De la (dé)construction des États-nations depuis les accords de Sykes-Picot... - Anthony SAMRANI - L’Orient-Le Jour
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État islamique, guerre en Syrie, indépendance kurde : Henry Laurens et Jean-Paul Chagnollaud répondent aux questions de « L’Orient-Le Jour ».
Sykes-Picot. Voilà un nom hautement symbolique qui suscite de nombreux fantasmes dans le monde arabe depuis bientôt un siècle. Voilà un nom qui a la particularité d’être automatiquement assimilé à une histoire qui dépasse pourtant très largement son ampleur initiale. Voilà un nom qui matérialise une période de rupture dans la région du Proche-Orient, entre des siècles de domination ottomane et une entrée brutale et instrumentalisée dans l’ère de modernité. Une entrée des plus difficile pour le Proche-Orient arabe qui devait, et doit toujours, porter le poids d’un double héritage extérieur : celui du tracé des frontières par les puissances coloniales européennes et celui du système communautaire organisé par la puissance coloniale ottomane.
La question de la construction des identités nationales a été au cœur de la pensée politique dans le monde arabe depuis la chute de l’Empire ottoman. Ne reconnaissant pas d’identités nationales à part celle de l’Empire, la Grande Porte établissait pourtant un système communautaire pour organiser la vie sociale qui prenait le nom de millet. Cela encourageait donc le sentiment d’appartenance à une communauté, bien que les tendances minoritaires de l’islam, à savoir les chiites, les alaouites, les druzes, demeuraient sous la tutelle sunnite. La chute de l’Empire a donc entraîné un choc traumatique qui remit en question le fonctionnement de l’ensemble de ces sociétés et les a poussées dans la modernité après plusieurs siècles de léthargie politique. Il serait incorrect de nier le fait que ces sociétés ont très largement évolué depuis le début du siècle, mais pourtant la question de la construction des identités nationales reste centrale et pourtant malheureusement irrésolue.