L’art vénérable de lire Nietzsche

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  • L’art vénérable de lire Nietzsche
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    Conférence tenue à Munich en septembre 1981, par Mazzino Montinari

    Dans Ecce Homo, Nietzsche se souhaite à lui-même un bon lecteur, « un lecteur tel que je le mérite, qui me lise comme les bons philologues de jadis lisaient leur Horace ». L’année précédente, il s’était exprimé dans la préface d’Aurore de manière encore plus claire et sans équivoques :

    La philologie… est cet art vénérable qui exige avant tout de son admirateur une chose : se tenir à l’écart, prendre son temps, devenir silencieux, devenir lent – comme un art, une connaissance d’orfèvre appliquée au mot, un art qui n’a à exécuter que du travail subtil et précautionneux et n’arrive à rien s’il n’y arrive lento. C’est en cela précisément qu’elle est aujourd’hui plus nécessaire que jamais, c’est par là qu’elle nous attire et nous charme le plus fortement au sein d’un âge de « travail » autrement dit : de hâte, de précipitation indécente et suante qui veut tout de suite « en avoir fini » avec tout, sans excepter l’ensemble des livres anciens et modernes : – quant à elle, elle n’en a pas si aisément fini avec quoi que ce soit, elle enseigne à bien lire, c’est-à-dire lentement, profondément, en regardant prudemment derrière et devant soi, avec des arrière-pensées, avec des portes ouvertes, avec des doigts et des yeux subtils… O, mes amis patients, ce livre souhaite seulement des lecteurs et des philologues parfaits : apprenez à me bien lire !