http://www.revue-ballast.fr

  • Vincent Liegey : « Avoir raison tout seul, c’est avoir tort »
    http://www.revue-ballast.fr/vincent-liegey

    Entretien avec le porte-parole du Parti pour la décroissance : comment pousser à la prise de conscience ?

    « Où allons-nous ? Droit dans le mur. Nous sommes à bord d’un bolide sans pilote, sans marche arrière et sans frein, qui va se fracasser contre les limites de la planète », écrit Serge Latouche, professeur d’économie et théoricien écologiste. Mais il ne suffit pas que certains le sachent pour que les choses bougent. Une idée juste, pour se construire et s’incarner, doit trouver les voies de sa réalisation auprès du grand nombre : comment, dès lors, toucher puis mobiliser la population sur un sujet parfois aride et trop souvent incompris ? C’est ce dont nous parlons avec Vincent Liegey, porte-parole du Parti pour la décroissance et coauteur du livre Un projet de décroissance. Le temps presse, répète-t-il, ne laissant guère de choix : ce sera la décroissance choisie ou la barbarie généralisée.

    Plutôt que de chercher à convaincre, avec des arguments rationnels propres à toute démarche militante, vous prônez le « faire ». La contagion par l’exemple, donc. Cela porte-il ses fruits, en dehors du cercle de ses proches ?

    Nous ne cherchons plus à convaincre, mais souhaitons susciter du débat, des réactions, du dialogue, des réflexions. Je pense que l’on ne convainc presque jamais personne de quoi que ce soit, encore moins en essayant de convaincre. D’où l’importance de nos réflexions autour de notre manière de communiquer, de dialoguer, de se comporter avec son entourage, ses amis, sa famille. Nos analyses et nos idées sont tellement en rupture avec notre quotidien, autant qu’avec l’imaginaire dominant, qu’il est important de cultiver notre radicalité en évitant de tomber dans des formes d’extrémisme ou d’entre-soi. La radicalité, c’est-à-dire aborder les problèmes à la racine, amène cohérence et solidité à nos réflexions. Par contre, s’enfermer dans une analyse rationnelle radicale autour de questions comme les limites physiques à la croissance ou l’effondrement bloquent le dialogue. À travers d’autres formes de communication, d’autres espaces de rencontre, notamment par l’exemple, on peut ouvrir à d’autres cercles nos réflexions. Il y a autant de chemins vers la Décroissance que d’objectrices et d’objecteurs de croissance. Ainsi, la « contagion par exemple » est complémentaire des arguments rationnels. De plus, et c’est une grande force de la Décroissance, lier la pratique à la théorie permet de renforcer à la fois la justesse de nos théories, la cohérence des expérimentations et aussi la crédibilité du projet. De même, la pratique individuelle et collective nous apprend l’humilité et la patience. Notre projet porte en lui l’ambition d’un changement paradigmatique qui représente un long chemin fait d’embûches, d’errements, d’expérimentations, d’apprentissages. Donc, oui, susciter du débat à travers différentes formes et niveaux permet de sortir de l’entre-soi et participe à cet essaimage de graines : mieux comprendre les défis, diffuser des idées et des propositions, se rencontrer et recréer du lien, ramener de l’espoir, s’ouvrir l’esprit et se réapproprier de l’utopie, se réapproprier et créer de nouveaux outils pour produire et échanger, mais aussi vivre ensemble. C’est à travers cet essaimage que l’on espère minimiser les violences, les barbaries en cours et à venir, en dépassant nos petits cercles.

    (...)

    Paul Ariès, à Ballast : « On a vu aussi se développer une décroissance de droite catholique, celle dont Vincent Cheynet, le patron du mensuel La Décroissance, est le meilleur symptôme. Cette décroissance de dame-patronnesse et de directeurs de conscience confond décroissance et austérité, elle vomit toute idée de revenu universel, elle défend la "valeur" travail, elle refuse la réduction du temps de travail, la gratuité des services publics, elle n’aime pas les Indignés, etc. Ce que cette décroissance bigote n’aime pas, surtout, c’est que les humains se soient émancipés de Dieu — c’est ce qu’ils nomment le fantasme de l’homme auto-construit… Cette décroissance bigote n’aime pas plus la publicité ou les grandes surfaces que nous mais, elle, elle était du côté de Sarkozy lors des émeutes dans les banlieues au nom de la défense de l’Ordre. Cette décroissance se veut non seulement une avant-garde éclairée destinée à apprendre au peuple à se passer de ce qu’il n’a pas, mais elle fait le sale boulot des puissants. »

  • BALLAST Laurent Pinatel : « Redonner un sens à l’agriculture française »
    http://www.revue-ballast.fr/laurent-pinatel

    Éleveur bio, producteur de lait dans la région Auvergne-Rhône-Alpes et porte-parole de la Confédération paysanne, Laurent Pinatel mène une lutte, au quotidien, contre la financiarisation de la paysannerie française. Contre le toujours-plus. Contre le productivisme qui malmène la qualité des produits. Mais une lutte, nous dit-il aussitôt, qui s’articule à bien d’autres combats menés au sein de la société — c’est à la convergence qu’il faut que nous œuvrions, unis autour d’un socle commun : la politique européenne et le système économique qui nous régit. Consommer, rappelle-t-il, est aussi un acte politique.

