protester contre la consécration d’une œuvre ou d’un auteur fait partie des formes les plus banales de ce débat, et n’est l’apanage d’aucun camp. A ma gauche : la critique féministe du César décerné à Polanski en 2020 ; à ma droite : la disqualification réactionnaire du Nobel attribué à Annie Ernaux en 2022. Dès lors qu’on admet que le champ culturel n’est pas un héritage figé, mais le lieu même de la confrontation des idées, le débat apparaît comme l’outil indispensable de la manifestation de l’évolution des sensibilités. La protestation qui a accueilli le projet de carte blanche du festival d’Angoulême s’inscrit précisément dans ce cadre : elle traduit la préoccupation nouvelle des violences sexuelles, l’intégration récente de la question de l’inceste, le souci d’éviter la banalisation de modèles néfastes et de protéger les victimes. Bien entendu, la création culturelle implique la liberté d’expression, mais celle-ci n’a jamais été sans limites. C’est très exactement à discuter de ces limites que sert le débat public.

    • LE postulat de base :

      Une fois pour toutes : agiter l’épouvantail de la censure n’a pour seul objectif que de refuser le débat. C’est un argument de dominant, qui vise à préserver le statu quo – raison pour laquelle la dénonciation de la « cancel culture » est devenue un réflexe des paniques morales du camp conservateur.

      Après, place au #débat.

    • Personne pour dire que la programmation d’une expo Bastien Vives à Angoulème est un coup de pied de l’âne de la direction du festival qui digère mal que le jury de l’année dernière ait désigné Julie Doucet présidente de l’édition 2023 en lui attribuant le Granx Prix 2022 ?

    • Ah ben si !

      https://www.actuabd.com/+BD-Egalite-s-exprime-au-sujet-de-Vives+

      https://www.nouvelobs.com/bibliobs/20221222.OBS67449/derriere-l-affaire-bastien-vives-la-gronde-des-autrices-de-bd.html

      Mais apparemment, ça rentre pas dans la caboche.
      Il est juste que l’expo Vives soit annulée. Non pas parce qu’elle aurait consacré un artiste problématique. Mais parce que elle constitue un instrument de l’invisibilisation des femmes. Y compris en remplissant l’espace médiatique avec des circonvolutions sur l’art, la morale et mon cul sur la commode

    • Nul ne prétend que la lecture d’un album de Vivès provoquera mécaniquement le viol d’un enfant – pas plus que la vision d’une caricature antisémite ne suscitera fatalement une violence raciste. En revanche, il serait ridicule de nier que dans les deux cas, le jeu avec le fantasme et la légitimation symbolique que représente sa figuration est bien ce que recherche le public de ces productions. Dans un de ces registres, nous avons décidé qu’il était préférable de prohiber ce jeu dangereux.

    • Un commentaire du blog de Jean-No qui parle du point de vue d’une autrice.

      Blanche
      25 décembre 2022 à 11 h 12 min

      Sur ta suggestion, je copie ici la très longue réponse que je t’ai faite sur Mastodon.

      Je fais partie des signataires de la tribune publiée sur Médiapart, et je ne me sens pas « mauvais gagnant », parce qu’on n’a pas gagné.

      
La direction du FIBD a choisi l’annulation pour protéger Vivès et se dédouaner à peu de frais en disant en gros « on était prêts à discuter de la responsabilité de l’artiste, mais ces hystériques ne nous ont pas laissé le choix ». Sauf qu’il n’y a aucune réflexion sur la responsabilité du FIBD.

      Je vais commencer par pointer que je suis d’accord avec plusieurs choses, et que c’est pour ça que j’ai l’espoir qu’on puisse en discuter réellement. Je suis d’accord avec le fait que le saupoudrage de persos appartenant à des minorités dans une œuvre pour se donner bonne conscience de façon superficielle sans changer le reste du modèle médiatique n’est pas un horizon souhaitable. C’est pauvre, et c’est souvent une arme pour faire taire ces minorités. Je suis d’accord aussi avec le fait qu’il faut toujours se méfier des arguments de moralité pour censurer l’art, et en tant que personne queer (et blanche et privilégiée par ailleurs), c’est quelque chose que je n’ai jamais oublié et qui m’a précisément fait réfléchir longuement au « cas Vivès ». L’argument de la loi n’est pas suffisant du tout (et d’ailleurs la tribune évite délibérément cet angle).

      Mais je crois que ce texte pêche par une focalisation sur l’individuel, c’est-à-dire la responsabilité de l’artiste (et son avenir professionnel une fois mis devant ses responsabilités), sans voir tout le reste : Qui a la possibilité de devenir artiste ? Comment l’art est influencé et médiatisé par différentes instances (les maisons d’éd., les médias culturels, les institutions publiques, les festivals…) ? Quel est leur rôle, avec quelles conséquences ?

      Et je crois que c’est particulièrement facile à comprendre au sujet de l’argument pour la légitimité des acteurices à jouer ce qu’iels ne sont pas. Il faut absolument voir le documentaire « Disclosure » sur Netflix qui discute des conséquences réelles et profondes du « droit des personnes cis à jouer des persos trans » à la fois en termes de représentation et d’opportunités de travail quasi-inexistantes pour les acteurices trans aux É-U. Idem sur la question de l’actrice noire « pas assez foncée » pour jouer Nina Simone : l’idée que « ça va trop loin » sous-entend que quand même, un Noir est un Noir, il faut pas chipoter, et ignore complètement la réalité et les conséquences dramatiques du colorisme, qui est entretenu et renforcé à un niveau collectif par la mise en avant systématique d’actrices et de célébrités noires à la peau claire.

