Les "cadres" sont depuis bien longtemps plus fréquemment embauchés en CDD que la moyenne des salariés (je crois que la proportion de cadres en CDD voisinent les 17% contre 13% dans la population salariée globale, on peut pas réduire la précarisation à la pauvreté/paupérisation). Mais ils sont de plus en plus touchés par le durcissement des conditions d’indemnisation.
Oui, la judiciarisation des conflits est un signe de l’entrée en lice de gens accoutumés à utiliser le droit. L’exemple déjà ancien, en 2004, des procédures intentées par les recalculés de l’Unedic (voir par exemple Le 15 avril : première victoire des « recalculés » de la région marseillaise ! ▻http://www.ac.eu.org/spip.php?article285) dont l’indemnisation avait été amputée de manière rétroactive par la convention Unedic de 2003 montrait qu’un tel phénomène était en cours. Parmi eux, il y avait des gens anciennement bien payés et bien indemnisés, ils avaient quelque chose de substantiel à défendre, et trouvèrent des moyens de la faire, avec les collectifs existants et la CGT chômeurs.
Il faut dire que parmi eux, comme parmi les intermittents du spectacle en 2003, l’idée que " un revenu est un dû " avait un caractère très concret : un droit à alloc déjà concédé, attesté, était mis en cause (pour les recalculés) ; une forme de garantie de revenu liée à des pratiques d’emploi, faisant partie d’un contrat implicite où les aléas de l’emploi pouvaient être compensés (dans le cas des intermittents spectacle), était mise en cause.
Aujourd’hui, comme l’a montré la faible mobilisation sur la dernière "réforme" de l’Unedic, la chose est plus difficile. Il y a une matérialité du droit en régression, un point d’appui fait défaut ; et il y a - de Jospin en 1998 à Sarkozy ou Rebsamen -une bataille idéologique sur la "valeur travail" qui a détruit (semble avoir détruit) bien des conditions de possibilités d’une révolte, de l’émergence de revendications, de conflits collectifs sur ce terrain. L’imaginaire parait rétrécit. La légitimité du chômeur ou de la chômeuse est faible.
En revanche, l’hétérogénéité des chômeurs me parait au contraire de ce que tu dis (?) s’ordonner beaucoup plus autour de la population en expansion des "#chômeurs_en_activité_à_temps_réduit" qui dépendent à la fois de salaires issus de l’emploi et d’allocations (RSA ou ASS compris). Ni chômeurs "classiques", ni salariés "standards".
Du coup le #droit_social, qui à l’inverse du droit civil, pénal ou du travail, est décrit par ses théoriciens comme un "#droit_diffus", sans guère de contestation, de production de jurisprudence, où "l’intérêt à agir" est faible (par ex, pourquoi passer des mois en procédure pour un indu de 1500 boules ?) va peut-être s’en trouver modifié. Trop de monde oscille entre emploi et chômage et dépend de façon prolongée de ces caisses "sociales". L’actuelle convention Unedic va poser de très graves problèmes au fil de son application (voir #Droits_rechargeables, précarité éternelle, ►http://seenthis.net/messages/314941). Cela va inévitablement se traduire, au moins pour partie, en contentieux à l’encontre de Pôle emploi (à ce propos, au cas où il y ait ici quelques pit-bull de la procédure, un rappel : Jurisprudence, Pôle Emploi enfin condamné pour insuffisance d’information
►http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=6073)
Bien sûr, pour que des changements sérieux interviennent, l’usage du droit ne saurait suffire et d’autres conditions seraient à mettre en oeuvre, au moins trois fils pour tisser quelque chose, l’utilisation du droit, certes mais aussi une bataille culturelle imaginative et opiniâtre contre l’idéologie du travail et ses manifestations/dispositifs, l’invention de formes d’auto-organisations dont l’existence même soit d’emblée qualité de vie (sociabilité, entraide, solidarité) par ses protagonistes, ...