  • BALLAST Michael Burawoy : « C’est une bonne nouvelle que la #sociologie soit attaquée publiquement »
    http://www.revue-ballast.fr/michael-burawoy

    Il y a ces deux focales dans la lutte des classes. Classiquement, historiquement, la lutte des classes laborieuses se joue autour de la #production et de l’#exploitation. C’est la conception marxiste orthodoxe. La question est de savoir si l’on peut penser la lutte des classes en termes de #marchandisation et d’échange. Dans la période présente, les luttes de ces classes laborieuses fondées sur la production sont devenues de plus en plus faibles, à mesure que le prolétariat se transformait en #précariat. La "précarité entre dans l’expérience des travailleurs, qui veulent s’accrocher à leur #travail dans un temps où il s’avère très incertain. Nous assistons, de fait, à une réduction de la lutte des classes orthodoxe autour de la production. La question est de savoir s’il y a, au même moment, une émergence d’une forme différente de lutte – appelez-la « lutte des classes » si vous voulez – autour de la marchandisation... Il y a des luttes de classe autour de la marchandisation de ces « marchandises fictives », [telles que la terre, la monnaie, le travail, ndlr] dont parle Polanyi ; il y a bien une lutte qui porte sur la marchandisation du travail et la #résistance des travailleurs contre une marchandisation excessive — on peut le voir dans les luttes en Amérique ou en Inde... Il y a des luttes contre le changement climatique et pour l’environnement (surtout dans les pays du Sud). Et puis il y a les luttes concernant la marchandisation de la connaissance.

    #lutte_des_classes

    • Produire le consentement, de Michael Burawoy

      http://www.revue-ballast.fr/cartouches-7

      Trente-six ans après sa parution, voici enfin traduit en français un ouvrage de référence dans la sociologie du travail. Ce livre pose une question à rebours du sens commun : pourquoi les ouvriers travaillent-ils aussi dur ? Question pour le moins étrange dans une littérature dominante qui, depuis les années 1930, était engoncée dans l’étude de « l’organisation scientifique du travail ». Les hypothèses théoriques et psychologiques liées aux ouvriers et la « culture d’entreprise » n’avaient comme objectifs que la rentabilité et la productivité. La question n’a pas perdu de sa pertinence. Burawoy, ethnographe d’obédience marxiste, fait un travail de terrain approfondi comme ouvrier spécialisé dans une usine de pièces de moteur, dans la banlieue de Chicago, durant un an. En renversant le paradigme des théories dominantes, il n’en fait pas seulement une critique, mais met à jour ce qu’il appelle le making out. Sorte de jeu, de challenge que s’imposent les travailleurs afin d’atteindre un objectif de production plus élevé que l’objectif standard et, ce faisant, augmenter leur salaire. Ce qui implique une transformation des rapports sociaux et des conditions de travail. Ce making out comme rapport de force, marge de manœuvre, autonomie, recherche de satisfaction, est au final bien accepté par la direction : « Dans le cas où il est institutionnalisé, le jeu devient une fin en soi [...], tant que les ouvriers sont insérés dans un jeu qui engage leur rapport à la machine, ils acceptent leur subordination au procès de production. » Cet ouvrage savant, d’une grande limpidité, est loin de porter un regard noir et pessimiste sur la condition ouvrière : certes, il œuvre à une description analytique de la « servitude volontaire », mais sans se dérober aux conséquences politiques qu’il faut tirer lorsque l’on s’insère dans le grand mouvement de l’émancipation. Mentionnons également une postface particulièrement roborative – et indispensable à lire pour qui veut saisir l’essence du livre. Burawoy y fait un retour critique, trente ans plus tard : sorte de making of d’une étude sociologique engagée, pointant les limites et ouvrant sur de nouvelles perspectives.

  • BALLAST Thomas Huchon : « Les conspirationnistes sont nos voisins de palier »
    http://www.revue-ballast.fr/thomas-huchon

    Journaliste et auteur de l’ouvrage Allende, c’est une idée qu’on assassine, Thomas Huchon a passé plus de dix ans de sa vie à travailler sur un vrai complot : celui de la CIA contre le gouvernement chilien socialiste de Salvador Allende. Sur le terrain, il a recueilli des témoignages et s’est informé sans passer par la case de l’hypothèse, comme doit le faire tout journaliste d’investigation. Fort de son expérience sur ce sujet, Huchon chasse aujourd’hui les faux complots à travers le nouveau média Spicee, fondé par Antoine Robin et Jean-Bernard Schmidt en juin 2015. Le projet ConspiHunter (chasseur de théories conspirationnistes) n’est pas apparu en un claquement de doigts. Au fil de son parcours, un constat s’est imposé : la montée en puissance du conspirationnisme est tributaire de l’ascension de (...)

    #théorieducomplot

  • Je hais les indifférents, par Antonio Gramsci
    http://dormirajamais.org/gramsci

    Je hais les indifférents. Je crois comme Friedrich Hebbel que « vivre signifie être partisans ». Il ne peut exister seulement des hommes, des étrangers à la cité. Celui qui vit vraiment ne peut qu’être citoyen, et prendre parti. L’indifférence c’est l’aboulie, le parasitisme, la lâcheté, ce n’est pas la vie. C’est pourquoi je hais les indifférents.

    L’indifférence est le poids mort de l’histoire. C’est le boulet de plomb pour le novateur, c’est la matière inerte où se noient souvent les enthousiasmes les plus resplendissants, c’est l’étang qui entoure la vieille ville et la défend mieux que les murs les plus solides, mieux que les poitrines de ses guerriers, parce qu’elle engloutit dans ses remous limoneux les assaillants, les décime et les décourage et quelquefois les fait renoncer à l’entreprise héroïque.