      Mais ça n’est pas qu’une question d’image : au cœur du problème, il y a évidemment ce qui est raconté. Et donc la question de la légitimité de tout un chacun à créer des œuvres parlant de ce qu’on est pas. Là aussi, le problème n’est pas à regarder uniquement au niveau individuel, mais plutôt à l’échelle collective. Avec l’argument « rien de ce qui est humain ne m’est étranger », les auteurs blancs privilégiés peuvent continuer à être publiés, c’est super, rien à changer. Sauf qu’il y a des conséquences systémiques sur l’accès à la profession d’auteur, à l’argent et à l’exposition médiatique. Le problème, ce n’est pas qu’individuellement, quelqu’un parle d’un sujet « de l’extérieur », c’est qu’iel prend la place de quelqu’un qui pourrait en parler « de l’intérieur », et qui aurait des choses à exprimer qu’iel serait seul·e à pouvoir exprimer justement sans tomber dans une représentation superficielle à la Benetton. Quand on fait l’effort de lire, d’écouter ou de regarder l’art de personnes appartenant à ces diverses communautés (ou minorités non organisées en communautés, d’ailleurs), on se rend compte qu’iels ont des choses à dire, à nous apprendre sur l’expérience humaine, et qu’on est généralement très loin d’une bienpensance aseptisée. Mais justement, il faut faire l’effort, il faut aller chercher, parce qu’iels sont maintenu·es à l’écart. 
Il y a des limites matérielles et financières à ce qui peut être publié, et quand certaines catégories de la population trustent la profession, c’est précisément là qu’on se retrouve avec des décisions qui soit mettent en avant le même pt de vue oppressif traditionnel (sexiste, raciste, etc.) en se cachant derrière la nécessaire liberté absolue de l’art, soit ne laissent la place qu’à des produits de consommation pseudo-inclusifs tièdes parce qu’iels ne comprennent pas les enjeux.

      Et au-delà du pouvoir de décision des maisons d’éd. ou des financeurs, il y a un « milieu », un système (là aussi) de sociabilités qui continue à exclure, en exigeant par exemple des autrices qu’elles acceptent de bonne grâce de côtoyer des auteurs dont tout le monde sait qu’ils sont des connards dangereux, parce qu’il faudrait voir à pas être trop chiantes non plus. Déjà qu’on les laisse publier leurs histoires de filles, hein. À répéter pour les autres minorités.

      Et là-dedans, le FIBD a un rôle important, à la fois de lieu de sociabilisation des auteurices, et de prescripteur culturel (subventionné par de l’argent public). Un artiste peut se rêver en sale gosse irrévérencieux, en poil-à-gratter de la société bla bla bla, mais le FIBD ne peut pas. Le FIBD, de par sa fonction, présente un art qui se retrouve de fait « art officiel », légitime et institutionnel. Le FIBD a une fonction politique. Et c’est là qu’on ne peut pas ignorer « la morale », dans le sens des valeurs que le FIBD défend activement. Pour moi et les autres signataires de la tribune, le féminisme – c’est-à-dire la lutte pour parvenir à une égalité de fait dans la société – est important. Or Vivès, malgré toutes les qualités narratives et artistiques de ses œuvres, est ouvertement, bruyamment, agressivement anti-féministe.

      Si le FIBD ne lui consacre pas d’expo, il ne le censure en rien. Mais s’il lui consacre une expo, il met de fait en avant un discours conservateur et excluant. Le problème, c’est qu’au moment de faire la programmation, ça ne dérange visiblement pas la direction artistique du FIBD, et que dans le communiqué (non-signé) annonçant l’annulation, à aucun moment la responsabilité morale du FIBD n’est évoquée.

      C’est marrant, parce que l’expression « on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre » appliquée dans ce texte aux mobilisé·es contre l’expo, c’est exactement celle qui m’est venue à l’esprit au sujet de Vivès et d’au moins un des directeurs artistiques du FIBD, qui se pensent comme des critiques d’une bien-pensance hégémonique, alors qu’ils sont au contraire du côté de l’ordre établi, favorisés dans l’accès aux postes et aux prix. Dans ma métaphore, le beurre, c’est l’absence totale de responsabilité parce « l’art, m’voyez », et l’argent du beurre, c’est à la fois l’argent qu’ils touchent et la position d’être en mesure de se faire plaisir à écrire les BD ou monter les expos qu’ils veulent (celles qui célèbrent les femmes en montrant les gros nichons de la crémière, bien sûr). 



      Cette année il y a 3 expos consacrées à des autrices sur 11 expos individuelles (+ 4 expos collectives où on risque de retrouver le même genre de proportion), et il faudrait s’estimer heureux·ses ?! L’expo Vivès, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, mais il reste bien rempli, le vase. Elles restent bien là, les inégalités. Ras-le-bol. On devrait continuer à se contenter de miettes, et dire merci en plus ?

      Si on se rassemble pour signer des tribunes et des pétitions, c’est parce qu’on ne se bat pas contre un auteur, mais contre tout un système discriminatoire. Et on est loin d’avoir gagné.

      
Mais j’accueille volontiers la discussion, puisque j’ai forcément moi aussi des angles aveugles.


    • Évènement de Galerie Arts Factory et L’Association
      https://www.facebook.com/events/724673695964892

      Grand Prix du Festival d’Angoulême 2022, l’autrice canadienne Julie Doucet sera le vendredi 20 janvier à la galerie Arts Factory pour présenter et déplier « Suicide Total », un livre monstre de 20 mètres de long !

      au même endroit Amandine Urruty the model exposition personnelle du 17/01 au 25/02.
      https://artsfactory.net/index.php/amandine-urruty-4

  • La cause et les Tournesols – L’image sociale
    http://imagesociale.fr/10762

    par André Hunther

    Les actions des militants climatiques s’adaptent à une réception atone. Le 11 octobre dernier, la professeure Julia Steinberger, coauteure du rapport du GIEC, se laissait arrêter lors d’une action de désobéissance civile. Un avertissement qui a laissé les grands médias de marbre. Les mêmes ont en revanche accueilli avec émotion le geste de deux activistes du mouvement Just Stop Oil, qui ont aspergé de soupe à la tomate les Tournesols de van Gogh à la National Gallery de Londres.

    Valeur sacrée entre toutes de l’Occident, l’art est longtemps resté à l’abri de l’action militante. C’est pourtant cette sacralité qui a fait choisir les Tournesols, œuvre parmi les plus célèbres d’un peintre bien connu du grand public. Quel rapport entre van Gogh et les industries fossiles ? Pourquoi agresser un tableau qui n’a fait de mal à personne ? La réaction des grands médias et de nombreux internautes sur les réseaux sociaux a été la condamnation d’un geste jugé gratuit, incompréhensible et irresponsable.

