• Fury : Qu’est-ce que le « réalisme » ?
    Qu’est-ce qu’un film « anti-guerre » ?

    https://www.wsws.org/fr/articles/2014/dec2014/fury-d19.shtml

    "Dans des interviews, Ayer s’est fait l’écho de la défense par Bigelow de son film indéfendable et de ses protagonistes, les divers officiers de l’armée et agents de la CIA qui, selon la formule de Bigelow, « dépassaient parfois des bornes morales ». Ayer affirme : « la question est alors de savoir comment maintenir son humanité – son centre moral – en tant que soldat lorsqu’on a la permission de dépasser les bornes parfois ? Comment éviter de dépasser ces bornes et rester celui qu’on est ? »

    Les protagonistes de Fury, en particulier, sont libres de faire n’importe quoi parce que, grâce à la comptabilité spirituelle en partie double pratiquée par Ayer, ils ont toujours droit à l’absolution, quels que soient les crimes qu’ils commettent.

    Ayer « souscrit totalement au Christianisme », selon les propos de l’un de ses acteurs, Shia LaBeouf. Parlant du caractère de LaBeouf qui se réclame sans cesse de la bible, Ayer dit à l’intervieweur d’un périodique ‘chrétien’ : « Il était important pour moi de montrer comment quelqu’un peut s’appuyer sur les Saintes Ecritures et sa relation avec le Christ dans un environnement où il voit tant d’inhumanité et de destruction. »

    L’intervieweur nota plus tard que « les caractères du film ont abandonné quelque-chose d’eux-mêmes à ce qu’ils ont vécu comme à ce qu’ils ont fait » et demanda : « la rédemption leur est-elle possible ? » Réplique du réalisateur : « absolument. »

    Ayer est un franc admirateur et défenseur des militaires et de la police en Amérique. Voici l’une de ses nombreuses déclarations réactionnaires : « Ayant servi dans l’armée, j’ai toujours eu un intérêt au maintien de l’ordre, aux militaires et aux gens qui servent la société, en particulier les gens autorisés à user de la force en notre nom… les gens qui vont sur le terrain et se battent pour nous et affrontent l’ennemi, pour que nous puissions dormir dans nos lits en sécurité… ceci les sépare de nous. Cela crée une fraternité et les sépare de la société qu’ils protègent. »

    Le « Guide de la discussion numérique » de Sony Pictures’ fait allusion aux implications autoritaires de Fury : « ‘Wardaddy’ est un bon leader – et nous l’entendons dire par les hommes de son équipage. Ils disent – et ils montrent – qu’ils le suivraient dans n’importe quelle bataille. Qu’est-ce qui fait de Wardaddy un bon leader ? Comment ses compétences de leadership se traduiraient-elles dans la vie civile ? Quelles compétences de leadership ne sont effectivement utiles qu’au combat ? »

    Il ne s’agit pas simplement ici d’un seul film ou d’un seul cinéaste, mais d’une couche entière de la classe moyenne supérieure qui se désaxe et prend un brusque virage à droite en raison de la crise sociale et économique prévalant aux Etats-Unis. Alors que les guerres de l’Amérique perdent de plus en plus de popularité, que les militaires et la police représentent une menace croissante pour les droits démocratiques, que l’inévitabilité d’une réponse populaire massive aux conditions présentes perce au premier plan, cette couche privilégiée se tourne instinctivement, et c’est inquiétant, vers le « maintien de l’ordre », les « leaders » puissants et les « compétences de leadership »."