    #indifférence via @isskein qui a opportunément ressorti ce texte seenthisé plusieurs fois déjà.

    • Pourquoi je hais l’indifférence, d’Antonio Gramsci

      « Nous devons empêcher ce cerveau de fonctionner pendant vingt ans », clama le procureur Isgro avant d’envoyer le militant communiste #AntonioGramsci en prison, le 8 novembre 1926. Il s’éteindra à sa sortie, en 1937, après avoir légué aux socialistes de tous les pays ses fameux Carnets de prison — travail d’orfèvre élaboré au rythme de ses allées et venues dans sa geôle. Le présent recueil d’articles, majoritairement écrits dans les années 1917 et 1918 (c’est-à-dire avant l’aventure conseilliste de Turin), est une belle clé d’entrée dans son oeuvre. On y saisit les germes des futurs apports conceptuels et pratiques du penseur. L’ouvrage est construit en cinq sections, montrant l’immersion de cet intellectuel dans le monde réel des exploités : l’indignation, la politique et les politiciens, l’éducation des Italiens, les maux de l’État italien et l’opposition à la guerre. Antonio Gramsci y aborde des notions ordinaires, telles que l’hôpital, la religion, la guerre, la propagande, la bureaucratie, l’éducation, la famille, le milieu carcéral, le productivisme ou encore la modernité technicienne… Il le fait avec le langage du cœur et de la camaraderie, jetant aux bûchers des vanités le jargon de la « science » révolutionnaire. Chaque page fait montre d’une empathie pour le commun — non pas comme masse laborieuse, mais comme genre humain qui survit déjà par la solidarité. À l’écoute du peuple tel qu’il est, le communiste n’hésite pas à puiser dans un référentiel chrétien et teinte son socialisme d’un romantisme qui n’est pas sans rappeler celui de Walter Benjamin ou de Rosa Luxemburg. Les exploités, écrit-il à grands traits, ne peuvent échapper au pouvoir qui impose son hégémonie. Pour ne pas sombrer dans l’indifférence — marqueur de la liberté des dégagés de la vie —, l’individu doit cheminer avec colère et indignation, sans jamais, toutefois, perdre de vue le sens de l’empathie. La destination ? Une sorte de confrérie guidée par la sensibilité (pour percevoir), l’intelligence (pour analyser) et l’imagination (pour trouver une solution). Et l’œuvre complète de Gramsci de passer de la seule dénonciation de l’indifférence à la promotion directe d’une organisation collective, arme de subversion contre l’hégémonie dominante et premier pas vers l’action.

      Éditions Payot Rivages, 2012

      http://www.revue-ballast.fr/cartouches-8
      http://www.revue-ballast.fr/gramsci-pasolini-recit-dune-fraternite

      Person:Antonio Gramsci

  • Renaud Garcia : « Renouer avec les gens ordinaires »
    http://www.revue-ballast.fr/renaud-garcia

    Entretien avec l’essayiste libertaire Renaud Garcia : sur quelles bases créer la convergence ?

    Renaud Garcia est anarchiste. C’est-à-dire qu’il « refuse de parvenir », selon l’heureuse expression de l’écrivain et syndicaliste Albert Thierry : privilèges, honneurs et ambitions égoïstes ne sont pas l’affaire des libertaires. Mais un anarchiste qui ne fait pas toujours l’unanimité parmi les siens : Garcia — avec l’essai Le Désert de la critique, paru l’an passé aux éditions L’échappée — mit les pieds dans le plat de la pensée radicale contemporaine. Dans le sillon du britannique George Orwell, il s’interroge : pourquoi le socialisme ne parvient-il pas à convaincre plus largement alors qu’il relève du bon sens ? Et le professeur de philosophie de répondre : les espaces contestataires, trop occupés à « déconstruire » et à dénoncer les opposants en leur sein, ont souvent perdu de vue le noyau dur de la tradition émancipatrice : construire une alternative à même d’affranchir le très grand nombre des servitudes sociales et économiques. Mais comment recentrer (faire « converger ») sans risquer de faire silence sur certaines injustices, minoritaires mais capitales ? Débattons-en.

    Un entretien avec de nombreuses références mais de lecture difficile.

    Mais « Renouer avec les gens ordinaires » me semble important.

    Dans certaines couches de la population on peut retrouver des aptitudes à la générosité, à la droiture et à la confiance réciproque c’est à dire des relations non régies exclusivement par la "loi" de l’intérêt. (Il s’agit peut-être ici de la "common décency" selon Orwell)

    Pour Michéa également c’est précisément dans ces dispositions sociales à l’honnêteté et à la décence dont les "gens ordinaires" sont les porteurs privilégiés, en s’enracinant dans des pratiques collectives de solidarité et d’entraide, que l’on pourra "désamorcer" les effets dévastateurs de la logique libérale et de l’individualisme possessif.

    La convivialité comme arme de résistance pour résister concrètement et tous les jours à l’emprise du marché sur nos existences ce qui distingue peut-être le mieux un "intellectuel" d’un authentique penseur.

