/lyber_401.pdf

  • Inutile

    La technologie l’a rattrapée pour ses 55 ans. D’un seul coup, son métier n’existe plus.

    Pourtant, ce n’est pas rien, un métier. Il faut souvent des années pour commencer à le maîtriser, entre la formation à l’école et celle sur le tas.

    Son grand-père lui racontait que c’était l’œuvre d’une vie et, souvent, de plusieurs vies, comme une longue chaîne qui traverse le temps. Il tenait son métier de son père qui le tenait lui-même du sien. L’apprentissage commençait avant même de sortir de l’enfance et se poursuivait tout au long de la vie. Une histoire de famille.

    Son père lui racontait qu’un métier meurt avec celui qui le maîtrise. Lui, il a vécu la mort des métiers, la fin de la transmission.

    Mais pour elle, c’est trop tôt : voilà que son métier a disparu avant elle. Avant même qu’elle arrive au bout de sa vie de travail. D’ailleurs, il n’y a plus de métier, tout juste des carrières. Chacun cherche à jongler d’un métier à l’autre sans se faire rattraper par ce que l’on appelle aujourd’hui l’obsolescence. Pas celle des objets. Celle des gens. La sienne.

    Elle n’a plus de métier. Elle devrait vendre ses compétences. Mais elle n’est pas vendeuse non plus.
    Jusqu’à présent, vendre, c’était aussi un métier.

    • L’entreprise de dépossession.

      http://www.laviedesidees.fr/L-entreprise-de-depossession-3054.html

      Et aussi : http://agone.org/lyber_pdf/lyber_401.pdf - P73
      Chronique des luttes.
      Premier volet. Un métier dans les luttes. Entretien avec Jacques Toublet. Propos présentés par Franck Poupeau.
      Sur la disparition du métier de correcteur et comment la CGT a favorisé l’émergence de syndicats d’industrie en fédérant les syndicats de métier par secteurs d’activité.
      Les arguments ne manquent pas aux correcteurs pour réaffirmer leur volonté de préserver cette forme
      collective : d’une part, parce que la réorganisation de l’outil syndical en dehors du métier oublie l’importance, dans nombre de structures à base
      industrielle, des luttes pour la qualification et la formation ; d’autre part, parce que la régression du syndicalisme de métier a eu pour effet
      d’affaiblir l’engagement dans les luttes, entraînant l’apparition, en marge des syndicats, de coordinations détentrices d’un savoir-faire (infirmières, agents de conduite SNCF , etc.) mal représentées en l’absence de syndicats de métier. Ensuite, un mouvement organisé par catégories peut mobiliser plus d’adhérents sur des revendications déterminées, et
      bloquer à lui seul la production
      2 . Si la notion de métier a disparu du
      vocabulaire managérial moderne au profit de celle d’emploi, c’est que la promotion de « compétences » permet de favoriser « l’employabilité » et la « flexibilité » – on peut ainsi se demander pourquoi la CGT n’a rien fait, à la fin des années 1990, pour empêcher la liquidation des derniers
      syndicats de métier. De plus, c’est le métier lui-même qui est attaqué avec l’introduction des nouvelles technologies. Alors que le développement fulgurant des« industries de la communication » et du numérique bouleverse les processus de fabrication des imprimés, ces innovations permettent l’accélération des concentrations d’entreprises et l’embauche massive de
      salariés en situation précaire. En effet, les modifications du processus de
      fabrication font disparaître les frontières professionnelles qui délimitaient auparavant les fonctions de chaque salarié qualifié, entraînant la
      disparition de nombreux postes – le syndicat des correcteurs est passé en moins de dix ans de plus de mille adhérents actifs à un peu moins de cinq cents."

    • Il me semble qu’il faille d’abord situer le travail, le métier ou l’emploi dans son cadre, le capitalisme. Ce qui permet d’aborder une approche plus radicale du travail - la critique de la centralité du travail du monde capitaliste.

