• Après les attentats, l’école mise au pas | Journal d’un prof d’histoire | Rue89 Les blogs
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    Vendredi dernier, Manuel Valls, désormais ministre auto-promu de l’Education nationale, accompagné de son adjointe, Najat Vallaud-Belkacem, se rend en visite promotionnelle dans un lycée de Seine-et-Marne pour une réception digne d’un village Potemkine. Les élèves, soigneusement cornaqués, sont autorisés à « dialoguer » avec lui, à condition, bien sûr, que les questions lui fassent plaisir.

    • C’est ainsi qu’en réponse à l’interrogation d’un lycéen se demandant si la France était vraiment « en guerre », Valls a pu délivrer son désormais célèbre message : « Votre génération doit s’habituer à vivre avec le danger du terrorisme […] et les enseignants doivent le savoir. » Cette mâle résolution étant dans la minute reprise par tous les médias, le chef du gouvernement, aux anges, peut alors quitter la salle pendant que les élèves entonnent une Marseillaise aussi spontanée que le débat qui a précédé…

      Heureux effet des attentats – parmi d’autres – personne n’aura songé à l’interpeller sur le chômage des jeunes ; on ne va quand même pas importuner un chef de guerre ni troubler l’union nationale avec de telles futilités. Patriote et disciplinée, c’est ainsi que, dorénavant, l’Education nationale rêve la jeunesse.

      (...)

      Autrement dit, écorcher la Marseillaise ou ne pas se signer devant le drapeau, ces cas flagrants d’atteinte à l’autorité du maître, seront dorénavant punis. C’est vrai que recopier 100 fois l’hymne national sera l’occasion pour l’élève d’apprécier à leur juste valeur les notions de libertés de conscience et d’expression ou encore les capacités « de jugement et d’argumentation » que cet enseignement prétend lui faire acquérir.

      Ce n’est pas tout : outre la journée de la laïcité « célébrée » le 9 décembre, l’année scolaire sera parsemée de participations obligatoires aux « commémorations patriotiques », qui ne manquent pas dans le calendrier, le tout formant « un parcours citoyen », de l’école élémentaire à la terminale, « articulé, notamment autour de la Journée défense et citoyenneté » (Rappel : la JDC est l’opération de recrutement des armées). S’il reste du temps, les élèves pourront toujours se livrer à l’apprentissage de la lecture, de l’écriture du calcul et des autres matières scolaires…

      #para_bellum #propagande #manipulation

    • il est clair que la « mobilisation de l’école » cible en fait les élèves musulmans considérés comme insuffisamment francisés. Ainsi, la vision identitaire de la laïcité, aux relents colonialistes, bruyamment initiée ces dernières années par les milieux d’extrême droite avant de gangréner une large partie de la classe politique, prend pied aujourd’hui à l’école, le plus officiellement du monde avec ce mot d’ordre : éradiquons la menace barbare de nos écoles.

      #racisme #islamophobie

    • En admettant que le gosse comprenne ce qu’il dit, quelqu’un peut m’expliquer la portée pédagogique d’une dénonciation et d’une convocation au commissariat à cet âge-là ?
      Il y a des pubs qui expliquent à la télé qu’un môme ne perçoit pas les images de la même manière qu’un adulte et que du coup, il y a plein de trucs qu’on conseille de ne pas montrer aux enfants.
      Et que pensez-vous qu’un gosse de 8 ans ressent quand il est interrogé par de vrais policiers ?

    • Les enseignants, singulièrement silencieux jusqu’à présent, voire complaisants – à quelques notables exceptions près – devraient se rendre compte qu’ils sont concernés par ce vent punitif : notamment lors des concours de recrutement où seront évaluées « leurs capacités à faire partager les valeurs de la République », une formulation suffisamment large pour laisser la porte ouverte à tous les arbitraires. Et les sanctions brutales prononcées ces derniers jours, aussi bien contre des élèves que contre des enseignants, donnent déjà l’image de ce que pourrait être une école fondée sur la surveillance généralisée, les menaces et la peur.

      Abjection, ignominie, le vocabulaire me manque pour décrire ce que cet article m’inspire.