https://lundi.am

  • https://lundi.am/Un-orage-pret-a-eclater-6131

    Romain Huët répond ici au texte de l’historien Anton Jäger L’échec des protestations de masse à l’ère de l’atomisation paru dans la revue Le Vent Se Lève.
    . Alors que certains déplorent l’absence de parti ou de syndicats consistants et y voient le résultat de « l’atomisation » des manières d’être au monde, Romain Hüet pose, au contraire, que les dernières luttes doivent nous forcer à assumer un autre constat : nous sentons un désir de retour plus massif au monde.

    Depuis quelques années, le perfectionnement et la radicalisation des techniques répressives montrent bien la crainte des pouvoirs. Ces derniers ne cessent de commander des enquêtes sur l’acceptabilité sociale de leurs mesures. Ils s’inquiètent de la « radicalisation » et de toutes ces vies saturées d’énergies insatiables. Partout en Europe, ils renforcent les effectifs et les équipements de la police. Ils savent que ça déborde. Ça ne tient que par la force. Sur ce point, les récents mouvements sociaux ont obligé les pouvoirs à une pure dépense physique de la force pour contenir ce qui les dépasse. Les techniques répressives s’attaquent à au moins deux choses : aux corps et aux joies explosives des révoltes. Les institutions policières sont désormais tenues de se mettre en spectacle. Par là même, elles ne sont pas renversées, elles sont dépotentialisées. Pendant ce temps-là, les réactionnaires expriment sans relâche leur « panique morale ». C’est l’ultime geste de résistance du vieillard sénile qui annule tout ce qui commence. Il ne comprend plus grand-chose des nouvelles attentes morales qui s’expriment un peu partout. Alors, il s’agite, braille, s’épuise jusqu’à retourner dans son sinistre chez lui, rongé par la petite mort lente du cynisme. Il n’a su résister au « devenir con » : celui qui annule les commencements.

    Revoir https://seenthis.net/messages/1049118

  • Retour sur les actions et événements contre STMicro et le complexe techno-militaro-industriel grenoblois
    https://ricochets.cc/Retour-sur-les-actions-et-evenements-contre-STMicro-et-le-complexe-techno-

    Retour sur le gros week-end d’actions et mobilisations à Grenoble et Crolles contre STMicro et le néfaste complexe techno-militaro-industriel grenoblois qui l’a enfantée. Rapide retour sur la mobilisation d’avril 2024 - Depuis la création du collectif STopMicro, la contestation des usines de la microélectronique grenobloise s’intensifie et se diversifie. Ce week-end de mobilisation des 5, 6, 7 et 8 avril 2024 marque une nouvelle étape dans la lutte. Rapide retour sur quatre journées contre (...) #Les_Articles

    / #Résistances_au_capitalisme_et_à_la_civilisation_industrielle, #Technologie, #Guerres

    https://stopmicro38.noblogs.org/post/2024/04/08/rapide-retour-sur-la-mobilisation-davril-2024
    https://stopmicro38.noblogs.org/post/2024/04/08/blocage-de-la-presquile-scientifique-le-temps-perdu-pour-la-rec
    https://www.placegrenet.fr/2024/04/06/de-leau-pas-des-puces-850-a-2-000-manifestants-contre-la-microelectronique-jusqua-la-presquile-scientifique-de-grenoble/627571
    https://lundi.am/De-Grenoble-a-Tel-Aviv

  • Les forces du désordre - Une anthropologie de la police turque par Deniz Yonucu
    https://lundi.am/Les-forces-du-desordre

    #ACAB quelqu’un ? Au fait c’est pire que ça. Il y a des choses à apprendre à travers les interrogations sur la police turque.

    25.3.2024 - Il ne faut pas se laisser décourager par les premiers paragraphes, un peu universitaro-centrés, de cet article. Cette critique d’un livre écrit en anglais par une anthropologue turque, avance sur deux axes : d’une part, elle nous renseigne sur une réalité peu connue en français, la vie des quartiers-ghettos ethniques des grandes villes turques avec un historique des formes d’autogestion qui s’y sont affirmées avant d’être presque anéanties par la police, d’autre part, elle procède à une analyse plus générale, et qui nous concerne aussi directement, sur le rôle de la police, non pas comme institution de maintien de l’ordre, mais comme productrice d’un désordre visant à « démanteler les structures organisationnelles et politiques locales, et plonger les quartiers dans le chaos et la peur. »

    Qu’est-ce qu’un État ? Comment se comporte-t-il ? Pourquoi lui accordons-nous tant de légitimité ? Mais surtout : est-ce qu’il se renforce, s’affaiblit ou se transforme en autre chose ? L’anthropologie, science qui étudie les formes d’organisation des groupes humains, tente depuis longtemps de répondre à ce type de questions. De Comment pensent les institutions de Mary Douglas à Legends of People, Myths od States de Bruce Kapferer, en passant par Akhil Gupta, Veena Das, jusqu’à Cultural Intimacy. Social Poetics and the Real Life of States, Societies and Institutions de Michael Herzfeld (aussi ici), les anthropologues se sont affrontés au mystère de cette construction sociale très récente, mais capable de faire croire à d’énormes masses de la population qu’elle a toujours existé, ou qu’elle a ses racines dans un passé très lointain, sinon dans la nature humaine elle-même. Leurs réflexions sont très profondes, mais elles sont restées loin du débat public. D’un autre côté, comme l’écrit Herzfeld, « si nous n’évitons pas les abstractions excessives et le jargon qui obscurcit plutôt qu’il explique, nous n’avons pas le droit de demander au public une appréciation sérieuse du rôle que l’anthropologie pourrait jouer dans le démantèlement des structures oppressives et des droits exclusifs’.

    Le livre de Deniz Yonucu, Police, provocation and politics (Cornell University Press, 2023) est une contribution fondamentale à la compréhension de ce qu’est l’État, à travers l’étude de l’une de ses institutions fondamentales : la police. C’est un livre bien écrit, clair et compréhensible, et en même temps profondément radical, dans le sens qu’il va à la racine des problèmes. L’autrice est une anthropologue turque qui enseigne à Newcastle (Angleterre) et a reçu le prix Anthony Leeds pour ce travail, considéré comme le meilleur livre d’anthropologie urbaine de l’année ; un résultat remarquable, étant donné que dès les premières lignes il prend ouvertement le parti des victimes de la violence d’État, déclarant que certains éléments de la recherche seront délibérément omis, précisément pour ne pas collaborer avec cette institution. De plus, la réunion de l’American Anthropological Association où Deniz a été récompensé a également été le moment où des milliers d’anthropologues de toute l’Amérique du Nord et au-delà ont condamné collectivement la violence coloniale et meurtrière de l’armée israélienne à Gaza (je l’ai déjà mentionné dans un article d’il y a quelques mois). La critique ouverte et motivée du militarisme, du nationalisme et de la violence d’État gagne de plus en plus de place parmi les anthropologues.

    Policiers, militaires et agents coloniaux ont toujours été présents dans les « champs » où travaillent les anthropologues : il y en avait dans les villages trobriandais étudiés par Malinowski, dans les samoans par Margaret Mead et chez les Nuers par Evans-Pritchard. Mais à quelques exceptions près, les soi-disant « organismes chargés de l’application des lois » sont presque toujours restés en dehors de l’analyse, qui s’est concentrée sur les institutions indigènes ou natives, sans trop se soucier de la manière dont elles interagissent avec les États nationaux. Mais progressivement - un épisode important a été décrit par Clifford Geertz à Bali en 1973 - les chercheurs ont commencé à les voir, à décrire leur présence et leur action, jusqu’à ce qu’ils commencent à théoriser sur la manière de faire des recherches sur la police. En 2018, un recueil d’essais a été publié, The anthropology of police (édité par Karpiak et Garriot), ainsi qu’un article dans l’Annual Review of Anthropology (par Jeffrey T. Martin) qui explique que l’anthropologie de la police repose sur une vision de l’État comme un objet nouveau, mais fondé sur des formes plus anciennes d’ordre moral, et donc toujours double et stratifié. Naturellement, ces recherches ont pris un nouveau souffle aussi par les mobilisations après la mort de George Floyd, dont beaucoup avaient pour horizon l’abolition de la police. Mais pour l’abolir, nous devons d’abord comprendre : et le fonctionnement des États et de leur structure monopolistique de la violence civile, la police, n’est pas encore tout à fait clair. Le livre de Yonucu, sous-titré ’Contre-insurrection à Istanbul’, décrit le comportement de la police dans les quartiers populaires de la capitale turque, avec une reconstitution historique basée principalement sur des entretiens avec des habitants, et une observation prolongée dans le temps de l’évolution du siège policier dans les zones périphériques. Son origine est la participation de l’autrice aux mobilisations de 2013 au parc Gezi, lorsque pour la première fois des rejetons de la bourgeoisie et des intellectuels se sont retrouvés en butte à la répression policière aux côtés des enfants des quartiers les plus pauvres de la ville, où cette répression était la norme depuis des décennies. Le « printemps » turc, explique Deniz, était précisément divisé sur ce point : lorsque la police a augmenté le niveau de violence dans les banlieues, les enfants de ces villages se sont retirés de la manifestation de Gezi, car ils devaient aller défendre leurs quartiers, et des militants de la classe moyenne comme l’autrice ont tenté de les accompagner, mais ont été pour la plupart choqués, voire dégoûtés, par le niveau de violence dans ces quartiers. Deniz était parmi les rares qui n’ont pas digéré cette nouvelle division de classe ; et elle a commencé à travailler dans l’un de ces quartiers, pour comprendre comment fonctionnait l’imbrication de la violence, de la répression et de la politique locale. La découverte fondamentale a été que, même si ces zones étaient considérées par tous comme intrinsèquement violentes, cette violence est l’effet de décennies de provocations et de divisions largement créées par les soi-disant « forces de l’ordre », pour démanteler les structures organisationnelles et politiques locales, et plonger les quartiers dans le chaos et la peur. Il y avait un plan de « contre-insurrection » à l’œuvre, très clair pour les habitants du lieu, mais invisible pour le reste de la ville.

