• Le gouvernement envisage des centres de rétention pour les personnes fichées « S »
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2015/12/09/le-gouvernement-envisage-des-centres-de-retention-pour-les-personnes

    Le gouvernement continue d’explorer de nouvelles voies pour développer l’arsenal sécuritaire à sa disposition. Parallèlement à la consultation du Conseil d’Etat sur son projet de réforme constitutionnelle, le gouvernement de Manuel Valls sollicite l’avis de la haute juridiction sur certaines des mesures complémentaires qu’il envisage pour renforcer les moyens de la police dans la lutte antiterroriste.

    De façon explicite, le ministère de l’intérieur demande ainsi au Conseil d’Etat si la loi peut permettre l’internement administratif des personnes qui font l’objet d’une fiche « S » (pour prévenir des menaces à la sécurité publique ou à la sûreté de l’Etat), mais qui n’ont jamais été condamnées.

    « La loi peut-elle autoriser une privation de liberté des intéressés à titre préventif et prévoir leur rétention dans des centres prévus à cet effet », interroge ainsi le texte révélé par le site Lundi Matin. Une telle mesure irait ainsi plus loin que le camp des Etats-Unis à Guantanamo, qui ne concerne pas les citoyens américains.

  • « La France voudrait des camps de tri en Italie »

    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2015/06/15/les-migrants-s-imposent-a-l-agenda-francais-et-europeen_4653931_3224

    via ISS sur FB.

    La frontière italienne renoue avec les campements. « Comme du temps des “printemps arabes” ! », se souvient Teresa Maffeis. Dimanche, la militante niçoise des droits de l’homme a pris le train, direction Vintimille, pour aider les Africains bloqués sur place et empêchés d’entrer en France par la police de l’air et des frontières (PAF). En gare de Nice, d’où elle est partie, sa première image a été celle d’un groupe de vingt-cinq migrants « attendant d’être réexpédiés vers l’Italie. La montée dans le train pour Paris leur a été interdite. Le lot commun depuis jeudi », se désole-t-elle. A Vintimille, la situation lui a paru difficile avec « trois cents personnes autour et dans la gare, sans rien. Les femmes et les enfants dorment à l’intérieur sur des morceaux de carton. Les hommes dehors ».

    Plus près de la frontière, un groupe de jeunes hommes campe sur les rochers. Eux ont refusé d’obtempérer à la police italienne, qui a repoussé violemment tout le monde, samedi soir, vers Vintimille, pour les éloigner de la France. « Ils sont indélogeables mais ne disposent que de quelques couvertures de survie et de la nourriture que les gens, solidaires, leur apportent », s’inquiète la militante de l’ADN, Association pour la démocratie à Nice.
    Un étrange signal

    Ce blocage est un effet secondaire de la crise parisienne. La tension qui règne dans la capitale depuis l’évacuation musclée du campement de la rue Pajol (dans le nord de Paris), lundi 8 juin, par les CRS, a incité le ministère à stopper les arrivées, en refoulant vers l’Italie les migrants restés dans le sud de la France et en empêchant les autres d’entrer. Un campement à Vintimille est moins médiatique qu’une installation sous des bâches à Paris. Par ailleurs, la capitale n’a que peu de marge de manœuvre, pour avoir choisi de désamorcer le conflit à coups d’hébergements d’urgence, une denrée dont elle manque cruellement.

    Pourtant, renvoyer des migrants vers l’Italie, alors que les ministres de l’intérieur des Vingt-Huit se réunissent mardi 16 juin à Luxembourg pour organiser « le renforcement de la solidarité » entre les États membres (selon les termes de la Commission européenne), résonne comme un étrange signal ou une appréciation originale de l’entraide communautaire.

    La réunion de mardi, qui prépare le sommet des chefs d’Etat du 25 juin, portera sur la répartition dans les différents pays européens des migrants éligibles au statut de réfugiés. La « stratégie pour la migration » élaborée par la Commission européenne évoque notamment le partage de 40 000 demandeurs d’asile syriens et érythréens, actuellement présents en Grèce et en Italie, et de 20 000 réfugiés des Nations unies, installés provisoirement dans des camps de pays limitrophes de la Syrie.

    La France et l’Allemagne ont demandé une révision des clés de répartition élaborées par la Commission de Bruxelles pour installer équitablement ces réfugiés. Celle-ci hésite. Le commissaire aux affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos, n’y serait pas opposé, alors que l’entourage du président Jean-Claude Juncker reste plus dubitatif.

