Pourquoi il faut en finir acec l’interventionisme occidental au Moyen-Orient

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  • Pourquoi il faut en finir acec l’interventionisme occidental au Moyen-Orient
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    ourquoi il faut en finir acec l’interventionisme occidental au Moyen-Orient
    Le FIGARO
    Par Michel Guénaire 05/12/2014

    L’histoire commence le 17 janvier 1991. Ce jour-là, près de 2.000 avions américains, britanniques et français lancent l’opération dite « Tempête du désert » contre l’Irak qui avait annexé le Koweït. Depuis, les interventions militaires se sont succédé au Moyen-Orient, où l’Occident semble poursuivre un éternel ennemi. Le visage de cet ennemi a pu changer : Irak nationaliste, Iran chiite, Syrie alaouite ou radicalisme djihadiste sauvage. L’Occident entretient une guerre continue, qui mène toujours plus vers le chaos dans cette région du monde.

    Les mobiles de l’Occident se sont multipliés. Pour la première guerre d’Irak de 1991, il s’agissait de protéger le principe de droit international public de la souveraineté d’un État. Lors de la seconde guerre d’Irak en 2003, les États-Unis voulaient venger l’affront des attentats du 11 septembre sur leur sol et entreprendre la lutte contre les pays de l’« axe du Mal ». Quand ses interventions ont débordé en Afrique du Nord, avec le renversement du régime du colonel Kadhafi en 2011, puis en Afrique noire, avec l’intervention au Mali deux ans plus tard, l’Occident avançait encore la libération de peuples opprimés.

    La cause structurelle de l’ingérence occidentale est la recherche de la maîtrise des ressources pétrolières et gazières. Celle-ci a commencé dans l’ancienne région de la Mésopotamie au lendemain de la Première Guerre mondiale, quand les compagnies occidentales ont cherché à contrôler l’exploitation des pétroles à l’intérieur d’une « ligne rouge » définie par les accords de Londres de 1928, qui englobait les territoires détachés de l’ex-Empire Ottoman, c’est-à-dire la nouvelle Turquie, l’Irak, la Syrie et tous les États de la péninsule arabe, hormis le Koweït.

    L’erreur profonde vient de là. L’Occident aurait dû s’en tenir à acheter l’énergie dont il avait besoin et laisser les pays arabes libres de leur destin comme il le leur avait d’ailleurs promis au lendemain de la Première Guerre mondiale. La rente pétrolière que détiennent aujourd’hui les États du Golfe est l’échec éclatant de cette volonté d’hégémonie initiale.
    La cause conjoncturelle de l’ingérence occidentale est l’impunité de la puissance occidentale après l’effondrement du bloc soviétique

    La cause conjoncturelle de l’ingérence occidentale est l’impunité de la puissance occidentale après l’effondrement du bloc soviétique. Il y a deux années entre la chute du Mur de Berlin, intervenue le 9 novembre 1989, et l’intervention de 1991. Les deux dates sont liées. La fin de la Guerre froide a libéré la force de l’Occident. Elle a aussi redonné de leur vigueur aux instances des Nations unies, Assemblée générale et Conseil de sécurité, que les pays occidentaux ont utilisé pour obtenir un consentement de la communauté internationale à leurs interventions.

    Ce cycle d’unilatéralisme occidental a pris fin avec la crise financière de 2008, parce que celle-ci a révélé la fragilité politique et économique de l’Occident. De ce point de vue, les deux guerres menées libyenne et malienne sonnent comme des guerres en retard ou des opérations opportunistes, incapables d’établir après elles l’ordre des pays libérés.
    L’interventionnisme occidental au Moyen-Orient s’est enfin trouvé confronté aux pays musulmans. Il a pris pour cible le monde musulman, comme si ce dernier avait remplacé le monde communiste, ennemi proclamé durant la Guerre froide. Il a ainsi creusé le fossé entre la culture musulmane et la culture occidentale. L’effet à rebours d’une telle politique est la guerre que déclarent maintenant les djihadistes radicaux d’un État islamique autoproclamé à l’Occident. La guerre répond à la guerre.

    Il faut sortir du scénario funeste de cet interventionnisme occidental qui ne crée aucun ordre du monde. Une règle et son exception doivent être arrêtées : la règle serait dorénavant la non-intervention, l’exception l’intervention. Cette dernière ne devrait être justifiée que dans des cas d’intérêt stratégique déterminant et indiscutable. Selon cette règle, les guerres en Irak, en Libye et au Mali, n’auraient jamais dû avoir lieu, mais la poursuite actuelle des djihadistes radicaux est légitime. En devenant plus rares et plus concentrées, les attaques occidentales seraient plus efficaces. L’éradication des djihadistes serait aujourd’hui plus rapide avec les moyens regroupés des interventions anciennes.

    Nos responsables politiques doivent le mesurer. Ils s’inscrivent tous dans la ligne de cet interventionnisme jugé politiquement mais surtout culturellement nécessaire par eux. Ils se trompent. Il leur faut sortir de l’inconscience qui consiste à intervenir sans suite dans des pays, à heurter la culture de ces pays, à devoir affronter en retour la guerre des éléments incontrôlés de ces pays. L’Occident doit changer de diplomatie au Moyen-Orient.