      On vient de me faire connaître l’existence du livre de #Moishe_Postone, au sujet duquel #Dominique_Meda a écrit un article :

      http://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2010-2-page-175.htm

    • Mais cela dit, la disparition des métiers a peut-être un rapport avec le fait que le capitalisme tend à rendre le travail et la production complètement abstraits, par la taylorisation, la spécialisation, ou l’automatisation. Et à rendre le travail manuel ou humain obsolète ou inutile.

      Ce qui compte n’est pas l’artisan, mais l’objet marchand que je peux acheter avec la valeur produite par mon travail abstrait.

  • Derrière les plans sociaux, le business des cabinets de « reclassement »
    http://www.bastamag.net/Derriere-les-plans-sociaux-le-business-des-cabinets-de-reclassement

    Ils ont fait l’actualité pendant des semaines, puis plus rien. Que sont devenus les salariés du volailler Doux, du groupe pharmaceutique Sanofi ou de l’enseigne culturelle Virgin qui ont lutté contre la fermeture de leurs entreprises ? Des millions d’euros ont été dépensés dans le cadre de « plans de sauvegarde de l’emploi » pour leur assurer une « sortie positive » après les licenciements et les restructurations. Des sociétés privées de reclassement ont été généreusement rémunérées. « L’État prendra ses (...)

    #Décrypter

    / Emploi , #Luttes_sociales, A la une, #Enquêtes, L’Europe sous la coupe de l’austérité, Protections (...)

    #Emploi_ #L'Europe_sous_la_coupe_de_l'austérité #Protections_sociales

    • AGONE - Licenciement, reclassement,déclassement. FANNY DOUMAYROU
      Page 20. http://agone.org/lyber_pdf/lyber_401.pdf
      "DANS L’AVALANCHE DE DÉGRAISSAGES et de fermetures d’usines qui marque l’actualité sociale de ces dernières années et dont Moulinex constitue, en septembre 2001, un des derniers avatars, on voit émerger un large consensus des politiques et des dirigeants d’entreprises pour présenter le « reclassement » comme solution miracle au problème des licenciements. À l’adresse des salariés menacés de perdre leur emploi, le message est clair : « La logique économique est implacable, vos licenciements, inéluctables, votre résistance, inutile. Votre avenir n’est pas si sombre, puisque l’on s’engage à vous reclasser. Mieux vaut vous résigner... »

      Pierre Bourdieu : Classement, déclassement, reclassement
      http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1978_num_24_1_2613

  • Les multiples visages de la révolte globale & la face assassine de Big Brother,par Serge Q., marcheur de Gênes
    Agone Revenir aux Luttes
    PDF http://agone.org/lyber_pdf/lyber_401.pdf

