« Antisionistes », il n’est jamais trop tard...mais un peu quand même - Le blog de luftmench, 2009
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A l’extrême gauche, dans les mouvements auto-proclamés « anti néo-colonialistes », l’heure est à la condamnation publique et verbeuse de Dieudonné.
Communiqué des Indigènes de la République , de l’UJFP, d’EuroPalestine, brusquement empressés, à l’occasion de l’initiative électorale de Dieudonné, de proclamer haut et fort, leur rejet de son alliance avec l’extrême droite.
Tous ces communiqués reposent sur deux énoncés :
Dieudonné ne serait pas un « véritable antisioniste », il ne ferait qu’utiliser une noble cause pour masquer son antisémitisme et celui de ses amis.
Jusqu’ici, les auteurs de ces communiqués avaient choisi de garder le silence sur les précédentes initiatives dudit Dieudonné, car elles ne méritaient pas qu’on en parle, et le faire aurait « fait le jeu » à la fois du « sionisme » et le sien.
Le problème de ces deux argumentations, qui reposent sur l’idée qu’il y aurait en France deux « antisionismes » revendiqués, l’un qui serait une usurpation néo fasciste, et l’autre un combat pour la justice et la liberté ne tient pas à l’épreuve des faits et de l’histoire des idéologies de ces dernières années.
Les faits : on ne peut reprocher à Dieudonné son inconstance dans ses propos.
Dès 2002, celui-ci se dit convaincu de l’existence d’un « lobby juif », et dès ces années, là, il explique bien le sionisme, comme étant non seulement l’idéologie et la pratique de l’Etat Israelien en Israel, mais comme un réseau d’influence mondial qui tient les médias, et les politiques de bien d’autres pays. Dès ces années, il met en œuvre la thèse qui sous tendra tout son engagement, celle selon laquelle le racisme néo colonial serait en premier l’œuvre des maîtres du monde « sionistes », qui auraient organisé la traite négrière, et aujourd’hui organiseraient, grâce à la « pornographie mémorielle » sur la Shoah, la légitimation des discriminations sociales et ethniques qui touchent les descendants des anciens colonisés.
Cette expression extrêmement claire de ses idées n’empêchera pas qu’il bénéficiera à l’occasion de ses premiers déboires avec le monde médiatique et la télé, dont il était jusque là un membre à part entière, du soutien de la plupart des « antisionistes » d’extrême gauche.
En 2004, Dieudonné est un membre phare, avec Alain Soral de la liste EuroPalestine, dont les héritiers officiels déclarent encore aujourd’hui qu’à l’époque son propos était légitime.
Le gros problème, c’est qu’aucun de ces communiqués n’explique en quoi le propos de Dieudonné a changé depuis cette époque , et encore moins, depuis la constitution de sa liste aux élections européennes, qui motive cette « sortie du silence » de ses anciens camarades.
[...]
Bien avant que Drumont, l’auteur de « la France Juive » fasse l’objet d’élogieuses critiques dans certains journaux d’extrême gauche, au moment ou le mouvement du général Boulanger et sa composante antisémite prennent leur essor, la plupart des socialistes, des guesdistes et des blanquistes choisissent dans un premier temps l’alliance, dans la rue et dans les urnes. Et quand ils se rendent compte que celle-ci ne leur est pas avantageuse, la plupart se contentent du « silence » équivoque : aux élections de 1888, certains candidats comme Lafargue choisissent de se retirer plutôt que d’affronter ouvertement les candidats boulangistes, par peur de s’aliéner une partie des ouvriers. D’autres textes, de groupes guesdistes ou blanquistes, justifient à la même époque le refus d’attaquer les boulangistes antisémites par les propos suivants
« Considérant que , malgré les indignes moyens employés, les suffrages réunis sur le Général Boulanger sont une expression menaçante du mécontentement général contre une République qui n’a été que la République des capitalistes, nous refusons de cautionner l’agitation anti-boulangiste menée par les radicaux et les opportunistes »
« Le danger ferryste étant aussi redoutable que le péril boulangiste, les révolutionnaires ne devraient favoriser ni l’un ni l’autre, et n’avaient pas à faire le jeu de la bourgeoisie en l’aidant à combattre celui qui était à présent son plus redoutable adversaire ».
A leur propos, Engels, évoquera, non sans raison, le tort immense porté par les socialistes français à la cause du socialisme international et leur reprochera de « n’avoir jamais eu le courage de combattre cette absurdité » et d’avoir ainsi creusé leur propre tombe, et celle du mouvement ouvrier, pour de longues années. L’essor quasi constant de la droite nationaliste révolutionnaire dans les décennies qui suivront ne lui donnera pas tort. A chacune de ses poussées, ceux qui à l’extrême gauche choisiront de reprendre une partie de ses thèmes, ou de ne pas s’y opposer de front, feront à la fois le jeu du pouvoir en place et de la gauche parlementaire, qui aura beau jeu de diaboliser le mouvement ouvrier en se servant de leurs dérives, et celui de l’extrême droite en route vers le fascisme qui utilisera les ambiguïtés de certains discours pour semer la confusion et récupérer une partie des votes ouvriers
Les « antisionistes » de gauche ont adopté la même stratégie, pendant des années , avec Dieudonné ou Kemi Seba. Ainsi, en 2007, les Indigènes de la République éprouvent-ils le besoin de s’élever contre la condamnation de l’antisémite de la tribu K au prétexte que celui-ci aurait été condamné en tant que Noir et appellent à la solidarisation , car à travers lui « c’est nous tous, Noirs, Arabes et musulmans, qui avons été condamnés »(1).En 2006 ,bien après la prétendue rupture, dans un communiqué , Europalestine dénonce le sort de Dieudonné « privé d’accès aux médias , attaqué par « les officines sionistes » (2)
Il arrive aujourd’hui à ces grands stratèges la même chose qu’à leurs ancêtres politiques, et le fait qu’ils soient ou se revendiquent les descendants de minorités opprimées, qu’ils soient incapables de remettre en cause les collusions idéologiques qui les ont amené à nourrir l’extrême droite raciste ET antisémite, ne fait que rendre plus grave leurs errements.