    Ce comportement avait précisément été anticipé par les activistes. « Vous souciez-vous plus de la protection d’un tableau que de celle de la planète ou des gens ? » demandent les militantes. Bonne question, qui situe très exactement ce qui fait problème dans notre rapport à la crise climatique.

    En France, la grève des raffineurs se heurte à la même incompréhension hautaine, doublée d’un rappel touchant à la morale et aux grands principes. En rationnant le carburant, ne risque-t-on pas de mettre en danger la vie de blessés qui doivent accéder à des soins d’urgence ? – s’exclament les mêmes qui approuvent en silence le sabotage de l’hôpital public. Pour les partisans du statu quo, les expressions de protestation sont toujours inadéquates, n’atteignent jamais leur objectif et ne font que desservir la cause.

    Soyons sérieux. Les alertes des militants n’ont qu’un but : sortir de l’inaction. On notera que le geste des activistes a été soigneusement calibré pour ne provoquer aucun dommage (le tableau de van Gogh est protégé par une vitre, et n’a pas souffert de la projection). Pour secouer la léthargie mortelle qui engourdit les sociétés développées, tous les moyens sont bons. L’art n’a qu’un rapport éloigné avec les énergies fossiles ? Peut-être, mais l’introduire dans la discussion questionne nos hiérarchies de valeurs et les ouvre bien au-delà des débats techniques. Et si c’était par là qu’il fallait commencer ?

    #Activisme #Climat #André_Gunther

    • Évidemment que l’art n’est jamais resté « à l’abri » de l’action militante :
      https://www.youtube.com/watch?v=L-VD-fHudGc

      – Société du spectacle : à partir du moment où une action militante n’a pour unique lien logique avec la cause défendue que l’idée qu’il faudrait « réveiller les consciences » à tout prix, on est dans le spectacle, la militance Instagrammable, d’une futilité totale. À la fois contreproductive (ce n’est tout de même pas mystérieux que lorsqu’on mène une action contre une cible qui n’a rigoureusement aucun rapport avec la cause qu’on défend, on va brouiller le message et se mettre une grosse partie des gens à dos), et à mon avis pente glissante (le choix gratuit de cibles selon des critères d’impact médiatique, parce que la fin justifie les moyens, c’est une pente vers le fascisme) ;

      – par ailleurs, le message « Vous souciez-vous plus de la protection d’un tableau que de celle de la planète ou des gens ? » est déjà devenu une opposition de principe entre l’art et la planète (faites un tour chez les bonnes âmes de Touiteur). Quand on évoque la « hiérarchie de valeur », je veux bien qu’on parle des indignations à plusieurs vitesses ; mais immédiatement une partie des partisans (à nouveau : faites un tour sur Touiteur), ça devient une hiérarchie de valeur entre les vieux tableaux qu’on s’en fout qu’ils soient détruits, et la planète que ça c’est important. Et là encore c’est une pente très glissante, en mode Daesh.

      Pr. Logos :

      Pourquoi, malgré mes filtres, est-ce que l’insignifiance scénarisée par Debord (une boite de soupe Campbell sur le verre d’un tableau) m’arrive quand même ? Pourquoi ne se retient-on pas de propager la bouillie ?

      149/ Une assoce financée par l’héritière Guetty… Une symbolique de Taliban. Le confusionnisme, vraiment.

      Faut-il emprunter à l’ennemi sa stratégie : la confusion, l’insignifiance, le bruit, le clash, la bêtise, le divertissement, la panique morale, en un mot, la bouillie ?

      Je suis un fervent militant du contraire : poser un principe d’asepsie politique. Ne pas laisser se développer de germe confusionniste, de sottise flagrante, de contribution au Spectacle. La confusion ne peut pas servir le mouvement émancipateur.

      (Pour l’orthographe du nom, c’est Aileen « Getty », et non « Guetty », héritière de Getty Oil.)

    • @arno je trouve déconnant de comparer au nom de « la symbolique » la destruction-purification daechienne avec le happening sans frais de ces activistes. le moyen ici c’est 0 et pas du tout « tous les moyens », sinon, il faut par exemple, faire sauter un musée, car oui, c’est blasphème que de s’attaquer à la culture marchandise, tandis que l’habitabilité de cette planète est bien loin d’être sacrée.
      La fille Getty, parait-il ex overdosée et séropo, peut-être pas très jouasse de devoir son opulence à à l’extractivisme paternel, raque aussi pour Fridays for Future (Thunberg).

      Je me souviens d’un centre social italien qui fut longtemps tenu occupé car l’endroit avait été indiqué par un héritier qui s’est chargé de contenir la revanche paternelle.

      et vraiment la défense de l’art, pfff

      #écologie

    • Important de distinguer l’origine de la richesse et l’usage qui en est fait par les héritiers, sinon, on entre dans le grand complot.

      Important de remarquer aussi que l’activisme entre dans la société du spectacle... mais peut-il faire autrement ?

      Important d’avoir peur que le message sur une autre plan au final brouille d’autant plus l’objectif.

      Il y a du vrai dans chaque message ici, mais la question de l’équilibre entre ces éléments reste posée.

      Oui, les activistes sont réduits au spectacle, et dès lors, les mauvais sketchs sont d’autant plus dangereux. Mais plus personne ne veut faire de la politique (i.e. se salir les mains pour construire des groupes susceptibles de renverser l’ordre établi, faire des compromis pour construire une telle force). Dès lors, chaque action entre dans le renouvellement du spectacle, sans laisser entrevoir d’issue que la résignation, et le dérisoire.

      Mais c’est déjà pas mal le dérisoire devant le grand krach ?

    • Garanti sans sauce tomate : L’affaire « Doucet » : mystérieuses disparitions d’œuvres rares dans une bibliothèque parisienne
      https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/10/17/l-affaire-doucet-mysterieuses-disparitions-d-uvres-rares-dans-une-bibliotheq

      La Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, une prestigieuse institution parisienne où sont rassemblés des milliers de livres et de précieux manuscrits, est au cœur de graves soupçons de trafic d’ouvrages. Notre enquête auprès des employés et des habitués du lieu révèle les pratiques, pour le moins déroutantes, de la direction.