    De son côté, l’Italie exige désormais une décision claire et rapide, et lance une menace. En cas d’absence d’accord, elle promet de mettre à exécution « un plan B » qui « fera mal à l’Europe ». Le chef du gouvernement Matteo Renzi l’a fait savoir dans un entretien au Corriere della Sera dimanche. Il y demande aussi une modification de la convention de Dublin, qui prévoit que les demandeurs d’asile postulent dans leur pays d’entrée en Europe. L’Italie estime injuste cette règle qui laisse Rome théoriquement seule face aux 57 000 arrivées que le pays a enregistrées depuis le début de l’année (3 000 de plus qu’en 2014). Dans la pratique, son pays contourne la règle en « oubliant » souvent de relever les empreintes des migrants qui arrivent sur ses côtes et en laissant traverser, sans les inquiéter, ceux qui veulent gagner l’Europe du Nord.

    Pour sortir de cette situation, Bernard Cazeneuve voudrait convaincre son homologue italien de mettre en place sur son sol (comme en Grèce) des camps gérés par l’Union européenne pour trier les migrants économiques des demandeurs d’asile dès leur arrivée. Les premiers seraient refoulés vers leur pays d’origine, les autres répartis en Europe. Le bureau européen de l’asile et le HCR feraient ce premier tri et les États étudieraient les dossiers.
    Un nouveau campement toléré

    Si la migration est à l’agenda européen, elle est aussi au programme de l’exécutif français. D’une part parce que M. Renzi va rencontre François Hollande cette semaine à Milan, d’autre part parce que des réunions quotidiennes ont lieu place Beauvau avec Sylvia Pinel, la ministre du logement, sur ce sujet. Depuis que le chef de l’Etat lui a commandé un plan, mardi 9 juin, M. Cazeneuve travaille sur trois points : « Comment mieux accueillir les demandeurs d’asile, comment proposer un hébergement d’urgence aux migrants et comment être plus efficace dans l’éloignement », explique son entourage. Les discussions devraient se concrétiser dans les prochains jours.

    La solution doit être rapide car une centaine de migrants campent à nouveau dans le 18e arrondissement, en face du jardin d’Eole. Après l’évacuation de la rue Pajol, cette installation reste tolérée, bien que surveillée par la préfecture de police.

    L’annonce de la création d’un hébergement, probablement dans l’Oise, pour les « migrants en transit », par la maire de Paris, Anne Hidalgo, aura poussé l’exécutif à prendre l’initiative sur ce sujet à propos duquel il se montre frileux et peu bavard depuis le début de la mandature.

    #migrations #asile #france #italie

  • Tiens, le premier ministre qui fait une tribune dans le journal, pour répondre à un intellectuel critique, en regrettant qu’il n’y ait pas d’autres intellectuels moins critiques.

    #Manuel_Valls : « Non, la France du #11_janvier n’est pas une imposture »
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2015/05/07/manuel-valls-nous-devons-resister-au-pessimisme-ambiant_4629245_3224

    Le premier ministre français, Manuel Valls, défend « la France du 11 janvier », en réponse au livre d’#Emmanuel_Todd sorti jeudi 7 mai, Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse.

    Lire aussi : Emmanuel Todd contre les illusions de la France du 11 janvier

    « Certains voudraient tirer un trait sur le 11 janvier, le remiser, minimiser la portée d’une mobilisation sans précédent, d’un gigantesque élan de fraternité. Il a fait marcher ensemble, dans nos rues, plus de quatre millions de personnes. Contrairement à ce que l’on voudrait faire croire, ce fut bien un mouvement spontané, populaire, venu des citoyens eux-mêmes. Le peuple français, dès le 7 janvier au soir, s’est dressé.

    Bien sûr, il faut se garder de toute idéalisation de l’événement. De nombreux Français, notamment dans les quartiers populaires, délibérément, n’y ont pas pris part. D’autres ne se sont pas sentis concernés, non par opposition au mouvement, mais simplement parce que les difficultés quotidiennes – le réel – les empêchent, trop souvent, de croire à cet idéal rappelé avec force par les slogans et les pancartes : la citoyenneté, la cohésion, la solidarité. Que des citoyens aient volontairement fait le choix de se tenir à l’écart doit évidemment nous interroger, et nous commande d’agir. Le 11 janvier, je l’ai déjà dit, était d’abord une exigence adressée aux responsables politiques de tous bords.

