« Porn studies » : le porno, c’est un truc sérieux. Ça s’étudie même - Rue89

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  • Pourquoi j’ai arrêté le porno - Libération
    http://www.liberation.fr/societe/2014/11/27/pourquoi-j-ai-arrete-le-porno_1152043

    Et comment, ce faisant, j’ai cessé de contribuer à l’affreuse industrie du sexe.

    J’ai cessé de consommer de la pornographie essentiellement pour deux raisons. La première, c’est qu’elle avait apporté énormément de colère et de violence dans mes fantasmes privés. Cette colère et cette violence n’étaient pas présentes en moi au départ, et je n’en voulais plus. Ce n’était pas moi, et j’ai décidé d’y mettre fin. Plus facile à dire qu’à faire. Deuxièmement, je me suis rendu compte que, en consommant de la pornographie, je contribuais à créer une demande pour la prostitution filmée. Car il s’agit bien de cela, de prostitution filmée : pornê c’est la prostituée, graphein rapporte à une notion d’écriture ou d’image. Or la prostitution n’est le rêve d’enfance de personne, elle est toujours l’effet de problèmes et de détresse. C’est une chose que j’ai comprise peu à peu en travaillant comme bénévole auprès d’hommes et de femmes prostitués, dont certains étaient victimes de la traite, en tant qu’« aide de service » dans des bordels, sous les ponts, au coin des rues… Mais on n’a pas besoin de faire tout cela pour comprendre le mécanisme de la pornographie et de la prostitution. Car, dans la pornographie, il ne s’agit ni d’érotisme ni de communication sexuelle saine, il s’agit de la domination et de la subordination des femmes par les hommes. Ce n’est pas seulement une pratique sexuelle, c’est une façon d’être, une hiérarchie de genres dans le monde.

    Ainsi, si l’on demandait à la pornographie comment elle définirait le sexuel, qu’est-ce qui fait qu’une chose est sexuelle, la pornographie nous rirait au nez. Qu’est-ce qui définit le sexuel ? Voyons ! Ce que les hommes trouvent excitant. Les hommes trouvent excitant d’étrangler une femme ? De la pénétrer brutalement sans le moindre contact, tendre caresse, baiser ou étreinte ? Alors c’est sexuel. Les hommes trouvent excitant de voir une femme ou un enfant pleurer ? Alors c’est sexuel. Les hommes trouvent excitant de violer une femme ? Alors c’est sexuel. Dans n’importe quel site porno mainstream sur le Net, on peut trouver la catégorie « Viol » à côté de la catégorie « Humiliation », la catégorie « Abus », la catégorie « Larmes », et ainsi de suite. Et ce n’est pas comme si la pornographie banale ne débordait pas déjà de ces motifs. Même dans ses versions les plus douces, ce que nous montre la pornographie dans 80 à 90% des cas, c’est en fait la sexualité sans les mains. Et ce n’est pas ainsi que fonctionne notre désir authentique. Pardon, je vais répéter : la sexualité sans les mains.

    Si vous ne renoncez pas à la pornographie, observez cela la prochaine fois que vous regardez : la caméra porno ne cherche nullement à capter des activités sensuelles normales du genre caresses, préliminaires, frôlements, étreintes, baisers… Non, ce qui intéresse la caméra porno, c’est la pénétration. Donc normalement la composition sera un homme et une femme - à supposer qu’il n’y en ait qu’un de chaque - son pénis est en elle - bon, ne soyons pas trop exigeants, peu importe où, quelque part en elle il y a un pénis, son pénis est en elle quelque part, d’accord ? - et, pour ne pas bloquer la caméra pendant ce gros plan extrême sur la pénétration, l’homme se tient le plus souvent les mains derrière le dos. Et la femme, dans cette position inconfortable, doit s’occuper du pénis en elle, sans porter atteinte ni à sa coiffure ni à son maquillage (car c’est de l’argent et du temps qu’on a investis en elle), sans perturber ses mouvements agressifs et surtout sans bloquer la caméra. Donc, en fin de compte, sous différentes formes et avec des acrobaties diverses, on a deux personnes en train de faire l’amour de telle sorte que les seules parties du corps qui se touchent sont le pénis et la partie pénétrée. Sans les mains.

    Tout ce que nous regardons nous envahit

    Je fais chaque année entre 250 et 300 conférences devant des soldats, des étudiants, des élèves… Personne n’est jamais venu me dire, après : « Ran, vous savez, cette histoire du "sexe sans mains"… En fait c’était ça mon désir authentique. Quand j’avais 11 ou 12 ans, je n’avais pas du tout envie d’embrasser ou de toucher la personne, ça ne suscitait pas ma curiosité. Moi, dès le début, c’était les pénétrations. » Personne ne m’a jamais dit ça. Avant la pornographie. Après la pornographie…

    #porno #culture_visuelle