“L’Outrage aux mots” de Bernard NOËL (1975)
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Le pouvoir bourgeois fonde son #libéralisme sur l’absence de #censure, mais il a constamment recours à l’abus de #langage. Sa tolérance est le masque d’une #violence autrement oppressive et efficace. L’abus de langage a un double effet : il sauve l’apparence, et même en renforce le paraître, et il déplace si bien le lieu de la censure qu’on ne l’aperçoit plus.
Autrement dit, par l’abus de langage, le pouvoir bourgeois se fait passer pour ce qu’il n’est pas : un #pouvoir non contraignant, un pouvoir “humain”, et son discours officiel, qui étalonne la valeur des mots, les vide en fait de #sens - d’où une inflation verbale, qui ruine la #communication à l’intérieur de la collectivité, et par là même la censure. Peut-être, pour exprimer ce second effet, faudrait-il créer le mot #SENSURE, qui par rapport à l’autre indiquerait la #privation de sens et non la privation de parole. La privation de sens est la forme la plus subtile du lavage de cerveau, car elle s’opère à l’insu de sa victime. Et le culte de l’information raffine encore cette privation en ayant l’air de nous gaver de savoir. Ce processus fait partie de la #paupérisation actuelle - une forme de paupérisation elle aussi très subtile puisqu’elle consiste à donner une aisance qu’elle supprime en créant sans cesse des besoins qui maintiennent l’#aliénation, mais en lui enlevant son caractère douloureux.