    Pour autant, faut-il noircir le tableau, céder à l’autoflagellation ? C’est un fait : notre nation, chahutée par les bouleversements du monde, connaît une forme de dépression, elle-même alimentée par les diagnostics réguliers d’intellectuels. Ceux-ci, bien que venus d’horizons différents, se retrouvent dans un même constat : celui du déclin. Un constat devenu une véritable idéologie, un leitmotiv. Trop souvent, notre nation ne sait plus s’émerveiller d’elle-même. Le devoir des responsables politiques est alors, aussi, de descendre dans l’arène des idées, de répondre, de combattre les faux-semblants.
    Refus des amalgames

    L’historien et démographe Emmanuel Todd publie un ouvrage dans lequel il entend dénoncer « l’imposture » du 11 janvier [Qui est Charlie ?, Seuil, 252 pages, 18 euros]. D’autres l’ont précédé sur cette voie, et d’autres le suivront sans doute, mais je veux répondre à son analyse en pointant, pour reprendre sa terminologie, quatre impostures.

    Lire la critique : Emmanuel Todd, homme de tumulte

    La première, c’est de vouloir faire croire que le 11 janvier était une attaque contre une religion, contre l’islam. « Piétiner Mahomet » ? A aucun moment ! Cette manifestation fut un cri lancé, avec dignité, pour la tolérance et pour la laïcité, condition de cette tolérance. Elle fut également un cri lancé contre le djihadisme qui, au nom de la foi, d’un islam dévoyé, s’en prend à l’Etat de droit, aux valeurs démocratiques, tue des juifs, des musulmans, des chrétiens. Elle fut, enfin, un refus des amalgames. Il fallait entendre cette Marseillaise chantée spontanément dans tous les cortèges pour saisir cet attachement viscéral aux valeurs qui nous unissent, au-delà de nos désaccords politiques, de nos appartenances culturelles ; un attachement à ce qui fait la nation républicaine, son caractère profondément consensuel et contractuel qu’Ernest Renan a si bien démontré. Est-ce que cela veut dire qu’il n’existe pas en France une tentative de stigmatiser les musulmans sous couvert de « laïcité » ? Bien sûr que non. Ces faits existent. On ne peut pas les accepter.

    La deuxième imposture tient à la définition de la liberté d’expression. Sur ce point, face aux confusions dangereuses, notamment au sein de notre jeunesse, les intellectuels ont une responsabilité éminente : éclairer et non pas tout mélanger. Dans notre pays, la caricature a toujours eu un rôle essentiel dans la construction de l’opinion publique. Elle est ce mode d’expression si singulier qui permet la dénonciation de l’injustice, la contestation des abus, la critique des « puissants ». Elle est le plus souvent, n’en déplaise à Emmanuel Todd, du côté des « faibles » et des « discriminés ». En l’espèce, la caricature de Mahomet est du côté de ceux subissant le poids des fondamentalismes, la violence des fanatiques qui détruisent, terrorisent, assassinent. Il y a là une inversion des valeurs, une perversion des idées qui consiste à penser que ceux qui tuent sont les faibles. Ce genre de justification provoque des conséquences désastreuses, car il séduit tant d’individus, tant de jeunes qui pensent que ce sont les assassins les victimes.

    La troisième imposture, c’est cette théorisation d’une néo-République, concept pour le moins brumeux. Emmanuel Todd veut voir dans le 11 janvier une confiscation idéologique par certaines catégories sociales supérieures, coupables par essence. L’historien ne prend alors plus aucune prudence avec sa discipline, au point de devenir inquiétant : c’est la France antidreyfusarde, catholique, vichyste ! N’en jetez plus !
    Relever l’étendard de l’optimisme

    La vérité, c’est que, dans les cortèges, chaque citoyen comptait à égalité, quelles que soient ses croyances, ses origines, sa couleur de peau, sa classe sociale. Propager l’idée que la République serait aux mains de certains et agirait au détriment d’autres, c’est jouer un jeu dangereux : celui des populismes, des extrêmes qui, eux, nous conduiraient vers la ruine. Dans cette crise d’identité que traverse la France, plus que jamais nous devons défendre la République, car elle est protectrice des citoyens et émancipatrice des individus. La République est notre meilleur atout.