  • Ariel « woke » ? – L’image sociale
    http://imagesociale.fr/10621

    Dans le cadre des adaptations en live-action de leurs plus fameux dessins animés, les studios Disney ont diffusé le 10 septembre une bande-annonce de la future version de La Petite Sirène (sortie prévue en mai 2023). Alors que le choix de la chanteuse Halle Bailey pour incarner le rôle-titre était déjà connu, la vision de son personnage entonnant la célèbre chanson « Part of your world » a soulevé une vague de haine qui donne l’échelle du blasphème. Le personnage d’Ariel n’est plus une rousse « au teint diaphane », mais une jeune femme noire portant des dreadlocks. Après diverses tentatives souvent prudentes de renouvellement de personnages par la diversité, cette évolution est manifestement perçue comme un tournant. Pour la première fois, le rôle-titre d’un récit patrimonial remplace l’incarnation familière de la blanchité par les traits d’une minorité raciale dans une production hollywoodienne grand public.

  • 🔥 INCENDIES EN GIRONDE : «DONT LOOK UP» - Contre Attaque
    https://contre-attaque.net/2022/07/15/incendies-en-gironde-dont-look-up


    https://www.urtikan.net/dessin-du-jour/ete-2022-canicule-covid

    Dans ce désastre, une forme de contemplation. Des photos sur Instagram montrent des poses en haut de la dune du Pilat sur fond d’incendie, la presse dévoile un superbe coucher de soleil sur un port et la nature qui s’embrase, ou encore des vacanciers sur une plage devant un énorme panache de fumée. « L’humanité est devenue assez étrangère à elle-même pour réussir à vivre sa propre destruction comme une jouissance esthétique de premier ordre » écrivait Walter Benjamin. La fin du monde sera “instagrammable”.

    Dont look up. Le bateau coule, mais il reste du champagne à bord.

    • Concernant la presse et les médias :
      « Les journaux télévisés, promoteurs de l’inaction climatique »
      By André Gunthert
      http://imagesociale.fr/10561

      Rien de tel qu’une canicule estivale pour mesurer l’écart qui se creuse entre les grands quotidiens (Mediapart, Le Monde, Libération, etc…), qui s’efforcent de resituer l’événement ponctuel dans la causalité du réchauffement, et les journaux télévisés (TF1, F2, BFMTV…), qui se perdent dans l’affolement d’un traitement anecdotique, incapables de raccrocher les wagons de l’actualité au train du changement climatique. Alors que l’aggravation rapide du réchauffement multiplie l’intensité des catastrophes sur toute la planète, l’information télévisée semble courir d’un désastre à l’autre, sans jamais prendre la mesure de l’échelle ni des liens qui relient entre eux sécheresse, inondations, averses de grêle ou mégafeux. Prisonnière de sa vision rassuriste, la télé s’emploie au contraire à disloquer le récit façon puzzle, glissant systématiquement l’analyse des causalités sous le tapis du fatalisme, et réduisant la réponse à l’événement à la prise en charge de l’urgence ou à la litanie des « bons gestes ». Il fait chaud ? Hydratez-vous, restez à l’ombre, et profitez-en pour manger des glaces.

      La production de l’information a toujours conféré une responsabilité éminente. L’effort d’adaptation à la nouvelle réalité climatique qui se manifeste dans les grands quotidiens rend d’autant plus insupportable la paresse du traitement télévisé. Alors que chaque nouvelle catastrophe fournit une occasion d’éclairer le public en vulgarisant les connaissances utiles à la compréhension de l’emballement climatique, le journalisme audiovisuel cultive l’ignorance et promeut l’inaction. Regarder l’information télévisée en période de calamités climatiques, c’est désormais faire l’expérience étrange d’une réalité déformée, méconnaissable, comme maquillée par un regard hors du temps, quand la promesse du soleil était l’horizon du tourisme de masse.

      Devant l’écrasante angoisse du chaos climatique, le déni peut apparaître comme un réflexe excusable. Peut-il constituer une ligne de conduite pour une rédaction ? Les enjeux sont trop importants pour se contenter d’une réponse aussi sommaire. Les étés actuels ne sont qu’une aimable plaisanterie en comparaison de ceux qui nous attendent dans quelques décennies. Les études montrent qu’une partie importante du public en est d’ores et déjà consciente. Les médias n’ont pas d’autre choix que de se hisser à la hauteur du débat. Vite.

  • Cinquante nuances de droite – L’image sociale
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    La croyance dans les pouvoirs magiques de la confrontation électorale a nourri les efforts des militants de la France insoumise, qui accusent ce matin Fabien Roussel, comme les partisans de Lionel Jospin pointaient en 2002 la responsabilité de Christiane Taubira. En réalité, aucune arithmétique ne peut défaire les quarante ans qui ont installé l’hégémonie néolibérale, idéologie qui cimente le bloc bourgeois et rend définitivement étranges et obsolètes les idées de solidarité, d’humanisme, voire la possibilité même d’une alternative politique. Même le souvenir des services publics d’antan s’efface dans la mémoire des citoyens, convaincus qu’ils trouveront mieux en payant le prix – et en échappant à l’impôt.

  • Cinquante nuances de droite – L’image sociale
    http://imagesociale.fr/10445

    Par André Gunther

    Les deux ouvrages les plus significatifs pour dessiner l’avenir ont été publiés au début de cette année. Dans Criminels climatiques (La Découverte, 2022), Mickaël Correia montre que les multinationales des énergies fossiles n’ont pas la moindre intention de modifier leur activité avant l’épuisement des gisements. Dans Les Fossoyeurs (Fayard, 2022), Victor Castanet décrit les ressorts cachés d’une exploitation basée sur l’incapacité des plus âgés, en proie à la confusion mentale, de s’apercevoir de la dégradation de la qualité de leur prise en charge – ou bien de s’en plaindre. Le plus intéressant est de constater que les dirigeants de la société mise en cause ne voient absolument pas ce qui pose problème dans leur management, dont le cours de l’action confirme le bien-fondé. Le capitalisme non régulé, objectif du néolibéralisme, est non seulement criminel, mais à proprement parler ignoble : prêt à tout pour garantir les profits – à tricher, à mentir, à profiter des failles ou des protections légales, à nuire, à maltraiter, à tuer.

