• Du bidonville au gymnase, la galère des Roms de Bobigny - Libération
    http://www.liberation.fr/societe/2014/10/24/du-bidonville-au-gymnase-la-galere-des-roms-de-bobigny_1128747

    Expulsées de leur campement des Coquetiers mardi, une soixantaine de personnes se sont retrouvées sans solution de relogement, pendant que la mairie de Paris et l’Etat se renvoyaient la balle.

    Il est 17 heures quand une soixantaine d’anciens habitants des Coquetiers arrivent place de la République, à Paris. Parmi eux, plus de 25 enfants, beaucoup en bas âge. Expulsés de leur campement à la mi-journée, ils ont été « oubliés » lors du diagnostic social mené sur place par les autorités. Rien ne leur a été proposé. Ni places dans des foyers d’hébergement d’urgence, ni nuits d’hôtel. Le froid tombe sur la capitale, et ils n’ont pas d’endroit où dormir. En début de soirée, les Roms trouvent refuge dans le hall de l’hôpital Saint-Louis. Plusieurs dizaines de CRS interviennent pour les en déloger. Vers 23 heures, une solution d’urgence est finalement trouvée : la mairie du Xe arrondissement met à leur disposition le gymnase Marie Paradis, à deux pas de la gare de l’Est, ainsi que des lits de camp et des couvertures. 59 personnes, dont 30 enfants et une femme enceinte, passent la nuit à l’abri.

  • MUST READ Syrie/UE - « Après tout ce que j’ai traversé, je ne croyais pas en arriver là, être à la rue en France », comment les réfugiés syriens sont accueillis en France et en Europe - AFP/Libération

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    « C’est ça la France ? C’est ça l’Europe ? » Dans le square parisien où il tente de distraire son bébé de 18 mois, Aziz M., un Syrien de 33 ans qui a obtenu l’asile politique après avoir goûté à quatre reprises aux prisons de Bachar el Assad, est à bout de nerf.
    « Après tout ce que j’ai traversé, je ne croyais pas en arriver là, être à la rue en France », explose le jeune homme (dont le prénom a été modifié, NDLR), employé de banque à Alep jusqu’en 2011, avant de rallier les manifestations contre le régime .. et de décider de fuir dans la désillusion face à la corruption généralisée, même au sein de l’opposition.

    Selon la loi française, en tant que réfugié politique, il a le droit de travailler et celui de toucher des allocations sociales et familiales au même titre que les nationaux.

    Mais, depuis son arrivée à Paris en février, via la Turquie, l’île grecque de Mytilène, et l’Italie, Aziz est hébergé au domicile d’une militante associative. Parce qu’aucune structure d’accueil n’est prévue.

    « Le seul recours que j’ai c’est le 115 », le numéro utilisé par les Sans domicile fixe, « or, je ne peux pas changer d’hôtel tous les soirs avec le bébé ». Né pendant les manifestations et sous les roquettes à Alep, le petit a du mal à dormir et a besoin du suivi d’un pédo-psychiatre.

    En attendant, Aziz ronge son frein, et supporte mal la bureaucratie d’un pays qui lui fait remarquer qu’il a « de la chance de ne pas être sous les balles ».

    Certains Syriens ne tentent même pas de demander l’asile en France, et gonflent le flot des migrants qui campent à Calais pour tenter de rallier la Grande-Bretagne.

    Elevés dans la tradition d’accueil du Levant, la plupart sont « plombés » lorsqu’ils se rendent compte qu’ils « ne peuvent pas avoir de toit » en arrivant dans ce qu’ils considèrent comme « le +pays des droits de l’Homme+ », où plus de 90% des demandes d’asile sont pourtant accordées aux Syriens, traduit Sabreena Al Rassace, responsable de l’association « Revivre ».

    – Plus grand exode (mondial) depuis les années 50 -

    Depuis 2011, comme Aziz, des millions de Syriens sont poussés sur les routes de l’exil. Certains n’ont que leur chemise sur le dos, comme les plus de 200.000 Kurdes de Kobané, chassés vers la Turquie par l’avance du groupe jihadiste Etat Islamique.

    « La situation syrienne constitue le plus grand exode de population civile jamais enregistré depuis la création du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés en 1951 », résume Philippe Leclerc, représentant en France du HCR.

    Plus de 3 millions de réfugiés syriens se trouvent en Turquie, au Liban et en Jordanie. Soit un exode supérieur à celui du génocide rwandais en 1994, lorsque 2,3 millions de personnes avaient été forcées de quitter leur foyer.