    La maison d’édition qui a publié le livre, Cornell University Press, s’est prémunie contre cette évidence en présentant le livre comme « une analyse contre-intuitive des pratiques policières contemporaines », qui se concentre sur « la promotion de la contre-violence, des conflits perpétuels et des tensions ethniques et sectaires » plutôt que sur le maintien de l’ordre. Mais que la police fomente des conflits et sème la discorde, plutôt que d’essayer de faire la paix, n’est contre-intuitif que pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de la stratégie de tension, ni de la violence lors du G8 de Gênes en 2001 ; ou pour ceux qui – comme les maisons d’édition universitaires – entretiennent la fiction de l’État de droit, où des « forces de l’ordre » bien intentionnées garantissent la paix et la justice aux citoyens, en veillant à ne punir que ceux qui « se comportent mal ». Même le plus grand théoricien de l’État moderne, Michel Foucault, tenait pour acquis la fonction pacificatrice de la police : discipliner et punir, avec ou sans force, devait servir à maintenir l’ordre, à garantir les corps et à protéger la société. Agamben expliquait même en 2014 qu’après la « guerre contre la terreur », au lieu de créer de l’ordre, les États avaient commencé à « gérer le désordre » (cit. p. 154). Deniz démontre exactement le contraire : la police travaille précisément à promouvoir le désordre et la peur ; rendre la vie collective impossible, boycotter l’organisation communautaire et porter atteinte à la paix sociale de certaines classes ou zones géographiques. Pas vraiment de la « gouvernementalité » ! Les États nations sont des machines de guerre contre la coexistence pacifique et l’autogestion populaire ; les provocations et la violence de la police se déchaînent précisément contre ceux qui sont les plus capables de s’autogérer et de coexister, en dressant au besoin les personnes et les groupes sociaux les uns contre les autres. Dans le quartier d’Istanbul que Deniz appelle Devrimova (du mot turc devrim, « révolution »), cette dynamique est particulièrement visible et violente ; mais on ne peut éviter de reconnaître les similitudes avec ce qui se passe dans les États dits « démocratiques », où l’infiltration non motivée de la police, les accusations absurdes de terrorisme contre des militants de base, la connivence avec la grande criminalité, semblent conçues pour alimenter la peur et la méfiance mutuelle ; on peut en dire autant de la tentative continue de diviser entre bons militants et mauvais militants, entre pauvres victimes blanches et pauvres de couleur (ou méridionaux en Italie), oisifs et dangereux. Dans les années 70, les soi-disant gecekondu, ou quartiers « nocturnes » du prolétariat turc – semblables aux villages auto-construits de Rome et de Milan – furent le théâtre d’une grande expérimentation d’une « nouvelle forme de vie socialiste » (p. .38), composé de comités de quartier, de réseaux de solidarité, de groupes d’autodéfense, de structures d’autogestion et d’autoconstruction collective, voire de « tribunaux populaires » et d’organisations de femmes contre l’alcoolisme et les violences domestiques. Ces expériences ont permis à des dizaines de milliers de personnes de survivre à l’exclusion et à la ségrégation urbaine, mais elles ont été mal vues par la majorité turque sunnite, majoritairement nationaliste, qui considérait ces quartiers comme dangereux et ennemis.