    Nous sommes désormais à la merci de ce pouvoir sans frein, que toutes les nuances de droite s’accordent pour défendre au nom du réalisme économique, seul support de la croissance, c’est-à-dire du niveau de vie des citoyens. Alors que les projections prolongeant les tendances actuelles nous mènent allègrement vers un monde plus chaud d’environ 3 degrés à la fin de ce siècle, soit un chaos climatique totalement hors de contrôle, une majorité de l’électorat partage les convictions d’un thatchérisme violent et cynique, défenseur des premiers de cordée et des fraudeurs fiscaux, adversaire résolu des banlieues, des « wokistes » et de toutes les religions commençant par i- et finissant par -slam. Pour la deuxième fois de suite, la France s’invite au concert des démocraties dévoyées, incapable de proposer un autre choix que de départager l’extrême-droite et le néolibéralisme autoritaire. On compte sur Léa Salamé pour ériger ce théâtre d’ombres en combat de la lumière contre les ténèbres.

    #Elections #Ecologie #Néolibéralisme

  • #Omicron : #Blanquer a annoncé le nouveau protocole dans les écoles depuis Ibiza

    Les vacances de fin d’année du ministre, mis en cause pour sa gestion tardive de la crise sanitaire, suscitent depuis plusieurs jours des tensions au sein du gouvernement. Son entretien polémique au « Parisien », qui a provoqué la colère des enseignants, a en réalité été réalisé depuis l’île des Baléares, a appris Mediapart. Ce qui avait été caché.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/170122/omicron-blanquer-annonce-le-nouveau-protocole-dans-les-ecoles-depuis-ibiza

    #vacances #Ibiza #écoles #crise_sanitaire #covid #covid-19 #Jean-Michel_Blanquer

    • allez hop, unlock du #paywall :

      Beaucoup de confusion, une communication de dernière minute et des enseignant·es en colère. Depuis une quinzaine de jours, le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, se retrouve sous le feu des critiques pour avoir dévoilé le nouveau protocole sanitaire dans les écoles la veille de la rentrée des classes, dans un entretien – d’abord payant, puis passé en accès libre – publié dans Le Parisien, dimanche 2 janvier, en fin de journée.

      Un choix incompréhensible qui a accentué la défiance des personnels de l’éducation, totalement démunis face aux nouvelles règles édictées en catastrophe, et plongé l’exécutif dans l’embarras. « On est obligés d’être dans cette situation [de donner ces consignes la veille pour le lendemain – ndlr] pour être au plus près de la réalité », s’était justifié le ministre a posteriori.

      En réalité, Jean-Michel Blanquer n’est rentré de vacances à Ibiza, dans l’archipel des Baléares (Espagne), que dans la journée du dimanche 2 janvier. Soit la veille de la rentrée, pas avant, en dépit de la situation sanitaire et de ses conséquences sur la vie des écoles. Cette attitude a provoqué des tensions au sein même du gouvernement, selon des informations de Mediapart.

      Questionné par Mediapart sur les vacances de Jean-Michel Blanquer et son éloignement de Paris en pleine cinquième vague du Covid à la veille de la rentrée scolaire, le cabinet du ministre a affirmé qu’elles n’avaient pas eu d’incidence sur la mise en place tardive du protocole : « Ce n’est pas parce qu’il n’était pas là qu’il n’était pas au travail, qu’il n’était pas connecté et loin de ce qu’il se passait. »

      Selon les explications fournies par le ministère de l’éducation nationale sur le déroulé des événements, le protocole pour les écoles n’a été établi dans sa version définitive que dans la nuit du samedi 1er au dimanche 2 janvier, au lendemain d’un avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) sur la situation sanitaire, ce qui explique sa communication à la dernière minute.

      « Une fois la doctrine arrêtée, le secrétariat général a travaillé à la FAQ [foire aux questions - ndlr], toutes les questions qui se posent autour du nouveau protocole. Cela a pris tout le dimanche matin, avec des allers-retours non-stop, en faisant valider à chaque fois par le ministère de la santé », précise-t-on rue de Grenelle.

      « Le ministre travaille, ce n’est pas parce qu’il aurait été au bureau que cela aurait changé les choses [...] l’équipe était là et lui était en permanence en lien avec nous en télétravail », complète son cabinet, en expliquant que Jean-Michel Blanquer a d’ailleurs réalisé son interview depuis son lieu de vacances. « On avait dit au Parisien : on fait la base [de l’entretien] en visioconférence [le samedi 1er janvier], et ensuite ils nous ont envoyé leur article et là, on a fait les ajustements en fonction des arbitrages [rendus dans la nuit de samedi à dimanche]. »

      Le ministère aurait ensuite attendu que la FAQ soit définitivement prête et mise en ligne pour donner le feu vert de la publication.

      Questionné par Mediapart, le directeur de la rédaction du Parisien, Jean-Michel Salvator, a expliqué que, si son journal ne fait « habituellement jamais » d’entretiens de ministre en visioconférence, « il n’y avait aucune raison de le lui refuser » cette fois-ci. Le quotidien n’a pas évoqué les conditions de l’entretien au moment de sa publication.

      Pire : la photographie de Jean-Michel Blanquer, accompagnant l’interview, le montre dans son bureau au ministère. L’image n’est pas datée. Et pour cause : elle avait été prise par un photographe du Parisien, le 12 novembre 2021, dans le cadre d’un précédent entretien.

      Les explications fournies par Jean-Michel Blanquer pour justifier ses annonces tardives n’ont guère convaincu les oppositions, qui ont rapidement appelé à sa démission. La grève massive du 13 janvier dernier a accentué davantage encore la pression, contraignant l’exécutif à quelques concessions. Pendant tout ce temps, le gouvernement, par la voix de son porte-parole Gabriel Attal, continuait d’afficher un soutien sans faille au ministre de l’éducation nationale.

