Mais c’est aussi le moment où l’on rencontre des tas de gens normaux, rassurants, qui se font au moins autant chier que nous sous les néons blêmes et la musique criarde.
— Ben, tiens, ça faisait longtemps ! Tu vas bien ?
— Tu sais, en ce moment, c’est dur.
— Ah bon ? Les gosses vont bien ? Ton mari itou ? C’est le boulot ?
— Ah oui, ça, ça va. Mais tu vois, j’ai enlevé mon badge ce matin, et depuis, je ne me sens pas bien.
— Ton badge ?
— Oui, je m’en étais fait un, pour les marches et tout ça et tu vois, de le porter, ça me rassure.
— …
— Quand je pense à tous ces cons qui dénigrent, vraiment !
Je commence à comprendre de quoi elle parle et je n’arrive même pas à grommeler un truc intelligible.
— Mais tu vois, les gosses, ils ont parfaitement tout compris et ils sont à fond. Et ça, ça me réchauffe le cœur !
J’ai l’impression que ma mâchoire pèse juste une tonne et je sens qu’il faudrait que je dise un truc, ou plutôt non, qu’il ne faut absolument pas que je dise quoi que ce soit. Parce que là, je suis juste dans la quatrième dimension. En fait, on est tous dans la quatrième dimension et comme tous les gens qui y sont paumés, on ne se rend compte de rien jusqu’au moment où l’on est submergé par un insondable malaise poisseux.
— Oui, mes gosses, ce sont de bons petits républicains, de vrais petits républicains, tu vois. Et je suis vraiment très fière d’eux.
Et là, effectivement, je commence à me sentir vraiment, vraiment space.