    Radicalité - 20 penseurs vraiment critiques - Editions L’échappée

  • BALLAST Aurélie Leroy : « Croire en une conscience féministe unique est dépassé »
    http://www.revue-ballast.fr/aurelie-leroy

    Une frange du mouvement féministe occidental continue de penser que ses mots d’ordre et ses méthodes d’action valent, sans distinctions ni nuances, pour l’ensemble des continents — au point que la notion même de « féminisme » soit parfois perçue, dans « le Sud », comme une énième tentative d’intrusion du « Nord ». A paru à la fin de l’année 2015 l’ouvrage collectif État des résistances dans le Sud — Mouvements de femmes, coédité par le Centre Tricontinental et Syllepses. L’historienne Aurélie Leroy en est la coordinatrice. « Les féminismes s’inventent, se pratiquent, mais ne se ressemblent pas », avance cet ouvrage qui conduit ses lecteurs du Sénégal au Sri Lanka, en passant par le Chili, l’Irak, le Mexique et la Chine. De quelle manière ces pensées et ces pratiques, peu connues dans nos pays, permettent-elles de secouer les angles morts, de sortir des pistes dominantes et d’œuvrer, au final, à l’émancipation de toutes les femmes ?

    #féminismes

  • La République est une idole, par Émile Carme
    Revue Ballast : http://www.revue-ballast.fr/la-republique

    Leur République pose, joli paravent, et se pavane pour tenter de dissimuler ce qu’elle fut presque toujours : un régime oligarchique, un pouvoir de privilégiés. Leur République, abritée derrière un triptyque en fronton de mairies, se rit des moins que rien et se plaît à coucher dans le lit des importants. L’enseignant socialiste libertaire Gustave Lefrançais, exilé au lendemain de la Commune, acheva ainsi ses Souvenirs d’un révolutionnaire : « Entre républicains et monarchistes il n’existe de sérieuse dissidence que sur les moyens de tondre le troupeau... ce dernier n’étant jamais bon qu’à être tondu. [...] Le grand honneur de la Commune de Paris de 1871, c’est de l’avoir compris. C’est aussi pour cela que, malgré les griefs que les travailleurs peuvent relever contre elle, elle marquera dans l’histoire — véritable révolution populaire — le point de départ de la rupture définitive entre le prolétariat et ses exploiteurs monarchistes absolus ou constitutionnels, républicains plus ou moins radicaux ou même intransigeants. Et, que les prolétaires ne l’oublient pas, ces derniers ne sont pas les moins dangereux parmi leurs implacables ennemis3. » Fort peu soucieux du grand nombre, celui qui trime, peine et fait tourner le pays, nos républicains n’ont plus que des « principes » et des « valeurs » à la bouche : voyons plutôt le fond de leurs dents.

    (...)

    2005 : le « non » l’emporte à 54,68 % ; le peuple français n’entend pas ratifier le traité constitutionnel européen. Le gouvernement piétine l’avis et la souveraineté de ses sujets et signera, sans consultation citoyenne, le traité de Lisbonne – Valéry Giscard d’Estaing confiera : « Les outils sont exactement les mêmes. Seul l’ordre a été changé dans la boîte à outils. » Mais, oui, « les principes de la République ».

    #République #Revue_Ballast #chronologie

    • L’économiste Frédéric Lordon s’est récemment saisi du flambeau dans les colonnes du Monde diplomatique. « La #république bourgeoise n’épuise pas la République. Car si l’histoire a amplement montré ce dont la première était capable, elle a aussi laissé entrevoir une autre forme possible pour la seconde : la république sociale, la vraie promesse de la république générale. […] La république sociale, c’est la #démocratie totale. » Un appel comme un défi. Ne boudons pas l’initiative, en cette époque sordide où les défaites empiètent aisément sur les espoirs, mais admettons les doutes qui nous saisissent. La République a trop longtemps dormi, affalée sur ses trop rares lauriers, pantouflarde, un pied à droite et l’autre à gauche, étalant son prestige pour mieux masquer ses méfaits sur son sol et ceux qu’elle a cru siens. Un astre à l’article de la mort. Une vieille étoile qui, sait-on, brilla un jour mais dont l’éclat n’est plus qu’affaire de mémoire et de mélancolie. Il est d’anciens volcans qui se réveillent, promet la chanson... Nous ne fermons pas la porte. Nous tendons l’oreille et le futur dira ce qu’il en est de la main – Marx aimait la République à condition qu’elle n’impliquât pas seulement l’abolition de la monarchie mais celle « de la domination de classe elle-même ». Nous ne négocierons qu’à cette seule condition. Et il faudra plus que des mots pour redonner à la République le rouge qui cruellement manque à ses joues – un miracle ? Préférons une révolte.

      Pour la république sociale
      http://www.monde-diplomatique.fr/2016/03/LORDON/54925

      Cependant, on ne se rassemble pas par décret. La chose se fait ou elle ne se fait pas. On sait toutefois qu’un mouvement de transformation n’admet la colère que comme comburant : le vrai carburant, c’est l’espoir. Mais précisément, ne nous trouvons-nous pas dans une situation chimiquement favorable, où nous avons les deux produits sous la main ? On conviendra que ce ne sont pas les barils de colère qui manquent. Il suffirait d’ailleurs de les mettre ensemble pour que leur potentiel détonant devienne aussitôt manifeste. C’est que l’injustice est partout : Goodyear, Conti, Air France, donc, mais aussi « faucheurs de chaises », lanceurs d’alerte LuxLeaks, professeur d’université coupable d’avoir rappelé (parodiquement) de quelle manière l’actuel premier ministre parle (sérieusement) des « white » et des « blancos » : tous traînés devant la « justice républicaine ».