      Ce dernier faisait d’ailleurs mine de ne pas comprendre les motifs de la mobilisation du 13 janvier. « Ce n’est pas une grève qui résout les problèmes, on ne fait pas une grève contre un virus, lançait-il sur BFMTV, deux jours auparavant. Je sais qu’il y a beaucoup de fatigue, beaucoup de nervosité, donc moi, j’en appelle à la fois au sang-froid, à l’unité de la nation autour de son école, à ne pas confondre les sujets, on est en campagne présidentielle, certains opposants essaient d’en faire un thème. »

      Le 7 janvier, en pleine crise, Jean-Michel Blanquer, qui avait pourtant expliqué au Parisien rester « totalement concentré sur [sa] tâche », trouvait même le temps d’ouvrir les travaux d’un vrai-faux colloque contre le « wokisme ». Une marotte qui interroge plusieurs de ses collègues macronistes. « Il va chercher des marqueurs qui ne sont pas ceux de l’éducation nationale », note l’un d’entre eux, évoquant aussi sa campagne « inopportune » sur la laïcité.

      Et de poursuivre, toujours au sujet des marottes du ministre : « Les enseignants ont besoin d’être aimés alors que Blanquer a quitté symboliquement son ministère. » Affaibli depuis plusieurs mois, objet de nombreuses critiques au sein du gouvernement comme de la majorité, le ministre de l’éducation nationale n’a jamais cessé de défendre sa gestion de la crise, allant même jusqu’à se targuer, dans son dernier livre, d’avoir « sauvé les enfants de France d’un naufrage dramatique ».

    • « En marge du chaos scolaire, l’épisode Blanquer pose une question médiatique. Révélatrice d’une pratique courante, la photo publiée sans date par le Parisien permet de bénéficier de la présomption documentaire qui s’applique par défaut à l’image de presse. »

      Les petits arrangements du document (suite)
      http://imagesociale.fr/10392

      Le Parisien était-il le meilleur canal pour accueillir l’annonce par le ministre de l’éducation, la veille de la rentrée, du protocole allégé destiné à laisser circuler le virus à l’école ? Deux aménagements successifs et une grève des personnels plus tard, on apprend que Jean-Michel Blanquer avait donné l’interview de son lieu de vacances à Ibiza, soulevant une vague de protestations.

      En marge du chaos scolaire, l’épisode pose une question médiatique. Le Parisien a-t’il omis délibérément cette indication, prêtant ainsi la main à la cachotterie du ministre ? Le quotidien a tenu a assurer que l’entretien avait été effectué par téléphone, et que ses journalistes ignoraient où se trouvait leur interlocuteur (dont le numéro avait été opportunément maquillé par ses services). Manque de chance, la rédaction a choisi d’illustrer son article par une photographie réalisée par Olivier Corsan le 12 novembre 2021, à l’occasion d’un précédent entretien. Reprise en Une de l’édition du 3 janvier, cette image laissait penser que le ministre se trouvait à son bureau.

      « Dans beaucoup de journaux, les interviews faites par téléphone sont illustrées par des photos d’archives, je n’y vois pas de malice du Parisien », estime le photographe, interrogé par Libération. « Je n’avais pas le sentiment qu’on prenait au piège le lecteur », confirme de son côté le directeur des rédactions Jean-Michel Salvator. Représentative d’une opinion répandue, cette vision lénifiante n’est pas partagée par la Société des Journalistes du Parisien, qui a réclamé que la mention « photo d’archive » figure à chaque fois.

      Il est peu probable que ce vœu pieux s’applique de façon systématique. Pour des raisons pratiques, économiques ou expressives, le recours à une illustration non strictement documentaire représente en effet aujourd’hui la part majeure de l’iconographie publiée par les organes d’information. Ce choix serait sans conséquences s’il était indiqué en légende. Mais l’absence de précision sur la nature de l’image permet de bénéficier de la présomption documentaire qui s’applique par défaut à l’illustration de presse. Dans l’édition du 15 novembre 2021, première occurrence de la photo, en l’absence de toute mention de date, le lecteur déduit de la présentation de l’article que le portrait du ministre et l’entretien « exclusif » (précision valorisante en capitales) ont été effectués simultanément. Pourquoi appliquerait-il un raisonnement différent le 2 janvier ?

      Les réactions à l’article du Parisien montrent que la photo a effectivement contribué à tromper le lectorat. Il est regrettable que tant de professionnels prennent cette licence à la légère, alors même qu’ils y recourent de façon intéressée.

  • « Don’t Look Up » : regarder Netflix en attendant la fin du monde ?
    https://www.contretemps.eu/dont-look-up-netflix-capitalisme-technologie

    Anne-Lise Melquiond est l’autrice d’Apocalypse Show, quand l’Amérique s’effondre, sorti le 7 septembre 2021 chez Playlist Society. Elle analyse pour Contretemps le film « Don’t Look Up : Déni cosmique » d’Adam McKay : une implacable critique du capitalisme technophile contemporain produite par l’un de ses étendards, la principale multinationale de l’industrie culturelle plateformisée, Netflix ; mais une critique dont les mouvements populaires sont presque absents et qui nous laisse sans horizon de transformation sociale et d’émancipation, autrement dit sans espérance.

    Don’t Look Up, superproduction de Netflix sorti le 24 décembre 2021 avec un casting impressionnant où Jennifer Lawrence et Leonardo DiCaprio incarnent deux astronomes, un professeur et sa doctorante qui découvrent une immense comète large d’une dizaine de kilomètres dont la trajectoire se dirige vers la Terre. Elle devrait s’écraser dans exactement six mois et 14 jours causant la destruction totale de la planète. Après avoir vérifié moult fois leurs calculs, les deux astronomes vont tenter d’alerter les plus hautes instances politiques ainsi que l’opinion publique sur cette apocalypse imminente en espérant que tout sera tenté pour détourner la comète de sa trajectoire.

    Ici, l’humanité sera moins victime de la comète fatale que de son incapacité à envisager son futur. La catastrophe n’est donc pas tant la comète, véritable métaphore du réchauffement planétaire, notre comète à nous, que la gestion politique de cette menace. Le réalisateur Adam McKay témoigne là d’une époque qui a choisi de négliger jusqu’au plus court terme. La crise sanitaire du Covid est une preuve supplémentaire de cette incurie.