    Au lieu de Foucault, Deniz suit Jacques Rancière, pour qui la police est exactement le contraire de la politique : la guerre continue de l’État contre la population peut se résumer à la tentative de la police de détruire la politique, c’est-à-dire la politique fondamentale, la capacité humaine à s’organiser et créer des formes stables d’autonomie territoriale. La police n’est pas seulement répression et discipline, mais elle est la structure institutionnelle qui distribue et attribue des espaces à la population, définissant ce qui doit être rendu visible et invisible, ce qui doit être perçu comme parole et ce qui sera plutôt relégué au rôle de ’bruit’. La politique, pour Rancière, c’est exactement le contraire, c’est-à-dire « tout ce qui éloigne un corps de la place qui lui est assignée, ou change la destination d’un lieu », « rendre visible ce qui ne pouvait pas être vu », et « rendre audible comme parole » ce qui n’était auparavant perçu que comme du bruit » (cit. p.14). Dans le livre, cette lecture émerge de l’étude des quartiers marginaux d’Istanbul où vit l’un des trois groupes de population anatoliens conquis par l’État turc : les Alévis, qui, avec les Kurdes et les Arméniens, constituent plus de la moitié de la population du pays. Si l’oppression des Kurdes et le génocide des Arméniens sont également connus en Europe occidentale, la marginalisation et la stigmatisation des Alévis le sont moins, mais tout aussi systématiques. Les Alévis sont en théorie un groupe religieux, mais historiquement laïcs, hostiles à l’islamisme sunnite et au nationalisme conservateur, ils ont toujours été identifiés aux organisations révolutionnaires, auxquelles ils ont adhéré massivement. Leurs quartiers étaient des « zones libérées », nées d’une opposition collective à l’agression continue de la police, qui tentait de démolir leurs maisons, considérées comme illégales. Comme le raconte une personne interrogée d’une cinquantaine d’années : « Quand nous étions enfants, nous jouions dans les terrains vagues du quartier, et quand nous avons vu les bulldozers approcher, nous avons commencé à courir et à crier : ’L’État arrive !’ L’État arrive !’. Les hommes étaient pour la plupart au travail, mais les femmes qui nous entendaient remplissaient les rues et commençaient à ramasser des pierres dans leurs jupes pour les jeter sur les bulldozers » (p.35). Après chaque démolition, le quartier se réorganisait pour reconstruire les maisons démolies : « Il n’y avait pas d’électricité, pas d’eau, pas de routes, pas de services... c’était un terrain vide plein de boue [...]. Lorsque les gens ont commencé à s’installer ici, nous nous réunissions pour déterminer quoi faire. Les organisations révolutionnaires discutaient déjà de la manière de créer des comités populaires […]. Nous n’avions pas le choix. Nous avons dû développer nos propres outils pour résoudre les problèmes le plus rapidement possible. Ce n’était pas seulement un choix politique : c’était une nécessité fondamentale », explique une autre personne interrogée, plus âgée (p. 37). Au fil du temps, de cette auto-organisation est née la distribution autogérée des terres, également avec l’aide d’architectes, d’urbanistes et d’étudiants en architecture, ainsi que des formes de tribunaux populaires, basés sur des conseils de village à la campagne, dans lesquels les décisions étaient prises sur des conflits internes, sans avoir recours à la police turque (qui aurait de toute façon considéré tout le monde comme coupable, simplement parce qu’ils étaient alévis). Les femmes participaient également aux conseils de quartier, comme c’était également la coutume dans les villages alévis. Deniz dit que dans les quartiers révolutionnaires il y avait une « politique féministe de facto » : la participation politique des femmes a conduit à remettre en question les formes patriarcales de gestion familiale, à lutter contre la violence, l’alcoolisme et à appeler à une gestion féminine des ressources. Un jour, un tribunal populaire a ordonné à un homme qui avait battu sa femme de quitter le quartier et de ne jamais y revenir. Une autre fois, un tribunal a sanctionné un groupe d’étudiants qui avaient promis d’amener un spectacle de théâtre, mais qui sont ensuite revenus sur leur promesse alors que les habitants avaient déjà tout organisé. Ils les ont traduits devant le tribunal populaire, qui a écouté leurs excuses mais leur a ordonné de ne pas retourner dans le quartier pendant deux mois. Ces organisations locales comprenaient également des groupes d’autodéfense de quartier contre la police et contre les attaques des résidents locaux fidèles à l’État ; naturellement, ils étaient considérés comme des ennemis par les institutions et la police. Depuis la fin des années 70, puis avec le coup d’État de 1980 - qui a tué mille deux cents personnes et emprisonné six cent cinquante mille - la police a articulé une stratégie contre-insurrectionnelle contre ces quartiers, faite d’attaques directes, infiltrations et incursions de groupes paramilitaires. La police « a exporté vers les périphéries urbaines d’Istanbul les techniques de contre-insurrection spatiale qu’elle avait appliquées dans les provinces kurdes » (p.54), transformant de nombreux gecekondu en petits « Istanbul Gazas » isolés les uns des autres, sorte d’archipel d’enclaves guère différent également de la manière dont l’armée israélienne a réussi à utiliser la planification et l’architecture pour empêcher l’organisation politique palestinienne (Eyal Weizman l’explique magistralement, tout comme Alessandro Petti). Dans ces « petites Gazas » ségréguées, au fil du temps, des formes d’organisation révolutionnaire ont commencé à fleurir, ce qui a permis de maintenir vivant le souvenir de l’auto-organisation du passé. C’est à ce stade qu’il devient intéressant de comprendre le rôle de la police. Car c’est contre ces quartiers que s’articule le travail policier expliqué par Deniz, qui « n’est pas seulement un projet gouvernemental foucaldien de production de docilité, mais aussi un projet schmittien de production d’hostilité, qui favorise activement l’inimitié entre différentes populations » (p.11). Dans la guerre contre le PKK, le parti communiste kurde, l’armée turque a eu recours aux déportations, à l’exil et au contrôle généralisé de l’information, transformant certaines villes en prisons à ciel ouvert dont on ne savait pratiquement rien dans le reste du pays. De même, les quartiers rebelles kurdes et alévis d’Istanbul étaient isolés les uns des autres, ce qui faisait que les habitants avaient du mal à sortir, que les non-résidents ne passaient jamais par là et qu’un sentiment général de peur planait sur certaines parties de la ville. Ces formes de provocation, combinées au travail généralisé des agents infiltrés, ont modifié la perception même du monde des habitants des quartiers. Une autre dynamique entre ici en jeu : Deniz l’appelle l’interpellation violente. L’État a encadré la répression des organisations révolutionnaires comme une répression ethnique : les Kurdes n’ont pas été persécutés en tant que rebelles, mais en tant que Kurdes, et il en a été de même pour les Alévis. « Mort aux Alévis ! » », a crié la police lorsqu’elle a tiré sur la foule lors d’une manifestation dans le quartier de Gazi en 1995, tuant dix-huit personnes. Après avoir été réprimés en tant qu’Alévis, de nombreux révolutionnaires ont commencé à se percevoir comme tels plutôt que comme révolutionnaires. Hannah Arendt explique qu’elle s’est rendu compte qu’elle était juive à partir des insultes antisémites qui lui étaient adressées par les enfants des nazis : « Celui qui est attaqué en tant que juif doit se défendre en tant que juif. Pas comme un Allemand, ni comme un citoyen du monde, ni comme un défenseur des droits de l’homme » (cit. p. 78). Cette « interpellation violente » a eu pour effet d’amener les révolutionnaires alévis à s’identifier de plus en plus comme membres d’un groupe ethnique et religieux, plutôt que comme militants d’une idée émancipatrice universelle. Le résultat fut une fracture de plus en plus évidente entre les révolutionnaires alévis, les révolutionnaires kurdes et les révolutionnaires de la majorité sunnite turque, qui commencèrent à douter les uns des autres. « Après [le massacre de] Gazi, les gens ont commencé à parler de qui était alévi et qui était sunnite », raconte une personne interrogée âgée de soixante-dix ans, turque sunnite, mais résidente et militante du quartier de Devrimova. « Peut-être que c’était déjà là, mais c’est devenu beaucoup plus explicite » (p.83). La répression agit avant tout en renforçant l’identité de chaque individu, en enfermant chaque groupe dans sa petite bulle et en stimulant la méfiance et les conflits entre tous les groupes qui mettent l’État en difficulté. Il est impossible de ne pas y voir comme un reflet démesuré de la fragmentation du mouvement radical italien (et romain plus que tout autre), divisé en bulles d’« individualité » ou de « subjectivité » indisciplinées, méfiantes les unes envers les autres et incapables de s’allier, parfois même pas temporairement. Après le massacre de Gazi, une fois ce climat de tension et de ségrégation installé, avec des check-points et des tanks dans les rues, la police s’est soudainement retirée des quartiers. « Nous en étions fiers à l’époque, pensant leur avoir fait peur. Mais maintenant, je comprends qu’ils laissaient la violence se propager parmi nous », explique un militant exilé après avoir été arrêté et torturé. « Ce n’est pas que la police ait abandonné les quartiers : comme dans la guérilla, la police est venue créer la tension puis s’est retirée » (p.89). La ségrégation n’a plus besoin de tanks : ce sont les mêmes dynamiques construites par l’État qui permettent à la violence de se propager dans certains quartiers, de les qualifier de dangereux et de les séparer du reste de la ville. Combien de fois, même en Italie, la police vous arrête-t-elle à l’entrée de certaines banlieues, vous demandant où vous allez et pourquoi, tenant pour acquis que quiconque y va de l’extérieur cherche de la drogue, ou en tout cas quelque chose d’interdit. C’est la même dynamique de création de ghettos, évidemment à plus petite échelle.

    En outre, la police a activement encouragé la marginalisation de toutes les personnalités de la médiation, celles qui ont réussi à maintenir ensemble les différents groupes et communautés, tout en laissant impunis ceux qui ont exercé la violence dans un but de pouvoir et de profit, par exemple les trafiquants de drogue. Avec le temps, et les actions incessantes de provocation et de détention arbitraire, les groupes d’autodéfense se sont radicalisés, devenant des justiciers, largement impossibles à distinguer des voyous des narcos, des paramilitaires et de la police elle-même. (Cette dérive se reflète également dans d’autres pays européens, où parfois le masculinisme généralisé rapproche fascistes et antifascistes, ou bien où certaines formes de « service d’ordre » et d’autoritarisme des espaces autogérés semblent singer l’État et la police : pensez au pass des vaccinés demandé dans certains centres sociaux autogérés !). Ainsi, les quartiers où avait eu lieu une tentative d’émancipation collective, laïque et intersectaire, sont devenus en l’espace de quelques décennies des lieux dangereux et violents, où déambulent des jeunes armés et cagoulés, peut-être membres des anciennes organisations révolutionnaires, peut-être à la solde de trafiquants, peut-être policiers en civil. Ce qui domine, c’est la méfiance mutuelle, la suspicion et le ressentiment, notamment à l’égard des jeunes, toujours présentés comme violents par nature. Stigmatisation, diffamation, ambiguïté, stéréotypes ethniques et de classe, conflits intergénérationnels sont activement encouragés pour alimenter des situations tendues et légitimer la présence et la violence de la police contre les habitants. Cette action se cache toujours derrière une rhétorique de l’ordre, de la dignité, de la raison et de la courtoisie, ce qui la rend incompréhensible pour les parties les plus intégrées des citoyens. Deniz reconstitue également en détail comment ces tactiques de provocation du désordre et de la peur sont parvenues jusqu’à la police turque à travers les manuels utilisés par l’armée britannique en Irlande du Nord, eux-mêmes basés sur les manuels de « sale guerre » de l’OTAN, eux-mêmes basés sur les stratégies de conquête de l’armée coloniale française en Algérie. Un fil noir relie la colonisation européenne en Afrique, à la guerre froide, aux stratégies utilisées par la police contre les dissidents politiques.