      L’indignation, le comburant. Le carburant, l’espoir. L’espoir commence quand on sait ce qu’on veut. Mais ce que nous voulons, nous le savons confusément depuis longtemps en fait. Nous en avions simplement égaré l’idée claire, et jusqu’au mot, alors qu’ils étaient là, dans les plis de l’histoire, en attente d’être retrouvés. La république sociale, c’est la démocratie totale. C’est surtout le vrai, l’unique lieu de la gauche, qui ne sait plus ce qu’elle est lorsqu’elle le perd de vue, et à qui un républicain peut alors logiquement promettre la mort prochaine. En passant, il faudrait demander à la « primaire à gauche » si elle a seulement… une définition de la gauche — et il y aurait sans doute de quoi rire longtemps. Or ce qu’est la gauche, c’est l’idée même de république sociale qui le dit : la démocratie à instaurer partout où elle n’est pas encore, et donc à imposer à l’empire propriétaire.

      Beaucoup d’initiatives « à gauche » cherchent à tâtons des solutions et pensent en avoir trouvé une dans la substitution du clivage « eux/nous » au clivage « droite/gauche ». C’est une parfaite erreur. Tous ceux qui, Podemos en tête, pensent s’en tirer ainsi, par exemple en se contentant de dire que « eux » c’est « la caste » et « nous » « le peuple », se perdront, et l’idée de gauche avec eux. Mais tout change au moment où l’on restitue au clivage son sens véritable : « eux », ce sont tous les fondés de pouvoir de l’ordre propriétaire ; et « nous », c’est le grand nombre de ceux qui, condamnés à y vivre, doivent en souffrir la servitude.

      Tout cela mis ensemble, il se pourrait, comme on dit au jeu de cartes, que nous ayons une main : un clivage « eux/nous » aux toniques propriétés, mais dont le contenu, reformulé autour du conflit propriétaire, revitalise l’idée de gauche au lieu de l’évacuer ; la république, dont le mot est parfaitement accoutumé, mais sociale, et par là réinscrite dans une #histoire #politique longue ; la démocratie, enfin, ce signifiant incontestable, dont par conséquent nul ne peut refuser la pleine extension. Et pourtant il ne faut pas imaginer que tout cela nous sera donné de bonne grâce. Comme tout ce qui s’est jusqu’ici opposé à la souveraineté propriétaire, et a fortiori comme tout ce qui se proposerait d’y mettre un terme pour de bon, la république sociale et la démocratie totale ne seront offertes qu’à une conquête de haute lutte.

    • Leur République pose, joli paravent, et se pavane pour tenter de dissimuler ce qu’elle fut presque toujours : un régime oligarchique, un pouvoir de privilégiés. Leur République, abritée derrière un triptyque en fronton de mairies, se rit des moins que rien et se plaît à coucher dans le lit des importants. L’enseignant socialiste libertaire Gustave Lefrançais, exilé au lendemain de la Commune, acheva ainsi ses Souvenirs d’un révolutionnaire : « Entre républicains et monarchistes il n’existe de sérieuse dissidence que sur les moyens de tondre le troupeau... ce dernier n’étant jamais bon qu’à être tondu.

  • BALLAST François Ruffin : « Camping est un bon film politique »
    http://www.revue-ballast.fr/francois-ruffin

    Déjà : est-ce que ce mouvement existe, de nos jours ? On régresse. Le Front de gauche était déjà constitué quand nous n’étions pas encore au cœur de la crise – contrairement à l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce. On avait bâti une force politique qui pouvait être le réceptacle d’une colère populaire, malgré toutes ses imperfections (le Front de gauche n’était pas protectionniste, etc.). Mais on ne chipote pas quand on s’engage. Je n’ai jamais été membre d’une organisation du Front de gauche, mais j’ai toujours considéré que j’étais un de leurs compagnons de route. Or, en Grèce ou en Espagne, ça a mis des années pour lancer Syriza et Podemos – et dans des situations sociales beaucoup plus dramatiques que la nôtre ! En France, on avait un temps d’avance, mais aujourd’hui, on en est à espérer que naisse un mouvement « citoyenniste » à la manière des « Indignés », c’est-à-dire un mouvement pré-Podemos ! Politiquement, c’est un net recul. J’appartiens à cette gauche mais j’en ai honte. J’étais fier qu’on soit aussi nombreux dans les rues durant la campagne de 2012 (ce n’est pas la figure de Mélenchon en soi qui compte), qu’on soit ensemble, qu’on porte quelque chose et qu’on pèse dans le pays. Je me souviens de ce financier – Nicolas Doisy – que j’avais interrogé le lendemain de la manif’ à Bastille, où il y avait eu cent mille personnes. Il m’a répondu : « Le programme de Hollande, on va le balayer. » À la fin de l’entretien, je lui ai dit : « Mais avec Mélenchon qui est donné à 15 % dans les sondages, avec la manif d’hier... Déjà que ça pose problème quand la Grèce bouge, alors si c’est la France... » Ça faisait plaisir de pouvoir, même un peu, leur faire peur. On n’a plus rien, là, on est lamentables… On avait au moins un lieu où on pouvait potentiellement discuter, c’est-à-dire un lieu où on pouvait faire avancer les gens. Quand je faisais des débats sur le protectionnisme, l’ambiance n’était pas la même au début et à la fin. J’ai vu l’idée avancer dans la gauche, dans notre gauche. Prenons l’écosocialisme : est-ce que ça progresse dans la gauche ? Il n’y a même pas un lieu où ça pourrait avancer ! Fakir se situe toujours là : où peut-on peser et sur quelles organisations ? Je me souviens d’une image de Mélenchon, qui disait : « Nous, on n’est qu’un moustique, mais si quelqu’un conduit une bagnole et qu’un moustique vient le piquer, hop ! ça fait dévier le volant ! » On n’est peut-être qu’un moustique, mais il faut trouver un endroit où piquer. On ne l’a plus, en dehors de la CGT.