    Enfin, quatrième imposture : la définition donnée de la gauche. Une définition qui reflète la tentation populiste en vogue, qui voit dans les « élites » un groupe fondamentalement méprisant, « mondialiste », dont la seule motivation serait de trahir le peuple. La définition de la gauche que donne Emmanuel Todd traduit en fait les passions personnelles de l’auteur : lorsqu’elle est pro-européenne, la gauche est forcément synonyme de « traîtrise », de « soumission » à un supposé diktat. Tout est noir ou blanc, aucune place n’est laissée à la nuance. La gauche de gouvernement est présumée coupable et même condamnée avant d’avoir été jugée sur son action. Au fond, pour l’historien-démographe, devenu gardien du temple, la gauche ne vivrait bien que dans la contestation, le mythe révolutionnaire.

    Je réponds, ici, à Emmanuel Todd, mais je ne réponds pas qu’à lui. Le plus inquiétant dans ses thèses, c’est qu’elles participent d’un cynisme ambiant, d’un renoncement en règle, d’un abandon en rase campagne de la part d’intellectuels qui ne croient plus en la France. J’aimerais que plus de voix s’élèvent pour défendre notre pays, pour mieux en penser les défis, pour relever l’étendard de l’optimisme.

    Ce qui n’interdit en rien la lucidité. Je l’ai moi-même rappelé à la tribune de l’Assemblée nationale, dès le 13 janvier : pour beaucoup de nos concitoyens, la promesse républicaine est devenue un mirage. L’accès à l’éducation, à l’emploi, à un logement, à la santé, à la culture se heurte trop souvent à la réalité des faits. Mais c’est au nom de cette lucidité, et parce que je ne conçois pas la politique autrement que comme un combat, que je souhaite participer au débat sur le 11 janvier, pour entretenir ce mouvement, cette énergie. Elle est vitale pour notre pays. Le 11 janvier, la France s’est retrouvée, forte et fière. Ce souffle ne doit pas s’éteindre.

    C’est à chaque citoyen de l’entretenir, de lui donner sens, sans prétendre le confisquer. Et à la place qui est la mienne, je mesure combien ce sursaut comporte d’exigences. Exigence d’agir, de s’élever à la hauteur des enjeux, de faire vivre nos valeurs. La lucidité n’empêche pas l’espoir, et la difficulté de ce combat républicain ne doit jamais nous faire oublier combien il est noble. »

  • Radicalisation : pour Benjamin Stora, « l’aspect décisif est la crise de la transmission culturelle »
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2015/01/19/benjamin-stora-il-faut-preserver-les-principes-republicains-tout-en-
    A ma connaissance, il est le premier à dire cela clairement

    Vous avez participé, dimanche 11 janvier, à la marche républicaine à Paris en hommage aux victimes des attentats des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly. Que retenez-vous de cette mobilisation ?

    Benjamin Stora : La force du nombre et la volonté de se retrouver ensemble dans l’épreuve ont masqué une dimension essentielle : la faible présence dans la marche des jeunes de banlieues, des populations issues des immigrations maghrébines. Certains groupes étaient présents place de la République, mais j’ai été surpris : j’ai vu là un risque de prise de distance nette à l’intérieur même de la population française.

    Et les enseignants sont évidemment très désarmés pour faire face à cette "distance intérieure". En fait, dans certains cas, ce sont eux qui enfoncent le coin... Les mises à l’écart lors des minutes de silence l’ont bien montré.

  • « Il faut écouter ceux qui disent “Je ne suis pas Charlie” »
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2015/01/13/il-faut-ecouter-ceux-qui-disent-je-ne-suis-pas-charlie_4554861_3224.

    Malgré ses désaccords passés avec le journal satirique sur son traitement de l’islam, Abdelkrim Branine, rédacteur en chef de Beur FM, a témoigné dès mercredi son soutien à Charlie Hebdo. Quelques heures après le drame, il a participé à une soirée « contre la haine, pour la liberté », organisée au siège de Mediapart. Se définissant comme musulman à la tête d’un média laïc dont une part importante du public est de culture musulmane, il disait alors toutefois craindre le risque d’amalgame visant les musulmans. Vendredi soir, l’animateur de l’émission « Les Z’informés » s’indignait sur Twitter, à propos de la marchedu 11 janvier, de « la plus grande récupération politique de l’histoire de l’humanité ».

    #je_ne_suis_pas_charlie