    Le livre est un chef-d’œuvre d’ethnographie militante, qu’il serait très important de le traduire.D’un point de vue méthodologique, il s’agit d’un modèle sur la manière de mener une recherche sur le terrain et d’articuler la présentation des résultats de manière non seulement à parler à d’autres chercheurs, mais aussi sans donner d’informations qui pourraient être utilisées contre les protagonistes de la recherche. Il combine un travail de terrain approfondi, une clarté éthique et politique du rôle et de la responsabilité du chercheur et une reconstruction d’une rare profondeur du contexte historique et des implications politiques.La conclusion est qu’il existe une guerre permanente entre l’État et la population, dont l’intensité augmente ou diminue selon la mesure dans laquelle l’État parvient à maintenir invisibles certaines pratiques populaires de libération et d’autogestion.C’est aussi l’essence de la lecture de l’État que fait David Graeber dans Sur les rois et dans d’autres textes : différentes structures politiques et sociales convergent dans l’État, elles sont continuellement en tension et risquent continuellement de perdre leur emprise. La bonne nouvelle est qu’il est très difficile pour l’État de gagner cette guerre contre ses propres citoyens. Paradoxalement, en fait, la violence institutionnelle, la provocation et la contre-insurrection sont en elles-mêmes une « véritable preuve de l’existence d’une lutte politique » (p. 161). Ainsi, malgré des décennies de tentatives, « l’élite dirigeante turque n’a jamais réussi à éteindre complètement la dissidence de gauche en Turquie ». Il existe en effet une force politique très forte qui défie toute tentative de provocation et continue de pousser les gens à défier l’État : la mémoire de ceux qui l’ont déjà fait. « La contre-insurrection est également productrice de lutte politique, car ses techniques sales exacerbent les injustices déjà présentes dans la société. Tant que les racines de la dissidence existeront – la domination, l’exploitation, l’inégalité, l’injustice – la contre-insurrection et son antithèse : la politique continueront d’exister. »

    Stefano Portelli
    Traduit de l’italien par Palidda
    La version originale (et italienne) de cette recension a été publiée sur le site Monitor

    Petite note du traducteur

    La logique policière du désordre permanent n’est pas toujours ignorée (en dehors de la posture institutionnelle dominante), elle est évoquée par certains auteurs, au-delà du constat élémentaire que la police ne justifie son existence que lorsqu’il y a du « désordre »... et souvent la fomente ou incite la « pègre » e les criminels pour cette raison ; c’est un fait connu depuis l’aube de l’État moderne... (pensez à l’histoire des Poignardeurs racontée aussi par Sciascia...) et il ne faut pas oublier que certains flics ont facilement tendance à adopter un comportement criminel.

    La critique répétée contre Foucault me ​​semble injuste car on ne peut certainement pas dire qu’il soit pour l’Etat et l’ordre ... il se concentre sur l’objectif biopolitique du pouvoir mais ensuite il n’exclut pas du tout la thanatopolitique que n’est pas seulement celle pratiquée par les nazis, mais celle que les pays dominants adoptent encore aujourd’hui notamment vis-à-vis des migrations mais aussi contre les jeunes des banlieues ou les napolitains ... (voir les cas de jeunes tués par des policiers ou des carabiniers …)

    #Turquie #police #division_ethnique #urbanisme #counterinsurgency

  • La Shoah après gaza
    https://lundi.am/La-Shoah-apres-gaza

    En 1977, un an avant de se suicider, l’écrivain autrichien Jean Améry découvrit des articles de presse faisant état de la torture systématique des prisonniers arabes dans les prisons israéliennes. Arrêté en Belgique en 1943 alors qu’il distribuait des tracts antinazis, Améry avait lui-même été sauvagement torturé par la Gestapo, puis déporté à Auschwitz. S’il parvint à survivre, jamais il ne put considérer ses tourments comme appartenant au passé. Il insistait sur le fait que les torturés restent des torturés, et que leur trauma est irrévocable. Comme nombre de survivants des camps de la mort nazis, Améry en était d’abord venu à éprouver un « lien existentiel » avec Israël dans les années 1960. Il avait attaqué de manière obsessionnelle les critiques de gauche de l’État juif en les qualifiant d’« irréfléchis et de malhonnêtes », et fut peut-être l’un des premiers à affirmer que sous les atours d’un anti-impérialisme et d’un antisionisme vertueux se dissimulait un antisémitisme virulent. (Une idée désormais communément colportée par les dirigeants et les partisans d’Israël). Pourtant, les rapports « certes sommaires » faisant état de torture dans les prisons israéliennes incitèrent Améry à réfléchir aux limites de sa solidarité avec l’État juif. Dans l’un des derniers essais qu’il publia, il écrivit : « J’appelle de toute urgence tous les Juifs qui veulent être des êtres humains à se joindre à moi dans la condamnation radicale de la torture systématique. Là où commence la barbarie, les engagements existentiels mêmes doivent prendre fin. »

    Améry a été particulièrement perturbé par l’apothéose de Menachem Begin, en 1977, en tant que Premier ministre d’Israël. Begin, qui avait organisé l’attentat à la bombe de 1946 contre l’hôtel King David à Jérusalem, au cours duquel 91 personnes furent tuées, fut le premier de ces représentants assumés du suprémacisme juif qui continuent de diriger Israël. Il fut également le premier à invoquer régulièrement Hitler, l’Holocauste et la Bible alors qu’il attaquait les Arabes et bâtissait des colonies sur les territoires occupés. Dans ses premières années, l’État d’Israël avait entretenu une relation ambivalente avec la Shoah et ses victimes. Le premier Premier ministre israélien, David Ben Gourion, avait d’abord considéré les survivants de la Shoah comme des « débris humains », affirmant qu’ils n’avaient pu survivre qu’en se rendant « vilains, rudes et égoïstes ». C’est Begin, le rival de Ben Gourion, un démagogue polonais, qui fit du meurtre de six millions de Juifs une intense préoccupation nationale et une nouvelle base pour l’identité d’Israël. L’establishment israélien commença à produire et à diffuser une lecture très particulière de la Shoah mise au service de la légitimation d’un sionisme militant et expansionniste.

    • Des rappels historiques ( de 1945 à 1948) dans ce film documentaire suivi d’un débat (DébatDoc sur LCP).

      La Shoah est aujourd’hui au cœur de l’identité israélienne. Elle est devenue l’affaire du pays tout entier. Une fois par an, le jour du souvenir tout s’arrête. En mémoire de ses martyrs, le pays tout entier se fige dans le silence et le recueillement. Depuis quelques années, les femmes rescapées sont mises à l’honneur dans un concours de beauté. Destiné à célébrer la vie, le titre de « Miss survivante de la Shoah » couronne la gagnante. La tragédie des Juifs d’Europe légitime désormais si fort l’existence de l’état hébreu que le monde a oublié que sa création a été avant tout le fruit du jeu cynique des grandes puissances. En réalité, les cendres d’Auschwitz n’ont pas pesé lourd dans la naissance d’Israël.

      https://www.dailymotion.com/video/x8vtxf2

      Fiche du film et bio du réalisateur :
      https://www.cinema-histoire-pessac.com/festival/films/israel-merci-moscou

  • STMicro : La spirale du désastre à la grenobloise - STOP aux pillages et pollutions !
    https://ricochets.cc/STMicro-La-spirale-du-desastre-a-la-grenobloise-STOP-aux-pillages-et-pollu

    Rdv les 5-6-7 avril pour dire STOP au progrès des désastres subventionnés. A Grenoble, piller l’eau potable, polluer l’Isère et les milieux aquatiques est autorisé par les services de l’Etat, au nom de l’innovation sacrée et de la sainte Croissance. Produire de l’innovation, innover dans la production - STMicro : La spirale du désastre à la grenobloise - Le collectif STopMicro lutte depuis l’automne 2022 contre les conséquences écologiques, sociales et sociétales des agrandissements des (...) #Les_Articles

    https://stopmicro38.noblogs.org/post/2024/03/18/5-6-7-avril-2024-le-programme
    https://lundi.am/Produire-de-l-innovation-innover-dans-la-production
    https://stopmicro38.noblogs.org/post/2023/12/15/st-ecocidaire-prefecture-complice

  • Dissoudre, Pierre Douillard-Lefèvre [extraits]
    https://lundi.am/Dissoudre

    En chimie, la dissolution est l’état d’un corps solide dont les parties ont été séparées, la suppression de la cohésion des molécules qui rendait une matière résistance. L’objectif d’un régime qui a renoncé à l’apparence même de sa propre légitimité n’est plus de mobiliser mais de démobiliser, plus de susciter l’adhésion mais la soumission, plus de provoquer l’action mais l’apathie. Et pour y parvenir, dissoudre ce qui fait commun.

    La dissolution n’est pas uniquement une procédure d’exception imaginée dans l’entre-deux-guerres mais un projet politique général. Une offensive accentuée par le néolibéralisme triomphant, avec l’atomisation du monde du travail, et prolongée par la neutralisation de tous les corps collectifs qui pourraient échapper au contrôle. Le mot capital provient de la même racine latine que le mot cheptel. Dissoudre, c’est créer des enclos pour isoler les moutons noirs du reste du troupeau.

