Pourtant, à bien y regarder, les choses n’avaient pas si mal commencé. A l’aube des civilisations, les premières idoles du paléolithique et du néolithique sont incontestablement des dames, pourvues des attributs rebondis d’une féminité triomphante. […] Cela ne va pas durer. L’apparition des sociétés guerrières et, sans doute, une meilleure compréhension des mécanismes de la procréation désacralisent la femme et mettent un terme à l’âge d’or des déesses fertiles. […] Les dieux sont des chefs de guerre. Les hommes imposent leur domination sur les femmes, qui restent à la maison et perdent leur prestige. Les déesses de l’époque ne sont plus que des gardiennes du foyer. » Jusqu’à ce qu’elles se fassent définitivement déboulonner par les dieux uniques. « La Bible est le premier livre sacré à n’avoir pas de dieu nommé au féminin », souligne Odon Vallet. Des sociétés patriarcales du bassin méditerranéen naissent les trois religions monothéistes — judaïsme, christianisme et islam — attribuant le beau rôle aux mâles. « Dans l’Ancien Testament, deux livres sur 46 sont consacrés à des femmes, et plus de 80 % des personnages sont des hommes », dénombre Odon Vallet. Place donc à un seul Dieu, masculin, qui ne va s’adresser qu’à des hommes et n’être enseigné que par des hommes. […] Tous les matins, dans une prière rituelle, l’homme remercie Dieu de ne pas l’avoir fait femme.
« Bien avant l’islam, les femmes étaient voilées et recluses, y compris chez les juifs et les chrétiens » […] Mais si les juives et les chrétiennes se sont débarrassées de leurs voiles depuis belle lurette, ce n’est pas le cas des musulmanes, qui restent inféodées à ce symbole de leur soumission. […] Dans ce contexte, parler d’émancipation féminine relève de l’humour noir. L’argument de la défense des droits de l’homme est irrecevable dans ces pays, où il représente l’expression du vieux fantasme colonialiste. […] la meilleure voie possible passe par la réinterprétation des textes religieux : « Les pays musulmans n’évolueront que si les femmes bougent au nom du Coran, si elles changent la religion plutôt que d’invoquer la modernité occidentale, source de suspicion et de rejet. » Et ça commence à marcher.
[…] Luther a refusé le culte marial et déclaré que les chrétiens, hommes et femmes, étaient tous égaux devant Dieu. Les protestantes se sont beaucoup investies dans la revendication de leur émancipation, pour l’accès à la contraception, dans le soutien au planning familial. […] Depuis trente ans, les [chrétiennes] se détournent du culte, et les églises se vident. Le renouvellement des générations ne se fait pas. « En perdant les femmes, l’Eglise perd tout, analyse l’historien. En s’attaquant à la moitié de l’humanité, elle a commis une erreur grossière.