• Les effets de l’horreur - Serge Quadruppani
    http://quadruppani.blogspot.fr/2015/01/les-effets-de-lhorreur.html

    Tandis que les spécialistes de l’antiterrorisme déjà se précipitent pour combler le vide informatif et pérorent sans rien savoir, on peut parier que des milliers de zemmour de bistrot pérorent déjà sur la nécessité d’amorcer le grand déplacement prôné par leur icône. Les effets de l’horreur qui vient de surgir dans les locaux de Charlie Hebdo n’ont pas fini de se faire sentir en France et dans le reste du monde. Djihadistes contre islamophobes, l’affrontement des barbaries en miroir n’a pas fini de prospérer.

    J’avais songé, par un réflexe de respect devant la mort, à effacer tout ce que j’ai écrit au sujet de Charlie-Hebdo. Mais non : les ennemis de la liberté d’expression ne pourraient que se réjouir de cette censure a posteriori. Je considère que c’est encore une manière de respecter l’humanité des tués que de laisser la trace de ce qu’ils avaient suscité, y compris la colère et les imprécations. L’attentat à Charlie-Hebdo ne me fera pas changer d’avis sur la stratégie de vente islamophobe de ce périodique. Cela ne signifie pas « qu’ils l’ont bien cherché » comme il paraît que certains le disent ici ou là. Il n’y a aucune justification possible, jamais, au massacre : qu’il soit l’oeuvre des drones d’Obama ou des kalachnikov du djihadisme bricolé à la maison.

    Publié il y a 1 hour ago par Quadruppani

    #CharlieHebdo

    • Je suis dans le rassemblement sur la grand place, je questionne les gens sur ce qu’ils font là et pensent. Une femme avec son mari me dit que les politiques vont certainement se durcir, et notamment les positions xénophobes et ajoutent « les musulmans auraient du être là ce soir » et je suis tellement estomaquée que, blanche de peau, je rigole en disant que je pourrais bien être musulmane comment le saurait-elle ?? Aucun musulman n’a à être rendu responsable des fanatiques tarés que les pays occidentaux ont si affreusement fantasmés au point de les rendre réels.

    • On trouve naturel que nos armes soient utilisées un petit peu partout dans le monde. Et on s’étonne qu’il puisse y avoir des représailles. Nos Rafales bombardent, et il faudrait que ça n’ait aucune conséquence sur nos vies. Nos armées sont partout dans le monde, et il faudrait que ça n’ait aucune conséquence sur nos vies.

      Félicitons-nous que les manifestations de soutien n’aient pas été interdites à priori, comme cela a pu avoir lieu cet automne, à l’occasion d’une énième lutte du « bien contre le mal », où les bombardements ne faisaient que des victimes collatérales.

      En colère.

      Un immense merci à S. Quadruppani pour oser dire ce que je ne parviens pas à exprimer à mes proches, qui par SMS ou Facebook interposé veulent m’inciter à les suivre dans leur sursaut d’éveil politique. J’ai essayé d’expliquer que ce n’est rien de plus qu’un acte de guerre comme on en commet quotidiennement loin d’ici en notre nom. Et ça se termine immanquablement par un « tous pourris » ou un « tu mélanges tout ».

    • Ainsi il n’est pas question de choisir un camp ou l’autre, malgré les pressions qui s’exercent et les calomnies qui circulent, que ce soit lors d’un conflit mondial, d’un front populaire ou de la guerre froide : il s’agit de refuser un jeu qui n’est pas le nôtre, quitte à en observer les règles sans y croire, suivant les événements de près, s’acharnant à démêler les raisons et les forces en présence. Pendant la guerre, trop de militants, de révolutionnaires conscients se sont laissé prendre au « jeu répugnant » de l’antifascisme, à l’« orgie de grandes déclarations sur la liberté soigneusement rédigées par les agences de presse ... Comme nous sommes des gens obstinés, nous refusons de voir la moindre trace d’émancipation humaine dans le fait de travailler au maximum de productivité, [...] et de laisser la vie quotidienne de millions de gens aux mains d’un pouvoir d’État sur lequel ils n’ont aucun contrôle. La propagande est certainement une industrie qui a atteint un haut degré de perfection et possède des techniques remarquables, mais il y a des choses qui sont trop grosses à avaler.

      Louis Mercier Vega, La Chevauchée anonyme

      (Merci à F. pour la référence)

    • « L’industrie intellectuelle bourgeoise se berce d’ivresse jusque dans l’effondrement lorsqu’elle accorde plus de place dans les journaux à ses pertes spécifiques qu’au martyre des anonymes, aux souffrances du monde ouvrier, dont la valeur d’existence se prouve de façon indestructible dans la lutte et l’entraide, à côté d’une industrie qui remplace la solidarité par la sensation [...] Le journalisme ne se doute pas que l’existence privée, comme victime de la violence, est plus près de l’esprit que tous les déboires du négoce intellectuel. et surtout cet univers calamiteux qui occupe désormais tout l’horizon de notre journalisme culturel. »

      (Karl Kraus, Dritte Walpurgis Nacht, rédigé entre mai et septembre 1933)

    • @moderne : J’ai plutôt compris que la France est intervenue seulement à partir du moment ou des chrétiens ou occidentaux étaient touchés, et c’est-ce que Burgat dénonce comme une certaine hypocrisie (et il ne dit pas qu’il fallait qu’elle intervienne avant, peut-être le pense-t-il mais pour le coup je ne connais pas assez le bonhomme pour savoir ça).

    • Et puis qu’y a, ya des tas de gens qui ont regardé, encore une fois, ces dizaines de milliers de morts que nous avons laissé, parce qu’ils étaient, je vais employer une formule un peu brutale, mais ils étaient un peu trop musulmans à notre goût. Alors on les laissait mourir en Syrie. Et puis tout d’un coup…
      – Très rapide.
      – Oui… des minorités. Et puis nous intervenons. Alors je pense qu’il faut faire cesser la dichotomie.

      cf. http://seenthis.net/messages/328240#message328653