  • BALLAST Philippe Poutou : « Rejeter la loi et préparer la #lutte »
    http://www.revue-ballast.fr/philippe-poutou

    Les contestataires retrouveront du crédit auprès de la population quand ils reprendront confiance en eux. Les #gauches ont beaucoup trop vasouillé et l’espoir a disparu. Il n’y a pas de miracle : la seule issue, c’est la lutte collective. Le FN vit de la #haine des autres et du fait que les gens en veulent davantage aux chômeurs et aux immigrés qu’au patronat. C’est à nous de leur faire comprendre quels sont les véritables adversaires, de leur faire entendre que la voie FN est une impasse – et qu’elle sera terrible. Le combat de classe va de pair avec la lutte contre le #racisme. On croise, au travail, des collègues qui, sans aller jusqu’à dire qu’ils votent pour Marine Le Pen, expriment très ouvertement leurs préjugés contre les immigrés. Y compris au sein des militants de la CGT... On discute ensemble. On essaie de leur dire pourquoi ils se trompent. Les discussions peuvent être très animées ! Il y a de la bêtise raciste, mais s’il y a un réveil social, on peut parfaitement imaginer que les gens basculent du côté des idées progressistes – et très rapidement ! C’est l’absence de perspectives sociales qui conduit les gens déçus et démoralisés à se réfugier dans la contestation d’extrême droite. Ça peut évoluer. Le racisme n’est pas ancré une fois pour toutes.

  • Juste la classe !
    Ruffin, fondateur du journal Fakir, avait été désinvité de l’émission de Taddéi sur Europe 1 puis finalement, devant la levée de boucliers sur les réseaux sociaux, invité chez Apathie.
    Le voici donc, pourtant un brin impressionné, comme le fait entendre sa voix légèrement chevrotante, qui se paye le luxe (mais pas façon LVMH) de refuser de jouer le jeu biaisé de la retape pour son documentaire « Merci patron » - paraît-il très bien ! - pour dézinguer Lagardère sur sa propre radio devant son larbin en chef Apathie, qui tente avec toute sa roublardise de le ramener au jeu médiocre de la promo ; mais en vain.
    La vidéo (6 minutes) sur le site d’Arrêts sur images :
    http://www.arretsurimages.net/breves/2016-02-24/Ruffin-sur-Europe-1-Aphatie-Lagardere-meriterait-d-etre-licencie-id1

    • Oups désolé les mots sont importants, j’aurai plutôt du dire que je comprends les raisons pour lesquelles on s’emballe. Je trouvais que « la classe » était un qualificatif légèrement exagéré pour qualifier cet acte de « bravoure et de courage » (comme beaucoup on en effet l’air de le penser). Autant je partage le dégoût que m’inspirent lagardère arnaud et leurs laquais divers et variés, autant, pour des raisons que j’ai du mal à m’expliquer, ce type de résistance à la potache me déprime et si c’est tout ce qu’on peut faire contre cette forme de pouvoir, on va pas aller loin. J’ai lu sa lettre ouverte : de ce point de vue je la trouve lamentable et immature. Ca n’ébranle rien du tout.

    • @aude_v +1 tu arrives à décrire un peu de ce que je ressens. depuis 10 ans que j’observe ce mouvement, je suis passé de la réjouissance Au doute, et même à la colère parfois en les voyant utiliser des méthodes digne des flics les plus pervers. C’est pas qu’ils me font peur mais maintenant je vois que cette approche est stérile et destructive. Le film qu’ils ont fait sur le diplo de ce point de vue est un véritable déshonneur (ce journal ne méritait pas une telle insulte). Ce qui est difficile, c’est que je ne suis pas sur de ce qu’il faudrait faire, mais en attendant peut-être continuer à dénoncer, à écrire de manière argumentée et réfléchie, continuer nos projets. En tout cas depuis 10 ans comme dit @philippe_de_jonckheere ces fameuses montagnes de richesses et de pouvoir n’ont pas bougées d’un mm.

    • @reka : pas vu le film sur le diplo ; il me manque peut-être un élément pour comprendre. Du coup je vous trouvais un peu dur. La classe, c’est vrai c’est un peu exagéré, mais comme je suis terrorisé par la prise de parole en public j’ai admiré ce type qui a manifestement la trouille mais qui tient bon. Disons que, plutôt que « classe », c’est « élégant » de refuser de jouer le jeu de la promo sur Europe 1 (l’os à ronger). Ne pas aller à la soupe, ce n’est tout de même pas si facile que ça.
      Après, j’en conviens, ça ne fera pas le grand soir. Disons que ça traduit le repli tactique dans l’éthique personnelle et la métapolitique que l’on pratique tous plus ou moins, bon gré mal gré, en attendant des conjonctions historiques plus propices. Je ne sais si elles viendront, mais quand je compare notre époque chaotique avec celles de ma prime jeunesse au milieu des années 90, je sens tout de même que le sentiment massif d’une victoire totale du système devant un monde béat d’admiration et consentant - la fin de l’histoire et tout le toutim - s’est dissipé. Comme disait déjà Debord à l’époque « son air d’innocence ne reviendra plus ».