    Chaque nouvelle séquence, chaque nouvelle crise, semble être l’occasion pour le bloc dirigeant qui les a provoquées de renforcer son emprise autoritaire. L’extension des dissolutions est la marque d’une mutation du pouvoir, et les dispositifs de répression ressemblent à des pièges à loup : une mâchoire qui se referme sur la patte de l’animal. À chaque fois qu’il se débat pour se libérer, les dents de métal s’enfoncent encore plus profondément dans les chairs, renforçant la douleur, le poussant à essayer de se dégager, le blessant toujours plus. Plus la situation est insupportable, plus nous nous débattons, plus le pouvoir utilise nos sursauts pour durcir son dispositif. Alors que l’horizon se rétrécit, ce livre propose une dissection des dissolutions, symboles de la gouvernementalité française contemporaine, afin de parvenir à déjouer les embuscades.

    #livre


    • L’été dernier, le gouvernement annonçait son intention de dissoudre les Soulèvements de la Terre, le plus grand mouvement écologiste de France, comptant des centaines de comités et des milliers de membres de tous horizons. C’était une attaque sans précédent contre les formes collectives d’organisation, qui faisait suite aux procédures lancées notamment contre le média Nantes Révoltée, le collectif antifasciste lyonnais le GALE ou un groupe de Gilets Jaunes à Nancy.

      Aucun gouvernement n’avait autant lancé de dissolutions de collectifs et d’associations que celui de Macron. Entre 2017 et 2023, le président avait déjà engagé la dissolution de 34 associations et collectifs en seulement 6 années de pouvoir, un record absolu sous la Cinquième République. Comme l’explique l’auteur, « la dissolution est la continuation du retour à l’ordre, elle accompagne la violence physique. Pendant que les forces de répression frappent les corps, la dissolution neutralise les organisations collectives ».

      Car derrière les attaques contre les organisations de gauche, d’autres, plus nombreuses et peu médiatisées, frappent depuis des années les organisations musulmanes ou anti-colonialistes. Les associations de lutte contre l’islamophobie ou de soutien à la Palestine ont d’ailleurs été les premières cibles des dissolutions du gouvernement Macron.

      Pourtant, cette procédure n’a rien d’anodin. C’est en 1936 que le gouvernement français avait créé les procédures de dissolutions, en pleine montée du fascisme. Alors qu’Hitler est au pouvoir en Allemagne et que Mussolini règne en Italie, la République était menacée par des groupes d’extrême droite armés qui voulaient instaurer un régime semblable en France. C’est dans ce contexte précis qu’une loi d’exception permettant de dissoudre les « milices de combat » et les « groupes armés » était votée. Et quelques groupuscules fascistes démantelés.

      Loin de se limiter à la « défense de la République », cette loi avait été utilisée dès les années 1930 contre les groupes anti-colonialistes en Algérie et au Maroc, puis contre le Parti Communiste. Après guerre, les dissolutions ne disparaissent pas, elles s’étendent… Jusqu’à Gérald Darmanin qui, en 2021, vise toutes les associations soupçonnées de « séparatisme ». Il ne s’agit plus de dissoudre des « milices » armées, mais n’importe quel « groupement » qui ne respecterait pas les valeurs de la République ou qui « inciterait » à s’en prendre aux biens. Autrement dit, tout syndicat ou association, même une bande d’amis peut désormais être visée. Les dissolutions servent aujourd’hui à réprimer des idées plus que des actes. D’une loi d’exception contre le danger fasciste, les dissolutions visent désormais les antifascistes et les minorités. C’est un retournement total.

      C’est de ce retournement dont il est question dans l’ouvrage, qui examine à la fois l’histoire de cette procédure, mais aussi la destruction du langage et des repères politiques par le gouvernement actuel, qui manie les symboles contradictoires. Nous l’avons vu avec la Panthéonisation du résistant Manouchian célébrée avec l’extrême droite, quelques semaines après une « loi immigration » reprenant les grandes lignes du programme lepéniste. C’est dans cette grande inversion que la « République » et la « laïcité » sont désormais brandies pour écraser les luttes sociales et les catégories opprimées de la population.

      Les dissolutions sont aussi un moyen de mettre au pas toutes les organisations collectives. L’auteur rappelle que Gabriel Attal félicitait les Restos du Cœur pour leur « rentabilité » en déclarant : « Si c’était des permanents payés au SMIC par l’État, ça serait plus de 200 millions d’euros par an ». Dans le même temps, le gouvernement menace de couper les subventions de certaines associations qui lui sont inutiles voire hostiles.

      Ainsi, derrière la loi « séparatisme », le gouvernement met sous pression toutes les organisations collectives, pour ne garder que celles qui sont adaptées à ses politiques. C’est tout ce qui fait commun en-dehors du contrôle du pouvoir qui est menacé. Les associations sont passées du statut de contre-pouvoirs fondamentaux pour la démocratie, à celui de larbins d’un pouvoir autoritaire et bourgeois.

      Nous l’avons d’ailleurs vu ces derniers jours, quand la ministre Aurore Bergé a menacé les associations féministes qui auraient des « ambiguïtés » sur la Palestine. Ou pire, à l’automne dernier, quand plusieurs députés ont réclamé la dissolution de la France Insoumise, premier parti d’opposition, pour sa dénonciation des bombardements sur Gaza. Toute structure dérangeant le pouvoir risque désormais soit la dissolution, soit l’asphyxie financière.

      Ce petit livre dissèque le régime néolibéral autoritaire : c’est une démonstration implacable des dissolutions devenues programme politique – « l’objectif de ce régime n’est pas de susciter l’adhésion mais la soumission, pas de provoquer l’action mais l’apathie » – et plus largement, au-delà du strict sujet des dissolutions, l’ouvrage permet de comprendre cette époque aux horizons qui se rétrécissent.

      L’auteur, qui avait déjà publié l’ouvrage « Nous sommes en Guerre » sur les violences policières en 2021, propose pour finir une série de pistes pour se protéger des dissolutions et rendre inopérantes les attaques du pouvoir. Des propositions stimulantes, à lire et à faire lire.

      https://contre-attaque.net/2024/03/10/conseil-lecture-dissoudre

  • Génocide à Gaza : boycottons les produits israéliens, bloquons ici les usines d’armement
    https://ricochets.cc/Genocide-a-Gaza-tueries-d-enfants_boycottons-produits-israeliens-bloquons-

    Massacres insoutenables à Gaza, propos insoutenables en faveur du génocide des palestiniens sur de nombreux médias français, rien ne change, ici comme là-bas. En france la domination et l’alliance « extrême centre » macroniste / extrême-droite / droite extrême empêche toute réelle inflexion de politique vis à vis des carnages commis par l’Etat israélien. L’armée israélienne tue des dizaines d’affamés à Gaza et déploie des robots. Malgré les protestations, y compris venant de nombreuses (...) #Les_Articles

    / Autoritarisme, régime policier, démocrature..., #Guerres

    #Autoritarisme,_régime_policier,_démocrature...
    https://renverse.co/infos-locales/article/action-contre-axa-a-geneve-4377
    https://mars-infos.org/monsieur-le-president-la-france-7385
    https://lundi.am/Pisser-du-haut-du-plongeoir-L-Etat-d-Israel-contre-les-Juifs
    https://paris-luttes.info/questions-aux-israeliens-apres-150-18004
    https://mars-infos.org/le-7-octobre-un-massacre-7402
    https://iaata.info/Israel-assassin-Thales-complice-6523.html
    https://rebellyon.info/Genocide-a-Gaza-Gideon-Levy-et-Amira-Hass-25750
    https://paris-luttes.info/israel-palestine-colonialisme-18012

  • Comment imposer une méga-usine polluante et néfaste, exemple type de STMicro Crolles
    https://ricochets.cc/Comment-imposer-une-mega-usine-polluante-et-nefaste-exemple-type-de-STMicr

    Les nombreux projets industriels de merde qui flinguent la biosphère et notre avenir sont de plus en plus contestés, alors l’Etat et les entreprises prennent la peine d’utiliser des ruses et méthodologies « consultatives » pour essayer de mieux faire avaler les couleuvres toxiques que les gens recrachent, ces ingrats ! Ils ne savent pas ce qui est bon pour eux. Il est donc utile de connaître les astuces de l’ingénierie de l’acceptabilité pour mieux les déjouer et ne pas s’y engluer. (...) #Les_Articles

    / #Ecologie, #Technologie, #Le_monde_de_L'Economie

    https://lundi.am/Recette-pour-construire-une-mega-usine
    https://cafelepassage.org
    https://lecausetoujours.fr
    https://www.facebook.com/collectif734

  • De ce que l’on nous vole
    https://lundi.am/De-ce-que-l-on-nous-vole

    La Révolution a-t-elle vraiment eu lieu ? La féodalité a-t-elle été, d’un seul coup d’un seul, abolie ? N’y a-t-il pas eu, pendant des siècles, des rémanences, des permanences, des persistances d’Ancien Régime dans un monde moderne, dans un monde nouveau, qui dissimulait, par le déni et l’oubli, tout ce qu’il avait, en réalité, par cette ruse, par ce stratagème, conservé des servitudes des temps passés. Doit-on dire que : « La Révolution a réinstauré à nouveaux frais tout ce qu’elle avait combattu. » (106) ? Alors que, généralement, l’oubli, l’amnésie historique porte sur les grands changements, les grandes ruptures, le fait que l’histoire varie, n’est pas éternelle, est faite de mutations, le fait que ce qui est n’a pas toujours déjà été ; il nous semble que tu nous dis, Catherine Malabou, l’inverse : ce que nous avons oublié, aujourd’hui, c’est que les choses n’ont pas changé. C’est là le stratagème de l’amnésie des persistances. On va voir avec Catherine Malabou quelles sont ces persistances.

