Sur les 800 exemplaires qui ont été imprimés à l’origine, celui de Saint-Omer est officiellement le 233e à avoir été authentifié. Le First Folio de la Bibliothèque nationale de France était jusqu’alors le seul conservé en France. Cependant, comme chaque exemplaire vaut plusieurs millions d’euros, il est probable que des collectionneurs en gardent certains cachés. Dans le cas de Saint-Omer, sa mise au jour a été toute différente.
Comment s’est donc déroulée la redécouverte de cet ouvrage ?
J.-C. M. : Tout est parti d’un projet d’exposition sur les livres anglais de Saint-Omer, du Moyen Âge au XXe siècle. Rémy Cordonnier, responsable des fonds patrimoniaux à la bibliothèque d’agglomération de Saint-Omer, a parcouru les collections à la recherche d’ouvrages intéressants quand il est tombé sur ce livre. Il avait été classé par erreur, il y a longtemps, dans un rayon du XVIIIe siècle. Il faut dire que la page titre, sur laquelle figurent aussi la date et un portrait de Shakespeare, manque, alors qu’il s’agit du principal indice de l’origine du livre. Grâce à sa formation d‘historien de l’art, Rémy Cordonnier a reconnu qu’il s’agissait d’un ouvrage plus ancien. Il a alors fait appel à Eric Rasmussen, professeur à l’université du Nevada, à Reno, et spécialiste des First Folios, qui a authentifié le livre sur place. Comme on n’en découvre qu’un tous les dix ans environ, la communauté mondiale des shakespeariens s’est mise en branle et je me suis rendu sur place du 8 au 12 décembre pour l’étudier. Je suis justement en train de préparer un ouvrage sur l’histoire culturelle de la lecture de Shakespeare et sur la manière dont les lecteurs se sont approprié son œuvre.