    De ce point de vue, le film est une critique âpre et mordante de la politique américaine où la Présidente, une Trump au féminin est prête à tout envisager, y compris les grosses comètes, sous un angle purement électoraliste. Elle explique aux astronautes qu’elle « enchaine les réunions « fin du monde » depuis des années. Effondrement économique, danger nucléaire, gaz d’échappement, robot fou, sécheresse, épidémie, extraterrestres, surpopulation, trou dans l’ozone », et n’a pas que ça à faire vu qu’elle est empêtrée dans un scandale dans l’élection d’un juge à la Cour Suprême. La Présidente semble plus préoccupée par son destin politique que par la destruction de la planète...

    #capitalisme, #catastrophe, #culture, #écologie, #médias, #Netflix, #réchauffement-climatique

  • Dans la mêlée de l’effet de réel | André Gunthert
    http://imagesociale.fr/10190

    Hier soir, au journal télévisé de France 2, j’aperçois fugitivement les #images de brutalités qui ont entaché le premier grand meeting du candidat suprémaciste Eric Zemmour, symptôme alarmant d’une campagne qui perd pied à peine commencée (à 13 min. 24). Comme cela m’est arrivé de nombreuses fois, notamment pendant la crise des Gilets jaunes, je suis frappé par la différence de ma perception de cette séquence dans son contexte télévisuel, avec les mêmes images aperçues une heure plus tôt par la lucarne de Twitter. Sans que je puisse décrire précisément ce qui a modifié mon regard, ce second visionnage me donne l’impression d’éloigner et d’affaiblir l’explosion de violence découverte à travers la vidéo du journaliste freelance #Clément-Lanot.

    L’effet de déjà-vu ou l’encadrement médiatique suffit-il à atténuer l’intensité de la séquence ? Ce serait déjà une contradiction intéressante de l’attribution des propriétés documentaires à la seule nature technique de l’enregistrement. En y regardant de plus près, et en comparant la vidéo de Lanot avec celle de Rémy Buisine, autre reporter qui a diffusé immédiatement ses images sur le réseau social, on distingue mieux les composantes de l’#effet-de-réel ...

  • Génération remplacement
    « Souriez, vous êtes grand-remplacés ! » : Causeur décrit ironiquement la photo des bébés de la diversité comme notre portrait – celui d’un présent qui porte en germe, pour peu qu’on sache voir le dessous des cartes, la promesse de notre disparition.
    http://imagesociale.fr/10055

    Le choix de l’image des bébés renvoie par ailleurs à la dimension programmatique du grand remplacement qui, comme toutes les thèses déclinistes, est un scénario dont l’accomplissement est situé dans le futur. L’observation du présent ne dévoile que les prémices d’un processus. Derrière l’apparente innocence des enfants se cache la menace d’une expansion catastrophique. Ce qui semble une promesse d’avenir masque une évolution mortelle.

    Les bébés incarnent l’imaginaire de la génération. La force irrépressible du processus biologique est l’archétype qui confère à la thèse remplaciste sa séduction et sa puissance. Loin de l’affirmation joyeuse de la diversité, l’image des bébés détournée par la paranoïa décliniste suggère le caractère inéluctable d’un déterminisme naturel. Comme un enfant qui grandit, quoiqu’on pense, quoiqu’on fasse, ça arrivera.

    « Souriez, vous êtes grand-remplacés ! » : la légende du magazine décrit ironiquement la photo des bébés de la diversité comme notre portrait – celui d’un présent qui porte en germe, pour peu qu’on sache voir le dessous des cartes, la promesse de notre disparition. Un coup de pied de l’âne à l’antiracisme – et une illustration fidèle des croyances morbides et insidieuses du racisme.

  • Les prénoms de la laïcité, ou comment cacher l’islamophobie – L’image sociale
    http://imagesociale.fr/10028

    Comme tout énoncé raciste, les images de la campagne s’appuient sur une forte dimension implicite. Derrière l’apparence d’un melting-pot souriant, que l’on pourrait lire comme un éloge de la diversité d’inspiration antiraciste, le mot-clé « laïcité » donne le mode d’emploi de l’organisation des signes. « Le sous-texte, c’est que la laïcité est faite pour corriger les défauts des élèves de culture et de confession musulmanes » explique Jean-Louis Bianco, ancien président de l’Observatoire de la laïcité, supprimé par le gouvernement pour sa fidélité à l’esprit de 1905. Un siècle plus tard, la laïcité suprémaciste suggère en effet d’interpréter les affiches en cherchant les marques d’une opposition basée sur l’appartenance ethno-culturelle.

    • La sociologie survole la situation, et oublie les chiffres.
      En effet, en France les immigré·es du Maghreb donnent des prénoms de chez eux (c’est leur droit absolu), et sont, majoritairement musulmans.
      La laïcité parlant exclusivement de la religion, il est normal que l’égalité ne soit pas évoquée.
      Ni celle femme-homme, ni les autres.
      Elle est sous-entendue, puisqu’on y voit des femmes en situation égale avec d’autres.
      Allez y voir de l’"islamophobie" (terme inventé par les religieux musulmans islamistes, extrêmes, pour récupérer un terme similaire à homophobie, pour se poser en victime) c’est encore et toujours pleurnicher pour de pauvres victimes qui, depuis trois générations, se sont intégrées, pour ceux qui le voulaient, il n’y a qu’à voir ces prénoms, et noms partout dans la société, et c’est tant mieux.
      Il n’y a qu’à parler avec eux de leur ennuis à se voir stigmatiser, alors qu’ils ne veulent rien, rien d’autre que de poursuivre leur chemin.
      Se faire le relais de ceux qui pleurnichent, et ne font rien en fin de compte, et surtout pas aider ceux qui sont dans la merde, c’est fatigant, très fatigant, pour les autres.

    • Ça a déjà été référencé 8 fois sur seenthis ; mais quand ça veut pas, ça veut pas.

      « Islamophobie », un mot, un mal plus que centenaires
      https://orientxxi.info/magazine/islamophobie-un-mot-un-mal-plus-que-centenaires,1155

      La première utilisation du mot retrouvée date de 1910. Elle figure sous la plume d’un certain Alain Quellien, aujourd’hui oublié. Il proposait une définition d’une surprenante modernité :

      L’islamophobie : il y a toujours eu, et il y a encore, un préjugé contre l’islam répandu chez les peuples de civilisation occidentale et chrétienne. Pour d’aucuns, le musulman est l’ennemi naturel et irréconciliable du chrétien et de l’Européen, l’islamisme2 est la négation de la civilisation, et la barbarie, la mauvaise foi et la cruauté sont tout ce qu’on peut attendre de mieux des mahométans.