  • France Travail : au service du Capital et de ses larbins
    https://ricochets.cc/France-Travail-au-service-du-Capital-et-de-ses-larbins-7368.html

    Loin d’être la santé, le travail c’est le capitalisme, c’est la destruction de la planète, c’est la dépossession de nos activités de subsistance et la soumission aux lois abstraites et chaotiques de l’Economie et de sa Croissance infinie. France Travail, c’est le totalitarisme étatique qui enfonce le clou du contrôle et de l’appui au capitalisme et à ses sinistres tyrans soi-disant missionnés par les « vertues » sociales du travail. France Travail, c’est mettre davantage les humains au (...) #Les_Articles

    / Travail, emploi, entreprise..., Autoritarisme, régime policier, démocrature..., #Le_monde_de_L'Economie

    #Travail,_emploi,_entreprise... #Autoritarisme,_régime_policier,_démocrature...
    https://lundi.am/A-bas-le-travail
    https://rebellyon.info/Tous-incompetents-Tract-contre-France-25706
    https://lundi.am/Le-Travail-migrant-l-autre-delocalisation

  • « Une île et une nuit » - Du cinéma pirate pour défendre le Quartier libre des Lentillières
    https://lundi.am/Une-ile-et-une-nuit

    Le Quartier Libre des #Lentillères est un lieu autogéré s’étendant sur les dernières terres maraîchères de la ville de Dijon. Ses 8 hectares ont été occupés illégalement et remis en culture depuis plus de 13 ans, en résistance à un projet d’« écocité » en béton qui les menace encore aujourd’hui. Au milieu de la ville, ces espaces en friche et ces maisons abandonnées se sont transformés en un quartier aux multiples usages, faisant s’entremêler habitat collectif, maraîchage, jardinage, auto-construction, événements festifs et culturels, etc. C’est un lieu de luttes et de solidarités en tous genres ainsi qu’une véritable réserve de biodiversité. Dernièrement les habitant-es et usagèr-es du lieu y ont réalisé collectivement un film : Les « Pirates des Lentillères » (https://www.piratesdeslentilleres.net), qui signent comme auteurs du film, le présentent comme suit :

    « Dans ce #film nous utilisons le prisme de l’imaginaire pour parler du réel, de ce que nous vivons ici, de comment nous y sommes arrivé-es, de ce que nous y cherchons et de contre quoi nous nous battons chaque jour. C’est une fiction musicale et dansée, sans héros ni héroïne, avec des maisons qui sont des bateaux (et inversement), des pirates de toutes sortes et tout plein de langages différents… Bref, le Quartier Libre des Lentillères c’est une île aux trésors à travers le regard du cinéma !

    Au-delà du plaisir de partager cette création à un public large et diversifié, ce film est l’occasion de transmettre par la rencontre notre expérience de lutte, d’autogestion et d’inventions de formes de vies collectives portées vers le bien-vivre pour tou-tes et respectueuses du vivant. »
    Dans l’entretien qui suit, ils et elles tirent un bilan provisoire de cette expérimentation inédite.

  • L’amour fou (1969), de Jacques Rivette Ou le complot d’une actrice pour en finir avec son propre rôle, et le metteur en scène, Mathilde Girard
    https://lundi.am/L-amour-four-1969-de-Jacques-Rivette

    Vendredi dernier, lors de la cérémonie des Césars au cours de laquelle elle a dénoncé la responsabilité du cinéma dans l’abus sexuel sur les petites filles, Judith Godrèche a cité un dialogue extrait de Céline et Julie vont en bateau, un film de Jacques Rivette :
    « — Céline : il était une fois.
    -- Julie : il était deux fois. Il était trois fois.
    -- Céline : il était que, cette fois, ça ne se passera pas comme ça. Pas comme les autres fois. »
    Dans le texte qui suit, Mathilde Girard revient sur un autre film de Rivette, L’amour fou, tentative cinématographique de mettre en pièce une image de l’amour, de la femme qui souffre, produite par les hommes et des siècles de romantisme hétéro, et dont le cinéma met encore un peu de temps à s’arracher.

    C’est un film pas facile à trouver, mais dont j’aimerais dire quelques mots, parce que j’y repense dans ce moment où le cinéma, ses rôles et ses personnages, contribue aux révoltes que la vie peut opposer à la domination silencieuse de l’ordre des choses.

    #cinéma #amour #féminisme

  • Les signaux (pas si faibles) de la guerre (inévitable) qui vient
    https://lundi.am/Les-signaux-pas-si-faibles-de-la-guerre-inevitable-qui-vient

    Repenser la scission léniniste (de 1914-1917)
    Contre le socialisme de collaboration (atlantiste).

    Posons les causes de cette guerre (inévitable) et déjà en gestation (laissez la vivre !).
    La crise économique : la dépression rampante, l’impossibilité de satisfaire les promesses faites au grand moment de la lutte anti-communiste, le développement, l’american way of life, la croissance, l’enrichissement pour tous, l’ascenseur social, etc.
    Comme il n’est plus possible de tenir le mensonge de l’enrichissement et de la consommation impériale, il devient nécessaire de bifurquer sur la voie de l’autoritarisme accru, le double de l’austérité permanente ; dès lors qu’il ne sera jamais question de sortir de l’économie, de la forme de vie petite bourgeoise, de la propriété absolue et du despotisme d’entreprise (étendu à toute la société) ; dès lors qu’il ne sera jamais question de développer la démocratie.

  • DU NAZISME ZOMBIE
    https://lundi.am/DU-NAZISME-ZOMBIE


    https://www.buzzsprout.com/1865505/14481399

    Gérard Granel prophétisait, avant de s’éteindre en 2000 : « Les années 30 sont devant nous. » Cette drôle de familiarité avec les spectres du siècle arrière, qui s’insinue partout au moment même où les archives audiovisuelles de ces années-là se voient désormais colorisées, rafraîchies et rajeunies, au moment même où la fin du noir et blanc abolit l’ancienne distance des temps entre eux et nous, cette familiarité exige que l’on y fasse, analytiquement, retour. Même si, en 2017, Johann Chapoutot disait lui-même que : « la comparaison est permanente sans être pertinente », la permanence même de la question fasciste n’est pas, en elle-même, anodine.

    L’approfondissement impertinent de sa permanence nous pose question. Le néo-kantien de la revue Esprit, Michaël Foessel, dans son livre Récidive (2018), disait que le « spectre » de l’année 1938 hantait la France de 2018 : même « société qui, sans rien savoir de ce qui [l’attend], [a] déjà abdiqué sur l’essentiel », même « antiparlementarisme par le haut », même multiplication des décrets-lois ou des 49.3, des lois pénalisant l’entraide (décrets-lois de Daladier du 2 mai 1938 sur « la police des étrangers »), même accoutumance à la xénophonie, même contemption de la LDH, même sentiment général « que la fête est finie ». Et ce n’était qu’en 2018.

    Six ans plus tard, en 2024, Macron a bien failli promulguer la préférence ethnoraciste du RN avec sa loi immigration (« Rassemblement national » tire bizarrement sa nouvelle appellation du parti de Marcel Déat, le Rassemblement national populaire de 1941). Début 2024, on apprend qu’en Allemagne, le parti d’extrême droite AfD planifie, en secret, en cas de victoire électorale, les premiers dispositifs de remigration d’une partie des citoyens allemands dits « non-assimilés ». Or, si l’on ne fait pas de l’histoire téléologique, pour les nazis, au départ, il ne s’agissait jamais « que » de cela : faire remigrer les juifs à Madagascar. Comme l’écrit James Q. Whitman : « L’extermination est venue plus tard. Dans la période qui nous intéresse ici, la priorité des nazis était l’émigration forcée. »

    Alors on pourrait se dire que 2024, ce n’est rien.