    "D’abord le rejet radical de l’obscène discours sur la « vio-
    lence », qui réunit sous le même vocable la casse par des manifes-
    tants et les cassages de gueule forcenés pratiqués par les forces de
    l’ordre ; qui met sur le même plan le bris de vitrine, le bris des os et
    le meurtre pur et simple, qui furent l’œuvre des flics. Ceux qui
    accordent autant d’importance à la destruction des biens qu’à celle
    des personnes montrent de quel côté de la barricade ils se trouvent.
    C’est justement contre ce gouvernement des choses que nous (des
    milliers de gens) nous nous sommes insurgés. Ensuite, il faut bien
    dire que, face à cette ville qui semblait incarner comme un nouveau
    pas en avant vers la minéralisation du monde, devant le mufle cas-
    qué et blindé de Big Brother, la pulsion destructrice me semble plu-
    tôt une manifestation vitale. Plus généralement, je dirai que je n’ai
    pas envie de parler avec ceux qui, en face de la vie qui nous est
    faite, n’ont jamais ressenti l’envie de tout casser.
    En revanche, la discussion avec les Black Blocks doit avoir lieu, pour
    cerner les désaccords. Reconnaître la légitimité de l’envie de détrui-
    re ne signifie pas qu’il faille s’y abandonner n’importe quand et
    n’importe comment. Les Tute bianche avaient cherché l’accord
    avec les autres composantes du GSF sur la base de la « désobéis-
    sance civile », en portant cette démarche jusqu’à son extrême limi-
    te. Ils avaient notamment annoncé dans une proclamation aux
    habitants de Gênes qu’ils ne voulaient faire aucun mal à leur ville,
    mais au contraire la délivrer de l’occupant, le G8 et son armée de
    18 000 hommes. Ils avaient pour principe de ne pas toucher aux
    biens privés des habitants. Cette volonté de chercher une alliance
    avec eux a démontré son bien-fondé : une bonne partie de la popu-
    lation qui n’avait pas fui était très remontée contre le cirque milita-
    riste et les restrictions de son droit à la libre circulation. Les mani-
    festations de sympathie n’ont pas manqué : de ceux qui nous
    jetaient de l’eau du haut des fenêtres pour lutter contre la chaleur
    et les lacrymos à ce vieux Génois qui déclara avoir plus peur que
    pendant la guerre, non à cause des manifestants mais à cause de
    « ceux-là » (il montrait un groupe de flics avec leurs blindés). Mais
    le sourire s’effaça du visage de ces habitants quand ils ont vu des
    individus masqués en train de dévaster leur petit commerce de
    proximité et démolir la station d’essence de leur carrefour. Comme
    l’a dit, sur une télé locale, une manifestante génoise, pacifiste pas
    vraiment bêlante : « Bon, casser les banques, je comprends, mais
    pas le petit bar en bas de chez moi. »
    Au carrefour du front de mer et de la via Torino, comme un jeune
    masqué s’acharnait sur le rideau de fer d’un tabac, un vieux prolo
    lui a lancé : « Mais qu’est-ce que tu veux ? Une cigarette ? Je t’en
    donne une, moi ! » Et de joindre le geste à la parole. Le casseur
    n’agissait pas sous l’emprise d’un manque vital, il n’avait rien d’un
    de ces émeutiers de la faim surgissant périodiquement au Sud du
    monde, ni même d’un pillard des grandes métropoles occidentales
    exprimant la frustration des pauvres devant les vitrines marchandes.
    Il ne pouvait donc être mu que par la mythologie du pillage, si
    pesante en milieu radical. L’offre du vieux montrait seulement
    qu’un dialogue entre eux, le jeune casseur dans son impasse théâ-
    trale et le vieil ouvrier porteur de la mémoire de tant de défaites,
    aurait été infiniment plus prometteur que la répétition d’un rituel
    creux. Mais cette amorce d’échange critique a été interrompue par
    la chute des premières lacrymos lancées depuis bien longtemps en
    Europe au cœur d’une manif de masse.
    Rappelons en tout cas qu’une bonne partie des Black Blocks étaient
    opposée à la casse indiscriminée, qu’ils étaient au contraire parti-
    sans de s’en prendre seulement à des symboles capitalistes évi-
    dents. Et reconnaissons que tout homme épris de liberté ne peut
    que saluer l’attaque de la prison par certains de ces éléments et le
    début d’incendie qu’ils y ont provoqué.
    La présence d’infiltrés parmi les Black Blocks n’est pas discutable.
    Comme presque tout ce qui s’est passé ces jours-là, elle a été filmée.
    Et je n’ai pas manqué de remarquer un trio de types masqués, spor-
    tifs à la petite quarantaine qui s’agitaient beaucoup et que les autres
    Black Blocks, manifestement, évitaient. (En cela, les pratiques des
    policier italiens ne différent guère de celles de leurs homologues
    européens.) Mais comme l’existence de provocateurs ne change pas
    la portée de l’authentique colère de classe qu’exprimaient les cas-
    seurs, les infiltrations chez les Black Blocks et les manipulations dont
    certains ont pu être l’objet ne permettent pas de les réduire à une
    armée de marionnettes de la répression. Une partie d’entre eux ne
    s’intéresse sans doute que de loin au G8 : pour ceux-là, ce genre de
    grand rassemblement n’est qu’une bonne occasion de casser. […] Il
    me semble pourtant que balbutie un mouvement de contestation
    du gouvernement mondial d’un intérêt infiniment plus vaste que la
    satisfaction du légitime mais misérable besoin de tout casser. […]"

    Page 141. La récupération de la contestation par les médias
    Serge Halimi & Pierre Rimbert

    #luttes #violence #etat #soutien_populaire #medias #genes