@cdb_77 : merci. Le document en tête du post est intéressant. Le lien vers la BD, lui, date tout de même de 2014 et elle me semble très naïve.
Ce qui m’étonne c’est que je ne me rappelle pas d’une seule analyse évoquant cette sècheresse en 2011, dans les médias. Pas une !
Pourtant en 2008, lors d’un voyage en Syrie, j’avais pu constater que c’était déjà un sujet de préoccupation là-bas.
Fin 2011 dans le cadre d’une discussion de forum j’ai écrit ceci :
▻http://seenthis.net/messages/471493
De mon point de vue le régime a malgré lui apporté la flamme à la mèche. Mais le stock de poudre, que cette mèche a fait exploser, n’est pas totalement de son fait. Cette poudre explosive, c’est vrai, c’est à la fois la corruption de cercles dans le régime (les Makhlouf sont l’exemple le plus connu), une certaine forme de confessionnalisme (parfois aussi exagérée), son absence de réformes politiques réelles depuis une décennie, la brutalité réelle de ses services, l’ambiguïté de la réussite des réformes économiques de Dardari (qui maintenant se pavane au Liban et fait la retape pour les opposants), un relatif abandon des campagnes (alors qu’elles subissaient la sècheresse) …
De mon point de vue le facteur décisif est géopolitique. Ce qui a eu lieu est une opération de changement de régime organisée largement de l’extérieur. Les preuves qui s’amoncellent depuis laissent peu de doute (les emails divulgués de H. Clinton, parmi de nombreux exemples). Mais il est clair que l’incurie du régime dans le traitement de la crise des campagnes - alors que le Baath était historiquement le parti des campagnes et des minorités - parmi d’autres facteurs, l’habituelle violence de ses moukhabarat, a créé un terrain favorable à ce genre d’opérations.
Reste que, d’accord ou pas avec cette lecture, la question de savoir pourquoi aucune analyse proposée dans les médias n’incluait de facteurs sociaux - dont la crise affectant les campagnes et l’exode rural - reste entière. Je pense que la force de la narrative qui accompagne les évènements du type « révolution colorée » tend à réduire les modèles d’analyse proposés au public à celui d’une crise simple due aux aspirations démocratiques et qui se résoudra avec le départ du dictateur, rendu responsable de tous les maux. Or, c’est cette narrative, transfigurée dans les « Printemps arabes », qui a immédiatement dominé en 2011.
Mais les conditions de réussite d’une révolution colorée en Syrie n’étant pas réunies - elles supposent, entre autres, un discret coup d’Etat de velours organisé de l’extérieur, impossible dans un régime syrien imperméable à la pénétration américaine et plus résilient que prévu - il a fallu passer rapidement à une guerre par proxies et donc aller à la guerre civile.
La narrative doit alors s’adapter tout en maintenant l’essentiel : certes cela devient violent, destructeur, inquiétant, ... mais tout s’arrangera à la chute du dictateur. La BD que vous mettez en lien tente cette adaptation. Elle intègre sur le tard le facteur social mais maintient un modèle d’analyse à causalité unique : celui de la responsabilité exclusive du dictateur dans la crise et comme responsable unique de l’irruption de la violence (dans la BD : la sècheresse n’a pas été traitée par le régime qui ne se préoccupe pas de sa population, d’où la guerre).