    Pourtant, c’est exactement aussi ce que pensaient les contemporains du nazisme : Léon Blum n’écrivait-il pas, en 1932 : « Les nazis sont exclus du pouvoir, ils sont même exclus de l’hypothèse même du pouvoir. » ? Ou encore, 29 jours avant la nomination d’Hitler à la Chancellerie, le 1er Janvier 1933, le quotidien social-démocrate Vorwärts ne saluait-il pas la nouvelle année en titrant : « Ascension et chute de Hitler » ? Jacques Madaule, de la revue Esprit, ne disait-il pas, en 1938, un an avant Vichy : « Un parti fasciste en France, pour le moment nous ne le voyons pas. ». Madaule ne pouvant pas imaginer que le parti fasciste qu’il cherchait autour de lui allait venir de l’intérieur même des organes de l’État, au moment de la défaite et de l’avènement de Pétain ?

    Après tout, aujourd’hui, dans une drôle de symétrie inversée, le fait d’anticiper, de craindre, de pressentir ou de voir partout « le » fascisme supposément s’imposer, est peut-être le signe, justement, comme le disait un génie de plateaux télé : qu’ « il n’y a aucun désastre à l’horizon, sauf dans votre tête, monsieur. »

  • Comment construire l’actualité pour légitimer la mort ?
    https://lundi.am/Comment-construire-l-actualite-pour-legitimer-la-mort

    A la rentrée dernière, Maxime Cochelin racontait dans nos pages sur son passage en tant que producteur au sein de la matinale la plus écoutée du pays. Alors que la guerre menée par Tsahal depuis octobre, lacère la bande de Gaza et harcèle sans relâche ses habitants, l’auteur note, et il ne doit pas être le seul, que les grands médias semblent avoir choisi leur camp, et ce depuis bien longtemps.
    Dans ce nouvel article, Maxime Cochelin décortique l’histoire récente des titres et fréquences principales du pays afin de faire ressortir les ressorts marchands et politiques de leurs choix éditoriaux.

  • Crosse en l’air ?
    https://lundi.am/Crosse-en-l-air

    Que les agriculteurs connaissent une impunité aussi remarquable en regard du nombre de détenus dans les prisons françaises et ne subissent pas, jusqu’à présent, les férocités policières et judiciaires toujours ordinaires mais de plus en plus banalisées depuis une dizaine d’années est chose appréciable.
    C’est ce que subissent les diverses autres masses de manifestants qui relève de l’insupportable.

    #maintien_de_l'ordre #violences_policières #double_standard

  • Qu’est-ce que la « wokeness » ?
    https://lundi.am/Qu-est-ce-que-la-wokeness

    Les Lumières, on le suppose souvent, sont le mouvement de la critique, et plus précisément, non pas comme une critique particulière mais plutôt comme une critique universelle ; de sorte qu’il y aurait une première distinction à faire ici, une distinction entre la critique comme universelle ou particulière. Cette distinction est celle du Qu’est-ce que les Lumières de Kant, où la critique particulière (la désobéissance à l’autorité) est rejetée au profit de la critique universelle ou publique, qui est discursive et académique. Mais si la wokeness est un champ éthique partagé, cela implique que cette critique est à la fois universelle et particulière. En tant que telle, cette première distinction entre critique universelle et particulière ne conduit, en fait, qu’à une aporie.

    Si cette distinction entre particularisme et universalisme ne permet pas de penser la wokeness, alors une autre distinction doit prévaloir ici, car la distinction même entre particulier et universel s’avère non-woke. Le cœur du problème ne peut pas résider dans l’opposition entre le particularisme et l’universalisme. La distinction, au contraire, pourrait bien être celle entre universalisme et universalité.

    Par universalisme, il faut entendre l’installation du conditionné dans une position inconditionnée. C’était de l’universalisme quand Thalès brandissait une coupe d’eau, c’est-à- dire une chose conditionnée, appartenant à la série des conditions, et s’écriait tout est eau ; c’était, dans ce cas, l’universalisme de l’eau. C’est cela l’universalisme : il prend une chose et l’installe dans une position inconditionnelle, la position de ce qui n’est pas une chose. Les identités de l’humanisme, du racisme ou du nationalisme appartiennent toutes à l’opération de l’universalisme. Si je prends une identité particulière et que je l’installe dans une position inconditionnée, j’obtiens l’universalisme.

    Mais qu’en est-il de l’universalité ? Et si, au lieu d’installer une identité particulière dans une position inconditionnée, je n’installais rien ? Au lieu d’installer une nouvelle identité en tant qu’universalisme supplémentaire, je n’installerais rien du tout. La différence, alors, non pas comme telle ou telle différence, ni comme la différence entre deux choses, ni comme le pas- dans ’A et pas-A’, mais plutôt la différence comme antérieure à l’identité et à la multiplicité (Parménide 139d-e), la différence au-delà de l’Être, serait l’universalité. La différence n’est pas installée comme universelle ; au contraire, lorsque rien n’est installé, c’est la différence, la différence en tant que telle, la différence inconditionnée, qui est l’universalité.

    #wokisme (comme on dit par chez nous) #Wokeness #Lumières

  • De l’autorité des professeurs
    https://lundi.am/De-l-autorite-des-professeurs

    Alors qu’un mouvement de #grève dans l’#Éducation nationale est annoncée ce jeudi 1er février, des professeurs exemplaires nous ont adressés ces quelques remarques préliminaires sur l’air du temps, la condition professorale et le rapport sain et nécessaire qu’il s’agit de maintenir quant à l’autorité.

    Il arrive que les cordonniers soient les plus mal chaussés. De même, les professeurs, souvent très cultivés, prennent parfois des libertés avec le sens des mots.

    “You see in this world there’s two kinds of teachers my friend...”

    Ces messieurs qui nous gouvernent leur vendent à intervalles réguliers des promesses de “rétablissement de l’autorité”.
    Ces coups de mentons médiatiques se traduisent depuis quelques années par des dérives policières très concrètes
    une criminalisation de la jeunesse à faire pâlir une ordonnance de 45,
    l’abjecte individualisation croissante de l’échec,
    la multiplication d’alertes et de protocoles aussi insensés qu’anxiogènes,
    le signalement de comportements cryptoterroristes ...chez des enfants de 8 ans,
    le maréchaliste retour du sévice national universel et autres uniformes...

    Chers collègues, ceci n’a rien à voir avec l’autorité.
    C’est de l’autoritarisme. Et ça ne fonctionne pas. Enfin, c’est bien utile aux démagogues, mais cela nourrit copieusement la défiance qui éloigne les élèves (et leurs familles) de l’Institution Scolaire.

    L’autorité que nous défendons – car nous défendons l’autorité comme préalable utile à l’acte d’enseigner - n’est ni une lubie ni un nébuleux fantasme.

    Notre autorité est sécurité. Difficile de dire que nous adultes laissons un monde apaisé aux enfants. La planète étouffe. Les guerres font rage. Les fascismes suppurent. Têtus, nous refusons de laisser pénétrer ce climat dans nos classes. Laissons la peur à la porte. Nous ne souhaitons pas mentir à nos élèves, mais leur fournir des outils de construction d’un avenir. Leurs regards curieux, leurs sourires rassurés, confortent notre autorité. Leur fragilité et leur puissance nous obligent.

    Notre autorité est respect (et inversement).
    Comment exiger que des enfants respectent leurs professeurs quand leurs professeurs eux-mêmes ne se respectent plus ?
    Combien de couleuvres avalées,
    de mépris supporté,
    d’insultes endurées sans relever la tête ?
    Les professeurs qui réclament à grand cris – autour de la machine à café - le respect des élèves respectent-ils eux-mêmes leur hiérarchie, obséquieuse et soumise ? L’incompétence crasse flanquée d’idéologie rance des derniers ministres de l’éducation suffit à elle-seule à abolir l’amour propre de tout professeur qui n’aurait pas le courage de les dénoncer – et pas qu’autour de la machine à café.
    Bref, pour être respectés de vos “inférieurs”, messieurs les professeurs, commencez par vous faire respecter de vos “supérieurs”.

    Notre autorité est confiance. L’indispensable confiance de Pygmalion, sans laquelle rien ne peut efficacement s’enseigner. Mais aussi la confiance dans un avenir enviable que les adultes peuvent contribuer à construire mais dont ils en seront pas les acteurs.