      La politique musulmane dans l’Afrique occidentale française, Paris, Émile Larose.

  • Blanquer : un champion des affichages pour l’Ecole
    https://blogs.mediapart.fr/claude-lelievre/blog/300821/blanquer-un-champion-des-affichages-pour-lecole

    Après la décision de principe dans la loi de février 2019 de l’affichage dans chaque classe des drapeaux tricolore et européen, de la devise de la République et des paroles de la Marseillaise, une autre campagne d’affichage doit s’ouvrir en cette rentrée dans les établissements scolaires : huit affiches censées promouvoir la laïcité à déployer.

    Comme il est écrit dans « L’Humeur du jour » du 28 août de Télérama, « la campagne de communication sur la laïcité, lancée dès la rentrée par le ministre de l’Education nationale, témoigne d’une dangereuse confusion abondamment moquée sur les réseaux sociaux. Huit affiches, déployées dans les établissements scolaires et sur Internet montrent des élèves de tous âges dans diverses situations (piscine, salle de classe, récréation...) avec un slogan : ’’c’est ça la laïcité’’, repris et accolé à des prénoms soulignant la diversité des visages montrés- des enfants blancs avec d’autres qui ne le sont pas. D’abord on ne voit pas bien en quoi la laïcité ’’permet’’ à Milhan et Aliyah de ’’rire des mêmes histoires’’ ou à Inès, Lenny, Simon et Ava ’’d’être ensemble’’. Ensuite l’assignation de religions supposées à des prénoms (car la laïcité concerne bien la religion et non les origines !) pose un sérieux problème. Enfin cette campagne n’évoque pas explicitement la neutralité de l’Etat et de ses agents, la liberté de croyance et de pratique, le respect des convictions, pourtant principes fondamentaux de la laïcité »

    En réalité, cette campagne d’affichage ne s’adresse pas vraiment aux élèves (car ils ne pourront pas y comprendre grand chose) mais aux adultes, plus précisément aux électeurs.
    C’est une campagne foncièrement politicienne, à l’instar de celle qui a déjà eu lieu au moment du vote de la loi « Pour une école de la confiance »...

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/08/27/une-campagne-du-gouvernement-pour-promouvoir-la-laicite-a-l-ecole-fait-debat

    • « Le sous-texte, c’est que la laïcité est faite pour corriger les défauts des élèves de culture et de confession musulmanes. » Jean-Louis Bianco réagit à la campagne islamophobe de l’EN.
      https://www.humanite.fr/la-laicite-cest-lunite-des-citoyens-dans-la-diversite-jean-louis-bianco-rea

      Jean-Louis Bianco : Ces images sont hors sujet. Nulle part il n’est question de ce qu’est la laïcité, à savoir la neutralité des services et des institutions publics, la séparation des Églises et de l’État et la liberté de conscience. Nager ensemble dans la piscine ou lire ensemble le même livre, comme le font les enfants dans cette campagne, ça n’a rien à voir avec la laïcité, dont la définition n’est donnée nulle part. Par ailleurs, c’est le ministère de l’Éducation qui lance cette opération, et on ne comprend pas pourquoi on ne nous montre que des enfants, alors que c’est aussi aux enseignants que s’imposent des obligations en matière de laïcité, en particulier le devoir de neutralité. On ne les voit pas alors que ce sont eux, avec l’ensemble des personnels de l’éducation nationale, qui transmettent les principes et les valeurs.

      #paywall

    • Les prénoms de la laïcité, ou comment cacher l’islamophobie
      http://imagesociale.fr/10028

      Le système éducatif français est notoirement inégalitaire. Sur 13 millions d’élèves, quelque 17% sont scolarisés dans l’enseignement privé, à 95% catholique. Un service payant, subventionné par l’Etat, qui accueille majoritairement les enfants des classes moyennes et supérieures. Fermant les yeux sur cette division simultanément sociale et confessionnelle, le ministère de l’Education nationale a lancé fin août une campagne vantant l’intégration de la minorité musulmane. Fidèle à la vision néoconservatrice de la mise au pas de l’ennemi intérieur, une série de 8 visuels associe des jeunes dont l’identité ethno-culturelle est signifiée par l’association du prénom et de la couleur de peau, avec un slogan qui vante l’égalitarisme du système scolaire.

      Mais l’égalité promue par la campagne n’est pas l’égalité homme-femme, ni même l’égalité des chances, supposée remédier aux inégalités sociales. Symptomatique de la droitisation du paysage politique, ces objectifs sont ici remplacés par l’emblème du paternalisme français : la « laïcité », qui permet d’évacuer la promesse républicaine au profit d’une grille de lecture religieuse. A l’opposé de la laïcité inclusive de 1905, la laïcité suprémaciste des lois sur le voile ou de la loi « séparatisme » est un instrument de stigmatisation des minorités issues de l’immigration, qui prolonge les logiques coloniales de hiérarchisation des populations en fonction de leur origine. Vivement critiquée dès son lancement pour son caractère raciste, la campagne du ministère de l’Education nationale affiche en effet de manière transparente la trahison de l’idéal républicain, où l’islamophobie devient le principal ciment de l’unité nationale. Confirmation du malaise : les visuels ont été depuis retirés du site du ministère.

      Comme tout énoncé raciste, les images de la campagne s’appuient sur une forte dimension implicite. Derrière l’apparence d’un melting-pot souriant, que l’on pourrait lire comme un éloge de la diversité d’inspiration antiraciste, le mot-clé « laïcité » donne le mode d’emploi de l’organisation des signes. « Le sous-texte, c’est que la laïcité est faite pour corriger les défauts des élèves de culture et de confession musulmanes » explique Jean-Louis Bianco, ancien président de l’Observatoire de la laïcité, supprimé par le gouvernement pour sa fidélité à l’esprit de 1905. Un siècle plus tard, la laïcité suprémaciste suggère en effet d’interpréter les affiches en cherchant les marques d’une opposition basée sur l’appartenance ethno-culturelle...