• A quoi servent les partis politiques ? (Le Monde diplomatique, janvier 2015)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2015/01/A/51939

    Après la seconde guerre mondiale, la social-démocratie érige l’Etat en arbitre réputé neutre de l’antagonisme entre travail et capital. Pour les dirigeants occidentaux qui acceptent cette nouvelle règle du jeu, le combat politique évolue : il s’agit moins dorénavant de s’emparer du pouvoir pour transformer le monde que d’accéder aux institutions qui en régissent la marche. Une fois élevée au rang d’unique priorité, la stratégie électorale implique de rassembler le plus grand nombre d’électeurs, quitte à ce que ces derniers ne partagent plus tout à fait les mêmes préoccupations. Une dynamique qui, selon le politiste irlandais Peter Mair, conduit les partis à « s’éloigner des franges de l’électorat qu’ils prétendent représenter tout en se rapprochant des formations auxquelles ils prétendent s’opposer » (Ruling the Void, 2013).

    Terrible constat...

    • NOTE SUR LA SUPPRESSION GÉNÉRALE DES PARTIS POLITIQUES
      Simone Weil, 1940, Écrits de Londres, p. 126 et s.

      « On pose en axiome que la condition nécessaire et suffisante pour que le parti serve efficacement la conception du bien public en vue duquel il existe est
      qu’il possède une large quantité de pouvoir.
      Mais aucune quantité finie de pouvoir ne peut jamais être en fait regardée comme suffisante, surtout une fois obtenue. Le parti se trouve en fait, par l’effet de l’absence de pensée, dans un état continuel d’impuissance qu’il attribue toujours à l’insuffisance du pouvoir dont il dispose. Serait-il maître absolu du pays, les nécessités internationales imposent des limites étroites.
      Ainsi la tendance essentielle des partis est totalitaire, non seulement relativement à une nation, mais relativement au globe terrestre. C’est précisément parce que la conception du bien public propre à tel ou tel parti est une fiction, une chose vide, sans réalité, qu’elle impose la recherche de la
      puissance totale. Toute réalité implique par elle-même une limite. Ce qui n’existe pas du tout n’est jamais limitable.
      C’est pour cela qu’il y a affinité, alliance entre le totalitarisme et le mensonge.
      Beaucoup de gens, il est vrai, ne songent jamais à une puissance totale ; cette pensée leur ferait peur. Elle est vertigineuse, et il faut une espèce de grandeur pour la soutenir. Ces gens-là, quand ils s’intéressent à un parti, se contentent d’en désirer la croissance ; mais comme une chose qui ne comporte aucune limite. S’il y a trois membres de plus cette année que l’an dernier, ou si la collecte a rapporté cent francs de plus, ils sont contents. Mais ils désirent que cela continue indéfiniment dans la même direction. Jamais ils ne concevraient que leur parti puisse avoir en aucun cas trop de membres, trop d’électeurs, trop d’argent.
      Le tempérament révolutionnaire mène à concevoir la totalité. Le tempérament petit- bourgeois mène à s’installer dans l’image d’un progrès lent, continu et sans limite. Mais dans les deux cas la croissance matérielle du
      parti devient l’unique critère par, rapport auquel se définissent en toutes choses le bien et le mal. Exactement comme si le parti était un animal à l’engrais, et que l’univ
      ers eût été créé pour le faire engraisser. »

  • Au pays des souris, par Thomas Douglas
    http://www.monde-diplomatique.fr/2015/01/DOUGLAS/52600

    Les affaires, la personnalisation, les renoncements condamneraient-ils désormais les formations à l’inutilité ? Les partis politiques seraient-ils morts ? En 1944, le Canada se trouvait confronté à des questions similaires. Le dirigeant politique canadien Thomas Douglas imagina alors la parabole suivante.

    Dossier : http://www.monde-diplomatique.fr/2015/01/A/51939

  • A quoi servent les partis politiques ?
    http://www.monde-diplomatique.fr/2015/01/A/51939

    Soulignant le fossé qui sépare le monde de la politique de la société, l’ex-ministre socialiste déléguée aux personnes âgées et à l’autonomie Michèle Delaunay rapporte que ses anciens collègues « n’ont jamais connu la vie réelle. Entrés tôt dans le tunnel, ils n’en sont jamais ressortis. Compter pour savoir si l’on pourra payer ses deux employés à la fin du mois, si l’on aura soi-même assez pour assumer la scolarité du petit, le loyer (...), tout cela, ils n’en savent rien » (sur son blog, 13 septembre 2014, http://www.michele-delaunay.net/delaunay/blog/le-tunnel-ou-comment-faire-carriere-sans-mettre-un-pied-dans-la-vr).

    De telles élites partisanes acceptent d’autant plus facilement la progressive migration du pouvoir vers des institutions ne dépendant pas du suffrage universel — Banque centrale européenne, Commission européenne, etc. — qu’elles accèdent au confort de postes eux-mêmes largement protégés des aléas électoraux (au Conseil d’Etat, au sein des organismes internationaux, etc.). Fini le gouvernement par le peuple : ne resterait plus qu’un gouvernement pour le peuple, évoluant de plus en plus vers un gouvernement à la place du peuple. Dans ces conditions, faut-il s’étonner, interroge Mair (Ruling the Void, 2013), que « la véritable opposition émerge désormais en dehors du champ des partis politiques conventionnels, sous la forme de mouvements sociaux, de manifestations, de mobilisations populaires » ?

  • L’Etat souhaite une bonne année au « Monde diplomatique »
    http://www.monde-diplomatique.fr/2015/01/A/51947

    Quelques jours avant Noël, l’Etat a décidé que notre journal ne bénéficierait pas du fonds stratégique pour le développement de la presse pour l’année 2014. Cette aide, qui avait atteint l’année précédente le montant faramineux de… 18 611 euros, entend favoriser le rayonnement des publications françaises à l’international. Un tel objet semblait pourtant taillé sur mesure pour Le Monde diplomatique, qui réalise près d’un cinquième de ses ventes à l’étranger et diffuse à travers le monde quarante-sept éditions en vingt-huit langues.

    #A_propos_du_Diplo #Aides_à_la_presse

  • Alice et la liberté du regard, par Solange Brand (Le Monde diplomatique, janvier 2015)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2015/01/A/51943

    Alice est partie, avec sa chemise en jean et ses Converse. Et les amis qui l’ont accompagnée, si nombreux et fidèles — hors du journal comme au journal —, gardent vivantes sa présence lumineuse, sa chevelure ensoleillée et son énergie batailleuse. Il y avait aussi les moments de révolte, de colère, parfois un peu injustes. Il en est ainsi des personnalités fortes, sans concessions, qui donnent tant, parfois trop. Alice était une résistante, une combattante — jusqu’au bout.

    Sans elle ce journal ne sera plus jamais le même. Je me souviendrai de sa gaieté, de son élégance, de ses enthousiasmes. De nos messes basses, de nos discussions passionnées, de nos énormes engueulades. De son amour pour cet artisanat de la presse dont elle était peut-être une des dernières représentantes, du pied géant qu’elle prenait à faire ce métier. De tout ce qu’elle m’a appris, de son exigence, du luxe absolu que c’était de travailler avec elle. Et des équipées dans sa Fiat 500 rouge pétant, son « pot de yaourt » dans lequel elle traversait Paris en pétaradant, au milieu de la haie d’honneur que lui faisaient les sourires des passants. J’en étais privée depuis des mois déjà, et pourtant je n’arrive pas à croire que c’est fini.