    • http://www.revue-ballast.fr/francois-ruffin

      Le drapeau français et La Marseillaise sont liés à notre Histoire ; ce sont deux symboles liés à des moments pour lesquels on doit éprouver une certaine fierté. Je n’ai pas envie, et je l’ai toujours dit, qu’ils passent sous la mainmise du Front national.

      Sans oublier :

      Quand j’étais jeune, j’étais persuadé que j’allais m’ennuyer dans la vie, que je deviendrais prof et que ce serait terrible.

    • Avant de changer le monde avec des-vraies-critiques-et-des-vraies-actions-concrètes-bien-pensées-qui-vont-vraiment-changer-les-choses, il y a d’abord un constat en amont : la perte totale (ou très grande en tout cas) de confiance, de cohésion, etc, dans les classes populaires. Et il me semble que Ruffin le dit lui-même, toute cette entreprise sert avant tout à redonner confiance, à recréer du lien et des groupes. Et pas en priorité aux journalistes ou intellectuel⋅le⋅s, même s’ils peuvent rejoindre aussi : d’abord de recréer de la confiance et des initiatives dans le milieu populaire, chez ces ouvrièr⋅e⋅s ou ex-ouvrièr⋅e⋅s.

      Donc à mon avis faut pas se méprendre en pensant que lui-même (ou eux-mêmes) pensent changer le monde en faisant ça.

      Après on peut trouver ça potache, ou critiquer la manière hein. Mais comparer des petites vengeances et des ridiculisations contre des gens qui ont vraiment du pouvoir, comparer ça a un comportement de flic… Je suis désolé mais pour moi c’est comme dire que le racisme anti-blanc c’est comme le racisme anti-racisés, sur le même plan. C’est comparer un comportement vraiment de dominants (celui des flics), à un comportement contre des dominants, quand bien même ce comportement serait violent, insultant, pas à notre goût, etc.

    • Merci @intempestive pour ta citation, cela colle bien avec ce que je disais juste avant. :)

      Et aussi (je souligne) :

      Il faut aussi avoir une certaine résistance à ne pas rendre compte, en permanence, des problèmes des profs et des éducateurs, sinon on fait un journal qui parle des profs et des éducateurs, écrit par quelqu’un qui est proche des profs et des éducateurs, pour les profs et les éducateurs (je suis entouré de gens de ces profils !). La vraie satisfaction de mon film, c’est qu’il va du populo aux intellos. Des pans du mouvement ouvrier et de la CGT viennent voir les projections et s’y reconnaissent ! Tout ceci constituera un point d’appui pour raconter d’autres histoires.

  • Usul, le youtubeur qui voulait fédérer la gauche de #gauche
    http://www.lesinrocks.com/2016/02/10/actualite/usul-le-youtubeur-en-guerre-contre-la-fachosphere-11804489

    Il s’emploie donc à fédérer l’hémisphère gauche des Youtubeurs, avec la conviction qu’internet pourrait jouer un rôle dans le renouvellement de la démocratie. A ce titre, il n’hésite pas à prendre son propre camp à rebrousse-poil :

    Sont pas mal fichues ces vidéos https://www.youtube.com/watch?v=UmiOPYIpGHI

    Même style : Osons Causer, la chaîne youtube qui parle politique
    http://www.streetpress.com/sujet/1454675136-osons-causer-chaine-youtube-politique

    Vous vous partagez le taff de quelle manière ?

    Xavier : Ludo et moi, on bosse à plein temps dessus et Stéphane nous aide énormément. Il faut qu’on soit irréprochables dans les informations qu’on amène. Pour ça on lit beaucoup, Le Monde Diplomatique, Mediapart, Bastamag, Politis… Le plus gros du travail est de sourcer les infos.

    Pour faire une vidéo, on met environ trois jours à temps plein : entre le choix du sujet, les recherches, l’écriture et le tournage final. C’est une moyenne : ça peut aller plus vite sur des formats plus courts où on parle d’actu chaude.

    #sociologisme #information #youtube #vidéo #politique

  • BALLAST - Lire Foucault, par Isabelle Garo
    http://www.revue-ballast.fr/lire-foucault

    La question n’est pas, bien évidemment : « Faut-il lire Foucault ? », mais : « Comment le lire aujourd’hui ? » Il semble que Michel Foucault fasse partie, comme nombre de ses contemporains, des philosophes qu’il est impossible de discuter, du moins en France, et qu’il faut ou bien rejeter ou bien suivre, dans les deux cas sans nuances. Cette particularité de la philosophie contemporaine la distingue nettement de ses autres moments historiques : Descartes donna naissance non seulement à des disciples et à des adversaires, mais à des cartésiens, qui furent aussi ses plus vigoureux et féconds critiques. On peut en dire autant de Kant. Ou de Hegel. Ce trait singularisant, qui concerne Michel Foucault, mais aussi Gilles Deleuze, Jean-François Lyotard, et bien d’autres, renvoie à une caractéristique forte de la pensée française des années 1970, par-delà ce qui semble à première vue relever de ses conséquences extérieures et des aléas d’une descendance. Le propre de cette séquence historique et intellectuelle, sans équivalent depuis lors, est d’avoir vu soudain fleurir des écritures et des œuvres toutes aux prises avec leur temps et toutes aux prises avec l’histoire de la philosophie. Cette insertion dans leur présent explique paradoxalement la permanence de ces philosophies dans la vie intellectuelle contemporaine, dès lors qu’elle s’inscrit dans le sillage des hypothèses politiques d’alors. Et pourtant on peut, depuis aujourd’hui et les tentatives de reconstruction d’une gauche radicale, juger que cette séquence a surtout refermé derrière elle la période des espoirs de troisième voie et d’issue micropolitique. Ce paradoxe éclaire la difficulté de la lecture de Foucault aujourd’hui, si l’on veut échapper à l’hagiographie autant qu’à la condamnation. Ce qui revient à dire que les attendus d’une telle lecture sont forcément politiques.