    Notre autorité est exemplarité.
    Contre les retards, soyez ponctuels.
    Contre la “fainéantise”, mettez-vous au travail.
    Contre l’inculture, lisez, écoutez, échangez, vivez.
    Contre le “consumérisme”, consommez moins.
    Contre l’approximation, soyez rigoureux.
    Contre la sottise, usez d’esprit critique.
    Contre l’apathie, exercez votre puissance d’agir.
    Contre la résignation, cultivez la lutte.
    Contre les insultes et les violences, bannissez les insultes et les violences.
    Contre la bêtise et la lâcheté, donnez-l’exemple.
    Pour éviter que les enfants ne se flétrissent le cerveau devant des écrans, questionnez-en votre propre usage.
    Pour éviter l’outrage, combattez l’injustice.

    « L’enseignant, si suffisant, doit être conscient de son rôle et, surtout, de sa fonction : défendre un ordre des choses qui se fissure de toutes parts ou participer à l’invention de nouvelles solutions (ou solutions renouvelées) pour faire société. Entretenir un fatras de principes moisis ou cultiver un jardin d’idées nouvelles. Avec les parents … et les enfants, que nous avons tou.t.e.s été. »

    #profs #enseignants #école

  • Position et appel des Soulèvements de la terre sur le mouvement agricole en cours
    https://lundi.am/Position-et-appel-des-Soulevements-de-la-terre-sur-le-mouvement-agricole-en

    Si nous nous soulevons, c’est en grande partie contre les ravages de ce complexe agro-industriel, avec le vif souvenir des fermes de nos familles que nous avons vu disparaître et la conscience aiguë des abîmes de difficultés que nous rencontrons dans nos propres parcours d’installation. Ce sont ces industries et les méga-sociétés cumulardes qui les accompagnent, avalant les #terres et les fermes autour d’elles, accélérant le devenir firme de la production agricole, et qui ainsi tuent à bas bruit le monde #paysan. Ce sont ces industries que nous ciblons dans nos actions depuis le début de notre mouvement - et non la classe paysanne.

    Si nous clamons que la liquidation sociale et économique de la paysannerie et la destruction des milieux de vie sont étroitement corrélées - les fermes disparaissant au même rythme que les oiseaux des champs et le complexe agro-industriel resserrant son emprise tandis que le réchauffement climatique s’accélère - nous ne sommes pas dupes des effet délétères d’une certaine écologie industrielle, gestionnaire et technocratique. La gestion par les normes environnementales-sanitaires de l’#agriculture est à ce titre absolument ambigüe. À défaut de réellement protéger la santé des populations et des milieux de vie, elle a, derrière de belles intentions, surtout constitué un nouveau vecteur d’industrialisation des exploitations. Les investissements colossaux exigés par les mises aux normes depuis des années ont accéléré, partout, la concentration des structures, leur #bureaucratisation sous contrôles permanents et la perte du sens du métier.

    Nous refusons de séparer la question écologique de la question sociale, ou d’en faire une affaire de consom’acteurs citoyens responsables, de changement de pratiques individuelles ou de « transitions personnelles » : il est impossible de réclamer d’un éleveur piégé dans une filière hyperintégré qu’il bifurque et sorte d’un mode de production industriel, comme il est honteux d’exiger que des millions de personnes qui dépendent structurellement de l’aide alimentaire se mettent à « consommer bio et local ». Pas plus que nous ne voulons réduire la nécessaire écologisation du travail de la terre à une question de « réglementations » ou de « jeu de normes » : le salut ne viendra pas en renforçant l’emprise des bureaucraties sur les pratiques paysannes. Aucun changement structurel n’adviendra tant que nous ne déserrerons pas l’étau des contraintes économiques et technocratiques qui pèsent sur nos vies : et nous ne pourrons nous en libérer que par la lutte.

    Si nous n’avons pas de leçons à donner aux agriculteur·rices ni de fausses promesses à leur adresser, l’expérience de nos combats aux côtés des paysan·nes - que ce soit contre des grands projets inutiles et imposés, contre les méga-bassines, ou pour se réapproprier les fruits de l’accaparement des terres - nous a offert quelques certitudes, qui guident nos paris stratégiques.

    L’écologie sera paysanne et populaire ou ne sera pas. La #paysannerie disparaîtra en même temps que la sécurité alimentaire des populations et nos dernières marges d’autonomie face aux complexes industriels si ne se lève pas un vaste mouvement social de #reprise_des_terres face à leur #accaparement et leur #destruction. Si nous ne faisons pas sauter les verrous (traités de #libre-échange, dérégulation des prix, emprise monopolistique de l’#agro-alimentaire et des hypermarchés sur la consommation des ménages) qui scellent l’emprise du marché sur nos vies et l’agriculture. Si n’est pas bloquée la fuite en avant techno-solutionniste (le tryptique biotechnologies génétiques - robotisation - numérisation). Si ne sont pas neutralisés les méga-projets clés de la restructuration du modèle agro-industriel. Si nous ne trouvons pas les leviers adéquats de socialisation de l’#alimentation qui permettent de sécuriser les revenus des producteurs et de garantir le droit universel à l’alimentation.

    #revenu #écologie

    (pour mémoire : bucolisme et conflictualité)

    • C’est signé « Les Soulèvements de la Terre - le 30 janvier 2024 » ; c’est pas lundiamiste, c’est SDLTique :-)

    • 😁 merci @colporteur 🙏

      je colle ici un ou deux bouts de l’appel du lundiisme soulevementier, y’a une synthèse paysano-intello avec des chiffres

      Dans le monde, le pourcentage du prix de vente qui revient aux agriculteurs est passé de 40 % en 1910 à 7 % en 1997, selon l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO). De 2001 à 2022, les distributeurs et les entreprises agroalimentaires de la filière lait ont vu leur marge brute s’envoler de respectivement 188% et 64%, alors même que celle des producteurs stagne quand elle n’est pas simplement négative.
      [...]
      C’est ce pillage de la valeur ajoutée organisé par les filières qui explique, aujourd’hui, que sans les subventions qui jouent un rôle pervers de béquilles du système (en plus de profiter essentiellement aux plus gros) 50% des exploitant·es auraient un résultat courant avant impôts négatif : en bovins lait, la marge hors subvention qui était de 396€/ha en moyenne entre 1993 et 1997 est devenue négative à la fin des années 2010 (-16€/ha en moyenne), tandis que le nombre de paysans pris en compte par le Réseau d’information comptable agricole dans cette filière passe sur cette période de 134 000 à 74 000.

  • Décrypter le mouvement des agriculteurs
    https://lundi.am/Decrypter-le-mouvement-des-agriculteurs

    [...] les dirigeants de la #FNSEA, c’est vraiment les 1% contre les 99%. Arnaud Rousseau, c’en est vraiment la caricature, c’est un grand patron de l’agro industrie, extrêmement riche, qui possède 700 ou 800 hectares, ce qui n’est vraiment pas le cas des 99% d’adhérents aux FDSEA. Il y a donc une déconnexion de plus en plus grande entre cette toute petite élite qui est très proche du gouvernement, qui prend les décisions main dans la main avec lui et les gens, syndiqués ou non, sur le terrain, qu’ils soient dans les modèles bio ou pas. Je peux prendre l’exemple de mes voisins, ils ont 100 hectares et pourtant ils galèrent. En Bretagne, par exemple, quand tu as 50 hectares, tu as deux choix : soit tu passes en bio, mais ça ça valait le coup il y a 5 ans, soit tu rachètes la ferme de ton voisin et tu prends 50 hectares et 50 vaches de plus pour faire plus de volume, travailler comme des malades nuit et jour et tenter de rester à flot. Et l’option du #bio devient aussi une impasse car on a de plus en plus de mal à vendre nos produits depuis la crise du Covid et on les vend à des tarifs très proches du celui du circuit conventionnel. Donc quelques soient les choix que les uns et les autres ont fait, quand ont fait partie des 99% on partage vraiment la même galère.

    Après il y a de vraies questions sur les produits que l’on utilise. Dans notre modèle économique de libre-échange, si on n’utilise plus de #pesticides, on se retrouve à ne plus être compétitifs. Et donc il y a ce faux choix : se suicider économiquement ou se suicider avec les produits qu’on utilise. Parce que concrètement, on sait qu’en utilisant des pesticides on a de très fortes chances de tomber malades. Cela se dit pas beaucoup dans les campagnes mais ça se sait ; quand on emprunte le circuit des pesticides, on sait qu’on a de grandes chances de mourir entre 55 et 65 ans.

    Mais c’est parce qu’on est coincés dans cette alternative que certains arrivent à défendre le glyphosate ou les méga-bassines. Nous ce qu’on dit c’est que la seule solution, c’est de sortir des accords de libre-échange et de l’injonction à la compétitivité mondiale.

    #confédération_paysanne #modèle_agricole #agriculture