Comment le salafisme a pu prospérer au Niger
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Sur Charlie Hebdo vu de Niamey
Ce qui s’est passé autour du dernier numéro de Charlie Hebdo est un cas d’école où, selon le contexte, on est amené à penser une chose ou son contraire. Dans un environnement occidental habitué aux outrances des caricaturistes, le dessin de la dernière une de Charlie Hebdo n’a rien de provocant et semble relever de la liberté normale d’expression (le prophète y est même présenté de façon plutôt sympathique). En revanche, dans un environnement majoritairement musulman éloigné de Paris, où personne ne connait Charlie Hebdo et n’a vu le dessin, le simple fait d’apprendre qu’on a publié à 7 millions d’exemplaires une caricature du prophète suffit à déclencher l’indignation et la colère, bien évidemment exploitées par les intégristes.
Le problème est que ceci était entièrement prévisible : il y avait eu un précédent, et on savait très bien que le simple fait de mettre en une la caricature du prophète allait avoir un coût très élevé dans le monde musulman (coût qui serait payé par les non-musulmans de la région...). Il me semble très irresponsable de la part de l’équipe de Charlie Hebdo de ne pas en avoir tenu compte. On peut le dire autrement : à Paris, on peut se permettre d’en faire une question de principe, au nom du droit à libre expression, du droit à la caricature, et du refus de céder aux intégristes. A Niamey, à Bamako ou à Istanbul (où, pour la majorité des gens, la question de principe est très différente : la liberté d’expression s’arrête là où le blasphème commence) on est par contre bien obligé d’en faire une question politique, et donc de se demander quelles vont en être les conséquences, à qui cela profite-t-il, et qui va en être victime ? Les réponses sont hélas claires : cela profite aux intégristes et ce sont les non-musulmans et les musulmans modérés qui en sont les victimes.