    Voir aussi « Foucault et les sciences humaines » dans Archives de philosophie (Tome 79, numéro 1 : printemps — janvier-mars 2016)
    http://www.archivesdephilo.com/cahiers/2016/cahier-79-1.php

    #philosophie cc @opironet @chirine

  • BALLAST André Bouny : « Agent orange, le déni reste total »
    http://www.revue-ballast.fr/andre-bouny

    Tout d’abord, afin de ne pas affoler l’aiguille du compteur des historiens, il est nécessaire de remettre l’extrait que vous citez dans son contexte, qui est : « Du point de vue de l’armement, la guerre du Viêt Nam (et plus largement cette seconde guerre d’Indochine pendant laquelle le tonnage des bombes utilisées fut six fois celui de la Seconde Guerre mondiale) reste la confrontation majeure de l’Histoire de l’humanité. » Vous m’invitez donc à entrer dans les détails. Ici, je n’évoque pas le nombre de morts, mais l’intensité militaire et technologique de la confrontation, l’hallucinante disproportion des moyens mis en œuvre. Dans sa grande majorité, l’opinion publique occidentale, tout entière obnubilée par les drames de sa propre histoire, ignore que le Viêt Nam seul a reçu trois fois et demie le tonnage de bombes larguées durant toute la Seconde Guerre mondiale : comparaison des 7 078 032 tonnes de bombes sur le Viêt Nam aux 2 057 277 tonnes de toute la Seconde Guerre mondiale, ceci sur une surface tellement moindre et concentrée… qu’elle reste bien, et de loin, la confrontation majeure de l’Histoire de l’humanité. Il est clairement démontré que chaque centimètre carré et cube de Viêt Nam était un objectif militaire*. D’autre part, il est nécessaire d’aborder les pertes humaines. Si l’on projetait la proportion de 7 blessés états-uniens pour un tué, avec ses 5 millions de morts (1 million de combattants, 4 millions de civils, annonce du gouvernement vietnamien en 2005 qu’aucun pays de la communauté internationale n’a remis en cause), le Viêt Nam pourrait avoir connu l’équivalent faramineux de 35 millions de blessés. Cependant, il convient de se méfier d’une telle extrapolation, car les moyens sanitaires pour traiter les victimes vietnamiennes (combattants ou civils) n’étaient nullement comparables à ceux dont disposait l’armée américaine pour soigner les GI blessés. Par ailleurs, il est même difficile d’estimer la population vietnamienne avant que débute la guerre.

    #génocide #écocide #chimie

  • BALLAST Emmanuel Daniel : « L’émancipation ne doit pas être réservée à ceux qui lisent »
    http://www.revue-ballast.fr/emmanuel-daniel

    Nous savons tous que la société marche sur la tête ; reste à attendre le soulèvement, le grand, celui qui décidément tarde à venir — d’ici là, continuons d’annoter les marges des essais et d’écrire des articles de « confort et réconfort dans le radicalisme de papier des enclos universitaires* ». Emmanuel Daniel, l’auteur d’un Tour de France des alternatives paru en 2014, se porte en faux : pourquoi attendre quand tant se trouve déjà à portée de mains ? Il a sillonné le pays durant deux ans, à la rencontre de nombreuses expériences locales et concrètes (qui, pour la plupart, ne font pas parler d’elles), et en revint avec une certitude : les citoyens ordinaires peuvent, ici et maintenant, sans État ni partis, mettre en place à leur échelle la société égalitaire dont beaucoup rêvent. Mais ces micro-révolutions, même reliées entre elles, sont-elles vraiment suffisantes ? Nous en parlons ensemble.

  • Reza Afchar Naderi : « Ici, la poésie est coupée de l’homme »
    http://www.revue-ballast.fr/reza-afchar-naderi

    Reza Afchar Naderi est docteur en littérature iranienne, poète et journaliste. Il vient de publier une anthologie de sept poètes libertaires persans contemporains*. L’occasion pour nous d’une plongée passionnante dans l’univers poétique iranien, d’une modernité foisonnante et loin des clichés orientalisants. Vivante et vivace, libre et lyrique, populaire et subtile, la poésie iranienne aurait réussi ce tour de force de ne renoncer à rien : ni à son héritage le plus ancien, ni à l’exigence d’une adaptation au siècle où nous vivons. Source : Ballast

  • BALLAST La #guerre contre les #enfants
    http://www.revue-ballast.fr/la-guerre-contre-les-enfants

    En votant ce texte, les députés dérogent à la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) adoptée par les Nations unies en 1989 et signée par la France le 26 janvier 1990. Dans son article 2, la convention est pourtant claire : « Les États parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation. » Ainsi, les États signataires doivent prendre « toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille. »