    Cette migration de masse déstabilise aujourd’hui la vie quotidienne des pays voisins.

    Les tensions montent contre les réfugiés, dans les camps en Turquie, notamment cet été à Gaziantep, ou au Liban, qui a fini par annoncer la fermeture de ses frontières aux réfugiés le week-end dernier.

    « Nous faisons face à l’afflux de 1,3 million de réfugiés syriens. C’est comme si la France devait accueillir 20 millions de réfugiés en l’espace de trois ans. Aucun pays ne peut faire face à de telles proportions », a souligné l’ancien chef du gouvernement libanais Saad Hariri dans Le Figaro.

    Si dans le reste du monde l’émotion est réelle, le nombre de réfugiés accueillis reste dérisoire - malgré les appels du HCR - par rapport à l’ampleur de la migration. La crise est passée par là.

    Ainsi dans l’Europe des 28, minée par le chômage et la montée des populismes, 144.632 Syriens ont demandé l’asile depuis 2011, et un peu moins l’ont obtenu, selon les chiffres du HCR.

    En Europe, deux capitales se distinguent néanmoins par leurs efforts : Berlin et Stockholm.

    En Allemagne, où réside une forte communauté kurde, et où aura lieu le 28 octobre une conférence internationale sur le sort des réfugiés syriens, ceux-ci constituent les premiers demandeurs d’asile.

    De janvier à fin août, 20.184 Syriens ont déposé une demande, soit un bond de 186% par rapport à la même période de 2013, et 38.808 depuis le début du conflit.

    – « Catastrophe humanitaire » -

    Le pays a par ailleurs accepté 20.000 réfugiés supplémentaires dans le cadre d’un programme spécial, dit de « réinstallation », lancé par le HCR, portant sur 42.000 places au total (La France a offert 500 places dans le même cadre)

    Du coup, en Allemagne, les chiffres explosent et les centres d’accueil sont débordés dans les grandes villes, où les Syriens s’entassent dans des gymnases, des logements conteneurs ou des casernes. A Cologne, on a transformé d’anciennes grandes surfaces de meubles ou de bricolage en centre d’hébergement. La Croix rouge bavaroise dénonce une « catastrophe humanitaire ».

    La Suède a été pour sa part le premier pays de l’UE à accorder l’asile à tous les demandeurs, avec plus de 30.000 permis accordés. Et cet afflux met à l’épreuve le généreux système d’accueil du pays scandinave.

    Depuis début 2014, l’agence des migrations a déjà lancé cinq appels pour trouver de nouveaux centres d’hébergement en Suède. Pour Mareille Westlund, de l’ONG Pay it forward, les lourdeurs administratives du système empêchent l’intégration des réfugiés et l’apprentissage du suédois. « Les centres d’hébergement sont souvent à la périphérie des villes et offrent des possibilités limitées d’activités sociales », dit-elle.

    En Italie et Grèce, les problèmes logistiques sont liés aux arrivées -dangereuses- par la mer, où plusieurs centaines de personnes ont trouvé la mort cette année. Pratiquement absents de la péninsule italienne en 2011, le nombre de Syriens a triplé en un an, 11.300 en 2013 et 32.600 en 2014, selon l’OIM.

    En Grèce, les îles de la mer Egée face à la Turquie, sont en état d’urgence avec une augmentation de 223% des arrivées début 2014 par rapport à début 2013. Les réfugiés, dont 65% sont Syriens, s’entassent dans les commissariats des îles et dépendent souvent de la société civile pour leur survie.

    En France - pays qui fût administrateur de la Syrie sous mandat de la Société des Nations de 1920 à 1946 -, quelque 3.500 réfugiés syriens ont été accueillis depuis 2011.

    « Une forme de générosité extrêmement maîtrisée lorsqu’on compare avec les autres pays européens », raille Pierre Henry, dirigeant de l’association France terre d’Asile.

    A ce jour, seuls 158 des 500 réfugiés que la France s’est engagée à accueillir en 2014 dans le cadre du programme de « réinstallation », sont arrivés. Trois groupes en provenance du Liban sont attendus mi-novembre et un autre issu des camps de Jordanie d’ici la fin de l’année, indique M. Leclerc du HCR. Les premiers ont été installés au Havre, en Dordogne, ou dans une petite ville de l’Isère.

    Comme onze autres pays de l’espace Schengen, la France a mis en place des visas de transit aéroportuaire (VTA) pour les Syriens, ce qui rend encore plus difficile leurs arrivées.
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